Le Serpent qui se mord la queue

Il y a un peu plus d’une année, nous nous étions penchés sur la question de la politique monétaire choisie par la BCE pour lutter contre l’inflation.1

Revenons-y aujourd’hui pour voir comment a évolué la situation et si les mesures prises par les experts ont produit les effets escomptés.

Premier constat: l’inflation dans les pays européens s’est modérée mais reste trop élevée aux yeux de Mme Lagarde et de sa clique. La seule réponse a été une nouvelle augmentation du taux directeur jusqu’à un niveau jamais atteint depuis l’introduction de l’euro.

On est en droit de se demander si ceux qui sont censés présider au destin de l’économie européenne ne devraient pas essayer de remettre en question les schémas qu’ils appliquent comme des robots.

En cas de forte inflation due à une surchauffe économique, la réponse adéquate est celle appliquée actuellement. Hausse des taux, renchérissement du crédit, frein à l’investissement. Mais il se trouve que les causes actuelles de l’inflation sont plus complexes, et probablement multiples.

Nous avons eu de manière presque simultanée deux événements: la sortie du Covid et la guerre d’Ukraine. Le premier a bel et bien causé une flambée de la demande en biens et services, due à la disponibilité de capitaux accumulés durant le confinement et au sentiment d’urgence déclenché par la prise de conscience que le monde pouvait s’arrêter demain. Mais s’agissant de la compensation logique des mois de confinement, une fois les vacances aux Caraïbes faites, le menu gastronomique mangé et la résidence en Espagne achetée, les choses devaient revenir à la normale.

La guerre d’Ukraine a apporté son lot d’incertitudes: l’augmentation du prix du gaz et du pétrole, les problèmes d’approvisionnement en céréales et j’en passe. Il s’agit là de questions concrètes auxquelles on était en droit d’attendre de nos gouvernements qu’ils apportent des réponses négociées. Au lieu de cela, nos politiciens se gargarisent de grands principes et de bons sentiments, identifient les gentils et les méchants, espérant probablement marquer l’histoire et rester dans les manuels scolaires sur pied d’égalité avec Churchill ou César. Résultat: flambée des prix, causée, entre autres, par un excès de demande par rapport à l’offre. Mais augmenter les taux n’est évidemment pas la réponse appropriée. Car le renchérissement du crédit, qui touche essentiellement les particuliers hypothéqués et les PME, ne fait que les appauvrir et ne les aide en rien.

En tant qu’agent immobilier, je gère des locations de vacances sur la Costa Brava. Cette année, sur la totalité des séjours réservés, nous n’avons eu que 5% de locataires espagnols. Le constat dans les restaurants est sans appel: les salles sont pleines mais les clients dépensent la moitié de ce qu’ils consommaient l’année dernière. Les Européens sont venus, mais ils se sont serré la ceinture, et les Espagnols n’ont même plus les moyens de partir en vacances. Nombreux sont ceux qui ont vu la mensualité de leur hypothèque plus que doubler en une année.

Les prix dans les supermarchés ont doublé pour certains produits, comme l’huile d’olive ou les produits laitiers, et la viande et le poisson ne sont plus accessibles pour les familles aux revenus modestes.

Aujourd’hui, l’inflation est entretenue par l’augmentation des taux de la BCE. C’est le serpent qui se mord la queue et un non-sens en termes économiques.

Michel Paschoud

 

1 https://pamphlet.ch/index.php?article_id=1662

Thèmes associés: Economie - Politique internationale

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