Lausanne 37e année      «ne pas subir»      Juin  2007 No 366

 

 

Sommaire :

 

Editorial

L’éditorialiste expose les bonnes raisons, pour les Lausannois, de refuser un «shootoir» le 8 juillet prochain

 

Bricoles

Où il est question du CICR, de la synagogue de Malagnou, de cyclistes, d’une manif «contre la droite», d’égalité, de missions militaires à l’étranger, de modernisme liturgique et de seringues.

 

En direct de Sirius

Max s’émerveille des applications du dogme démocratique dans la bande de Gaza. Il se met à l’heure de la communication par SMS et il s’inquiète néanmoins de la fragilité psychologique de nos enfants.

 

Il est interdit d’aguicher

Pollux décode la définition d’une publicité «sexiste» selon les nouveaux critères de la Commission suisse pour la loyauté en matière commerciale.

 

Appel au peuple ou la question avortée

A l’occasion du procès des leaders de l’association «Appel au peuple», Michel de Preux commente l’action de ces justiciers égarés par l’orgueil.

 

Affolement

Claude Paschoud constate qu’une grande agitation atteint les milieux sionistes extrémistes après la proposition irréfléchie de Mme Micheline Calmy-Rey d’organiser à Genève un colloque sur les «différentes perceptions de l’Holocauste»

 

Propos roboratifs

Gérald Berruex a lu, une fois n’est pas coutume, des propos frappés au coin du bon sens dans Le Matin dimanche du 17 juin. L’auteur de cette prose rafraîchissante n’était pas, évidemment, la journaliste maison, mais l’interviewé Me Bonnant, illustre avocat genevois.

 

 

 

 

Editorial

 

On le sait de toute éternité : les expériences des apprentis sorciers qui nous gouvernent débouchent toujours sur des bilans positifs, parce qu’ils sont toujours «évalués» par des experts et autres partenaires de projets mandatés et payés par lesdits apprentis sorciers. On l’a vu voilà quelques années avec la distribution d’héroïne gratuite pour laquelle la Suisse avait fait œuvre de pionnier, pionnier incarné par Madame Ruth Dreifuss, alors calamiteux chef du Département fédéral de l’intérieur. On obtiendra à coup sûr le même résultat en ce qui concerne le local d’injection et d’inhalation -  baptisé Espace de consommation de stupéfiants (ECStup), ce qui est tout de même plus élégant ! -  sur la création duquel les Lausannois devront se prononcer le 8 juillet. En effet, selon la brochure d’information de la Commune de Lausanne, le projet fera l’objet d’une «évaluation dès le départ confiée à l’IUMSP (Institut universitaire de médecine sociale et préventive)», ainsi que d’un «suivi par les partenaires du projet». On voit mal des gens qui ont un intérêt direct à ce que l’expérience se poursuive mordre la main qui les nourrit en déclarant tout net : «Toutes les parties au projet se sont fourvoyées, il faut arrêter de suite cette cochonnerie!»

 

Prenons l’exemple du local d’injection Quai 9 de Genève. On apprend1 que «Après cinq ans, le centre pour consommateurs de drogues affiche un bilan positif. Même les habitants du quartier reconnaissent son utilité». Peut-être, mais ces mêmes habitants souhaitent refiler à d’autres quartiers le si utile local, en raison des nuisances qu’il engendre notamment du fait des trafiquants attirés par les lieux. Ils sont fous ces gens ! Et drôlement égoïstes en plus ! D’ailleurs, «Certes les dealers officient toujours dans le périmètre, mais les professionnels sont unanimes pour ne pas en attribuer la cause à Quai 9.» A quoi donc l’attribuent-ils alors ? On ne nous le dit pas. Peut-être ne le savent-ils pas. Sans doute est-ce pure coïncidence, à moins que les trafiquants ne soient attirés par le marchand de sucettes du coin ! Quoi qu’il en soit, cette nuisance non causée par Quai 9 ne saurait en aucun cas affecter le local lausannois, car ceux qui disent que les trafiquants de Lausanne ont tendance, comme les autres, à s’approcher de la clientèle plutôt qu’à l’attendre à dix kilomètres sont des imbéciles, des menteurs et des fascistes.

