Lausanne 39e année      «ne pas subir»      Septembre  2009 No 387

 

 

Sommaire :

 

Editorial

Une fois n’est pas coutume, c’est l’éditeur qui signe l’éditorial et qui traite des objets de votation fédérale et cantonale en Pays de Vaud.

 

Bricole

Encore une attaque du «politiquement correct» contre Tintin !

 

En direct de Sirius

Max a lu – et apprécié – un livre d’Aymeric Chauprade. Il revient sur certains attentats aériens, sur les vantardises de certains ministres, et sur les pollutions sonores.

 

Exceptionnel, comme d'habitude

Pollux se moque des précautions oratoires visant à nous faire croire que la crapulerie est exceptionnelle.

 

Ne dites pas…

Chronique mensuelle du pinailleur

 

Le loup et l’agneau

Michel de Preux démontre qu’il est contraire au droit naturel d’offrir au loup des animaux domestiques

 

Etat nounou

Mariette Paschoud prend position sur un des objets de votation cantonale du 27 septembre : l’accueil parascolaire des écoliers en âge de scolarité obligatoire.

 

Les nouvelles aventures…

Chronique mensuelle du révisionnisme.

 

Les trois fautes de la Suisse

Dans le trop célèbre affaire Kadhafi, Claude Paschoud est convaincu que la Suisse a accumulé les erreurs.

 

Trop de stades

Mariette Paschoud ne sait plus s’il faut voter pou ou contre Métamorphose. Elle sait qu’il y aura trop de stades.

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Editorial

 

Votations fédérales

 

         Les deux objets fédéraux soumis à notre appréciation sont de très inégale importance.

 

         L’un d’eux nous propose la suppression de l’initiative populaire générale, innovation acceptée en votation populaire en 2003 mais pas encore entrée en vigueur. On vient de s’aviser que cette nouveauté, dont les têtes pensantes de la Confédération nous vantaient les mérites incomparables en 20011 est en réalité totalement inutilisable. C’est assez plaisant. Je propose de voter OUI.

 

         L’autre objet est plus sérieux. Constatant la situation financière catastrophique de l’assurance-invalidité, on nous invite à accepter une augmentation de la TVA de 7,6 à 8 % pendant sept ans, comme financement additionnel de l’AI, durée pendant laquelle de nouvelles mesures d’assainissement seront prises dans le cadre de la sixième révision, mesures qui visent à ce que «les comptes de l’AI soient durablement équilibrés lorsque le relèvement de la TVA prendra fin».

 

         L’augmentation du taux de TVA prendra-t-il vraiment fin en 2017 ? C’est bien peu probable, les impôts provisoires ayant une fâcheuse tendance à devenir définitifs. Mais la question, en réalité, n’est pas là. Il s’agit de mesurer la capacité des organes de l’AI à diminuer les dépenses (je dis bien: diminuer les dépenses et non seulement maîtriser l’augmentation des coûts), notamment en éliminant les rentes servies aux dépressifs et autres chômeurs en fin de droit psychologiquement inaptes à se remettre au travail.

 

         Les auteurs du projet ont raison de tirer la sonnette d’alarme. Ils ont eu raison de proposer quelque chose. Et une augmentation de la TVA de 7,6 à 8 % me paraît supportable. Enfin, s’il faut augmenter un impôt, autant la TVA, payée par tout le monde, que la cotisation AI financée seulement par les entreprises et par ceux qui travaillent. Je suis donc tenté de voter OUI.

 

         Mais je crains que les milliards tombés du ciel n’incitent l’AI à s’endormir sur une fausse impression de sécurité et ne la dispensent de prendre les mesures d’économie qui s’imposent dès aujourd’hui.

 

         Par signe de mauvaise humeur, pour hâter la sixième révision et parce qu’il ne suffit pas, lorsqu’on dépense trop, d’augmenter les recettes sans limiter ses dépenses, je voterai NON.

 

Dans le canton de Vaud

 

         Nos abonnés du canton de Vaud auront encore quatre objets à leur menu. Le plus controversé, celui qui ignore les clivages habituels gauche-droite, est l’initiative populaire dite «pour une police unifiée et plus efficace» ou «Opération d’Artagnan».

 

         Lancée par des gendarmes, elle vise à incorporer dans un corps cantonal à commandement unique l’ensemble des force de police du canton.

 

         De son côté, la Convention entre le Canton et les communes vise à maintenir l’autonomie communale et les corps de polices municipales, agents de proximité indispensables.

