Lausanne 38e année      «ne pas subir»      Mars  2008 No 373

 

 

Sommaire :

 

Editorial

L’éditorialiste se penche sur l’état déplorable de certains pays du Tiers-Monde et propose des solutions…

 

Bricoles

Où il est question de Sénat, de juridisme, de fumée, d’Adolf Hitler et de Patrice Mugny

 

En direct de Sirius

Max consacre ce mois l’essentiel de sa chronique à la France, actuelle et passée. Il s’intéresse aussi à la chirurgie esthétique.

 

Langues en conserves

Pollux s’étonne que des fonctionnaires internationaux nous recommande un conservatisme à géométrie variable

 

Ne dites pas…

Le pinailleur corrige une erreur assez répandue chez nos bons confrères.

 

Les nouveaux pontifes

Michel de Preux ne croit pas une seconde aux vantardises d’un Roger de Diesbach, qui se présente sans modestie comme le gardien de la vérité dans l’intérêt général, et un agent de transparence de la démocratie.

 

Les nouvelles aventures…

Une fois de plus, le public est abusé par une mystificatrice et avale sans peine des fables totalement invraisemblables.

 

Du Kosovo au secret bancaire

Le Conseil fédéral a reconnu l’indépendance du Kosovo, au mépris des règles de droit international et des traités qu’il invite ses partenaires européens à respecter, lorsqu’il s’agit de secret bancaire et de souveraineté fiscale.

 

Au courrier

Notre correspondant apporte son soutien à M. Collaud dans sa résistance (symbolique) aux futures nuisances des compétitions footballistiques.

 

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Editorial

 

«(…) pourquoi ne pas envisager des collaborations fructueuses entre les régions du globe, pourquoi ne pas mettre en œuvre des plans pour que les peuples puissent rester chez eux et y vivre décemment?», s’écrie, dans un bel élan d’optimisme, Marcel Narbel, rédacteur de Suisse-info,  dans son dernier livre intitulé L’homme, assassin de la vie1.

 

Monsieur Narbel a raison, bien sûr. Malheureusement, comme il le constate lui-même par ailleurs, ce séduisant programme se heurte à toute une série d’obstacles dus à la bêtise et à la cupidité humaines. Les «collaborations fructueuses» existent, mais ne profitent le plus souvent qu’à un petit nombre, qu’il s’agisse de puissances économiques, de régimes politiques corrompus, voire d’organisations non gouvernementales coûteuses, à l’action contestable, du genre de l’Arche de Zoé. Si la misère du monde émigre, c’est parce que l’aide financière que lui fournissent les «nantis» s’«égare» dans les poches de dirigeants dont le moins qu’on puisse dire est qu’ils ne sont pas étouffés par les scrupules, et qui, de surcroît refusent tout contrôle extérieur sur les sommes reçues – gare à la néo-colonisation!

 

Le seul moyen de sortir les pays miséreux de l’ornière serait, après avoir redessiné les frontières afin d’éviter les conflits ethniques, de les mettre sous tutelle, de restaurer les infrastructures abandonnées par les anciens pays colonisateurs à des mains incompétentes, de former sur place les ouvriers, cadres, entrepreneurs, enseignants et autres mains-d’œuvre dont ces pays ont besoin, de contrôler rigoureusement la gestion des politiques, bref de recoloniser. Il n’y faut pas songer, bien sûr, mais on pourrait à tout le moins ne pas aller à fin contraire.

 

La presse des 11 et 12 mars fait état de la volonté du Grand Conseil vaudois, gauche et droite confondues, de réclamer à Berne une modification de la loi sur les étrangers, afin que les étudiants extra-européens formés en Suisse puissent y travailler pendant trois ans à l’issue de leurs études, au lieu de devoir rentrer directement après l’obtention de leur diplôme comme c’est le cas actuellement.

 

Si le motif de cette demande se traduisait par un argument du style «ces étrangers seront beaucoup plus utiles à leur pays si on leur offre la possibilité d’acquérir, avant leur retour, une expérience pratique», nous n’aurions rien à dire. Mais ce n’est pas cela. 20 minutes du 11 mars nous explique que, pour la droite, il s’agit d’utiliser les compétences de ces jeunes gens  au service de l’économie suisse; pour la gauche, il s’agit, comme d’habitude, de favoriser l’établissement d’étrangers chez nous. L’intérêt des habitants du tiers-monde, qui est de profiter de suite, ne serait-ce qu’un peu, des compétences de leurs compatriotes bien formés, nos députés s’en fichent!

