Lausanne 36e année      «ne pas subir»      Avril  2006 No 354

 

 

Sommaire :

 

Editorial

L’éditorialiste analyse sans complaisance la prose de deux spécimens de la Suissitude unificatrice et triomphante.

 

Bricoles

Où il est question de la prairie du Grütli, d’un cambrioleur vorace, de la fumée au Tessin, d’un génie très méconnu dans le canton de Vaud, de prétendu vin, de bruit, d’un volatile migrateur, du niveau de 24 Heures et de l’événement du mois.

 

En direct de Sirius

Max rappelle quelques principes éprouvés de la propagande de guerre et s’avise qu’ils sont toujours utilisés avec le même succès. Il s’interroge sur les sujets de plus en plus restreints autorisés aux humoristes et se penche sur le cas d’un certain Bernard-Henry Lévy.

 

De la nécessité sociale des dogmes religieux

Michel de Preux a lu le «Manifeste libertin» (essai révolutionnaire contre l’ordre moral antiraciste) de Me Eric Delcroix. Il en recense les mérites et les faiblesses.

 

NON à l’école fédérale

Sans illusion sur l’issue du scrutin, Claude Paschoud expose pourquoi il refusera d’un NON majuscule l’école fédérale qu’on nous propose le 21 mai prochain.

 

Allocations familiales : signez le referendum !

Il est encore temps de signer et de faire circuler le referendum contre l’intervention fédérale dans le régime des allocations fédérales.

 

Billet de France

Franck Peyrot signe un «billet» empreint de consternation sur l’état de la France

 

 

 

Editorial

 

 

         Il est beaucoup question de fédéralisme en ce moment du fait de la votation sur l’«espace suisse de formation» et du lancement du referendum sur les allocations familiales. On assiste à un affrontement entre les tenants de la souveraineté des cantons et les partisans d’un «Etat suisse». Comme les seconds n’ont qu’une très vague idée des fondements historiques du fédéralisme suisse et de l’éclatement inéluctable qui résulterait à terme d’un Etat suisse entièrement gouverné de Berne, ils nous sortent des arguments spécieux et même parfois incompréhensibles. C’est ainsi que Madame Géraldine Savary, conseillère nationale socialiste, invitée de 24 heures du 10 avril et s’exprimant sur les bienfaits de l’harmonisation de la formation écrit : «A ce titre, le fédéralisme doit être un horizon, pas une frontière. Ou alors il est mortifère.» Si vous y comprenez quelque chose, bravo ! Nous avons toujours cru et croyons encore que le fédéralisme était et reste un système politique. Certains de nos compatriotes le trouvent ringard. Libre à eux. Mais il ne faut pas se payer de mots et nous pensons que Madame Savary devrait quitter la politique pour se recycler dans la poésie.

 

         Dans 24 heures des 8 et 9 avril, un autre rêveur nous livre sa pensée, dans le courrier des lecteurs cette fois. Un monsieur Jacques Schaerrer conclut sa lettre par cette exhortation emphatique : «Osons la Suisse, un seul Etat, une seule patrie.» En d’autres termes, le fédéralisme est un système de poules mouillées. Merci pour les fédéralistes. L’avantage de la lettre de Monsieur Schaerrer est qu’elle contient un grand nombre de sottises qu’il est assez aisé de réfuter.

 

         Tout d’abord, notre centralisateur appelle de ses vœux «un Etat unique, moderne et efficace». Il nous explique ensuite que «Si la structure actuelle avait sa justification à l’époque des diligences, elle n’a plus de raison d’être pour gérer une population qui ne dépasse guère celle d’une grande métropole.» Puis il pose la question suivante :«Imagine-t-on la ville de Paris où chaque arrondissement aurait son système scolaire, sa politique de santé, son appareil judiciaire, sa fiscalité ?» Ensuite, il déclare doctement que «Le système fédéraliste est valable pour des grands pays tels que l’Allemagne ou les Etats-Unis où un seul de leurs Etats est plus peuplé que la Suisse entière (…)». Enfin, après nous avoir resservi l’argument des déménagements qui posent tellement de problèmes, il déplore : «En outre, chaque fois que l’on veut introduire une amélioration ou réaliser un projet d’envergure, on se heurte à l’autonomie des cantons.»