 

         Mon cœur penche pour le maintien des polices municipales. Je voterai NON !

 

         Un autre objet n’a suscité aucune discussion ni opposition, c’est l’article constitutionnel sur les EMS. La constitution vaudoise reconnaît déjà la responsabilité de l’Etat et des communes de favoriser le maintien à domicile.

 

         Cet article ne suffit pas au lobby des propriétaires d’EMS qui souhaite une référence constitutionnelle à l’hébergement explicite. L’extension du réseau des établissement médico-sociaux par la création de quelque cinq cents lits supplémentaires d’ici à l’an 2011 sera malheureusement de nature à diminuer les efforts entrepris pour maintenir à leur domicile, aussi longtemps que possible, les personnes âgées, vulnérables, dépendantes, handicapées ou en fin de vie.

 

         L’initiative va en revanche permettre à tous les propriétaires d’EMS, conventionnés ou non, de se remplir joyeusement les poches: ils rationnent les soins autant qu’il est possible et ils font payer leurs infrastructures par l’Etat. Avec un taux d’occupation qui dépasse le 95 %, ils font rêver les hôteliers des zones touristiques les plus branchées, qui, eux, doivent en outre financer l’amortissement des bâtiments!

 

         Tous les partis recommandent le OUI. Je voterai résolument NON!

 

Claude Paschoud

 

[1] FF 2001 4608

 

 

Bricole

 

Il insiste !

 

         L’étudiant perpétuel congolais Bienvenu Mbutu Mondondo dont j’eus le privilège de vous entretenir en septembre 2007, suite à la plainte qu’il avait déposée en Belgique contre la société Moulinsart, en raison du caractère prétendument raciste de Tintin au Congo, est devenu comptable. On en serait ravi pour lui si, sa plainte belge s’étant perdue corps et biens, il n’avait pas jugé opportun d’utiliser son temps libre pour s’en prendre de nouveau, en France cette fois, au caractère raciste et colonialiste de la célèbre bande dessinée.

 

         Je trouve que ce monsieur si chatouilleux devrait se pencher sur les péchés d’autres dessinateurs belges. S’il voulait bien s’intéresser à Spirou et Fantasio immortalisés notamment par Franquin, il s’apercevrait que, dans les années cinquante, celui-ci a conçu et illustré des scénarios hautement racistes – La Corne de rhinocéros, Le Gorille a bonne mine  mettant en scène des «sauvages» peinturlurés dont les plus évolués parlent le petit-nègre.

 

         Tout aussi scandaleusement, mais dans un autre registre, Franquin s’associe à l’apologie très sportivement incorrecte du dopage – Il y a un sorcier à Champignac –, puisque le X1 inventé par le comte de Champignac donne à celui-ci une force miraculeuse qui lui permet de s’enrichir rapidement – pour la bonne cause, il est vrai – en gagnant aisément matches et courses.

 

         Enfin, le sexisme n’est pas absent des scénarios illustrés par Franquin: l’attitude paternaliste de Fantasio à l’égard de sa collègue Seccotine aura gêné plus d’une féministe.

 

         Pourquoi donc Bienvenu Mbutu Mondondo, champion de la lutte contre les discriminations, ne s’en prend-il pas aux hérésies de Franquin? La réponse gît peut-être dans le fait qu’il croit avoir davantage de chances de succès en s’en prenant à un «extrémiste de droite» notoire plutôt qu’à un homme non marqué politiquement. (mp)

 

 

En direct de Sirius

 

Une Chronique du choc des civilisations qui réveille

 

         Aymeric Chauprade, auteur de l’ouvrage cité en intitulé, est une cassandre. Les politiciens et les commandants-en-chef de bureaux n’aiment pas les cassandres pour la propension qu’elles ont à exposer ce qu’il ne faudrait pas. C’est sans doute pourquoi, par petitesse descendue de haut lieu, il a été remercié de son poste de directeur du cours de géopolitique au Collège interarmées de défense (jadis, plus clairement nommé Ecole de Guerre) de Paris. Le fait n’est pas nouveau qu’au prétexte de la raison d’Etat, quand ça n’est pas, plus prosaïquement, pour protéger les intérêts de félons qu’ils dérangent, on s’acharne à bâillonner des analystes par trop indépendants. Dino Buzzati en avait assez subtilement évoqué le principe dans son Désert des Tartares lorsqu’était confisquée une paire de lunettes d’approche non réglementaires dont le grossissement excessif permettait d’observer ce qu’il ne fallait surtout pas voir venir. Adoptant la bonne échelle d’observation, Chauprade va chercher loin dans les millénaires l’explication logique d’événements récents de portée majeure. A ceux de nos lecteurs désireux de ne point mourir myopes, Max conseille cette remarquable chronique1 qui démontre avec une redoutable efficacité où en est l’Occident et à quoi de tristes petits maquignons politiques envisagent de livrer nos peuples anesthésiés. Ils pourront compléter utilement cette lecture par celle de l’excellent n° 32 de la revue Réfléchir & Agir (été 2009)2 qui donne à ce géopoliticien à longue vue l’occasion de s’expliquer sur sa disgrâce; mais aussi la parole à quelques autres de ces réprouvés de notre nouveau siècle... tous cassandres... En instance de goulag ?