 

Par ailleurs, «en trois ans, on prend racine», surtout si on a précédemment étudié plusieurs années au même endroit. Que se passera-t-il lorsque, au bout des trois ans réglementaires, ces étrangers seront sommés de quitter la Suisse? Les patrons satisfaits et les gauchistes au grand cœur s’uniront pour que ces malheureuses victimes d’un droit des étrangers inhumain puissent rester en Suisse et y faire venir leurs familles.

 

Non seulement la «multiculturalité» s’accentuera chez nous avec tous les risques de heurts que cela comporte à terme, mais les populations du tiers-monde, privées de cette chance, si maigre soit-elle, de voir s’améliorer leur situation, continueront – et on les comprend – à venir chercher fortune dans nos contrées.

 

Comme vous le voyez, cher Monsieur Narbel, ce n’est pas demain que le problème migratoire sera résolu. Non seulement la volonté fait défaut, mais on se heurte à  un véritable refus de voir les choses en face, et on n’y peut rien.

 

Le Pamphlet

 

1 Page 94, Editions à la Carte, www.edcarte.ch

 

 

 

Bricoles

 

Sénat

 

On sait que le système législatif bicaméral helvétique est calqué sur le système américain: une Chambre du peuple – en réalité une Chambre des partis –, le Conseil national en Suisse ou la Chambre des Représentants aux Etats-Unis, et une Chambre haute, dans l’un et l’autre pays, représentant les Etats de la Confédération, à raison de deux députés par Etat.

 

Les journalistes ont horreur de toute formule susceptible de rappeler que les cantons suisses sont de véritables Etats, dotés de compétences souveraines probablement aussi larges, sinon même plus étendues, que n’en ont les membres de l’Union européenne. C’est pourquoi le nom de Conseil des Etats et la fonction de député aux Conseil des Etats sont systématiquement remplacés, dans les articles écrits ou parlés, par leurs équivalents américains de Sénat et de sénateur.

 

Dans le même temps, et pour les mêmes raisons, on se demande pourquoi la Confédération ne se décide pas – enfin – à légiférer pour imposer une solution unique et identique sur la fumée dans les établissements publics ou sur les chiens dangereux.

 

Lorsque le Conseil des Etats sera devenu un Sénat à la française, et que les cantons n’auront pas plus de compétences que les départements, la Suisse sera mûre pour une nouvelle version de la République helvétique une et indivisible: en 2010, nous aurons déjà la procédure unifiée à la sauce zuricoise. Jusques à quand nous autorisera-t-on à parler le français ?  (cp)

 

Police

 

Lorsqu’une règle du droit ennuie un politicien ou un journaliste, il décrétera que la respecter est du juridisme étroit et qu’il faut, au contraire, «prendre de la hauteur, coller à la réalité ou préférer l’esprit à la lettre».

 

On l’a vu avec la proclamation unilatérale d’indépendance de la province serbe du Kosovo, on le voit avec l’initiative sur la police unique: des milliers de signatures récoltées en faveur d’un projet de loi contraire à la Constitution! Caramba! les initiants avaient oublié de consulter un juriste.

 

«Ce n’est pas grave», nous dit M. Laurent Busslinger, aussi invariablement attiré par l’erreur qu’une aiguille de boussole par le nord, «il ne faut pas s’attacher à la lettre de la loi, il faut en considérer l’esprit». Pour le rédacteur du quotidien dodu, il s’agit donc de violer allégrement la Constitution pour satisfaire les exigences de vingt mille citoyens désireux de supprimer les compétences des communes en matière de maintien de l’ordre.

 

«Si l’on veut atteindre ce but, ne faudrait-il pas d’abord modifier la Constitution?», demande le juriste. «Ces professeurs de droit nous ennuient», répondent les imbéciles. (cp)

 

Perplexité

 

Un certain Patrice Mugny déclare que «la RSR a fait du rupestre Pays de Vaud son centre d’intérêt». Patrice Mugny? C’est quoi pour un, ce zézet? C’est le maire de Genève? C’est quoi Genève? Un gros bourg? Ah! C’est où? (db)

 

Fumée

 

     20 minutes nous l’annonçait le 25 février: la fumée sera autorisée dans les travées des stades durant les matches de l’Euro 2008. Mais les fumeurs devront apporter leurs cigarettes et il leur sera recommandé de ne pas fumer. L’Union des fédérations européennes de football (UEFA) ayant ainsi sacrifié à la morale moderne, on va pouvoir accueillir aussi la clientèle des réprouvés, dont l’argent ne sent pas la fumée.