 

         C’est une tendance très répandue chez les progressistes que d’opposer la modernité au Moyen-Age ou, comme ici, à l’époque des diligences. Il est impossible de leur faire comprendre que, au temps des diligences, en tout cas au XIXe siècle, les circonstances n’étaient pas si différentes de celles d’aujourd’hui qu’on veut bien le dire, que les différences de langues, de religions et de mentalités cantonales, sources de tensions ou au contraire de rapprochements existaient déjà. Puisqu’ils ne veulent rien savoir, n’insistons pas.

 

Insistons, en revanche sur le fait que Monsieur Schaerrer s’emmêle considérablement et objectivement les pinceaux quand il déclare, d’une part, que le fédéralisme avait sa raison d’être au temps des diligences et, d’autre part, qu’il ne convient qu’à de grands Etats très peuplés comme les USA et l’Allemagne, car, au temps des diligences, la Suisse était nettement moins peuplée qu’aujourd’hui. Comme quoi, à vouloir trop bien dire, on finit par se contredire.

 

         Contrairement à Jacques Schaerrer, nous imaginons très bien Paris «fédéralisé». Pour tout dire, nous pensons que la capitale française sera obligée de recourir au système fédéraliste le jour où certains arrondissements seront majoritairement habités par des immigrés d’origines et de religions diverse. Les allogènes ayant tendance à se regrouper, il y aura peut-être un jour un arrondissement majoritairement chinois, un arrondissement majoritairement africain et ainsi de suite. Il faudra alors recourir à une solution qui permette à chaque communauté d’avoir son propre système scolaire, sa politique de santé, son appareil judiciaire, et sa fiscalité. Ce sera le fédéralisme ou le chaos.

 

         Monsieur Schaerrer ne nous indique pas les innombrables améliorations et projets d’envergure qui se heurtent à l’autonomie des cantons. Comme pour le reste, et comme Madame Savary, il nous livre un acte de foi.

 

         La Suisse Romande et le Tessin ne peuvent pas se permettre un Etat unitaire. Tant que les cantons gardent leur souveraineté, déjà bien entamée d’ailleurs, ils peuvent négocier avec d’autres et faire entendre leur voix. Le jour où la Suisse sera entièrement centralisée, les minorités latines seront gouvernées par la majorité suisse allemande, car, qu’on le veuille ou non, le «mur des röstis» existe.

 

          Et il n’est pas certain qu’il sera plus agréable aux progressistes romands de voir leurs grands projets se heurter au refus des Suisses alémaniques plutôt qu’à l’autonomie des cantons.

 

Le Pamphlet

 

 

Bricoles

 

Premier août

 

Pour accéder cette année à la prairie du Grütli, il faudra demander à l’avance un billet d’entrée nominatif à la Société suisse d’utilité publique et le présenter à l’entrée avec une pièce d’identité.

 

Cette mesure est destinée à écarter le risque de chahut par de jeunes perturbateurs, qualifiés pour effrayer le bourgeois de «néo-nazis».

 

L’orateur sera M. Markus Rauh, président du conseil d’administration de Swisscom, car le président de la Confédération s’est lamentablement dégonflé

 

Il sera intéressant de savoir sur quel(s) critère(s) l’organisateur se permettra de refuser l’entrée à tel ou tel requérant, et comment il justifiera son refus.

 

C’est le 24 mars 1859 qu’a été lancée une souscription pour l’achat de la prairie historique, qui a été financée par des patriotes et offerte à la Confédération. On n’a pas écarté des souscripteurs en raison de leurs opinions hétérodoxes. Tous les dons ont été acceptés.

 

Et s’il avait fallu empêcher, au XIIIe siècle, les «extrémistes» d’accéder au Grütli, il est très clair que ni Werner Stauffacher, ni Walter Fürst ni Arnold de Melchtal n’auraient reçu leur billet, non plus que l’agitateur Guillaume Tell.

 

Les débats d’idées sont toujours plus sereins si on empêche tout débat, et qu’on n’a point d’idées. (cp)

 

Voracité

 

         Début avril, un cambrioleur britannique a pu être arrêté grâce à son ADN retrouvé sur le sandwich qu’il avait laissé derrière lui en fuyant le lieu où il exerçait ce soir- là son activité «professionnelle».

 

Selon un porte-parole de la police, «ce cas illustre l’impact que peuvent avoir les avancées technologiques sur le travail de la police» (ats, 7.4.2006)

 

         Il nous semble à nous que ce cas illustre surtout la nécessité de ne pas manger pendant les heures de travail. (mp)

 

Fumée

 

l’interdiction  de fumer dans les établissements publics est entrée en vigueur au Tessin le 12 avril et lesdits établissements ont jusqu’au 12 avril 2007 pour se conformer aux nouvelles dispositions. Mais le gouvernement  tessinois a décidé de violer l’interdiction, pourtant acceptée par 80% des votants du canton, par le biais du règlement d’application de la loi et d’autoriser l’aménagement d’espaces séparés et suffisamment aérés pour les fumeurs. Vive la démocratie !