        

 

Vingt sur vingt pour un zéro (troisième partie)

 

         Quelques jours après la parution du n° 386 du Pamphlet, Max a hérité d’un défunt diplomate certains documents confirmant la plausibilité de l’hypothèse des vols «fantômes». Ils attestent de manière irréfutable qu’aux Etats-Unis, à l’époque de la guerre froide (plus particulièrement durant la crise de Cuba de 1962) et sous la responsabilité directe du secrétaire d’Etat à la défense Robert McNamara, un certain nombre de provocations avaient été étudiées afin de mettre en délicatesse le régime de Castro. L’une d’elles consistait à substituer à un vol «civil», dûment rempli de comparses, une doublure radioguidée que l’on aurait envoyée s’éparpiller en un endroit quelconque du territoire américain cependant que son modèle, passé au-dessous de la zone de couverture radar, se serait posé discrètement sur un aérodrome secret. Convaincre de l’évidence d’un attentat castriste une opinion publique dûment mise en condition n’aurait plus alors été qu’un simple jeu d’enfant.

 

 

Dans la foulée de l’UBS (toujours la main prise dans le hachoir à viande)

 

         Trahissant au passage, sans états d’âme, la confiance de sa clientèle privée étrangère, la banque susnommée, par sa servile reconversion en auxiliaire fiscal au service de l’étranger (aussi), a provoqué un fameux courant d’air. Et donc, emboîtant le pas aux vertueux Etats-uniens, certain ministre voisin entreprend de monter à l’assaut de nos coffres, tout cocoricant, flamberge au vent et brandissant gonfanon portant en lettres de feu que les quelque trois mille évadés fiscaux potentiels (dont il assure détenir les noms) n’ont qu’à bien se tenir en cas de refus d’obtempérer à l’injonction de réamorcer la pompe à phynances de leur Mère patrie. Tartarinade reprise sur les ondes officielles en trémolos patriotiques sur les binious de Sainte Transparence. Antienne que la Teutonne du nord, en grand déficit de popularité, s’apprête à adapter à ses ouailles itou...

 

         Max en informe son ami Lenaïf, concitoyen du preux, que la nouvelle consterne:

 

         « Mon Dieu ! Mais que va-t-il advenir de tous ces zélés serviteurs de l’Etat et autres fils de p........s3 (bien d’chez nous) qui comptaient tant, les pauvres, pour arrondir leurs retraites, sur leurs matelas déposés en vos voûtes ? Ah ! Pour sûr que c’est grand malheur de voir ça... »

 

         Max n’a pas eu le courage de rassurer son bon ami. Tout va très bien, farceurs, dormez en paix... Il n’y a que les braves gens industrieux qui aient quelques raisons de s’inquiéter!

 

 

Pollution à l’usage intensif des bêtes à manger du son

 

         Aussitôt qu’il reçoit la Nation et toute affaire cessante, Max va se divertir au coin qu’occupe, tapi en embuscade en fin fond de quatrième page, le Ronchon. Ce perspicace manie la mauvaise humeur avec une réjouissante dextérité. Ainsi s’irritait-il récemment de ces fonds sonores, très approximativement musicaux, que l’on sert d’autorité, en tout lieu et à tout propos, aux consommateurs captifs et impuissants (les oreilles n’ayant pas de paupières). Ces épandages de sons, qui mettent, avec une belle indifférence et dans un méritoire brassage multiculturel (ci-après, par ordre analphabétique) MM. Akhenaton4, Mozart (en arrangements) et Clayderman à la portée des caniches, alternant les vagissements d’hôtesses d’accueil pâmées, les guimauves-de-mon-cœur et les martellements syncopés de tapissiers-cloutiers, ont cependant, pour les sots, des mérites: ils rendent l’encéphale optionnel, facultative la pensée et impossibles les échanges d’idées.

