Lausanne 37e année      «ne pas subir»      Mars  2007 No 363

 

 

Sommaire :

 

Editorial

Au procès de M. Dogu Perinçek, le procureur du canton de Vaud et le juge du Tribunal de police ont mis – inconsciemment peut-être – le doigt dans un nid de guèpes…

 

En direct de Sirius

Max suit de près la campagne pour l’élection présidentielle française.

 

Bricoles

Où il est question de certification ISO, d’armée, de shootoir, de Mme Monica Bonfanti et de M. Israël Singer, d’ouvrages pédagogiques menteurs, de plusieurs dictateurs, de congé paternité et d’autres dépenses inutiles.

 

Triomphe de l’hypocrisie par le langage !

Michel de Preux dénonce les modes langagières qui permet à la gauche de faire passer un mensonge éhonté pour une vérité attestée.

 

Culture

Claude Paschoud expose pourquoi la culture ne peut être financée par l’Etat mais seulement par le mécénat.

 

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Editorial

 

Le vendredi 9 mars 2007, le procureur général du canton de Vaud Eric Cottier et le juge Pierre-Henri Winzap ont commis une mauvaise action : sur réquisition du premier, le second a prononcé, au nom du 261bis, orgueil de notre pays démocratique, une condamnation non seulement inique, ce qui est dans l’ordre des choses, mais surtout opportuniste. Dogu Perinçek, chef d’un parti de gauche marginal turc appelé, selon les sources journalistiques, Parti des travailleurs turcs ou Parti travailliste turc – à noter qu’entré au prétoire sous cette étiquette somme toute respectable, il en est ressorti qualifié d’«ultranationaliste turc» : il fallait bien que la presse justifiât son inertie face au  jugement rendu – a écopé de nonante jours-amende (100 francs par jour) avec sursis et de 3000 francs d’amende, sans compter

10 000 francs de dépens et 5800 francs de frais de justice, pour avoir nié à Lausanne en 2005 que le massacre des Arméniens de 1915 ait été un génocide.

 

En quoi ce jugement est-il critiquable? Des «négationnistes» ne sont-ils pas constamment jugés et punis par des tribunaux au-dessus de tout soupçon? Les révisionnistes Ernst Zündel et Germar Rudolf, qui n’ont jamais volé ni tué personne, ne viennent-ils pas d’être condamnés, en Allemagne, à de lourdes peines sans sursis sous les applaudissements du monde bien-pensant qui porte aux nues les courageux magistrats épurateurs? Messieurs Cottier et Winzap ne sont-ils pas là pour faire respecter la loi si sévère soit-elle? N’ont-ils pas fait que leur devoir?

Messieurs Cottier et Winzap ont commis une mauvaise action – on veut espérer qu’ils ont agi davantage par bêtise ou par peur que par malignité –, parce que, au lieu de servir la justice, ils se sont prêtés à une combine honteuse.

On vous explique :

Acceptée par le peuple suisse le 25 septembre 1994, la loi bâillon, plus connue sous le nom d’article 261bis du code pénal ou de loi antiraciste, a pour but inavoué de protéger de la contestation un génocide bien précis, protection réclamée par un groupe de pression bien précis. Or la diaspora arménienne réclame très vite pour la mémoire de ses morts la même protection.

Que faire ? Mettre sur le même pied le génocide arménien et l’autre, c’est dénier au second son unicité, ce qui risque de fâcher des gens puissants. Ne pas mettre ces deux génocides sur le même pied, c’est reconnaître que la loi bâillon est une loi ad hoc, donc partiale et totalitaire.

Notre pays n’est alors  pas seul à affronter cette situation délicate. Elle prévaut dans tous les Etats qui se sont dotés de normes antirévisionnistes et constitue un problème d’autant plus épineux que le désastre arménien ne figure pas dans la liste des génocides reconnus par une Cour internationale. Il faut donc trouver une solution qui permettra à la fois de préserver le génocide et de donner l’impression que la justice porte le même regard sur tous les génocides.

Commence donc la valse des reconnaissances du génocide arménien par toutes sortes d’assemblées plus incompétentes les unes que les autres. La responsabilité de fixer la vérité historique quitte – très provisoirement – les tribunaux pour s’installer dans les parlements – Assemblée nationale française, Conseil national suisse, entre autres.

Il suffit ensuite d’attendre qu’un «négationniste» s’en prenne publiquement au génocide arménien, ce qui se produit à Lausanne en 2005.

