Lausanne 36e année      «ne pas subir»      Juin-Juillet-Août  2006 No 356

 

 

35 ans

Dîner d’anniversaire :

samedi 2 septembre dès 11h30 à Pully

 

Entre les plats, les convives entendront de brefs exposés de

Max l’Impertinent, Daniel Bassin, Michel de Preux,

Claude et Mariette Paschoud

 

Les abonnés reçoivent le détail avec leur exemplaire du Pamphlet N° 356 sous enveloppe

Inscriptions  jusqu’au 15 juillet

 

 

 

Sommaire :

 

Editorial

L’éditorialiste analyse les résultats de la votation du 21 mai sur l’espace éducatif suisse.

 

Discrimination

Pollux démontre que la conception que se font les Français, et après eux les Suisses de l’entreprise s’est depuis peu profondément modifiée

 

En direct de Sirius

Max se penche sur le sort des Kémites, il plaint le général Harris, il se réjouit d’avoir rencontré des Français et du calme qui règne à Bagdad.

 

Réponse à Michel de Preux

Pris à partie dans l’avant-dernier numéro du Pamphlet au sujet de son dernier livre Manifeste libertin, Me Eric Delcroix répond.

 

Lettre ouverte à Mgr Joseph Roduit

abbé de Saint-Maurice

Michel de Preux démontre qu’en prenant position publiquement contre la révision des lois sur l’asile et sur les étrangers, Mgr Roduit s’aventure sur un terrain qu’il devrait laisser à d’autres

 

Bricoles

Où il est question d’€uro(s), de balle au pied et de musiques actuelles, de chasse à la baleine et de lapidation pour cause d’adultère

 

Tradition et sécurité

Reproduisant un remarquable article de Mme Marie-Madeleine Greub, paru dans Notre Armée de milice, Claude Paschoud invite les lecteurs à se prononcer sur la question suivante : l’armée suisse est-elle en train de perdre son âme ?

 

Lectures estivales

Mariette vous recommande des lectures roboratives pour cet été.

 

 

Editorial

 

         Prétendre que le résultat de la votation du 21 mai sur l’espace éducatif suisse n’a pas été pour nous une déception serait un mensonge. En revanche, nous n’avons pas été surpris, sinon par l’ampleur du désastre : 85,6% de votes positifs et acceptation par tous les cantons. On pourra toujours relativiser le résultat en faisant remarquer que le taux de participation a été extrêmement bas (27,2%) et que, en fait, la centralisation larvée de l’école n’a recueilli les suffrages que de quelque 23% des citoyens en âge de voter. C’est un petit jeu auquel on peut se livrer quant il s’agit de ramener à de justes proportions l’«éclatante victoire» d’un nouvel élu. Mais, dans le cas qui nous occupe, il n’y a aucune consolation à en tirer, bien au contraire : constater que 72, 8% des Suisses soit se moquent comme d’une guigne de l’avenir scolaire des enfants de leur canton, soit approuvent que les cantons ne soient plus libres d’organiser leur école comme ils l’entendent devrait nous arracher des torrents de larmes.

 

         Séchons nos pleurs et tâchons de comprendre le sens de cette votation. Pourquoi les Suisses qui votent sont-ils massivement favorables à l’harmonisation, donc à l’uniformisation des systèmes scolaires cantonaux ? Ce n’est pas parce que la qualité sera meilleure, bien que la propagande fédérale ait tenté de nous faire croire à ce bobard. Ce n’est pas non plus, ou alors très peu, pour des raisons de mobilité, même si la même propagande a constamment prétendu mensongèrement que les familles se déplaçaient de plus en plus : les gens voient bien et savent bien, même sans statistiques, que leurs amis et voisins sont plutôt sédentaires.

 

C’est à notre sens parce que nous vivons à l’ère du simplisme. Or, le système fédéraliste est compliqué. Donc il faut l’«aménager» en attendant de le supprimer purement et simplement. Ayons tous le même système scolaire, ce sera plus simple, croit-on. Et on ne voit pas où ce besoin de «faire simple» conduit, particulièrement dans un pays comportant des minorités. Pourquoi ne déciderait-on pas un jour que tout le monde doit parler la même langue, parce que c’est plus simple ? Doit pratiquer la même religion, parce que c’est plus simple ? Doit voter pour le même parti, parce que c’est plus simple ?