 

         Encore un petite poussée de décibels et, sous peu, dans les lieux publics, au milieu des zombies, dans le calme sidéral des grands vides cérébraux, on ne verra plus converser ensemble que les mains des sourds-muets.

 

Max l’Impertinent

 

 

1 Editions Chronique-Dargaud SA, 44 rue du Président Wilson, F-24000 Périgueux, ISBN 978-2205-06220-5.

2 Réfléchir & Agir Magazine, BP 80432, F-31004 Toulouse Cedex 6.

3 Huit petits points... pas trois!

4 Le rappeur, bien sûr... pas l’hérétique!

 

 

 

Exceptionnel, comme d'habitude

 

         Agression d’un policier à la gare de Bex par des jeunes voyageant sans billet (24 heures du 08.09.2009). Meurtre au couteau en plein jour dans un parc du centre de Lausanne, «pour un simple regard» (24 heures du 04.09.2009). Démantèlement d’une «internationale de la petite délinquance» dans l’ouest lausannois (24 heures du 20.08.2009). Arrestation à Payerne de cinq «terreurs de gare» qui tabassaient les passants pour leur voler leur téléphone portable (24 heures du 30.07.2009). A Orbe, agression et menaces de mort contre des automobilistes, puis contre des policiers, par un jeune chauffard qui avait provoqué un accident (24 heures du 10.07.2009). A la gare de Montreux, une quinzaine de jeunes attaquent la police ferroviaire à coups de pierres (24 heures du 02.07.2009). Policiers blessés par une «foule hostile» et «scènes d’émeutes» à Lausanne (24 heures du 29.06.2009). Voyageurs roués de coups par six jeunes dans un train entre Lausanne et Villeneuve (24 heures du 21.04.2009).

         Interrompons ici cette liste – non exhaustive et volontairement limitée au canton de Vaud et à ces derniers mois. Il s'agit uniquement d'une recension de faits divers relatés par la grande presse et que nous avons épurée, pour des raisons bien compréhensibles, de toute référence à la nationalité ou à l'origine ethnique des délinquants. Pourtant, même ainsi, il n'est pas sûr qu'une telle juxtaposition soit conforme aux exigences du politiquement correct. En effet, un lecteur trop hâtif pourrait avoir l'impression que ces actes de violence sont désormais monnaie courante chez nous. Or il n'en est rien.

         Car ces événements sont exceptionnels. C'est ce que l'on apprend presque à chaque fois de la bouche d'un commissaire de police ou d'un édile local «qui se veut rassurant» et qui nous explique que de tels cas sont certes révélateurs d'une «tendance préoccupante», mais qu'ils restent «heureusement plutôt rares, plutôt isolés», qu'on ne peut pas vraiment parler de série, que le phénomène n'est pas propre à notre région, qu'il faut éviter de généraliser et à plus forte raison de céder à la psychose. Un peu comme dans l'ex-Union soviétique lorsque des fonctionnaires s'ingéniaient à donner l'impression que tout allait bien par peur que la révélation d'un problème ne les fasse passer pour des ennemis du socialisme – avec tous les désagréments sibériens que cela pouvait entraîner.

         On est donc prié d'admettre que les actes de violence impertinemment répertoriés plus haut constituent une suite quasiment ininterrompue d'exceptions. C'est certainement leur seul lien avec la langue française.

 

Pollux

 

 

Ne dites pas…

 

Ne dites pas, à l’instar d’un journaliste peu doué: «Dans le cadre de sa visite officielle de travail aux Etats-Unis, la conseillère fédérale Mme Micheline Calmy-Rey, cheffe du Département fédéral des affaires étrangères, a eu un entretien aujourd’hui à Washington avec la secrétaire d’Etat Mme Hillary Rodham Clinton.» Dites: «Dans le cadre de sa visite de travail officielle aux Etats-Unis, la conseillère fédérale Micheline Calmy, chef du Département fédéral des affaires étrangères, a eu un entretien aujourd’hui à Washington avec la secrétaire d’Etat Hillary Clinton.» Vous pouvez dire aussi: «(…) Madame Micheline Calmy, conseillère fédérale et chef du Département fédéral des affaires étrangères, a eu un entretien (…) avec Madame Hillary Clinton, secrétaire d’Etat.»