Ces lieux de perdition pulmonaire ne devront pas occuper plus du tiers de la surface  de l’établissement, ils devront être entourés de parois sur tous les côtés et munis de portes à fermeture automatique. Dame ! il ne faudrait pas que quelque fumeur oublieux pollue les espaces «normaux» en laissant ouverte la porte conduisant à l’espace «suffisamment aéré» !

 

En séjour à Lugano fin mars, j’ai constaté que les fumeurs sont priés de s’abstenir de fumer dans les parcs publics, espaces aérés s’il en est. Drôle de logique ! (mp)

 

Idée de génie

 

         Le conseiller d’Etat écologiste François Marthaler vient de lancer l’idée du siècle : pour inciter les automobilistes à utiliser les transports publics durant les jours de pics de pollution, il voudrait que soit autorisée l’utilisation des permis de circulation comme titres de transport dans les bus, les métros et les trains. On se demande bien pourquoi seuls les automobilistes devraient bénéficier de ce privilège et pas les motards ni les cyclomotoristes qui polluent eux aussi – comme pas mal de bus, d’ailleurs. On fera remarquer, en outre, que les citoyens non motorisés qui utilisent les transports publics toute l’année et qui paient avec ou sans pics de pollution risquent de la trouver saumâtre. (mp)

 

Faux vin

 

On apprenait tardivement le 21 avril que la Migros genevoise avait retiré de la vente en février un vin sans alcool lancé en décembre 2005 : en dépit de la publicité, l’opération avait été un échec total. Nous sommes heureux de constater que les habitants du bout du lac sont gens de goût et préfèrent un vrai vin à une médiocre copie pour militants antialcooliques. Quant aux béotiens de la Migros, on devrait leur apprendre que le vin sans alcool n’existe pas, qu’un prétendu vin sans alcool ne peut être que jus de raisin plus ou moins maltraité. A quand le chocolat sans cacao, le yogourt sans lait et la chantilly sans crème ? (mp)

 

Bruit

 

         Le 25 avril était journée internationale de sensibilisation au bruit. Le pétarades n’ont pas diminué pour autant, ce qui prouve une fois de plus l’inutilité de ces journées de tout et de n’importe quoi. A cette occasion, le canton de Vaud a mis à disposition de ses habitants, sur Internet, le cadastre du bruit des routes les plus fréquentées. Nous pouvons dès maintenant évaluer le respect des normes légales et demander au propriétaire de la route concernée de l’assainir. Vu le zèle que met la police – lausannoise en particulier – à réprimer les abus de décibels, il y a fort à parier que la réponse aux demandes d’assainissement sera : «On vous a dit que vous pouviez demander, pas que vous pouviez obtenir.» (mp)

 

Retour de manivelle

 

         Lorsque, à l’occasion du lamentable spectacle que nous a offert voici quelque temps le provisoirement obwaldien Josef Zisyadis, le député Philippe Leuba a lancé l’idée que tout candidat au Conseil d’Etat devrait avoir séjourné dans le canton au moins deux ans, nous avons cru à une bonne plaisanterie condamnée à un enterrement de première classe. Erreur ! Cette affaire sera discutée par le Grand Conseil en mai. Les exploits du petit père Josef ayant indisposé pas mal de monde, il n’est pas exclu que la proposition du député libéral soit adoptée. Espérons pour notre popiste que quelque député obwaldien en quête de notoriété viendra alors s’installer dans le canton de Vaud pour lui apporter son appui. (mp)

 

Sensationnalisme

 

Emoi dans les chaumières : des petits garçons de neuf à dix ans se livraient à des pratiques sexuelles d’adultes, dans les douches de la salle de gymnastique, sous le regard de leurs camarades sommés de ne pas en parler. L’affaire finit par éclater et 24 heures en tartine une pleine page dans son édition des 1er et 2 avril, avec témoignages de «mères très ébranlées», évocation de «l’inimaginable», de «l’enfer (…) vécu (…) dans les vestiaires», des petits spectateurs «maintenant déliés de leur lourd secret», point de vue des inévitables psys, de la justice et de la police. Certes, l’affaire est regrettable, mais la monter en épingle de cette façon risque de donner des idées à d’autres. En outre, il paraît peu vraisemblable que des enfants si jeunes soient tout simplement aptes à se livrer à des pratiques sexuelles d’adultes. Quoi qu’il en soit, le (de moins en moins) dodu quotidien vaudois verse de plus en plus dans le sensationnalisme et c’est insupportable. Ne lisez plus 24 heures. Lisez Babar. (mp)

 

L’événement du mois

 

Au cas où vous ne liriez pas les manchettes de la presse populaire, nous vous le signalons : Cindy sort avec Bruno et elle a changé de coiffure. (mp)

 

 

En direct de Sirius

 

Une méthode éprouvée ?