 

         Nous lisons dans 20 minutes1 du 17 mai, à propos de la lutte contre la fumée ce qui suit :

 

«LAUSANNE- Le projet d’interdiction de la fumée dans les établissements publics poursuit son chemin. Après une heure de débats, le Grand Conseil a accepté hier qu’une commission se penche sur le dossier. Des voix se sont élevées pour dire qu’il était inutile de créer 26 lois cantonales comme le texte en vigueur au Tessin. Une initiative contre la fumée passive doit être prochainement étudiée à Berne.»

 

Des parlementaires cantonaux, qui devraient se garder le maximum de compétences, ne serait-ce que pour conserver des raisons de siéger – le jour où tout viendra de Berne, ils pourront fermer boutique – se font les champions de la centralisation, parce que c’est plus simple ! Il n’y a donc pas lieu de s’étonner, pour en revenir à l’espace éducatif suisse, que toute l’officialité des cantons, suivie par les citoyens, ait approuvé le projet fédéral : c’est tellement plus simple ! Et si Pascal Couchepin réalisait son rêve de tenir dans ses mains tous les domaines de la formation, ce serait tellement plus simple ! Et si tout le monde faisait les mêmes études, ce serait tellement plus simple ! Et si tout le monde se couchait à la même heure, ce serait tellement plus simple ! Et si tout le monde s’habillait de la même façon, ce serait tellement plus simple ! Et si tout le monde gagnait le même salaire, ce serait tellement plus simple ! Et si tout était simple, ce serait tellement plus simple !

 

«Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?» disait, voici bien des années, un professeur de mathématiques à ses élèves qui cherchaient midi à quatorze heures. Certes, il ironisait. Mais nous serions tenté de reprendre à notre compte ce qui n’était alors qu’une boutade, car le simplisme érigé en idéologie conduit, comme toutes les idéologies, au totalitarisme, alors que la diversité, à condition de n’être pas érigée en idéologie, est gage d’un minimum de liberté

 

Bon été à tous et rendez-vous en septembre.

 

 

Le Pamphlet

 

1 Le Matin Bleu et 20 minutes sont tout aussi mauvais que 24 heures, mais ils ont le mérite d’être gratuits.

 

 

 

Discrimination

 

Quelques dépêches d’agence ont relaté le procès, dans une petite ville française, de la gérante d’un salon de coiffure inculpée de «discrimination à l'embauche en raison d'une appartenance ethnique ou raciale». Trois mille euros d'amende et «l'obligation de suivre un stage de citoyenneté» ont été requis contre cette dame, coupable d’avoir refusé d’embaucher une coiffeuse d’origine haïtienne en prétextant qu’elle n’avait besoin de personne. Le recours à une «candidate-piège» de race blanche, puis une enquête menée par l’inspection du travail et la gendarmerie ont montré que la patronne avait bel et bien eu l’intention d’engager une coiffeuse, mais qu’elle avait refusé la candidate noire à cause de la couleur de sa peau.

La lutte contre la discrimination ne doit pas avoir de limites. A l’avenir, pour être logique, il faudra aussi traquer les individus qui n’ont pas de personnes de couleur parmi leurs amis. Et ceux qui n’ont pas voulu épouser une personne de couleur. Et aussi ceux que l’on soupçonne d’avoir changé de trottoir, ou passé à une autre caisse du supermarché, pour éviter une personne de couleur. On pourra ensuite procéder de la même manière avec les handicapés, puis avec d’autres «minorités». Il y a là du travail pour des milliers d’inspecteurs de police et pour des centaines de juges.

L’affaire dont il est question ici met aussi et surtout en évidence la conception que notre société se fait des entreprises et des relations de travail. Autrefois, on estimait que le patron d’une entreprise privée était libre – pour autant qu’il respecte la liberté et la sécurité des autres – de produire ce qu’il voulait avec qui il voulait, et d’organiser son commerce selon ses goûts, ses idées, ses convictions, avec tout ce que cela suppose de subjectivité. On constate aujourd’hui que cette conception libérale n’a plus cours en France – et il est probable que les mentalités évoluent en Suisse dans la même direction. Les entreprises semblent désormais considérées comme des services complémentaires de l’Etat, chargés accessoirement de produire des biens et des services et principalement de procurer des emplois aux citoyens. Un patron qui a du travail à fournir doit accepter d’engager les candidats qui frappent à sa porte; il ne peut refuser quelqu’un sans un motif objectif et légalement valable. Il n’a plus le droit de choisir avec qui il veut travailler dans sa propre entreprise. A moins bien sûr qu’il n’accepte de payer les lourdes amendes que lui infligeront les tribunaux, lesquelles se transformeraient alors en une sorte de taxe permettant aux commerçants les plus aisés de continuer à choisir leurs collaborateurs.