 

Le pinailleur

 

 

Le loup et l’agneau

 

         Il y a dans l’actualité des débats n’ayant pas lieu d’être dans la mesure où certains principes généraux vont de soi. Celui-ci, par exemple: dans le canton de Lucerne, un loup pourra être abattu après avoir égorgé vingt-sept moutons, et encore! dans un délai de soixante jours. Débats dans la presse. Qu’en penser?

 

         Protéger la faune est légitime; dénaturer des rapports entre animaux ne l’est plus du tout. Les victimes de prédateurs carnassiers, félins en Afrique ou en Asie, loups dans nos pays, ont dans leur constitution et leur instinct des moyens de défense parce qu’elles sont des animaux sauvages. Ce n’est pas le cas des animaux domestiques. En conséquence, ce n’est pas favoriser les qualités propres de chasseur d’un prédateur naturel que de lui offrir pratiquement des mangeoires de chairs vivantes; c’est même, par un renversement des normes de la nature, le traiter en quelque sorte en animal lui aussi domestique. Il y a, dans la tolérance de ces pratiques, un authentique mensonge écologique.

 

         Le système juridique qui autorise ce genre d’abus, voire l’encourage par des indemnisations dont le caractère perfide est démontrable, est lui-même antinaturel et l’on peut affirmer qu’il heurte aussi la morale, car nous avons des devoirs envers les animaux, ce que le publiciste bernois Charles-Louis de Haller, fils du célèbre Albert de Haller, reconnaissait explicitement dans son traité de science politique, au chapitre XIV de l’Introduction, consacré aux bornes de la puissance. Ce qui frappe dans ces nouvelles normes et l’insensibilité que celles-ci révèlent chez le législateur, c’est que l’on y conçoit un prétendu droit d’exposition au danger délibéré d’êtres vivants placés naturellement sous la protection humaine, alors que ce comportement est un délit; c’est qu’il faille un nombre suffisant de victimes pour justifier une attaque de prédateur, de qui, par ailleurs, on dénature l’instinct de chasse.

 

         Il y a dans cette dissociation de la puissance et du devoir de protection, qui lui est naturellement lié, une grave dérive dans la pensée juridique. Et l’on perçoit cette dérive ailleurs que dans ce domaine précis, à l’intérieur des rapports humains, tant sur le plan séculier que religieux. Le Christ nous en avertit en nous apprenant à nous méfier des loups déguisés en agneaux. N’en disons pas plus, mais rappelons simplement le mot du roi Salomon, dont la sagesse inspirée dénonce ici clairement ce retour à la barbarie: «Le juste prend soin de la vie de ses bêtes, mais les entrailles des méchants sont cruelles.»1

 

Michel de Preux

 

1 Proverbes, chap. XII, verset 10.

 

 

Etat nounou

 

         L’un des quatre objets sur lesquels les Vaudois devront se prononcer le 27 septembre est le nouvel article constitutionnel 63a qui traite de l’accueil parascolaire des écoliers en âge de  scolarité obligatoire et stipule que, en cas d’acceptation, les communes organiseraient, en collaboration avec l’Etat – entendez sous surveillance de l’Etat – et des partenaires privés, une prise en charge des écoliers en mal de parents le matin avant le début des cours, à midi et l’après-midi après la fin des cours. Cette disposition, qui se veut «une réponse à l’évolution de la société»1 a obtenu au Grand Conseil «une très large majorité, avec quelques avis contraires et quelques abstentions». On ne nous donne pas de chiffres ni de noms. Sans doute sommes-nous tous censés lire avec régularité et passion les comptes rendus des débats de notre parlement cantonal. D’ailleurs, tout le monde sait que l’UDC est la seule formation politique opposée aux sages mesures qui permettront aux mères désireuses ou contraintes d’exercer une activité professionnelle, ainsi qu’aux pères veufs ou divorcés avec enfants, de vaquer à leurs occupations en toute tranquillité puisque l’Etat nounou veillera sur leur progéniture par communes et partenaires privés interposés.

 

         Malheureusement, Nounou n’a pas pensé à tout: qu’advient-il, dans ce beau projet, des mères célibataires, veuves ou divorcées, des pères chargés de l’éducation de leurs enfants en cas de travail de nuit? Quid des chauffeurs de taxi, des serveurs, des employés des chemins de fer, des policiers, qui sont appelés à travailler toute la nuit ou au moins jusque tard le soir? Ne conviendrait-il pas d’organiser un accueil parascolaire nocturne? Et pourquoi pas un accueil parascolaire dominical? Il y a des tas de gens qui travaillent le dimanche!