 

En septembre 2000 était ici posée une première question impertinente1 : «Les prix des carburants s’envolent. […] Est‑ce qu’“ON” ne serait pas, par hasard, en train de préparer les opinions publiques à une nouvelle guerre au Moyen-Orient ?» Nous étions alors à douze mois d’un certain 11 septembre… Forte de ce qui suivit, la question impertinente du présent semestre sera : les sujets de la Vieille Europe vont-ils à nouveau tomber dans le panneau et suivre les habituels menteurs stipendiés qui les envoient au sacrifice ? Il paraît vraisemblable qu’un nouvel investissement en sang et finances se prépare au profit unique des quelques marioles coutumiers d’envoyer le plus grand nombre des innocents tirer à leur service leurs marrons du feu. Un récent courriel d’un ami pourtant critique m’incite en effet à penser que, pour la énième fois depuis 1914, la réponse pourrait bien être, hélas, de nouveau affirmative : Oscar de Saint Germain m’adresse une photographie qui semble montrer la préparation d’une lapidation. Le commentaire de notre correspondant laisse sous-entendre que la scène se passerait en Iran. Au moins trois inférences. Je voudrais lui rappeler ici que dès le début des hostilités en 1914, il était communément admis que les « boches » sectionnaient les mains des bambins belges et fracassaient sur les murs des demeures les crânes des nouveaux-nés d’outre-Quiévrain… Pur produit de propagande de guerre – qui veut noyer son chien… etc. Qu’il me soit aussi permis de rappeler ici qu’une photo ne saurait être admise pour preuve – sauf, il est vrai, pour les tribunaux d’exception du type institué, après un premier échec en 1918, à Nuremberg en 1945 – qu’une fois que son caractère objectif a été confirmé : restitution réelle et impartiale d’un événement et non savant produit de mise en scène. Pour cela, il importe de connaître les intentions du preneur de photo et de son diffuseur… Dans la majeure partie des cas, il n’est vraiment d’objectif que celui qui se fixe sur le boîtier de l’appareil. Et quand bien même, cher O., le cliché en question aurait le caractère de preuve, en quoi sommes nous fondés, nous qui entendons, à grand peine, préserver nos propres valeurs, à les imposer à d’autres sous le prétexte que les leurs nous paraissent infondées ? Et réciproquement...

 

Formatage, traitement magique de la mémoire

 

Je dois à Me Eric Delcroix l’emploi du mot « formatage » à l’usage des bipèdes d’origine naturelle. Le formatage, en informatique, c’est l’effacement total de la mémoire d’un ou de plusieurs ordinateurs suivi par l’implantation d’une nouvelle mémoire aux ordres et désirs de l’utilisateur. Il en va de même avec le matériau humain… avec une nette préférence pour le processus en série. On pourra même, pour la convenance, lui laisser aussi une mesure d’autonomie.

 

Tuez l’humour, l’esprit survit quand même…

 

Je plains les humoristes dont la sphère d’intervention se réduit comme une peau de chagrin. A moins de faire partie des espèces protégées, il leur est désormais interdit de se moquer des [censuré], des [re-censuré], des [censuré aussi] et des [vous ne pensez tout de même pas que j’allais les mentionner ?]. Dans leur marge restreinte, il ne leur reste plus guère que le règne animal : ils peuvent ainsi par exemple, et sous réserve d’intervention des sociétés protectrices de nos amies les bêtes, se gausser en relative impunité des ratons, des biches, des ânes et des rats. En prenant toutefois bien garde de préciser que c’est bien à l’animal en soi qu’ils s’attaquent sans autre arrière-pensée. Car la pensée, désormais, devient suspecte, et pas seulement celle des humoristes. Et puisqu’ils savent que nous savons qu’ils savent que nous savons, à défaut d’ouvrir une savonnerie, on peut bien le dire ici : on nous concocte des lois qui permettront de nous poursuivre pour ce que nous pouvions penser en opposition à ce que nous aurions dû penser.