 

Autre exemple : «Selon une étude canadienne, un local d’injection contrôlée conduit à la cure de désintoxication»2.  Hourrah ! s’écrie l’ami du toxico à la lecture de cette bonne nouvelle. Hélas, il faut bien vite déchanter : la fameuse étude montre tout au plus qu’un local d’injection conduit dans un certain nombre de cas à la cure de désintoxication, ce qui n’est pas pareil, on en conviendra. Il faut  bien voir une chose : à l’instar du fumeur qui souhaite arrêter de fumer ou de l’alcoolique qui voudrait cesser de boire mais n’y arrive pas sans aide, il y a des toxicomanes qui souhaitent rompre avec la drogue mais n’y parviennent pas tout seuls. Ils ont besoin de secours. Et si le seul secours qu’on leur offre se présente sous la forme d’un local d’injection largement pourvu de coûteux travailleurs sociaux payés pour être à l’écoute de leurs problèmes entre deux distributions de seringues, il est normal qu’ils se tournent vers cette «structure sociale», même si ce n’est qu’un pis-aller. De là à prétendre qu’un local d’injection est la seule forme d’accueil adéquate pour les candidats à la désintoxication, il y a des milliers de pas infranchissables. D’ailleurs, pour que l’information soit objective, il faudrait qu’on nous dise aussi combien de toxicomanes ont renoncé à se désintoxiquer suite de la création de confortables espaces de consommation de stupéfiants. Curieusement, cette statistique n’apparaît nulle part.

 

Il s’ensuit que, pour les authentiques candidats à une cure de désintoxication, la «structure sociale» ne doit pas être un «shootoir» de dix places ( !) (six dans le local d’injection, quatre dans celui d’inhalation), alibi commode face à la paresse des autorités qui, sous prétexte d’humilité -  il n’y a pas de réponse miracle -  et d’uniformité -  toutes les grandes villes de Suisse ont adopté cette merveilleuse stratégie –, mais surtout pour masquer l’échec de toutes les tentatives d’enrayer le phénomène de la toxicomanie en aidant les drogués à se détruire proprement, trouvent tellement plus simple de  faire un pas supplémentaire dans la mauvaise direction.

 

Ce qu’il faut, c’est une prise en charge personnalisée et bienveillante, mais aussi basée sur le respect d’une autorité. Les paumés n’ont pas besoin de laxisme ; ils ont besoin d’encadrement. Reste à déterminer quelle forme doit prendre celui-ci. Mais si la Ville de Lausanne a des centaines de milliers de francs à gaspiller chaque année pour dorloter ses drogués et ses alcooliques – n’oublions pas le bistrot social qui compléterait le dispositif –, elle ferait mieux de les utiliser pour offrir aux toxicomanes désireux de s’en sortir un accompagnement tutélaire.

 

Il faut que les lausannois refusent massivement l’ECStup !

 

Le Pamphlet

 

1 http:/www.lecourrier.ch , 26 mai 2007.

2 http:/www.agauchetoute.info, 26 mai 2007.

 

 

Bricoles

 

Horreur

 

         20minutes du 31 mai, page 1 : «Le CICR a aidé un bourreau nazi à fuir». Même canard, même jour, p. 3 : «Le CICR a favorisé la fuite d’un cerveau du nazisme». Nom d’une pipe ! Les voyous !

 

En fait, il ressort de l’article qu’Adolf Eichmann a réussi à se faire passer pour un autre et à obtenir du CICR un titre de transport qui lui a permis de gagner l’Argentine après la guerre. Il s’agissait donc d’une erreur et nom d’une abominable complicité avec un criminel de guerre comme le laissent supposer les titres précités. Compte tenu du chaos qui régnait en Europe juste après la fin des hostilités, du nombre de personnes déplacées, réfugiées ou apatrides, il n’est pas surprenant que des fuyards aient réussi à duper le CICR et  il faut être très très bête et très très malhonnête pour en faire tout un plat. (mp)

 

La faute à Blocher

 

         Le conseiller national socialiste vaudois Roger Nordmann, qui n’en rate pas une, estime que le conseiller fédéral Blocher est indirectement responsable de l’incendie de la synagogue  de Malagnou.  A l’heure qu’il est, personne ne sait encore qui est l’auteur de cet incendie criminel survenu fin mai. Mais début juin, Roger Nordmann savait déjà, lui, qu’il s’agissait de désaxés incités à passer aux actes par la proposition énoncée par Christoph Blocher de supprimer – ou de modifier – la norme contre le racisme et l’antisémitisme.

 

Les élections fédérale approchent ! Il est temps de lécher des bottes ! (mp)

 

Sécurité

 

         Le 7 juin, à l’initiative de l’association Pro Vélo, une cinquantaine de cyclistes ont ralenti la circulation pendant une heure au centre de Lausanne, au motif qu’ils ne se sentent pas en sécurité sur la route et veulent plus de pistes cyclables. Ils ont donc résolu de sensibiliser les automobilistes et la Municipalité en empoisonnant les premiers qui ont dû adorer ça et dont l’aversion pour les cyclistes indisciplinés a dû fondre comme neige au soleil.