 

Ça vient de sortir (20 minutes du 10 mars): alors que les Genevois sont, en Suisse, champions toutes catégories en matière d’anti-tabagisme, des petits malins du Minnesota, gérants de bars, ont trouvé moyen de contourner l’interdiction de fumer dans les bars et dans les clubs: se fondant sur une disposition légale autorisant les acteurs à fumer en représentation, ils invitent leurs clients à se muer en comédiens. Un petit sketch improvisé ou le port d’un costume de scène par un «acteur» jouant son propre rôle de client fumeur font l’affaire. Nul doute que la loi sera corrigée pour remédier à ces infâmes abus, mais en attendant, une trentaine d’établissements américains sont fumeurs, ce qui démontre que les lois trop restrictives finissent toujours par inspirer des esprits futés. Ce sera le cas chez nous aussi dans quelques années, n’en doutons pas. (mp)

 

Efficacité

        

Selon le rapport d’un institut de recherches des USA, un tiers des jeunes Américains ne savent pas qui était Adolf Hitler et dix pour cent le prennent pour un fabricant d’armes (communiqué ats du 27 février). Pauvres gardiens de la Mémoire si mal récompensés de leurs efforts! (mp)

 

Déploiement

 

Dans un communiqué AFP du 28 février annonçant que le prince Harry avait passé quelques semaines dans le contingent britannique d’Afghanistan, on pouvait lire: «Le prince Harry a été déployé pour quatre mois, selon le ministère.» Il n’y a pas à dire : ce jeune prince doit occuper une sacrée surface! (mp)

 

 

En direct de Sirius

 

Freins de piqué ?

 

France Info nous apprend, le 14.3.2008, que le président français, au vu d’un évident vote de mécontentement national au premier tour des municipales mais surtout de la vertigineuse chute de sa popularité – en dépit d’instituts de sondage à sa botte –, aurait abandonné l’idée d’un remaniement ministériel et décidé de changer de style, tactique qui ne manquera pas de poser quelques questions embarrassantes: jouait-il un personnage par souci démagogique ou était-il vraiment lui-même en parvenu? Dans le premier cas, il n’aurait alors été qu’un médiocre illusionniste; dans le second, ses efforts risquent d’être inutiles: chassez le naturel, il revient au galop.

 

Une petite escroquerie dotée d’un bel avenir

 

Rappelez-vous… Aux dernières présidentielles françaises quelques génies de la communication orientée avaient, sans doute un vendredi, une fois couché le soleil, convenu de lancer l’astucieux slogan du «vote utile». Habile manœuvre de mise en condition de l’électorat lambda destinée à prévenir une nouvelle arrivée en finale d’un parti indésirable – mais néanmoins représentatif de cette France qui continue à souffrir en silence et à se faire plumer – au sein du système bipolaire de nos démocraties. Cette nouvelle stratégie de «marketing» politicien avait eu pour conséquence directe un duo mixte de faux comparses avec, en fin de parcours, l’élimination de la moins habile des deux, défaite par un «sarkocuficateur» jouant une sorte de pot-pourri de programme de «drauche» et de valeurs nationalistes, au plus grand soulagement des bourgeois mous peu enclins à un retour du rose à l’Elysée, ratissant au passage le nombre qu’il fallait de naïfs migrateurs d’un Front National désormais hors-concours.

 

La formule «magique» a resservi aux élections municipales qui s’achèveront le 16 mars, avec toujours pour effet la mise hors-jeux de partis malvenus. Mieux ! La Stampa du 11 mars la reprenait dans sa langue en l’appliquant aux votes pour les Cortès espagnols.

 

En toute logique, notre peuple peut donc compter que cette recette – qui a fait ses preuves – sera bientôt ajustée au système helvétique et utilisée pour la sauvegarde des intérêts des mêmes initiateurs.

 

Ces désespérés qui ont peur de vivre

 

On ne compte plus, dans nos biotopes en délire, le nombre de très jeunes gens de tous sexes qui ont un recours abusif à la chirurgie esthétique et autres artifices de résorption de leurs premières rides d’expression. Sitôt passé le cap de l’adolescence boutonneuse, ils délaissent avec soulagement les formules anti-acné pour se piquer aux toxines, s’oindre de crèmes prometteuses, s’«institudboter», s’imprégner de culture… en petits pots. Tout se passe comme s’ils freinaient des quatre fers face à leur ligne de vie, au risque d’avoir manqué le spectacle lorsque viendra l’addition finale.