Quel ne fut notre étonnement, d’entendre, fugitivement, sur une chaîne d’information télévisuelle française, un indigène belge décrire les meurtriers alors présumés maghrébins d’un jeune homme poignardé pour un lecteur de musique comme : « … des blonds aux yeux bleus… vous savez bien… des “Suédois” puisqu’on ne peut plus dire…» Le reste de la phrase fut promptement coupé et l’interview nocive disparut définitivement des éditions suivantes. Quinze ans plus tôt, en Afrique du Sud, nous avions adopté la même technique de résistance passive au terrorisme de la pensée en faisant référence aux « Swedes » locaux. A défaut d’humour l’esprit restera l’arme ultime. Il est redoutable et nos ennemis le savent qui, après être parvenus à aplanir l’humour, s’attachent désormais à décérébrer nos enfants. C’est à nous qu’il incombe de défendre cette ultime sphère de liberté.

 

Du nouveau sur un «maître à penser»

 

A nos lecteurs qui souhaiteraient comprendre la résistible ascension de M. Bernard-Henri Lévy au rang de maître à penser correctement des deux derniers régimes français (les doublés Mitterrand et Chirac), nous recommandons chaleureusement la lecture édifiante de Une imposture française2. MM. Nicolas Beau et Olivier Toscer, au terme d’une enquête de quatre années sur Bêêê (les consommateurs d’idées) – H (pour phon. «hétchéhomo» ?) – Elle (pour Arielle Dombasle ? Précieuse chanteuse) démontent les mécanismes d’une assez intéressante série en matière d’escroquerie intellectuelle. En fin de lecture «BHL», ça serait plutôt “RAStignac zéro-zéro-zéro-un”3 !

 

Max l’Impertinent

 

1 Le Pamphlet, septembre 2000, n° 297, p. 1.

2 Editions Les Arènes, ISBN : 2-912485-95-9, 214 pages passionnantes, € 14,90.

3 L’écrivain dialoguiste Henri Jeanson avait assez méchamment surnommé Georges Simenon “BALzac zéro-zéro-zéro-un”, en référence au numéro téléphonique d’une célèbre agence de publicité.

 

 

De la nécessité sociale des dogmes religieux

 

 

«On avait considéré la religion comme un besoin de l’homme; les temps sont venus de la considérer comme une nécessité de la société.»

 

Louis de Bonald, Pensées

 

 

 

         Me Eric Delcroix vient de publier aux éditions de l’Aencre, à Paris, en 20051, un «Essai révolutionnaire contre l’ordre moral antiraciste», avec ce titre : Manifeste libertin, de 120 pages. C’est un plaidoyer en faveur du racisme blanc et européen contre le multiculturalisme et l’antiracisme ambiants, dont les dogmes sécularisés forgent peu à peu leur droit propre, assassinant la libre pensée, gloire de la civilisation occidentale.

 

         On comprend parfaitement l’auteur de cet essai méritant d’être lu lorsqu’il accuse les sectaires des Droits de l’homme de véhiculer une dogmatique chrétienne sécularisée mettant en réel danger la libre pensée et l’autonomie légitime de la recherche historique ou scientifique2. Mais il est impossible de le suivre lorsque, sur le sujet de la libre pensée, il croit établir une rupture entre la saine raison et la religion chrétienne, car sur ce point l’accord est parfait entre Léon XIII exprimant, authentiquement et définitivement la doctrine de l’Eglise, et les philosophes païens les mieux autorisés. Ce pontife n’écrivait-il pas dans son encyclique Diuturnum illud du 29 juin 1881, sur l’origine du pouvoir civil, ceci : «Il n’est pas un homme qui ait en soi et de soi ce qu’il faut pour enchaîner par un lien de conscience le libre vouloir de ses semblables. Dieu seul, en tant que créateur et législateur universel, possède une telle puissance : ceux qui l’exercent ont besoin de la recevoir de lui et de l’exercer en son nom.» ? Cicéron pensait de même : «Avec la piété envers les dieux disparaissent nécessairement la bonne foi, la société humaine, et la plus excellente des vertus, la justice.» Plutarque : «La croyance en Dieu (à sa loi et à sa puissance) est le lien et le ciment de toute société, l’appui de toute justice.», et il ajoutait : «Je crois qu’il est plus facile de bâtir une ville dans les airs qu’il ne serait de former ou de maintenir un Etat sans aucune espèce de religion.»