A l’occasion du huitante-deuxième anniversaire du Traité de Lausanne qui, en 1923, avait réglé le sort de ce qui restait de l’Empire ottoman sans rendre justice aux Arméniens pour les morts de 1915, Dogu Perinçek, nationaliste turc de gauche qui s’est déjà distingué peu auparavant en Suisse allemande, déclare publiquement, dans notre bonne ville, que le génocide arménien est un «mensonge capitaliste». Cette affirmation déclenche l’indignation d’un tas de «démocrates», arméniens ou non, et  lui vaut une plainte pénale pour violation de l’article 261bis, plainte suivie le 9 mars 2007 de sa condamnation.

L’iconoclaste fait un coupable idéal : comme il n’habite pas la Suisse, il échappe à l’exécution de la sentence prononcée par le Tribunal de police de Lausanne chargé de le condamner. Pour plus de sûreté, la sentence est assortie du sursis, ce qui épargnera à la Suisse de se rendre ridicule en essayant vainement de la faire appliquer. L’amende, les frais et les dépens n’ont qu’un effet décoratif, puisqu’il ne sera pas possible de contraindre le lointain condamné à payer. Mais on ne va pas s’énerver pour une broutille de moins de trente mille francs. Ce qui compte, c’est que les apparences sont sauves, les Arméniens satisfaits, les émules de Big Brother enchantés. Les Turcs manifestent une certaine mauvaise humeur, mais comme ils sont de toute façon en rogne à cause de la reconnaissance du génocide arménien par nos politiques, ça ne nous change pas beaucoup. On va donc pouvoir recommencer à s’occuper de choses sérieuses.

Le fait que le procès de Dogu Perinçek fut une parodie est attesté par les commentaires du juge Winzap relayés par un communiqué ats1 du vendredi 9 mars 2007.

En résumé, et pour autant que le communiqué reflète la vérité – mais il y a des choses qui ne s’inventent pas :

L’accusé est «un provocateur arrogant» qui savait qu’il violait la loi suisse. Sa démarche «s’apparente à l’évidence2 à des motifs racistes et nationalistes». Le génocide arménien est «un fait historique avéré selon l’opinion publique suisse».

Il faut le constater, le juge procède par affirmations, on pourrait presque dire par incantations.

Sommes-nous retombés dans le cauchemar des procès de Nuremberg, de Moscou ou de Prague?

Qu’est donc cette évidence qui dispense le procureur et le juge de prouver le bien-fondé de leurs accusations?

Depuis quand l’opinion publique suisse – à savoir la (de moins en moins) grosse presse, ainsi qu’un certain nombre d’intellectuels et de parlementaires suisses – est-elle compétente et infaillible en matière d’histoire?

On tombe encore plus bas que les juges allemands qui ont refusé de prendre en compte les preuves avancées par Rudolf et Zündel, au motif que les faits sont de notoriété publique !

C’est précisément parce qu’il repoussent encore les limites du pire que le juge Winzap et son compère Cottier se démasquent comme exécuteurs – peut-être involontaires – d’une opération  visant à faire croire que la Suisse met sur pied d’égalité tous les génocides commis en ce bas monde depuis la nuit des temps.

Hélas, Dogu Perinçek, qui est certainement un provocateur, arrogant par définition, n’est pas dupe et refuse le rôle de marionnette qui lui est tacitement assigné. Au lieu de rester tranquillement chez lui, il vient assister à son procès. Il annonce son intention d’utiliser toutes les voies de recours que lui offre le droit suisse. Il  ne cache pas sa volonté de s’adresser, si nécessaire, à la Cour européenne des droits de l’homme. Enfin, il prétend lutter pour l’abrogation de notre si cher 261bis.

Pour qui roule donc ce Turc repenti du maoïsme?

A cette question, nous n’avons, pour l’instant, pas de réponse. Mais il serait piquant que notre loi antiraciste, ses effets pervers enfin avérés, soit abrogée grâce à l’opiniâtreté d’un «ultranationaliste» gauchiste étranger.

 

Le Pamphlet

 

1 Trouvé  sur le site Le Temps.ch.

2 Souligné par nous.

 

 

 

En direct de Sirius

 

Chronique des présidentielles françaises :

 

Une bonne nouvelle trop tard venue

 

12.3.2007 : au grand soulagement de la plupart de ses compatriotes, Monsieur Chirac – grand connaisseur de sumo et d’arts premiers, repris de justesse du précédent second tour présidentiel avec un score de dictateur irakien – annonce qu’il ne briguera pas un troisième mandat1,  prouvant par là, en dépit des mauvaises langues, qu’il est capable, après tout, de faire quelque chose pour la France.