 

Pourtant qu’il était beau le geste de Hans Albers, en baron de Münchhausen, retirant de son doigt la bague de Cagliostro, abandonnant le charme d’une éternelle jeunesse pour mieux accompagner celle dont il avait décidé qu’elle serait son ultime épouse…

 

L’épuration ou la fin d’un monde1

 

         Né en 1970, sous l’occultation, M. Pierre Gillieth s’est attaché, dans un livre très court et bien documenté, à étudier les événements qui ont marqué la France depuis la volte-face du parti communiste français en juin 1941 (début de l’attaque allemande sur l’URSS) jusqu’aux dernières exécutions d’après-guerre et à la «redistribution» des industries et de la presse. Au fil d’une plume élégante, le lecteur y découvrira d’étranges alliances et des filiations insoupçonnées, sans compter de très intéressantes citations dont ce surprenant aveu de de Gaulle à Pompidou, aujourd’hui paré d’accents de prophétie: «J’ai bluffé mais la première armée c’était des nègres et des Africains [P. note qu’il parlait en fait des pieds-noirs]. La division Leclerc a eu 2 500 engagés à Paris. En réalité, j’ai sauvé la face mais la France ne suivait pas. Qu’ils crèvent! C’est le fond de mon âme que je vous livre: tout est perdu. La France est finie. J’aurai écrit la dernière page».

 

Effet «euro» : les Français se réveillent (avec la gueule de bois).

 

         Les «vaches maigres» étant redescendues de l’alpage, les Français découvrent que, depuis l’introduction de l’euro et la fièvre du pétrole, les prix de certains biens de première nécessité ont sextuplé… Rien n’est donc perdu: peut-être réaliseront-ils enfin que le centime d’euro, dont ils délestent prestement leurs poches afin de ne les point trouer, représente tout de même 6,55957 fois leur ancien centime!

 

Max l’Impertinent

 

 

1 Chez Pardès, 44 rue Wilson, F 77880 Grez-sur-Loing, ISBN 978-2-86714-410-3, 128 pages, 15 € (livre très complémentaire de La licratisation de la France  d’Anne Kling, éditions Déterna, 2006, ISBN 2-913044-63-8).

 

 

Langues en conserves

 

Une jeune agricultrice fribourgeoise à qui l’on demandait si elle était conservatrice avait répondu: «Je suis pour conserver ce qui marche et pour virer ce qui ne marche pas.» A y regarder de plus près, on constate que tout le monde est plus ou moins conservateur, la différence résidant dans le choix de ce qu’il faut conserver.

Il existe ainsi de nombreux conservateurs chez les politiciens de gauche lorsqu’il s’agit de conserver des acquis sociaux, des administrations pléthoriques ou des ateliers ferroviaires trop peu rentables. De même, les écologistes qui rêvent d’un «village mondial» multiculturel peuplé d’hommes et de femmes définitivement métissés professent simultanément un racisme scrupuleux lorsqu’il s’agit de protéger les espèces autochtones contre l’invasion d’écrevisses américaines ou de coccinelles asiatiques.

On remarque la même sélectivité du conservatisme dans les organisations internationales. On a déjà posé ici la question de savoir pourquoi l’indépendance du Kosovo est saluée comme une libération populaire tandis que des velléités identiques de la Flandre sont présentées comme une intolérable dérive nationaliste. La Flandre, précisément, vient encore de se faire morigéner par le Comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination raciale ainsi que par la Commission européenne, au motif que l’attribution de logements sociaux y est désormais réservée aux personnes parlant ou ayant pris l’engagement d’apprendre le néerlandais. Cette «discrimination raciale» des néerlandophones vis-à-vis des francophones, destinée à empêcher une modification de la répartition linguistique dans certains quartiers du nord de Bruxelles, est qualifiée de «préoccupante» par les «experts» onusiens.

Au même moment, on apprend que la Suisse reçoit des «recommandations» du Conseil de l’Europe, qui l’«encouragent» à promouvoir l’usage du romanche dans les écoles, l’administration et les tribunaux, mais aussi dans les médias privés. Un comité d’«experts» – peut-être les mêmes que ceux de l’ONU? – est venu fouiller dans notre législation pour y déceler quelques dispositions constitutionnelles insuffisamment mises en œuvre et nécessitant l’adoption rapide d’une loi sur les langues. Pour faire bonne mesure, cet aréopage de cuistres nous invite à reconnaître officiellement le yéniche «comme une langue régionale ou minoritaire traditionnellement parlée en Suisse et faisant partie du patrimoine culturel et linguistique suisse».