 

         Eric Delcroix est forcé d’en convenir au moins implicitement, lui qui ne reconnaît en fin de compte aucun critère répressif que «le seul critère subjectif» (Op. cit., page 84), au nom duquel il décrète, suivant sa propre subjectivité, que «le droit … ne peut servir à réprimer le libertinage intellectuel et moral, ou toute espèce de «fornication spirituelle», sauf à légitimer l’opposition et la révolte.» (Ibidem, p. 86), «C’est là», ajoute-t-il, «un préalable fondamental et imprescriptible.» D’autres que lui opinent d’une autre manière. Par conséquent, se maintenir dans cette logique de l’affrontement des subjectivités n’est pas autre chose que transformer les sociétés en coupe-gorge. C’est la loi de la jungle. Nous la connaissons, certes. Mais Eric Delcroix n’en sort pas; au contraire, il la confirme à sa façon, car il ne suffit pas d’être dissident, hérétique ou iconoclaste pour avoir raison. Je précise encore que lui-même est complice de l’institutionnalisation de ce type de violence créé par la confrontation entre partenaires sociaux inégaux d’opinions divergentes, car lui-même ne veut absolument pas convenir du lien de causalité entre la perte du sens religieux et l’extension sociale de la mauvaise foi dans les rapports sociaux, et ceci bien qu’il constate cette dérive jusqu’aux plus hautes instances juridictionnelles européennes3.

 

         Tous les efforts que fait cet avocat – et il en fait ! – pour éluder la question de la vérité, du bien en soi, n’aboutissent, en fin de compte, qu’à opposer à la fausse morale des philistins antiracistes un dogme raciste, autrement dit un antiracisme inversé !

 

         Le malentendu est énorme : «On se demande pourquoi seuls les membres de la race blanche ont élaboré toutes les connaissances scientifiques.»4 Il ne viendrait pas à l’esprit de ces positivistes que le religion chrétienne pût y être pour quelque chose, elle qui, seule, distingue réellement le sacré du profane et qui, par sa rigueur dogmatique, que jamais la raison ne peut contredire, habitue l’esprit humain à la rigueur dans la pensée, qui par elle-même favorise l’essor scientifique, et impose une ascèse certes peu prisée des libertins pour des motifs qu’on imagine.

 

         A la question de Pilate : «Qu’est-ce que la vérité ?» (Jean, XVIII, v. 38), Me Eric Delcroix fait cette interprétation éclairante de la réponse du Christ : «Le Christ n’a pas donné de réponse… Porte entrouverte au libertinage chrétien…» (Op. cit., page 110). Mieux éclairé et surtout plus sage, Dom Prosper Guéranger qualifiait ce même silence de terrible (dans L’Année liturgique). Chercher la caution du libertinage de la pensée jusque chez le Christ et durant sa Passion me paraît pousser très loin les racines de l’impiété. Au reste, le Christ ne s’était-il pas présenté à Pilate d’une manière qui interdit cette interprétation de son silence : Quiconque est de la vérité écoute ma voix.» (Jean, XVIII, v. 37) ? Dieu nous dit par conséquent ceci : quiconque n’est pas de la vérité refuse d’écouter ma voix. Est-ce clair ?

 

«Nos jugements nous jugent», disait Paul Valéry…

 

 

Michel de Preux

 

 

 

1 12 rue de la Sourdière, F-75001 Paris

2 «C’est bien à tort que nombre de chrétiens voient dans ce monde contemporain un nouveau paganisme, alors que ce monde-là est au contraire une contrefaçon matérialiste, vulgaire et extrémiste du christianisme, un alterchristianisme.» (Op. cit., page 64).

  Ce constat n’est objectif qu’en apparence. La religiosité dénoncée par Me Delcroix est incontestable. Mais sa critique porte aussi sur la religion et la métaphysique, fondements de la connaissance morale. Elle légitime le règne arbitraire en soi des opinions. C’est là le principe de tous les despotismes futurs : «L’extrême opposé d’un gouvernement violent n’est pas un gouvernement doux, mais un gouvernement juste.», dit toujours Louis de Bonald.

3 Op. cit., page 81, avec référence à l’article 17 de la Convention européenne des droits de l’homme et à l’analyse qu’il en fit lui-même dans un précédent ouvrage : Le théâtre de Satan – Décadence du droit et partialité des juges, même éditeur, Paris, 2002, pages 113 sqq. Ce rapport de causalité évoqué par les auteurs païens Cicéron et Plutarque fut confirmé par le pape Pie IX dans sa lettre encyclique Quanta Cura : «Là où la religion a été mise à l’écart de la société civile, la doctrine et l’autorité de la révélation divine répudiée, la pure notion même de la justice et du droit humain s’obscurcit et se perd, et la force matérielle prend la place de la véritable justice et du droit légitime.» (No 6). Le parti-pris antireligieux de Me Eric Delcroix anéantit littéralement toute son argumentation.