 

Le petit joueur de flûtiau (de la Place Beauvau, Paris)

 

Monsieur Sarközy (de Nagy-Bocsa, Hongrie), selon les termes mêmes de la une du Canard enchaîné du 14.3.07, prônerait le «national sarkozysme». Manière pour l’hebdomadaire d’insinuer que le président de l’UMP et toujours cumulard ministre d’Etat à l’Intérieur – ministère auquel incombe la responsabilité du bon déroulement des élections (!) – a choisi de ratisser dans la réserve électorale de M. Jean-Marie Le Pen, ce qui est une demi-vérité. Les crédules qui le feraient élire sur cette hypothèse pourront se rendre compte de son allégeance à l’«Etatsunisraël» en confirmation de sa profonde admiration pour les théories de M. George Bush jr (chef de bande US). Ils se verront aussi imposer cette fameuse constitution européenne – à peine remaquillée –, cette fois par la «voie sûre» de la consultation parlementaire qui a donné tant de bons résultats aux «europhiles» dans la totalité des pays ainsi consultés. Le petit prétendant au trône de l’Elysée n’a fait aucun secret de ces deux points, pas plus que de son souhait de bienvenue à la Turquie au sein de l’UE, sur recommandation appuyée de M. Bush jr.

 

La ballerine plombée

 

Madame Ségolène Royal avait le vent en poupe et talonnait assez bien le matamore de l’UMP... Voilà sans doute pourquoi les «stratèges» du Parti socialiste, dont on peut se demander s’ils ne contestent pas à la droite en place le titre de «plus bête du monde», ont choisi de l’affubler de chaussons de danse taillés dans des pieds d’éléphant en lui imposant ses rivaux d’hier, MM. Fabius, Strauss-Kahn et consorts, ainsi que le politiquement défunt Jospin en héros d’une nouvelle version de l’«Eternel retour». Les crédules qui la feraient élire, lestée de son équipe imposée, pourront – sur l’air de «Madame Royal avait promis»2 – se rendre compte que le lard du PS est toujours aussi mauvais.

 

François (Bayrou), Philippe (de Villiers) et quelques autres…

 

«Troisième homme» apprêté par les médias à la sauce «sondages» pour l’un, souverainiste de représentation pour l’autre, ce ne sont que les principaux appeaux mis en place par la clique politique assise pour détourner les voix favorables à M. Jean-Marie Le Pen et l’empêcher d’arriver second au premier tour.

 

 

Bien répartir ses chances (ou l’art de limiter ses risques)

 

A bien observer la composition des équipes Sarközy, Royal ou Bayrou, Max se remémore un épisode africain : s’étant étonné auprès de quelques clients israéliens – une équipe de trentenaires plutôt du genre sportif , taillés pour porter plus facilement la saharienne ou le treillis de combat que le complet-veston – qu’ils soutinssent avec la même assiduité le gouvernement sud-africain légitime d’alors et les terroristes de l’ANC, il s’entendit répondre : «Comme ça, nous sommes sûrs de ne pas nous tromper de cheval»...

 

Existe-t-il des sondages honnêtes ?

 

Peut être un... En effet, un organisme de sondage annonce, au grand dam de la classe politique en place, que 61% des Français ne se fient ni à la droite, ni à la gauche. Moyennant quoi, les deux principaux concurrents de la «drauche» habituelle ont le séant qui chauffe...

 

Le Moloch ploutocratique s’enhardit (un pas de plus vers le verrouillage ultime)

 

La Banque de France est très déçue : il reste encore quelques milliards de billets en francs dans les lessiveuses… Peut être est-ce pourquoi, à Strasbourg, quelques «chanceux» cobayes ont été choisis pour expérimenter un pas de plus vers la disparition de l’argent physique3. Ils ont été pourvus de téléphones portables grâce auxquels ils pourront désormais effectuer tous leurs achats et opérations bancaires «en ligne» par le truchement de ces ingénieux petits nids de puces. Plus besoin de carte «monéchose» pour acheter sa baguette ou son journal; ni de carte azuréenne pour régler son vol ou son hôtel... Les confiants Strasbourgeois en sont tout congestionnés de plaisir. On n’arrête plus le progrès.

 

Et, le moment venu, votre banquier n’aura qu’à composer votre numéro pour vous faire part «en ligne» que votre compte est bloqué... à tort, à raison ou sur ordre. Car l’argent virtuel a ceci de pratique, pour les démocraties totalitaires, que la plupart des naïfs découvrent à peine qu’il suffira de fermer le robinet d’un coup de clavier pour asphyxier financièrement les citoyens coupables de ne pas penser ou de ne pas s’exprimer «en ligne» avec leurs «valeurs universelles»4

 

Max l’Impertinent

 

 

1. Mieux vaut être, après tout, un président sortant qu’un président sorti.

2. Car en France, tout finit par des chansons…

3. L’argent réel... celui que vous avez en poche ou dans la main; pas le «plastique» magique qui émerveille tant les enfants parce qu’il suffit de glisser la petite carte dans une fente pour recevoir de vrais billets.