 

         A part ça, nous aimerions bien qu’il y ait des pistes cyclables partout. Cela nous permettrait, à nous piétons, de nous sentir en sécurité sur les trottoirs. (mp)

 

Efficacité

 

         Autre manifestation, autres véhicules : la ville fédérale a été témoin d’une course antifasciste à chaises de bureaux sur le thème «rouler contre la droite». Mussolini en tremble encore dans sa tombe et la bête immonde, terrorisée, se barricade dans son antre. Nous n’avons pas de nouvelles de Monsieur Blocher. Mais comme son suicide n’a pas été annoncé, il y a tout lieu de penser qu’il a finalement survécu à ce qui a dû être la grande peur de sa vie. Quant à nous, nous rigolons bien, merci. (mp)

 

Egalité

 

Le Matin Bleu du 15 juin nous apprend que «L’offre de formation pour les nombreuses nouvelles élues genevoises, mise en place par le bureau de l’égalité du canton a connu un franc succès. Au total, 137 femmes ont participé à des ateliers les préparant à leur mission politique (gestion des séances, lecture d’un budget, communication avec les médias, etc) (…)»

 

Voilà qui est fort réjouissant. Cependant, je m’interroge : les politiciennes genevoises sont-elles à ce point nulles qu’elles ne peuvent affronter leur destin communal ou cantonal sans formation préalable comme le font apparemment leurs collègues masculins ? Le bureau de l’égalité estime-t-il que les femmes sont moins intelligentes et moins débrouillardes que les hommes ? Où sont nos sourcilleuses féministes ? (mp)

 

Missions à l’étranger

 

         Le général Christophe Keckeis, chef de l’armée, trouve que la Suisse n’envoie pas assez de soldats à l’étranger. Il l’a dit le 16 juin au Tagesanzeiger. Il estime qu’une mission au Sud-Soudan est envisageable.

 

Bien sûr, on peut tout envisager, même d’envoyer des militaires se faire descendre en Irak. Mais dès l’instant où on raisonne en termes de nécessité, on s’aperçoit qu’on n’a pas besoin d’un seul soldat suisse à l’étranger.

 

         Quelques heures après la déclaration du général Keckeis, deux officiers d’état-major suisses en mission en Afghanistan pour le compte de l’ONU ont failli sauter grâce aux bons soins d’un kamikaze.

 

Mais que font-ils donc dans cette galère ? (mp)

 

Modernisme

 

         On découvre dans Le Matin Bleu du 18 juin que l’Eglise réformée vaudoise, dont les lieux de cultes traditionnels sont vides, a décidé de diversifier son offre, car «le processus d’adaptation au monde qui nous entoure est permanent». Progrès parmi d’autres, il sera possible de faire bénir les animaux domestiques le 30 juin, lors d’un culte à Montriond (Lausanne). A n’en pas douter, on pourra aussi, dans pas longtemps, faire bénir sa voiture, sa moto ou sa bicyclette. On pourrait les inviter à la Sainte Cène, pendant qu’on y est. (mp)

 

Progrès

 

La dernière brillante idée en date dans les milieux qui se préoccupent du confort et de la santé des toxicomanes consiste à fournir gratuitement aux consommateurs de cocaïne du matériel leur permettant de priser leur drogue en toute sécurité. En français, cela s’appelle des kits gratuits permettant de sniffer de la cocaïne.  Bien entendu, et 20minutes du 22 juin le confirme par la voix de Christophe Mani, porte-parole de l’association genevoise Nuit Blanche ?, ces kits gratuits ne servent pas à faciliter la consommation de drogue dans les lieux festifs. Pensez donc : cette année, cette association de bienfaisance n’a distribué que vingt-six kits pour huit soirées ! Afin de souligner l’insignifiance de ce chiffre, Monsieur Mani nous apprend que Première Ligne, association tout aussi genevoise et tout aussi bienfaisante – la concurrence en somme ! – distribue chaque année cent cinquante mille seringues.