4 Op. cit., page 89, citant l’ouvrage de Hans Weinert Race et intelligence, publié en 1951, p. 39.

 

 

NON à l’école fédérale

 

Compte tenu des recommandations de vote des partis politiques, ainsi que du Parlement et du Conseil fédéral, il est quasiment certain que seront adoptés, le 21 mai prochain, les articles constitutionnels qui nous sont proposés sur une prétendue «harmonisation» d’un imaginaire «espace suisse de formation».

 

Les chattemites qui ont rédigé la petite brochure explicative destinée à vanter le potage qu’on tente de nous faire avaler ont pris bien soin de ne pas heurter de front les fédéralistes, ni les Romands, ni personne : le système sera garant d’une formation ouverte et souple, gage de perméabilité, il sera lui-même cohérent et transparent.

 

On nous affirme que la grande majorité des cantons soutiennent les nouveaux articles constitutionnels, lesquels n’affectent pas la souveraineté cantonale en matière d’instruction publique (Brochure, page 6).

 

C’est là un mensonge si gros qu’il affecte la crédibilité de l’ensemble. Lorsque le rédacteur parle de la grande majorité des cantons, il ne peut s’appuyer, vraisemblablement, que sur les réponses faites dans le cadre de la procédure de consultation, par un fonctionnaire cantonal préposé à cet objet, ou sur l’inexplicable léthargie du Conseil des Etats.

 

Dans la réalité, si les cantons n’arrivent pas à des solutions homogènes, la Confédération pourra les imposer. C’est écrit en toutes lettres dans les explications du Conseil fédéral (page 5), avec, pour cette fois, le mérite de la franchise.

 

Mais qu’attend-on concrètement de cet «espace suisse de formation», à la fois transparent et perméable ?

 

D’abord, qu’il élimine les obstacles à la mobilité, qu’il soit même un encouragement à la mobilité. Il semble d’ailleurs, à ce sujet, que les Suisses bougent de moins en moins et non pas de plus en plus comme on se plaît à le répéter dans les milieux officiels, au mépris de la réalité observable.

 

Mais si toutes les offres de formation sont harmonisées, c’est-à-dire pratiquement identiques dans l’espace suisse, quel avantage y aurait-il à la mobilité ? Je suis prêt à aller étudier un semestre à Leipzig ou à Montpellier si je sais qu’un professeur illustre y dispense un enseignement dont je ne pourrai bénéficier à Lausanne. J’irai même, pour le bien de mes enfants, jusqu’à prendre résidence en Valais si je sais que l’autorité scolaire de ce canton est en mesure de résister aux pédagogistes et à PECARO.

 

Mais à quoi bon la mobilité si l’enseignement donné dans toute la Suisse est nivelé à son plus bas niveau ? Sans doute la famille qui change de canton, pour des motifs liés à la profession du père de famille, trouvera-t-elle avantageux de retrouver, dans sa nouvelle résidence, des écoles qui enseigneront à leurs enfants la même matière, dans les mêmes livres, grâce aux mêmes méthodes.

 

Mais qui va choisir ces méthodes, ces livres, ces matières sinon la Confédération, car tous les cantons ne pourront de bon gré et à l’évidence, échanger un borgne contre un aveugle. Les cantons où subsiste une instruction primaire de qualité sont minoritaires. Ils seront donc tenus de s’aligner sur les programmes et les méthodes des plus médiocres.

 

On nous dit que la qualité, à tous les niveaux, est essentielle aux yeux du Conseil fédéral (Brochure, page 11). Fort bien. Mais quand on voit la manière avec laquelle le gouvernement fédéral pilote les dossiers dont il a la charge (défense nationale, politique étrangère, santé publique, transports et communications, finances etc.), on se demande ce qui lui fait croire qu’il est capable de conduire une politique de la formation !

 

Ce qui fait la valeur d’une institution d’enseignement, sa réputation et ses résultats, ce n’est pas d’être fédérale ou cantonale. Les deux plus illustres exemples d’écoles connues et appréciées dans le monde entier sont l’Ecole hôtelière du Chalet à Gobet et l’Institut Le Rosey, à Rolle et Gstaad, nées l’une et l’autre de l’initiative privée il y a plus d’un siècle. Leurs programmes et leurs méthodes d’enseignement n’ont été harmonisés avec nuls autres, mais l’une et l’autre ont misé sur l’originalité et sur l’excellence. Et c’est pourquoi les étudiants s’y inscrivent encore, malgré le coût des études.