 

         Actuellement, la loi sur l’accueil de jour des enfants (LAJE) s’applique aux bouèbes  qui n’ont pas atteint l’âge de douze ans. La nouvelle disposition étendra la sollicitude de Nounou aux adolescents qui n’auront pas terminé leur scolarité obligatoire, soit à des garçons et filles en plein «âge bête», dont on sait qu’ils ont besoin d’un savant mélange d’encadrement et de liberté et qu’ils sont souvent arrogants, voire agressifs. «Accueillir» ces jeunes gens «dans les locaux scolaires ou à proximité» en compagnie, forcément, d’enfants plus jeunes, voire carrément petits ne me paraît pas vraiment judicieux.

 

         Certaines communes possèdent déjà des structures d’accueil. L’accueil pour enfants en milieu scolaire (APEMS) conçu pour les élèves de l’école primaire fait merveille à Lausanne, il faut le dire, et épargne à de nombreux parents le souci de trouver des solutions originales. Mais le problème n’est que reporté, puisqu’il n’existe plus rien de tel à partir de l’école secondaire, sous réserve de réfectoires. C’est alors qu’il faut faire preuve d’imagination. C’est alors qu’on découvre la réalité, à savoir que la mère socialement non évoluée d’un condisciple peut accueillir Fifils ou Fifille moyennant une modeste pension; qu’un adolescent normal est parfaitement apte à faire ses devoirs à la maison, seul ou avec un copain, en attendant le retour de papa et maman; qu’il y a des amis, des parents, des voisins aimables et serviables; que la notion de réciprocité permet toutes sortes d’arrangements satisfaisants du genre «Je garde ton gamin, tu me prêtes ta voiture à l’occasion», «Je surveille les devoirs de ta fille la semaine, tu fais de temps en temps mes courses le samedi».

         Il est tout de même extravagant qu’à notre époque où tout le monde doit être solidaire de tout le monde, l’Etat prétende agir comme si l’entraide entre particuliers relevait du conte de fées.

 

         Je voterai NON le 27 septembre.

 

Mariette Paschoud

        

 

1 Brochure explicative du Conseil d’Etat p.13

 

 

Les nouvelles aventures…

 

         Peut-être y verrez-vous paresse, mais je ne résiste pas au plaisir de publier la fin d’une lettre que le professeur Robert Faurisson a adressée récemment à son beau-frère qui le soupçonne de n’être révisionniste que par goût pour l’activité de «fouille-merde»:

 

         A propos de cette rencontre autour d’un verre, je me souviens que, faisant allusion à mon combat révisionniste, tu m’as dit, gentiment et avec le sourire, que j’étais un «fouille-merde» (sic). (…)

 

         Le scientifique que tu es doit savoir que, si la science est allée de l’avant, c’est grâce à la pléthore de «fouille-merde» qui ont «nié l’évidence», «cherché à y voir de plus près», «voulu revoir», quitte à contrarier femme, enfants, famille, belle-famille, le ban et l’arrière-ban, les donneurs de leçons morales et autres ainsi que les gros malins qui savent, eux, que rien ne vaut les charentaises, les honneurs, la bonne réputation.

 

         J’ose espérer qu’un jour, à mon enterrement ou peu après, tu iras disant: «J’ai connu Robert Faurisson. Il était mon beau-frère. Son malheur tient en quelques mots: il était un chercheur; mieux ou pis, il était un chercheur qui trouvait; encore mieux ou encore pis, il trouvait ce qu’il ne fallait pas trouver.» Ainsi soit-il! – Bien à toi. RF

 

         Que celui qui a des oreilles pour entendre entende!

 

M.P.

 

 

Les trois fautes de la Suisse

 

         L’affaire libyenne prend des proportions absurdes. Le colonel Kadhafi n’est certes pas un personnage sympathique, et il est bien fâcheux que nos deux malheureux compatriotes soient «coincés» à Tripoli; sans doute est-il contrariant que l’interprétation de l’accord négocié par M. Merz ait donné lieu à des malentendus…

 

         Mais, n’en déplaise à la meute des va-t’en guerre qui rêvent d’en découdre, c’est la Suisse qui est la responsable principale de ce sac de nœuds.