 

Il n’y a pas de doute : grâce à ces apôtres de la lutte anti-drogue, la toxicomanie est en pleine régression ! (mp)

 

 

 

En direct de Sirius

 

 

Démocratie, quand tu nous tiens…

 

Nos démocraties modernes reposent, par ordre chronologique, sur un risque et un mensonge : au moment des votes, c’est le peuple qui décide. Après les votes, c’est le peuple qui décide. Heureusement pour les sages qui entendent nous gouverner, le mensonge est là pour corriger le risque. Ainsi, lorsque le peuple décide «tout faux», on en arrive par d’étranges méandres à des situations «justes». En Palestine, par exemple : à la consternation de la «classe politique internationale» -  expression consacrée pour définir une sorte de méduse aux traits flous mais au pouvoir imposant -  , les Palestiniens portent au gouvernement, par leurs suffrages, le parti du Hamas. Passées la surprise et les lamentations, la méduse fait en sorte (suspension conditionnelle des aides financières et des bons offices, mise en demeure d’accepter des conditions opposées à la ligne du nouveau gouvernement, sourires au Président, grimaces au premier ministre, encouragement à la guerre fratricide Hamas-Fatah) de déstabiliser un peu plus ce malheureux pays et crée toutes conditions utiles pour en parachever la division et aboutir à en redistribuer la carte politique à sa convenance. Il en résulte en Cisjordanie un «bon» gouvernement du Fatah à la solde et à la disposition du Parti du Bien ; dans la Bande de Gaza une «terre sans loi» soumise à la «dictature» du Hamas et de l’Axe du Mal. Tout est désormais en ordre. Fin de la représentation, les illusionnistes vous remercient.

 

 

Annonce sur les panneaux des divers organismes gouvernementaux des Forces du Bien

 

Pendant les vacances, l’«hitlérisation» du Président Mohammad Ahmadinejad continue.

 

 

Les aléas des SMS

 

Juan-Les-Pins - Max s’entretient avec son libraire favori, Jean-François Fantutte1 un érudit dont les fiches de lectures en vitrine font la joie des estivants en quête d’auteurs de la grande misère du laconisme et de la pauvreté d’esprit des SMS. Ce dernier le corrige :

 

- Pas si laconiques que ça. Ainsi m’est-il arrivé de recevoir quotidiennement et avec une régularité irréprochable, dix jours durant, des messages d’insultes du même auteur dont l’identité m’était cependant une énigme. Je vous assure qu’il était prolixe et que les variations sur thème de noms d’oiseaux étaient nombreuses et ont considérablement enrichi mon vocabulaire.

- Et le onzième jour, il s’est lassé ?

- Non. Le onzième jour, il a vraiment été laconique : je n’ai reçu qu’une ligne sur l’écran de mon portable : «Xkuz : faux n° !».

 

 

Ce qui arrive à nos enfants

 

France : Par défi (à la vie ?), deux adolescentes de Corse se défenestrent, chacune chez soi, après s’être donné le top par SMS (encore lui !) et les secours parviennent à empêcher in extremis une troisième lycéenne de leur emboîter le faux pas. On ne compte plus les enfants, bambins compris, qui s’expédient ad patres par le jeu du foulard (et la recherche du grand frisson). Un correspondant me rapporte qu’en Italie des gamins tentent le diable (et prouvent leur intrépidité) en s’introduisant dans des boîtes en carton «semées» sur les voies d’autoroutes. Aux Etats-Unis, de petits noirs se font carboniser en flirtant avec l’induction sur les toits des trains.2

 

Nous avons tous connu, dans cette adolescence que l’écrivain Jean Séverin qualifiait si justement d’«âge divinement sot et sottement divin» et que le bon sens populaire résumait en «l’âge bête», de discutables invitations à des défis gratuits. Les moins chanceux d’entre nous en ont conservé des traces de points de suture. Il était cependant rare que ceux-ci nous menassent jusqu’à la chambre froide. Et puis, avec un peu de chance, nous finissions par accéder à la maturité. D’ailleurs, il se trouvait souvent, à notre époque, quelque adulte pour nous décourager d’une idée saugrenue par un simple «Non mais, ça va pas mieux ?» ponctué, en cas de persistance du doute, par l’application judicieuse d’une tatane sur notre séant.

 

Mais nos chers petits échappent désormais aux conseils de leurs aînés. Maintenant, ils ont la télévision…

 

 

Pointe sèche n° 9 : Un joueur invétéré

 

« Cette fois, c’est décidé, j’arrête le jeu ! », m’avait-il dit, au sortir d’une nouvelle déconfiture sur tapis vert. Et devant mon air dubitatif, il avait renchéri :

« On parie ? »

 

Max l’Impertinent

 

1 Max espère que cet encyclopédiste appréciera le passage obligé par Mozart…

2 On serait tenté de se consoler en évoquant la sélection naturelle… mais les chiffres des pertes sont quand même alarmants.