Au-delà de la légitime exaspération que l’on doit ressentir face à cette poignée de «fonctionnaires du monde» qui se permettent de nous dire ce que nous devons faire chez nous, on peut décidément se demander pourquoi l’on nous exhorte à un tel conservatisme avec le moindre des idiomes locaux – sauf le flamand – alors que, concomitamment, on veut nous persuader que la culture chrétienne de l’Europe, les valeurs familiales traditionnelles, la répartition des rôles entre hommes et femmes, les frontières étatiques, la souveraineté des cantons suisses, le droit de se déplacer librement en voiture et la fabrication de cervelas à base de boyaux de zébus brésiliens appartiennent à un monde définitivement révolu.

 

Pollux

 

 

 

Ne dites pas…

 

Ne dites pas : «Pascal Couchepin devrait arrêter de dire des bêtises à tout propos. Il en va de sa crédibilité.» Dites : «Pascal Couchepin devrait arrêter de dire des bêtises à tout propos. Il y va de sa crédibilité.»

 

Vous pouvez ajouter, si cela vous fait plaisir : «Il en va de même pour Micheline Calmy-Rey.»

 

 

Le pinailleur

 

 

Les nouveaux pontifes

 

         Roger de Diesbach vient de publier aux Editions Slatkine à Genève une sorte de bilan de sa carrière professionnelle,  Presse futile - presse inutile, sous-titré Plaidoyer pour le journalisme: un pavé de 470 pages! Voici la substantifique moelle de son propos: «Notre objectif ambitieux est de vous entraîner dans ce monde très dur de la presse, (…) de rechercher la vérité dans l’intérêt général, d’être véritablement les agents de transparence de la démocratie.»  C’est très exactement ce qui se nomme la «langue de bois». Les journalistes se donnent avec complaisance et ostentation le rôle de garants de l’objectivité dans l’information et celui du refus de toute censure ne répondant pas à un intérêt public ou privé légitime.

 

         Je pense avec beaucoup de mes concitoyens qu’il n’en est rien, que la censure n’a nul besoin d’être légale pour exister et s’imposer de manière occulte en de multiples domaines sans qu’il y paraisse rien au grand public, et je suis en mesure de le prouver. Je pense aussi que la vérité n’est pas l’objectif du journalisme, actuel du moins, mais uniquement l’exercice rémunéré d’une liberté surveillée, donnée officiellement comme pleine et entière, ce qui est assez différent…, et je suis également en mesure de le prouver, ici même en plus.

 

         Dans ces conditions, peut-on parler de transparence de la démocratie? La réalité est tout autre: là où la transparence existe, elle dissimule un régime de contrôle social et le fait même de l’opacité. Le régime de la presse est un régime d’orientation idéologique de l’opinion publique dans lequel la futilité, la place tout à fait exorbitante du sport, les scandales et les faits divers obstruent littéralement et quotidiennement la saine recherche et la défense intransigeante de la vérité par de petites vérités de camouflage.

 

         Ce rôle n’a pas du tout la noblesse que les intéressés se plaisent à lui donner par la diffusion d’opinions absolument gratuites sur le sujet. Nul besoin d’être particulièrement averti pour savoir que de nombreuses questions d’intérêt général et extrêmement importantes sont délibérément passées sous silence ou habilement contournées dans le but d’émousser, voire de tuer l’intérêt du public à leur propos.

 

         Citons l’altération prouvée de la foi catholique par l’assemblée de Vatican II et ses conséquences indubitables quant à la légitimité du «Magistère» actuel de l’Eglise et à la qualité représentative de sa hiérarchie jusqu’à son sommet. Citons aussi la délinquance des magistrats de l’ordre judiciaire dans l’exercice même de leur office, elle aussi démontrable mais totalement soustraite, malgré la loi – le crime énoncé à l’article 312 de notre code pénal fédéral étant applicable aux magistrats agissant dans l’exercice de leur fonction1 – , à la répression ordinaire des tribunaux et, par voie de conséquence, à l’information elle-même. Car les journalistes, qui connaissent ce genre de dénonciations, les passent sous silence, se faisant ainsi les complices de magistrats délinquants, dont ils assurent, à la place qui est la leur et par le silence, l’impunité dans la plus flagrante illégalité.