Et c’est ainsi que l’on combat les inégalités et les discriminations.

 

Pollux

 

 

En direct de Sirius

 

 

Rions un peu (pendant que c’est encore possible)1

 

Mr President,

(Réf. : v/dde du 10 courant) le “Think tank” du Comité des services de renseignements est en mesure de vous soumettre deux versions condensées de la longue lettre que le président iranien Mahmoud Ahmadinejad vous a adressée le 8 courant via Bern (Swazil – sorry – Switzerland) :

A version : « Fuyez, tout est découvert ! »2

B version (pour les sourds et les malentendants) : «Arrête ton char, “Ben Hur”, ou nous révélons au monde entier tout ce que vous couvrez depuis si longtemps.»

 

Cercle vicieux

 

Max tient du Dr X, psychiatre pénitentiaire, que la corruption est une perversion. «Les pervers sont incurables», lui précise-t-elle. Incurables donc, les corrupteurs et leurs séquelles, les corrompus… et contagieux en sus !

 

A chaque âge ses plaisirs…

 

«Allons, mec !», lui avait-il intimé, «T’es plus à l’âge où l’on fait des héros !»

– C’est exact, mon gars, lui avait répondu le quinquagénaire confirmé, plus à l’âge des héros, mais à celui où l’on trouve encore pas mal d’enragés…  Et il avait fait monter une cartouche dans le canon de son arme d’ordonnance…

Question impertinente (encore une)

Le vocabulaire politique français, déjà passablement ethnique, s’est tout récemment enrichi du substantif «Kémite». Les «Kémites», selon eux-mêmes, tireraient leur nom de l’égyptien pharaonique «Kemet» dont l’hebdomadaire Minute3 nous apprend qu’il signifierait «Terre noire ou Terre des Noirs». Forte de cette ascendance autoproclamée, et revendiquant à son seul actif toute la grandeur de l’Egypte ancienne, il semblerait que Tribu Ka, un groupuscule de cette mouvance, n’ait pas craint d’aller se promener, avec une insistance un peu trop appuyée, dans Paris, sur les territoires contrôlés par le Bétar et l’Organisation Juive de Défense (OJD) – sortes de troupes de choc de l’extrême-droite sioniste –, entraînant, par réflexe pavlovien du ministre de l’intérieur, M. Sarkozy, la radiation du Net du site Tribu Ka. En foi de quoi on peut se demander si S.O.S. Racisme ne va pas y voir une nouvelle manifestation d’antikémitisme…

 

Des suicidés qu’il faudrait pendre ?

 

Camp de concentration de détenus arbitraires de Guantanamo : trois de ses prisonniers s’étant suicidés, l’amiral états-unien Harris, Gentil Organisateur en chef du village de barbelés, s’indigne de ce qu’il qualifie, animé d’une belle logique «bushienne», d’«acte de guerre» de la part des Méchants Membres de l’Axe du Mal. On en viendrait presque à déplorer que ce parfait gentleman n’ait pas cru bon de déférer les cadavres en justice… doublement coupables, après tout, de manquement aux principes de l’islam et de délit de fuite. Il est peut-être permis de relever ici que, soixante ans plus tôt, si le moindre gradé allemand avait argué, pour sa défense, d’une telle logique, le «nazi» aurait été immédiatement promis à l’échafaud dans la vertueuse indignation des défenseurs du Bien…

 

On a retrouvé quelques Français !

 

Dans la parution précédente du Pamphlet, Max avait fait part à ses lecteurs de l’inquiétude du patron de  la Vela d’Oro, ce petit mais excellent restaurant italien, quant à la disparition de sa clientèle française. En cette veille des vacances, Max ne peut s’empêcher de narrer un événement tout à fait sympathique, une sorte de Miracle à San Remo qui aurait pu plaire à Vittorio de Sica :

Ils étaient dix, en deux tables distinctes ; cinq couples de ces Français de souche, si rares. Comme on en rêve chez eux, chez nous, chez les autres : élégants de cette vraie élégance qui fuit l’ostentation, modérés dans leur ton, attachés à la discrétion, heureux du gîte comme du couvert. Comme tous, ils se régalaient. En fin de service, la patronne quitta ses fourneaux pour venir s’enquérir, comme à l’accoutumée, du bien-être de ses clients. De table en table, entre gens de bonne composition, on en vint aux confidences : ils n’étaient pas des habitués ; les uns étaient venus « au nez », les autres sur le conseil d’un sergent de ville. De fil en aiguille, il s’était établi une sorte de connivence générale sur la qualité indiscutable de la table et de l’accueil… Et à la surprise de tous, les Français se mirent à applaudir la « chef », aussitôt rejoints par l’ensemble du restaurant.