 

 

 

Il est interdit d’aguicher

 

La Commission suisse pour la loyauté en matière commerciale, organisme privé issu des milieux professionnels de la publicité, vient de durcir les règles qu’elle impose à cette branche économique. En particulier, la définition des publicités sexistes, donc non tolérées, a été revue et précisée.

Nous apprenons ainsi qu’une publicité pourra être considérée comme sexiste lorsque «des hommes ou des femmes sont affublés de stéréotypes sexuels mettant en cause l’égalité des sexes». Sans doute ne verrons-nous plus de femmes en tablier dans leur cuisine, ni de secrétaires appliquées à dactylographier les lettres de leur patron, et encore moins d’hommes au volant de voitures puissantes.

Dans le même esprit, la commission en question a aussi décidé de bannir toute publicité «qui met en scène une personne aguichante dans une représentation purement décorative». Réjouissons-nous donc de l’époque proche où les affiches et les spots télévisés continueront de rivaliser de mauvais goût, mais en exhibant cette fois nos concitoyens et concitoyennes les moins gâtés par la nature!

On dit que la publicité doit faire rêver les consommateurs. Ils rêveront désormais à un monde moins laid et moins stupide que le nôtre.

Pollux

 

 

Appel au peuple ou la question avortée

 

«Je n’avais pas mérité cela. -  Tu l’as mérité puisque tu l’as. Cherche pourquoi et comment. -  Qu’est-ce que cela me donnera ? -  Tu cesseras de te lamenter pour rien. Ce que l’on mérite est moins douloureux que ce qu’on ne mérite pas.»

Jean Dutourd, de l’Académie française, Dutouriana, éd. Plon, Paris 2002, p. 108.

 

                   Pour qui fit des études classiques, la confrontation à ce que les philosophes grecs anciens appelaient l’«hybris», ou l’orgueil, plus précisément le fait de dépasser la mesure de sa condition, était inévitable. L’«hybris» concernait le rapport de l’homme à la divinité. Il y a de cela dans la justice, fût-elle humaine, donc faillible, imparfaite. C’est une grave illusion de croire que le fait de dénoncer les vices, réels ou supposés, de la justice humaine vous donne le droit de vous poser vous-mêmes en juges des magistrats. Le chef d’Appel au peuple1 et bien des membres de cette association le croient pourtant. Ils ont tort, qu’ils le reconnaissent ou non et quelles que puissent être les bonnes raisons de leurs critiques, dont les moins bonnes, ou les mauvaises, discréditent automatiquement l’autorité et en diminuent l’impact sur le public. A quel titre d’ailleurs disposeraient-ils d’une infaillibilité dont ils sont les premiers à dire qu’elle n’est la qualité d’aucun de leurs accusés ?

 

     Ce qui était réellement en jeu dans le procès d’Appel au peuple, ce n’était donc pas l’opportunité d’une critique de la justice passant du domaine privé au domaine public, c’était que cette dénonciation cédait au même type de désordre que celui qu’elle prétendait corriger : le soupçon de partialité. Mise en cause par la justice, cette association rétablit elle-même le statu quo antérieur à son existence. Elle a fait beaucoup de bruit et peu de bien. Or le bien ne fait pas de bruit, disait un docteur de l’Eglise, évêque de Genève, Saint François de Sales. L’éclat ou les éclats d’une lutte tonitruante contre les injustices auront été le piège mortel causant l’échec final de cette entreprise. Toujours le bien doit être modeste, laissant au mal sa superbe.

 

     L’injustice n’est jamais tolérable, encore moins lorsque ce sont les organes de justice qui en sont les agents. Personne ne contestera cette vérité. Mais les difficultés commencent lorsque l’on passe à l’application. Il y a des défauts mineurs que les seules personnes concernées sont habilitées à corriger et qu’il serait non pas seulement excessif mais injuste de traiter indépendamment des intérêts limités et privés qu’ils concernent. Les voies de recours existent à cet effet. La justice n’est pas faite pour ceux qui dorment, dit un adage. J’irais même plus loin : il y a des injustices matérielles qu’il ne nous appartient ni de juger ni de combattre sans condition, et ceci au nom même du respect de la chose jugée. Cela semble paradoxal et choquant au premier abord, mais réfléchissons : vous êtes condamné à tort pour un meurtre et aucune faute n’est imputable aux magistrats ayant prononcé cette sentence contre vous : telle est mon hypothèse. C’est le cas classique de l’erreur judiciaire. Sans faits nouveaux susceptibles de vous disculper, faits qui vous donneront la qualité de demandeur dans un procès en révision de votre jugement de condamnation, ce jugement-ci gardera sa force de chose jugée, et ce n’est pas injuste ! La sécurité publique requiert cette tolérance, qui n’est pas mince pourtant.