 

         Ces deux seuls exemples suffisent amplement à démontrer le peu de crédit que nous devons accorder aux vantardises de Roger de Diesbach, qui se présente tout à fait indûment en défenseur courageux des libertés publiques et privées. Cette prétention n’est vraie que pour des vérités anodines ne comportant aucun risque pour la quiétude de leur carrière.

 

         La défense de vérités de compromission n’est déjà plus celle de la vérité en esprit. Elle est au contraire un exercice peu glorieux de dissimulation de l’esclavage de tout un corps professionnel, qui sait habilement et solidairement pratiquer le mensonge par omission là où celui-ci est assuré de ne rencontrer aucune opposition suffisamment forte pour en révéler l’existence.

 

Michel de Preux

 

 

1 Voir Paul Logoz: Commentaire du CPS ad art. 312)

 

 

 

Les nouvelles aventures…

 

Misha Defonseca, comme vous le savez sans doute, est l’auteur d’un livre intitulé Survivre avec les loups, dont on a tiré tout récemment un film dans la distribution duquel apparaît l’ineffable Guy Bedos, grand champion des causes gagnées d’avance.

 

Pour ce que j’en sais, Survivre avec les loups raconte l’odyssée d’une petite juive de quatre ans qui, munie d’une boussole, quitte la Belgique et part à travers l’Europe occupée à la recherche de ses parents déportés par les nazis. Au cours de ses pérégrinations, elle est prise en charge par des loups, ce qui lui permet de survivre.

 

 Cette histoire était jusqu’ici notoirement authentique. Elle avait, à ce qu’on nous raconte, ému de «grandes consciences» comme le contesté témoin Elie Wiesel et la championne de l’avortement Simone Veil.

 

Le 28 février, à la suite des doutes émis par un certain nombre de révisionnistes, fréquentables ou non, l’auteur de Survivre avec les loups déclarait, dans le quotidien belge Le Soir, qu’elle ne s’appelait pas Misha Defonseca mais Monique De Wael, qu’elle n’était pas juive, du moins à l’époque, et que son histoire était inventée de toutes pièces. Elle précisait cependant, sans doute en quête d’un argument absolutoire: «Ce livre, cette histoire, c’est la mienne. Elle n’est pas la réalité réelle, mais elle a été ma réalité, ma manière de survivre.»

 

         Je veux bien la croire. Mais s’il ne s’agit pas d’une escroquerie éhontée,  Monique De Wael relève de la psychiatrie. A défaut d’être dans le collimateur de la justice, elle devrait être confiée aux bons soins d’un établissement spécialisé.

 

         Eh bien! il n’en est rien, en tout cas à l’heure où je rédige ces lignes. Les réactions ont même été incroyablement mesurées: l’éditeur est simplement fâché d’avoir été trompé – et probablement vexé d’avoir été naïf. La réalisatrice du film s’est déclarée ennuyée mais apitoyée. Pour le reste, après quelques remous, l’heure est à une exquise discrétion. Quant à l’œuvre qui a tant enchanté les sourcilleux gardiens de la Mémoire, elle poursuivra sa lucrative carrière. On cessera juste de prétendre qu’elle repose sur des faits réels.

 

         Ce qui est sidérant dans cette affaire, c’est l’invraisemblable crédulité dont font preuve les gens sitôt que le nazisme est en jeu.

 

         Si un quidam venait raconter – réalité réelle, croix de bois, croix de fer! – que, à l’âge de trois ans, il a traversé une partie de la Sibérie sur un tricycle muni d’un GPS «qui cause» pour retrouver ses parents déportés par le régime communiste, tout le monde lui rirait au nez. Remplacez la Sibérie par la Pologne et le régime communiste par le régime nazi: tout le monde s’extasiera devant l’extraordinaire héroïsme de ce petit garçon, sans même s’aviser que, entre autres invraisemblances, le GPS «qui cause» est d’invention récente et ne peut de toute façon pas s’installer sur un tricycle.

 

         Cette cécité s’applique à bien d’autres témoignages, mais il ne faut pas le dire.

 

Mariette Paschoud

 

 

 

Du Kosovo au secret bancaire

 

La reconnaissance de l’indépendance du Kosovo par le Conseil fédéral fut une faute grave que nous n’allons pas tarder à payer au prix fort.