Alors, merci à ces dix inconnus, heureux, généreux de cœur, amicaux à en frôler la désuétude et que l’on pressentait solides, de nous avoir fait, un court instant, oublier les autres ; ces malheureux vêtus de complets de vaincus déjà trop grands pour eux, décrochés au prêt-à-porter d’une succession de gouvernements ineptes, gavés au fourrage de la « malbouffe », chloroformés de belles promesses et abrutis de contributions solidaires ; petits vieux de tous âges, brisés, honteux et confus d’être descendus si vite d’un grand peuple, qui préfèrent le ruisseau au trottoir plutôt que de croiser le regard de leurs conquérants et s’excusent d’oser leur demander pardon.

 

Irak, nouvel acte de gangstérisme…

 

21 juin 2006 : pas plutôt la peine de mort requise à l’endroit du président irakien par le gang des Forces du Bien qu’un troisième avocat de Monsieur Saddam Hussein est retrouvé assassiné… Mais à part ça, l’ordre démocratique règne dans Bagdad libérée de la tyrannie.

 

Max l’Impertinent

 

1. Ces lignes ont été composées le 9.5.2006… Nous suggérons aux lecteurs qui souhaiteraient les comparer au contenu réel du message de se rendre à l’adresse Internet http://fr.altermedia.info/general/9113_9113.html où il a été publié depuis.

2. Note hist. : Durant l’entre-deux-guerres, un canular des camelots du Roi avait déclenché un assez réjouissant début de panique à l’Assemblée en adressant ce message anonyme à quelques parlementaires choisis. Note bibl. : Amis «canulards», ne laissez pas passer Mines de Rien – ou les grandes mystifications du demi-siècle  de P.A. Cousteau, éditions Déterna, coll. «en ce temps là», ISBN : 2-913044-56-5 !

3. N° 2260, du 7.6.2006, p. 10.

 

 

 

 

Réponse à Michel de Preux

 

J’ai lu avec intérêt l’article de Michel de Preux De la nécessité sociale des dogmes religieux  (Le Pamphlet d’avril). Je me dois de relever une grave inexactitude dans la description de ma pensée. En effet, Monsieur de Preux écrit, en référençant la page 84 de mon Manifeste libertin, qu’en matière de droit répressif, je considérerais qu’il n’existe que «le seul critère subjectif». Il poursuit en énonçant que «se maintenir dans cette logique de l’affrontement des subjectivités n’est pas autre chose que transformer  les sociétés en coupe-gorge. C’est la loi de la jungle».

 

Or tel n’est pas mon propos. J’ai écrit que la répression de la liberté de pensée et d’expression ne pouvait être entravée que sur des critères subjectifs que je réfute précisément comme tels. Mes mots sont : «Aucune répression des idées et des sentiments, c’est-à-dire aucune inquisition des consciences, ne peut être justifiée, surtout par le biais du droit hissé au statut de métaphysique. Au-delà des lieux communs suaves sur la paix, l’harmonie universelle et le prétendu droit naturel, le seul critère utilisable est subjectif». C’est tout autre chose. Je pense que le droit, lui, doit tout au contraire rechercher des appuis objectifs autant que faire se peut. De même, le droit ne doit réprimer que des actes tangibles et non pas des idées ou sentiments. Il doit rechercher ces appuis dans la science du comportement, les traditions spécifiques et les besoins de sauvegarde civique. C’est pourquoi, tout à l’inverse du discours qui m’est prêté, j’estime que le droit ne doit pas intervenir dans ce domaine de la liberté de pensée. C’est un lieu où il ne peut que se subvertir en se noyant dans les abîmes de la subjectivité.