 

La première faute

 

         La première faute, et elle est grave, est celle de la police et de la justice genevoises, qui ont commis une lourde erreur d’appréciation en incarcérant Hannibal Kadhafi, fils du leader libyen, et son épouse, pour une faute bénigne (présomption de voies de fait) qui n’aurait jamais valu un tel traitement et une telle humiliation au citoyen genevois lambda.

 

         Quand on sait que des meurtriers, des escrocs et des voleurs ne passent pas une heure au «violon» mais sortent libres du cabinet du juge d’instruction, en attendant la convocation à leur procès, on se demande quelle mouche a piqué l’officier de police et le juge responsables de cette incarcération absurde, pour un délit qui ne se poursuit que sur plainte… et qui n’existe même plus en cas de retrait de plainte!

 

La deuxième faute

 

         L’affaire aurait pu être circonscrite, si les autorités du bout du lac avaient rapidement fait amende honorable, en avouant la maladresse de leurs agents et l’inexpérience de leur magistrat. Il a fallu au contraire que les Genevois en rajoutent dans l’arrogance et la sottise, bientôt suivis dans la Suisse entière par une cohorte de matamores et de tartarins aussi bêtes que leur modèle. On a même lu ici et là qu’«il faudrait envoyer en Libye un commando de grenadiers parachutistes pour libérer les otages»!

 

         Il fallait faire des excuses, et il fallait le faire vite. Au besoin, si le gouvernement de la République et canton de Genève tergiversait, il fallait que le gouvernement suisse présente ses excuses, comme un père de famille assume moralement et civilement les sottises de ses enfants mineurs ou débiles.

 

La troisième faute

 

         La troisième faute a été, dès le départ, de considérer que nos deux compatriotes empêchés de rejoindre la Suisse étaient des «otages» dont le gouvernement suisse devait se soucier officiellement. On a pris bruyamment fait et cause pour ces deux malheureux, qui ne sont pourtant nullement incarcérés, et qui se sont rendus en Libye – à ma connaissance – de leur plein gré pour y faire des affaires ou pour y travailler, avec des visas de touristes.

 

         Chez nous, le fait de cacher le but réel de son séjour ou le fait d’exercer une activité lucrative, pour un étranger bénéficiant d’un visa de tourisme, est une infraction grave à la loi sur les étrangers, passible d’une peine privative de liberté.

 

         Les infractions dont se sont éventuellement rendus coupables nos compatriotes auraient juste mérité que nos représentants diplomatiques à Tripoli leur conseillent les services d’un bon avocat, éventuellement exercent des pressions discrètes pour faire avancer le dossier. Prendre officiellement et publiquement leur parti sans connaître le dossier, les qualifier d’«otages» et envoyer notre ministre des affaires étrangères, puis le président de la Confédération, dans des avions spéciaux, dans le but avoué de les ramener en Suisse avant même d’avoir obtenu le feu vert des autorités locales était le signe d’un grand optimisme, d’une grande naïveté, mais surtout d’une nouvelle et grave grossièreté.

 

Conclusion

 

         Contrairement à ce qu’on lit çà et là, ce ne sont pas les institutions qu’il faut modifier, pour éviter un cafouillage semblable à celui qui nous a été offert par les duettistes Calmy-Merz depuis une année, mais les personnes. A moins de modifier radicalement les fondements mêmes de la Suisse et de transformer notre Etat fédératif en monarchie héréditaire, le problème du pouvoir est hélas insoluble. Depuis l’éjection du père, les garnements du Conseil fédéral nous offrent le triste spectacle d’une bande de gamins irresponsables, solidaires lorsqu’il s’agit de vider l’armoire à confitures, mais désemparés à la première crise qu’ils n’ont su ni prévoir ni gérer.

 

         Pris de court par la crise financière, par la crise économique, par la menace de pandémie grippale, par les attaques du G20, par les «otages» suisses de Libye et par le déficit abyssal de l’AI, nos conseillers fédéraux courent dans tous les sens, chargés de sparadraps, se croisent et se contredisent dans une consternante cacophonie.

 

         Le plus sage, aujourd’hui, et le plus urgent, est de faire savoir à Tripoli que la Suisse se désintéresse totalement du sort de MM. Max Göldi et Rachid Hamdani, qui n’étaient chargés d’aucune mission officielle, et dont le gouvernement n’a pas à se préoccuper. Ces deux messieurs rentreront en Suisse quand leur dossier sera traité, dans une semaine ou dans deux ans, qu’importe. La Confédération n’a pas à s’en soucier, encore moins à payer un centime pour leur «libération».