 

Le respect du droit international, comme le respect du droit tout court, protège les intérêts de tous, mais principalement ceux des petits et des faibles. En l’espèce, la proclamation unilatérale d’indépendance d’une province serbe constitue, incontestablement, une violation du droit international. J’écris incontestablement car cette violation n’est sérieusement contestée par personne, j’entends : par aucun juriste compétent.  Je rappelle, à toutes fins utiles, qu’une proclamation d’indépendance n’est licite que dans deux cas: primo, avec l’agrément de l’Etat souverain dont faisait partie le nouvel Etat indépendant  (ce fut le cas, en Suisse, du canton du Jura) et secundo, par décision unilatérale d’un peuple. Ce fut la situation de plusieurs Etats africains au siècle passé.

 

Aucune de ces hypothèses n’est réalisée en l’occurrence : la Serbie, dont le Kosovo est une province depuis des siècles, a manifesté assez clairement son opposition à toute velléité d’indépendance. Et les Kosovars ne sont pas un peuple. Quelques voix timides ont bien tenté, dans les premiers jours qui ont suivi la proclamation d’indépendance, de suggérer que les Albanais du Kosovo pourraient être considérés comme un peuple, mais personne ne soutient plus une thèse aussi hardie aujourd’hui.

 

Du point de vue du droit, l’unanimité est aujourd’hui réalisée: la proclamation unilatérale d’indépendance du Kosovo est un acte contraire au droit international, et notamment à la résolution 1244 du Conseil de sécurité de l’ONU, qui a mis fin à la guerre dans les Balkans en 1999, et qui réaffirmait «l'attachement de tous les Etats Membres à la souveraineté et à l'intégrité territoriale de la République fédérale de Yougoslavie et de tous les autres Etats de la région». La reconnaissance, par les Etats-Unis et par d’autres Etats de l’Union européenne, de l’indépendance du Kosovo constitue également une violation du droit international et une violation des traités.

 

Le Conseil fédéral ne le nie pas mais on nous parle de Realpolitik: cette reconnaissance aurait été inévitable, on devait faire comme les autres, il fallait reconnaître une situation de fait, le statut d’autonomie ne pouvait plus durer, on ne pouvait risquer de fâcher la communauté kosovare en Suisse, forte de 175'000 individus…

 

En gros, c’est le discours que tenaient, dans les pays occupés par le Reich entre 40 et 44, les collaborationnistes. Pas plus nazis que les autres, le plus souvent, ils se justifiaient par le réalisme: il faut, disaient-ils, reconnaître une situation de fait, on ne peut pas se comporter comme si la France n’était pas occupée. Rien ne sert d’irriter les Allemands plus que nécessaire.  Et les collabos pouvaient encore ajouter que ni les opérations militaires ni l’occupation ne violaient, en soi, le droit international.

 

La décision de reconnaître le Kosovo comme un nouvel Etat indépendant n’est pas fondée sur le droit, mais sur la politique, nous dit le Conseil fédéral.

 

Mais quelle est donc la politique que mène la Suisse dans les Balkans, qui l’incite à s’asseoir sur le droit international, et à suivre, contre l’avis du Conseil de sécurité, de la Serbie, de la Russie, de la Chine et de plusieurs autres Etats menacés par des régions sécessionnistes, la position des Etats-Unis?

 

On sait qu’en juin 1999, immédiatement après le bombardement de la Yougoslavie, les forces US se sont emparées de cinq cents hectares de terre agricole au sud du Kosovo, à Uresevic, près de la frontière avec la Macédoine, et ont commencé la construction du camp Bondsteel, qui est aujourd’hui la plus grande base militaire américaine construite depuis la guerre du Vietnam. On sait aussi que le Kosovo n'a pas de pétrole, mais que sa situation géographique est stratégique car le pipeline Trans-Balkans (connu sous le nom de pipeline AMBO, du nom de son constructeur et opérateur, une compagnie pétrolière albanaise, macédonienne et bulgare enregistrée aux Etats-Unis) le traversera.