 

Je comprends très bien la gêne de Monsieur de Preux qui prétend justifier «de la nécessité sociale des dogmes religieux». Car c’est au nom de ces dogmes qu’a sévi l’Inquisition ; mais c’est au nom des nouveaux dogmes de la religion de la Shoah que reviennent la répression de la conscience et les persécutions. Effectivement, comme le rappelle Michel de Preux, j’«accuse les sectaires des Droits de l’homme de véhiculer une dogmatique chrétienne sécularisée». Derrière tout cela se profilait, notamment au temps de l’Inquisition, et se profile de nouveau le mythe de la Vérité et du mal ontologique. C’est cela qui «transforme les sociétés en coupe-gorge», pour paraphraser votre collaborateur. Au nom du Bien qui permet de désigner le dissident comme le véhicule de la «haine» et une entrave au Salut…

 

 

Eric Delcroix

 

 

 

Lettre ouverte à Mgr Joseph Roduit

abbé de Saint-Maurice

 

Monseigneur,

 

         Depuis Vatican II, l’Eglise à laquelle vous appartenez dit reconnaître une pleine et entière autonomie de l’Etat dans son domaine propre de compétence et va même jusqu’à reconnaître, par la liberté de conscience et des cultes, une séparation non pas seulement entre la religion et les Etats mais aussi entre la connaissance de la loi morale et l’autorité publique de quelque religion que ce soit.

 

         Ces reconnaissances ont un coût que vous-même et votre collègue de Sion se doivent d’assumer. Le domaine des valeurs humanitaires relève ainsi, de l’aveu de votre propre Eglise, des libres déterminations de la conscience.

 

         Non seulement la politique d’asile en fait incontestablement partie, mais c’est un point fermement acquis de la conscience morale universelle que les discriminations entre nationaux et non nationaux ainsi que les discriminations entre non nationaux sont moralement licites. C’est également un point acquis de cette même conscience morale universelle que le droit d’asile ne puisse faire l’objet de contraintes légales, quelles que puissent être par ailleurs les détresses auxquelles les requérants doivent faire face dans leur pays d’origine. On n’imagine même pas, en cas de catastrophe naturelle, des prélèvements obligatoires  sur les biens ou la fortune des non lésés par ces catastrophes.

 

         Le principe du droit d’asile obéit très exactement à la même norme morale générale et universelle encore une fois. Sans la liberté du bien, de la charité en particulier, la notion même de morale est gravement viciée, et s’il n’y a pas, dans les catastrophes naturelles, devoir de solidarité mais uniquement des aides librement consenties, indépendamment des fonds constitués à cet effet de manière préventive mais tout aussi librement, il ne saurait non plus, sur le plan collectif et politique, et notamment en matière de droit d’asile, exister un devoir légal de solidarité des Etats, comme le déclare à tort la conseillère fédérale socialiste Micheline Calmy-Rey.

 

         L’initiative1 que vous avez prise à la suite de Pascal Couchepin et de Jean Zermatten relève d’une pensée dictatoriale foncièrement immorale et même antichrétienne. La qualité sacerdotale qui est la vôtre est en l’occurrence utilisée de manière incontestablement abusive dans le dessein  de contraindre les consciences en les impressionnant par un faux devoir moral. Votre intervention est dépourvue de titre religieux ou moral et n’est en fait explicable que dans le cadre d’une politique totalement séparée de tous repères moraux et par le prestige d’une idéologie qui masque cette absence de repères et y substitue abusivement de faux critères moraux, le socialisme.

 

         C’est bien dans le cadre de la sécularisation d’un christianisme que votre intervention dans ce débat trouve son véritable sens : «Votre socialisme est une vertu forcée et une fraternité obligatoire. C’est par là qu’il est répugnant, tant du point de vue esthétique que moral. Votre socialisme révolutionnaire ne reconnaît pas cette vérité chrétienne fondamentale : la fraternité entre les hommes ne peut être que le fruit du libre amour, que l’épanouissement spirituel de la communion humaine. Vous, vous voudriez contraindre les gens à être frères. Vous avez emprunté, vous avez volé au christianisme l’idée de la fraternité, et vous en usez sans scrupules. Vous n’y avez aucun droit. La fraternité des hommes n’est possible que dans et par le Christ. Elle ne peut être un état naturel des hommes et des sociétés. Dans l’ordre naturel, l’homme pour l’homme est non pas un frère, mais un loup, et les hommes se livrent une lutte acharnée. C’est le darwinisme qui y règne. Votre socialisme en est issu, qui veut imposer la fraternité sur terre par cet implacable combat. Ce combat est vicié et malade. Sur le mal et par le mal, il veut assurer son bien (celui du socialisme). Ce n’est point par le Christ ni par l’amour de grâce que vous voulez instaurer la fraternité humaine, mais par la haine et la guerre d’une classe contre l’autre.»2, actuellement de peuples entre eux.

 

         Votre intervention est témoignage de haine sociale singeant l’amour du Christ, le contrefaisant. L’anti-Eglise est à l’œuvre dans ce geste, qui bafoue et méprise la liberté humaine, fondement de tout ordre moral véritable.