 

Claude Paschoud

 

 

Trop de stades

 

         Acceptez-vous l’initiative populaire «Pour l’installation dans la région de la Pontaise des stades de football et d’athlétisme prévus sur les rives du lac par le projet “Métamorphose”»?

 

         C’est à cette question et à elle seule que devront répondre les Lausannois lors des votations du 27 septembre.

        

         Ainsi que nous le rappelle la brochure explicative publiée par la Commune de Lausanne au sujet de cette importante votation, «Métamorphose constitue le projet majeur de développement de la ville de Lausanne pour les 15 à 20 prochaines années. (…) Il s’inscrit dans le cadre du programme de législature et représente le volet lausannois du projet d’agglomération Lausanne-Morges (PALM).»

 

         Ces beaux projets visent à préparer l’arrivée sous nos cieux de plusieurs dizaines de milliers de nouveaux habitants dans les années à venir, et prévoient la modernisation des infrastructures – sportives notamment –, le développement des réseaux de transports publics, la construction de nouveaux logements et la création d’emplois, le tout sur fond d’écologisme dégoulinant.

 

         Métamorphose prévoit entre autres choses de créer des infrastructures sportives de qualité. Lausanne n’est-elle pas capitale olympique? La Ville ne saurait donc se contenter de moderniser le stade de la Pontaise et les piscines existantes. Il lui faut, outre un stade consacré à l’athlétisme, un stade de football à l’anglaise de treize mille places, une piscine olympique couverte et un boulodrome. A l’origine, toutes ces installations devaient voir le jour au sud de la ville, à proximité du lac, donc bien loin de la Pontaise qui allait voir disparaître son stade olympique. Les défenseurs du quartier ayant poussé des cris d’orfraie, on leur a consenti en échange le stade d’athlétisme, sans succès comme en témoigne l’initiative sur laquelle les Lausannois doivent voter le 27 septembre.

 

         Le habitants de la Pontaise sont bien ingrats, car la perte de leur stade bien-aimé sera compensée par un véritable paradis. C’est leur quartier, en effet, qui aura l’insigne honneur de se transformer en éco-quartier ou quartier durable caractérisé par «une faible consommation d’énergie, le souci de la qualité de l’eau et de l’air, une limitation de l’usage des véhicules individuels, mais également une mixité sociale et générationnelle, ainsi que la création de nombreux espaces verts». Hélas! il n’y a rien à faire. Ils veulent garder le foot et l’athlétisme.

 

         Et c’est là que les choses se gâtent pour le citoyen soucieux de voter en toute connaissance de cause, car il n’arrive pas à déterminer l’enjeu du vote. Le texte de l’initiative parle des stades de football et d’athlétisme. On est donc fondé à penser que les initiants réclament deux stades, ce que confirment leurs adversaires. Or, à en croire les explications du comité d’initiative par la voix de sa présidente Jacqueline Audemars1, le but de l’opération est de sauver le stade de la Pontaise en tant que stade mixte: «Le Stade de la Pontaise a fait ses preuves. C’est une piste d’athlétisme de rêve qui compte plusieurs records du monde à son actif. C’est aussi l’une des meilleures pelouses de football de Suisse. (…) Rénové et modernisé, ce symbole identitaire pourra continuer d’être le stade polyvalent capable d’accueillir, comme jusqu’ici, de grandes manifestations sportives et des concerts mythiques, de Michael Jackson aux Rolling Stones.»

 

         Pour Michael Jackson, ça va être difficile, et le «symbole identitaire» augure mal de la mixité sociale et générationnelle du futur éco-quartier.

 

         Mais la question n’est pas là. La question est: qui nous ment? Sont-ce les tenants inconditionnels de Métamorphose et de ses projets mégalomanes, aux fins de déconsidérer les défenseurs de la Pontaise et leurs partisans, susceptibles d’enrayer leur marche triomphale vers les paradis sportifs? Faut-il croire, au contraire, que l’idée de départ des auteurs de l’initiative était bien de disposer de deux stades distincts, idée qu’ils auraient abandonnée en cours de route pour des raisons de cohérence mais qui serait, par la force des choses, restée gravée dans le texte soumis au vote?

 

         Je n’en sais rien et ça m’agace. Je voterai donc blanc le 27 septembre.

 

M.P

 

1 24 heures du 12 septembre. Voir aussi la brochure explicative de la Commune de Lausanne, p. 8.