Le pipeline pompera le pétrole de la Mer Caspienne, du port bulgare de Burgas via la Macédoine jusqu'au port albanais de Vlora, à destination des pays européens et des Etats-Unis. Plus précisément, le pipeline AMBO de 1,1 milliard de dollars permettra aux compagnies pétrolières opérant dans la Mer Caspienne de transporter leur pétrole vers Rotterdam et la Côte Est des USA à un coût bien moindre que celui d'aujourd'hui1

 

On sait aussi que le premier ministre de la nouvelle République du Kosovo, M. Hashim Thaçi, est reconnu comme ayant des liens avec des organisations criminelles. Il est un membre fondateur de l'UÇK, organisation terroriste dont le Washington Times a rapporté qu'elle finançait ses activités par le trafic d'héroïne et de cocaïne en Europe de l'Ouest2. Alors que Thaçi était à la tête du Parti démocratique du Kosovo, ce parti utilisait couramment la violence et l'intimidation des adversaires politiques pour assurer son contrôle. Cela servait à protéger des entreprises criminelles qui dépendaient de la collaboration d'autorités locales amies3. Selon Can Karpat, qui écrit pour AxisGlobe.com, «Thaçi est aussi connu comme étant l'organisateur du Groupe de Drenica qui contrôle entre 10 et 15 pour-cent des activités criminelles au Kosovo en rapport avec le trafic d'armes, de pétrole et de cigarettes, le vol d'automobiles et la prostitution. Le groupe a établi et maintient des liens avec les mafias albanaise, tchèque et macédonienne. De plus,  la sœur de Thaçi est mariée à Sejdija Bajrush, un des leaders de la célèbre mafia albanaise»4.

 

Notre pays mène-t-il dans les Balkans une politique qui l’oblige à complaire aux Etats-Unis pour son approvisionnement en pétrole, et à la mafia albanaise pour ses trafics en tous genres?

 

Le Conseil fédéral est bien naïf s’il croit pouvoir ménager nos intérêts en s’associant aux violeurs du droit international: on a vu comment les lobbies influents de la côte Est des USA se sont moqués du droit lors du racket des banques helvétiques dans l’affaire dite des fonds en déshérence. On verra bientôt comment les Etats-Unis, la France et l’Allemagne contraindront la Suisse à lever le secret bancaire, au mépris des conventions et en contradiction avec les accords conclus avec l’Union européenne, et bien entendu au grand dam de notre place financière.

 

Nos concurrents dans ce domaine pourront rappeler à notre gouvernement que le chantage dont nous serons bientôt les victimes n’est, en effet, pas conforme au droit, mais qu’il est un des moyens favoris de la Realpolitik ; et qu’après nous être empressés de reconnaître le Kosovo, alors que rien ne nous y obligeait, nous sommes bien mal venus de nous plaindre d’une violation des accords internationaux conclus en matière fiscale.

 

 

Claude Paschoud

 

1 Voir article de M. Abdus Sattar Ghazali sur le site www.mondialisation.ca

2 KLA finances fight with heroin sales Terror group is linked to crime network; Jerry Seper. Washington Times. Washington, D.C.: May 3, 1999. pg. A.1

3 Voir: http://www.csmonitor.com/2000/0815/p9s1.html

4 Hashim Thaci or When the Little Red-Cap’s Wolf is Tamed: Can Karpat in Axis Globe AIA Balkanian Section (04/01/2006). http://www.axisglobe.com/article.asp?article=561

 

 

 

Au courrier

 

Chers amis,

 

Je me permets d’apporter une pierre à l’édifice de M. Collaud (cf. article Sport et sportifs, Le Pamphlet no. 371, janvier 2008):

 

J’ai été bouleversé ce matin, à la lecture du bulletin d’information tsr.ch, d’apprendre que le jeune Steve Hirschi, défenseur de Lugano, subira mardi prochain1 l’ablation des amygdales, et sera, de ce fait, absent durant cinq semaines. Ce coup dur pour le Sport d’abord, puis pour son club ensuite et en dernier lieu pour lui sera, je l’espère, porté sur la déjà longue liste du martyrologue sportif!

 

Lorsque, par le même canal d’information, l’on a appris il y a quelques jours que le sport génère annuellement en Suisse 230'000 (?!) manifestations sportives, dont soixante-huit de grande envergure (détails s.v.p.), représentant 1,2 mia de francs et procurant 5350 emplois, on ne peut que citer l’Evangile selon saint Médias: «Le Sport est notre dieu et le football son prophète»…

 

Je ne peux m’empêcher, pour terminer, de citer ici cette réflexion de l’écrivain français Jean Orieux (1907-1990): «La grandeur est partout, mais surtout dans la sottise»!

 

Avec mes salutations les plus cordiales.

 

J.-F. H.

 

1 Ce courrier est daté du dimanche 24 février (n.d.l.r.)