 

Michel de Preux

 

 

1 Mgr Roduit a pris position publiquement, au nom de sa conception du christianisme, contre la révision des lois sur l’asile et les étrangers. (n.d.l.r.)

2 Nicolas Berdiaef : De l’inégalité, Neuvième lettre : du socialisme, éd. de l’Age d’Homme, Lausanne 1976, page 156, trad. française de Constantin & Anne Andronikof.

 

 

 

Bricoles

 

Euro(s)

 

Notre ami Max nous faisait remarquer, dans notre dernier numéro, que le mot euro est invariable. Max a incontestablement raison : une vérification m’a permis de constater que l’italien ne transforme pas, au pluriel, le mot euro  en euri, que l’allemand ne l’accorde pas non plus, alors que, dans cette langue, le mot typiquement teuton de Tango devient Tangos au pluriel.

 

Le mérite de Max est d’autant plus grand que notre ami est seul contre tous. L’anglais et l’espagnol écrivent euros au pluriel. Tous les journaux français que je lis, à savoir Rivarol, Le Cri de la Chouette et Les  4 Vérités Hebdo, écrivent euros au pluriel. Tous les rédacteurs du Pamphlet, sauf Max, évidemment, écrivent euros au pluriel. Même le petit Robert écrit «Un billet de dix euros».

 

Grande est ma perplexité : dois-je accompagner Max dans son combat ? Dois-je lui imposer, par souci d’uniformité une orthographe erronée ?

 

         Voici ce que je vais faire : laisser aux rédacteurs du Pamphlet le soin de choisir entre l’usage et la correction. (mp)

 

Eurogaspillage

 

Depuis le temps qu’on nous en rebat les oreilles, nul ne saurait l’ignorer : la coupe d’Europe de football, rebaptisée Eurofoot, aura lieu, en 2008, dans notre cher pays. Comme je ne m’intéresse pas à la question, j’ignore qui a décidé que les villes de Zurich, Genève, Berne et Bâle accueilleront cet événement majeur. Ce que je sais, en revanche, c’est que la Confédération va dépenser dans cette affaire 82,5 millions de francs dont une partie, certes minime, sera prise dans ma poche, sans que rien ne garantisse – en fait, je suis sûre du contraire – que je profiterai ne serait-ce qu’un tout petit peu des «retombées bénéfiques» qu’on nous promet toujours dans ce genre d’aventure et qui, généralement, brillent par leur absence.

 

Je ne vois aucun inconvénient à ce que les amateurs de football bénéficient de matches à grand spectacle dans des stades coûteux qu’il convient de protéger des cinglés et des vandales au moyen d’un service d’ordre considérable donc très onéreux. Mais je vois un inconvénient majeur à ce que l’opération soit financée par la collectivité. Les milieux sportifs, les fanatiques, les télévisions, les mécènes, bref, tous ceux qui estiment avoir un intérêt à brailler et faire brailler dans les bistrots pendant quelques semaines n’ont qu’à se cotiser pour financer leur dada. (mp)

 

Incompétence

 

         Vous vous rappelez peut-être que la ville de Lausanne avait racheté, après l’Expo.02, le Théâtre des Roseaux pour le transformer en salle de concerts destinée à la «musique actuelle». Rebaptisé Les Docks, l’établissement devait coûter 2,6 millions de francs à une commune pas vraiment prospère. Malheureusement, il va falloir débourser 930 000 francs de plus.

 

Selon Le Matin Bleu du 23 juin, «[La Ville] justifie ce montant en indiquant notamment que le crédit initial n’était qu’un "avant-projet"  impliquant une marge d’erreur de 20% et cite parmi les éléments de ce surcoût, outre le retard des travaux, "la création d’une sortie de secours"» !

 

         Si, au lieu de bricoler un vague avant-projet, on avait planché sur un projet, il est probable qu’on aurait prévu d’entrée de cause l’indispensable sortie de secours, que les travaux n’auraient pas pris autant de retard et que le dépassement de crédit ne se monterait pas à 36 %. D’ailleurs, en ces temps de disette, est-il bien raisonnable de financer une salle de musiques actuelles ?