 

     On le constate, la marge de manœuvre d’une association comme Appel au peuple était plutôt étroite si elle voulait échapper à deux écueils : ne pas substituer sa propre justice à celle des tribunaux, car c’est alors le comble de l’injustice, c’est-à-dire l’anarchie (n’était-elle pas latente dans plusieurs de ses dénonciations publiques ?), et ne pas interférer sur les voies de recours ordinaires, car dans cette hypothèse, ses initiatives, même objectivement fondées quant au fond litigieux, resteraient illégitimes quant à la forme, et ce serait un désordre.

 

Une voie s’offrait pourtant, une seule, non en raison d’une lacune dans le droit, mais au contraire parce que les tribunaux cessent d’appliquer le droit dans son intégrité ou dans son intégralité. En Suisse, la responsabilité pénale des magistrats de l’ordre judiciaire dans l’exercice de leur fonction est, de fait, niée et elle est niée contre le droit en vigueur, qui la sanctionne par un crime dûment mentionné dans notre code pénal fédéral. Contre de tels dénis de justice, la rupture du silence éloquent de la presse, du silence des organes de surveillance parlementaire de l’administration de la justice, du silence des autorités spirituelles et religieuses s’impose comme un impératif tant moral que civique.

 

S’il ne s’était agi que de cela dans le procès d’Appel au peuple, tous les palais de justice de notre pays auraient tremblé. Tous ne connaissent pas ce crime, mais le seul fait que des citoyens puissent raisonnablement répandre le soupçon fondé que certains ne l’ignorent pas aurait suffi à créer un séisme dans tout le pays. Ce séisme n’a pas eu lieu. Appel au peuple n’a donc rien fait.

 

Voilà où conduit l’«hybris», piège du démon, car la qualité de la cause motivant certains combats ne servait en réalité qu’à masquer des ambitions secrètes, inavouées, qui en furent le mobile profond.

 

Référons-nous à un exemple absolument inattaquable : le Christ. Les pharisiens osent lui dire : «Tu te rends témoignage à toi-même; ton témoignage ne vaut pas.» (Jean VIII, 13). Formellement, les pharisiens avaient raison, comme toujours lorsqu’ils abordaient le Christ. Et, en l’occurrence, comme toujours, le Christ leur reconnaît cette raison : «Oui, je me rends témoignage à moi-même, et toutefois mon témoignage vaut..» (v.14). Autrement dit : oui, vous auriez raison si j’étais en tout semblable à vous… Ne l’étant pas, le Christ leur enseigne, et il leur enseigne quoi ? Que l’orgueil ne sied pas à un Dieu ?... Non, pas exactement. Mais, sans aucune allusion morale directe, il leur enseigne que Dieu est exactement le contraire de ce qu’ils sont, c’est-à-dire qu’en Dieu même, l’humilité manifeste une grandeur insurpassable. Le Christ part de l’inanité du témoignage de soi sur soi-même chez l’homme pour nous dire en quoi, chez Dieu, il en va aussi de même par analogie : «S’il m’arrive de juger de moi, mon jugement est valable parce que je ne suis pas seul; or il est écrit dans votre Loi que de deux personnes le témoignage vaut.» (Ibidem, v. 16 et 17). Dieu, pour se révéler aux hommes, utilise la mesure de l’homme. Aucune religion païenne n’a même soupçonné pareille humilité de la part de Dieu !

 

En conséquence, nous sommes inexcusables de ne point imiter Dieu, comme nous serions absolument condamnables de Lui appliquer nos propres lois comme s’il ne l’était pas. Or que faisons-nous d’autre lorsque nous osons Lui opposer la liberté de nos consciences et de nos cultes ?...

 

Michel de Preux

 

1 Le Tribunal cantonal vaudois vient de confirmer la peine de vingt et un mois de prison ferme infligée à Gerhard Ulrich, président d’Appel au peuple, pour calomnie, diffamation et tentative de contrainte (n.d.l.r.).

 

 

 

 

 

Vacances

 

Comme chaque année en juillet et août, la rédaction du Pamphlet se met au vert. Nous vous retrouverons en septembre plus décidés que jamais à combattre les manifestations de l’arrogance et de la bêtise humaines.