 

L’école que les articles 48a et 61 et suivants de la Constitution révisée nous promettent sera harmonisée, fédérale et médiocre.

 

Nous voterons : NON !

 

 

Claude Paschoud

 

 

Allocations familiales :

signez le referendum !

 

Nous en avons déjà touché un mot dans notre dernier numéro, mais il est nécessaire d’y revenir. Nos abonnés en Suisse trouveront d’ailleurs, dans l’enveloppe qui leur a apporté leur exemplaire du Pamphlet, une carte à signer, faire signer (une carte par commune politique) et renvoyer sans frais au Comité référendaire «Non à l’intervention fédérale dans les allocations familiales».

 

Pour que l’objet puisse être soumis au vote populaire, il faut que ce comité recueille 50'000 signatures jusqu’au 15 juin prochain, les fasse valider dans les communes et les fasse parvenir à la Chancellerie fédérale, en application de l’art. 141 de la Constitution avant le 13 juillet.

 

Quand bien même l’excellent Guide de l’employeur édité par le Centre patronal classe les allocations familiales dans son chapitre V intitulé «Assurances sociales», il convient de relever que les allocations familiales, jusqu’à ce jour (à l’exception des allocations destinées aux travailleurs agricoles), ne sont pas une assurance sociale mais un système financé par les employeurs et calculé sur l’ensemble de la masse salariale brute (donc y compris sur le salaire des travailleurs sans charge de famille) et dont profitent les salariés ayant charge d’enfants, de jeunes en formation ou d’enfants invalides.

 

Le montant des allocations, et leur financement, sont de la compétence des cantons, qui règlent la question différemment, selon divers paramètres locaux.

 

Certains octroient une allocation pour famille nombreuse pour chaque enfant dès le troisième, certains versent l’allocation également aux salariés étrangers dont les enfants vivent hors de Suisse, d’autres limitent ce versement aux enfants qui résident en Suisse ou dans l’Union européenne.

 

C’est cette diversité qui choque les esprits avides de schématisme : quand bien même le salaire d’un instituteur à Zurich est une fois et demi celui de son collègue vaudois, quand bien même le prix moyen du logement à Genève est deux ou trois fois celui d’une surface identique aux Grisons, le crétin simplificateur n’en a cure : comme le caporal à l’école de recrues, il ne veut voir qu’une tête.

 

Il lui importe peu que le système actuel soit financièrement sain et socialement équitable. Il se moque des 700 millions supplémentaires que les entreprises devront débourser, car il s’imagine que ces 700 millions seront prélevés sur les bonus du conseil d’administration.

 

Mais la majorité des entreprises sont des PME et non des banques et des multinationales. Les 700 millions que la Confédération voudrait prélever, en plus, pour en arroser, entre autres bénéficiaires, la ribambelle de petits Africains restés au pays en attendant que leur maman, mariée à un brave agriculteur de montagne, obtienne son permis C, il faudra bien que quelqu’un les paie !

 

Qu’ils soient prélevés dans les entreprises, dans la caisse des cantons ou directement dans votre poche, c’est toujours vous qui les paierez, finalement, par ponction directe, indirecte, ou par la diminution des prestations que vous attendez de l’Etat.

 

Signez le referendum. N’oubliez pas de renvoyer votre carte, complète ou non. Lorsque la loi sera soumise à votation populaire, votez NON !

 

 

C.P.

 

 

Billet de France

 

C’était dans la poussière grise des trottoirs que se vautraient les mauvaises filles chantées par Fréhel.

 

C’est dans l’informe et l’indifférencié que se répand l’information écrite et parlée de notre beau pays.

 

Pas un jour sans la «victimisation» de ces pauvres allogènes qui ont tant apporté à la France.

 

Alors que le coût d’un parasite social, venu du diable vauvert, représente dix fois celui d’un contrat de première embauche (CPE), les barbus trotskystes ressortent les banderoles délavées de leurs gesticulations soixante-huitardes, et mobilisent dans leurs traînasseries les boutonneux d’une star’ac planétaire.

 

Voici donc la Révolution que l’on nous annonçait : celle des plateaux-télé et des RTT.

 

Notre peuple voulait du travail et des héros. Nos dirigeants lui infligent le crédit et l'impôt.

 

Franck Peyrot