 

         Je me moque du foot et je dois payer pour le foot. Je n’aime pas les musiques actuelles et je dois payer pour les musiques actuelles. La vie est mal faite. (mp)

 

Chasse à la baleine

 

         Mi-juin, la Suisse participait à la 58e session annuelle de la Commission baleinière internationale où elle était représentée par Bruno Mainini, chef de la protection des animaux de l’Office vétérinaire fédéral, qui se pose en défenseur des baleines et veut obtenir, selon un communiqué ats du 16 juin, «moins de chasse grâce à plus de contrôle». Les baleines du Léman et du Bodan ont donc encore de beaux jours devant elles. (mp)

 

Indifférence

 

         Un tribunal islamique des Emirats Arabes Unis a condamné un homme adultère à la lapidation (Le Matin Bleu du 12 juin). Personne n’a réagi ! (mp)

 

 

 

 

 

Tradition et sécurité

 

Les traditions sont des doctrines, des coutumes et aussi des pratiques transmises de générations en générations pour resserrer des communautés. Les religions, les nations et les armées aussi en sont friandes. L'armée suisse avait également son flot de traditions.

 

Armée 95 mais surtout AXXI ont constitué une remise en question pour ne pas dire une rupture brutale avec nos traditions militaires issues du plus profond de notre Histoire ou du moins depuis la Constitution de 1848.

 

Ces traditions se basaient sur l'esprit de l'armée de milice avec ses troupes cantonales et fédérales, ses principes d'instruction selon lesquels les chefs de milice étaient à la fois instruits par leurs supérieurs souvent également de milice, mais aussi responsables de l'instruction des formations qu'ils commandaient.

 

Une autre tradition voulait que tout citoyen devait presque impérieusement effectuer son service militaire pour être considéré dans la société et même aspirer à une bonne place de travail. Enfin, il était admis que tout militaire quel que soit son grade, avait à effectuer toute la filière de l'instruction selon l'idée que le «métier s'apprend sur le terrain» en suivant la logique recrue - école de sof - paiement de galon - école d'officier – paiement de galon, etc., et cela au minimum jusqu'au niveau de commandant de bataillon.

 

Ce système était le garant de disposer de cadres maîtrisant parfaitement les Armes qu'ils avaient à engager. Un rythme régulier, indiscutable de «cours de répétition» et de manoeuvres à plus ou moins grande échelle permettaient de maintenir un niveau élevé d'instruction.

 

Aujourd'hui, toutes ces notions sont balayées et même la mission la plus noble de notre armée qui était de se montrer au mieux dissuasive en étant apte à la guerre, et par là à défendre le pays si nécessaire, n'est plus placée avant toutes les autres missions de conciergerie et d'intendance qui visent à «produire de la sécurité» ici et là pour faire l'économie de l'engagement de policiers.

 

Les missions à l'étranger constituent égaIement une préoccupation majeure au détriment de la défense du pays en son sens le plus noble. Cela a pour conséquence une perte de connaissances militaires spécifiques à la Suisse comme la connaissance du terrain, la capacité d'effectuer des tirs combinés de haut niveau ou encore de vivre en symbiose avec la population.

 

Aussi, l'Armée s'éloigne de plus en plus du pays et de la population qu'elle doit défendre, et les militaires ne se sentent plus véritablement intégrés dans des formations bien structurées et bien commandées.

 

L'opinion publique a le sentiment que l'armée se cherche maladivement des missions pour justifier son existence. Les cadres professionnels semblent parfois démotivés et en plus, les milieux politiques qui étaient par tradition les soutiens de notre armée se désintéressent aujourd'hui de ses besoins.

 

En d'autres termes, l'armée est devenue ce qu'elle n'aurait jamais dû être: «un mal nécessaire» et encore pour combien de temps?

 

Certes, nous ne sommes pas naïfs pour ne pas savoir que les données géostratégiques ont changé depuis la chute du mur de Berlin. Certes, le monde et l'Europe subissent des bouleversements qu'il n'était pas possible d'imaginer il y a vingt ans encore. Certes, les données sécuritaires ne sont plus les mêmes qu'à l'époque de la guerre froide mais est-ce suffisant pour ranger au placard ce qui faisait la spécificité du système militaire suisse?

 

Faut-il vraiment se fondre au moule des autres pays en matière de défense et mettre les traditions les plus solides de notre armée au placard? Beaucoup, et surtout les anciens, ne s'y retrouvent plus vraiment. Les traditions ne sont-elles que la somme des valeurs vieillies ou le progrès est-il une tradition qui se prolonge?

 

Est-il important de cultiver nos traditions militaires comme un bien précieux appartenant au génie même de notre pays? Ces questions, nous nous les posons. Peut-être est-il (encore?) temps d'y réfléchir avant qu'il ne soit trop tard, car après avoir perdu plus de deux tiers de ses effectifs, il serait dramatique que l'armée suisse perde encore son âme !