 

En attendant, nous vous souhaitons un bon été chaud et ensoleillé.

 

La rédaction

 

 

 

Affolement

 

Les représentants en Suisse du sionisme extrémiste ont bien des soucis. Il y a eu d’abord la bombe lancée par M. le conseiller fédéral Blocher lors de son dernier voyage en Turquie, évoquant avec ses hôtes la possibilité d’abroger ou tout au moins de modifier l’article 261bis du code pénal, celui qui réprime non seulement le racisme mais aussi ce qu’on appelle le révisionnisme historique.

 

On sait que le paragraphe qui interdit toute négation ou toute minimisation d’un génocide n’a été introduit que pour protéger la mémoire d’un seul génocide, bien déterminé, celui qui fonde, aujourd’hui encore, les prétentions d’Israël à des réparations et qui justifie la condamnation à la prison ferme de tous les historiens, chercheurs et publicistes coupables d’opinions hétérodoxes.

 

Le texte de la norme pénale n’était destiné à figer aucune recherche historique sur le massacre des Incas, des Vendéens, ou des Arméniens, évidemment pas non plus sur le massacre des Russes blancs par les Soviétiques, des Tibétains par les Chinois ou des Blancs d’Afrique du Sud par les amis du sinistre Mandela.

 

Sur ces événements, il est encore permis de procéder à des recherches, d’en publier les résultats et d’organiser des colloques.

 

Le seul chapitre dont il n’est pas permis de débattre, dans toute l’histoire de l’humanité, au sujet duquel tout travail de recherche et d’investigation est strictement interdit, le seul dogme laïque dont il est même prohibé de douter en son for intérieur, c’est la Shoah et ce sont les fameuses chambres à gaz homicides.

 

Les historiens turcs avaient bien compris cette spécificité de la loi helvétique, et c’est pourquoi ils ont cru possible de mettre en doute impunément que les massacres de 1915 pussent être qualifiés de génocide. Le maladroit procureur général du canton de Vaud tomba dans le piège, au grand dam à la fois des Turcs et des juifs sionistes extrémistes, ces derniers ne pouvant admettre qu’il pût exister dans l’histoire de l’humanité d’autres drames comparables au leur.

 

Le coup de grâce leur fut asséné par Mme Calmy-Rey, qui crut bien faire en proposant au vice-ministre des affaires étrangères iranien Saïd Dschalili qu’un colloque fût mis sur pied à Genève sur les différentes perceptions de l’Holocauste.

 

Quelle horreur ! quelle hérésie ! Il ne peut y avoir, bien évidemment, différentes perceptions de l’Holocauste. Il a y une version officielle, laquelle varie d’ailleurs au cours des temps, mais qui reste intangible sur le point principal : l’existence de chambres à gaz homicides comme instruments d’une extermination planifiée.

 

Des ingénieurs spécialisés, des chimistes hautement compétents, après expertise des lieux, déclarent-ils que la version officielle est techniquement, scientifiquement, rigoureusement impossible ? On les condamne et on les enferme.

 

C’est dire si les maladresses de Mme la présidente mettent la diplomatie helvétique dans l’embarras. C’est un peu comme si Louis XIII avait proposé au pape Urbain VIII, en 1633, d’organiser un colloque scientifique sur les différentes conceptions de l’astronomie.

Comme à son habitude, le Centre Simon Wiesenthal se surpasse dans le terrorisme intellectuel, exigeant que Mme Calmy-Rey «nie publiquement ou retire cette proposition scandaleuse et présente ses excuses pour cette offense faite aux survivants de l’Holocauste et à la mémoire de ses victimes».

 

* * *

 

L’affaire est insignifiante en elle-même, et ne manifeste que la panique des milieux sionistes constatant que l’opération de sidération intellectuelle mise en place dans les années soixante est en train de se lézarder et que, même sur ce sujet, les gens finissent par réfléchir.

 

Mais elle risque de poser un nouveau problème : s’il est vrai, comme on l’a lu partout, que l’article 261bis du Code pénal doit être interprété comme une interdiction générale et absolue de remettre en cause les dogmes issus des procès de Nuremberg (non seulement dans la négation ou la minimisation), il faudra alors poursuivre les auteurs qui se sont écartés ou s’écartent de la vulgate par d’autres versions : les assassinats en masse par balles, par l’électricité, par les vapeurs d’eau chaude, par la chaux vive, par les gaz d’échappement des moteurs diesel ou autres, inventés par d’illustres faux témoins comme Elie Wiesel et ses disciples, procédés dont tous s’accordent aujourd’hui à reconnaître le caractère mythique.