 

Marie-Madeleine GREUB

Notre Armée de Milice N° 4 (avril-mai 2006)

 

L’article ci-dessus a paru dans l’excellent mensuel d’informations militaires Notre Armée de Milice (case postale 798, 1401 Yverdon-les-Bains) dont le rédacteur en chef est notre camarade l’adjudant sous-officier Jean-Hugues Schulé qui a bien voulu nous en autoriser la reproduction. Cet article nous a plongé dans un mélange de ravissement et de perplexité.

 

Car le mensuel précité avait, si nos souvenirs sont bons, milité à l’époque pour l’introduction d’Armée XXI, le majeur collé au passepoil du pantalon militaire, dans une impeccable attitude de confiance aveugle envers les promesses du Conseil fédéral.

 

La Société des officiers avait suivi la même route, ce qui m’avait incité à quitter ses rangs, après plus de 30 ans de sociétariat, dont plusieurs comme membre du comité.

 

Le mensuel NAM aurait-il perdu la foi ? On sentait déjà l’ombre d’une inquiétude dans le numéro 5-6 de l’an passé (juin-juillet 2005) où le rédacteur ne craignait pas, en guise d’éditorial, de reproduire les propos désabusés de M. Pierre-Gabriel Bieri, parus dans Patron n° 6 :

 

«Au moment du vote sur Armée XXI, alors que le Conseil fédéral affirmait qu’il s’agissait d’un projet abouti et mûrement étudié, ses détracteurs rétorquaient que cette réforme n’était qu’une étape intermédiaire vers une réduction plus drastique, déjà prévue, de la capacité de défense militaire de la Suisse.

 

La majorité des votants a choisi de faire confiance au Conseil fédéral.

 

Mais il y a quelques semaines, le département de M. Samuel Schmid a annoncé une nouvelle “optimisation” consistant, si l’on en croit les termes du communiqué officiel, à réduire encore les moyens affectés aux missions de défense classiques et à les réaffecter à des tâches en faveur des autorités civiles….»

 

Si le soldat suisse de tout grade n’a plus d’autre alternative, pour ses cours de répétition, que d’aller faire le polichinelle dans des opérations lointaines de maintien de la paix ou de servir de planton aux portes des ambassades à la Thunstrasse ou à la Kirchenfeldstrasse au lieu de s’occuper de son métier et de sa famille, c’est que l’armée est bien malade.

 

Lorsque l’on croit n’avoir plus rien à défendre, il est inévitable que les maigres effectifs qu’on a conservés soient affectés, tant bien que mal, à des tâches susceptibles d’occuper la troupe sans choquer personne.

 

Mme Greub pose une question pertinente : lArmée suisse est-elle en train de perdre son âme ?

 

Il semble que les sociétés d’officiers, les amicales de sous-officiers, les lecteurs fidèles de Notre Armée de Milice ou ceux du Pamphlet pourraient être invités à faire connaître leurs sentiments.

 

Nos colonnes leur sont ouvertes !

 

 

 

Claude Paschoud

 

 

 

 

 

Lectures estivales

 

Soucieuse de vous aider à passer un bon été, je vous propose quelques livres qui devraient, selon le cas, vous instruire, vous distraire et vous faire rire.

 

Les amateurs de philosophie et de sociologie liront avec profit le dernier ouvrage d’Eric Werner, La Maison de servitude1, qui nous propose une conception hétérodoxe du christianisme, conception qui, aux dires des gardiens sourcilleux de la tradition, lui aurait valu, voici quelques siècles, un beau bûcher.

 

Ceux qui aiment les cascades de mots, trouveront leur bonheur dans les cinq nouvelles publiées par Pierre-Yves Lador sous le titre de Nénuphars2.

 

Si vous aimez l’humour grinçant et les histoires farfelues, vous savourerez les dix-huit nouvelles regroupées sous le titre de Banzai !3 par Chris Koufrine.

 

Enfin, ceux qui, après avoir étudié péniblement les spéculations des philosophes de toutes les époques, se sont empressés de les oublier pourront rafraîchir leur mémoire en riant aux éclats à la lecture de l’Histoire universelle de la pensée de Cro-Magnon à Steevy4 de Basile de Koch.

 

Bonne lecture.

 

Mariette Paschoud

 

1 Editions Xenia, cp 395, 1800 Vevey, 2006

2 Editions L’Age d’Homme, Lausanne, 2006

3 Publi-Libris SA, 2006

4 Editions de la Table Ronde, Paris, 2005.