 

Va-t-on poursuivre et punir non seulement la minimisation, mais aussi l’exagération ? Parmi toutes les versions de la Shoah, laquelle devra-t-on considérer comme la seule version admise ? Et pourquoi celle-ci plutôt qu’une autre ?

 

Les sionistes extrémistes ont cru mettre fin aux controverses scientifiques et historiques par le bâillon et le code pénal. Comme au temps du stalinisme et du Goulag, ils ont tenté de faire passer les dissidents pour des criminels ou pour des fous. L’édifice se lézarde. Le sommeil hypnotique se dissipe. La conférence de Téhéran n’a pas réuni des buveurs de bière aux crânes rasés, mais des professeurs et même des rabbins.

 

La proposition de Mme Calmy-Rey partait sans doute d’un bon sentiment. Elle est certainement persuadée que les révisionnistes sont soit de mauvaise foi, soit mal informés et que la confrontation avec de vrais historiens tournera aisément à leur confusion.

 

Sur le site Israelnetz Nachrichten, la communauté juive a estimé «naïfs et dangereux» les propos de notre présidente.

 

C’est le cas de le dire !

 

Claude Paschoud

 

 

Propos roboratifs

 

Il est rare que le journal Le Matin du dimanche apporte des satisfactions à la mesure de son poids. Je me plais toutefois à relever, dans l’édition du 17 juin, la relation d’un excellent entretien accordé par Me Bonnant à la journaliste Ariane Dayer. On y lit des propos qui, visiblement, sortent de l’ordinaire bien pensant dont nous abreuvent journellement les médias de toutes espèces.

 

Mon propos n’est pas de résumer en quelques lignes des réflexions d’un haut niveau, ce qui reviendrait à trahir l’excellence d’un entretien à la fois intéressant par la pensée de l’éminent juriste qui se prête au jeu des questions et la crédibilité du rapport qu’en fait la journaliste. Néanmoins, pour ceux qui ne seraient pas en mesure de retrouver l’article original, je me permets d’en extraire la substantifique moelle.

 

Plusieurs sujets sont abordés, tous dans un même souci du respect des traditions, de la sauvegarde d’une langue pure, du refus d’un modernisme de mode et du rejet d’une socialisation appauvrissante.

 

La langue tout d’abord. Me Bonnant constate avec regret que la langue se meurt, et avec elle le goût de la lecture. «On est passé des cabinets de lecture à l’écran visuel», constate-t-il. La lecture, c’est sérieux et profond, alors qu’on regarde la télévision en grignotant du pop-corn.

 

J’ai beaucoup aimé cette image à propos du laisser-aller de la langue : «On est très proche du borborygme et de quelques signes brutaux  qui disent nos besoins élémentaires.»

 

Suivent quelques réflexions sur l’égalitarisme, tarte à la crème des temps modernes. Pour Me Bonnant, l’égalité réduit l’homme au plus petit dénominateur commun. J’ai aimé cette phrase : «Je hais l'égalité. Je crois que la nature ou Dieu nous a faits très inégaux et je trouve ça très joyeux. Ça ne comporte aucun mépris pour la différence au contraire. Je crois que la seule manière de mépriser les hommes c'est de les croire égaux, c'est-à-dire de les réduire à la norme commune.»

 

Sont aussi abordées, toujours sous le même angle, quelques réflexions sur l’école, une école dont le mode de fonctionnement a été dominé par la notion d’égalité, une école où le savoir ne fait plus rêver personne «L’école, au lieu d'élever, console. Au lieu d'exiger, elle répare.» , une école qui apprend à la jeunesse que l’ignorance est libératrice et où on met en commun son indigence, une école qui fabrique des êtres charmants, mais qui ignorent tout des anciens.

 

L’article n’échappe pas à quelques considérations d’ordre politique. Pour Me Bonnant, la langue et la culture sont conservatrices, même si, tel Aragon, il y a des écrivains de gauche sublimes.

 

« La gauche est fondatrice tandis que nous, gens de droite, sommes des héritiers.». D’une façon générale, si on se fonde sur une longue période de l’histoire, on constate que la littérature est à droite et la politique à gauche.

 

Au terme de ce compte rendu succinct, j’espère avoir donné à quelques lecteurs du Pamphlet l’envie de retrouver ces textes beaucoup plus riches que ne le laisse apparaître mon modeste article.

 

 

Gérald  Berruex