4. Qu’ils disent…

 

 

 

 

 

Bricoles

 

Certification ISO

 

L’organisation internationale de normalisation (ISO) a édicté des normes de contrôle de la qualité du management (optimisation des processus de production des biens ou des services) et permet à ceux qui le désirent d’obtenir la certification ISO 9000 visant à garantir que le management efficient et efficace des processus prouvera que tout a été fait pour assurer que le produit satisfait aux exigences de qualité du client. L'objectif est de donner confiance à la direction et aux clients dans le fait que l'organisme maîtrise ses méthodes de travail.

 

Dans le canton de Vaud, le seul notaire – sur une centaine – qui ait tenu à obtenir la certification ISO 9000 est aussi le seul, de mémoire humaine, à avoir été suspendu pour six mois suite à la désorganisation complète de son Etude. (cp)

 

Armée

 

Le Canard enchaîné (du 14 mars, page 5) en a fait des gorges chaudes : un char suisse Léopard de 60 tonnes, percuté par un tracteur, a perdu une de ses chenilles et basculé dans le fossé.

 

Finalement, mieux vaut peut-être utiliser l’armée actuelle à jouer les utilités pour l’Euro 2008 plutôt qu’espérer la voir défendre le territoire ! (cp)

 

Shootoir

 

M. Patrick de Preux, candidat libéral (malheureux) à la députation au Grand Conseil vaudois, a eu l’idée de commander une affiche «Bienvenue à Lausanne, DOPE CITY : son lac, sa cathédrale et bientôt son shootoir».

 

Estimant bénéficier d’un droit monopolistique sur l’image de la cathédrale, une ridicule petite association de rockers crie au plagiat. Et l’association pour la défense des intérêts de la ville estime que les affiches salissent l’image de Lausanne.

 

Les rockers se sont fait moucher. Quant à l’image de la ville, c’est le projet de shootoir qui la salit, et pas l’affiche ! (cp)

 

Les donneurs de leçons

 

La mise à la porte de M. Mario Chevalier, chef de la police judiciaire de Genève, provoque des remous au bout du lac.

 

D’abord, parce que les syndicats de policiers, à Genève, sont puissants et corporatistes. Et parce qu’ils ont le sentiment que les politiciens, sous la pression des journaux, ont sacrifié un bon flic pour des broutilles.

 

On découvre maintenant que M. Chevalier n’était pas un «bon chef». Mais Mme Bonfanti n’est pas non plus un bon chef. Il ne suffit pas de maîtriser cinq langues et d’être docteur en sciences forensiques pour savoir conduire des hommes, alors qu’on n’a jamais rien dirigé. Elle n’a jamais fait partie de la police judiciaire ni de la gendarmerie. La promotion de Mme Bonfanti à la place qu’elle occupe était, à l’évidence, une erreur de casting. Le syndicaliste Devegney a supposé qu’elle devait cette promotion à ses charmes. Je soupçonne M. Laurent Moutinot d’avoir été plus ébloui par ses titres universitaires que par ses jambes. C’est un peu la mode de croire que les masters et les doctorats créent la compétence.

 

Le Matin est sans pitié pour les syndicalistes qui ont pris la défense de M. Chavalier, tels M. Marc Gygli, qualifié de syndicaliste égaré. L’éditorial de M. Michel Danthe, le 18 mars, est sans concession :

 

«Les policiers et les inspecteurs sont des hommes et des femmes comme les autres, certes. Mais un corps de police incarne aussi l'un des rouages essentiels du fonctionnement de la communauté: il veille au respect des lois que celle-ci s'est données. S'accoutumer à voir ce corps bafouer ces lois et se comporter de manière indigne est donc intolérable. Un point, c'est tout.».

 

Quand des journalistes, qui se croient aussi un des rouages essentiels du fonctionnement de la communauté,  se font épingler par le Conseil suisse de la presse pour faute professionnelle, ils ne sont jamais mis à la porte et les confrères n’en pipent mot. Dans cette profession, le corporatisme n’est pas intolérable, il est sacré.

 

Circulez, il n’y a rien à voir. Et comme dit Le Matin : «Un point c’est tout.» (cp)

 

Israël Singer

 

Israël Singer ne fait plus partie du Congrès juif mondial, a annoncé l'organisation vendredi 16 mars, sans donner d'explication.

 

On chuchote que M. Singer se serait enrichi personnellement dans l’opération de racket qui avait coûté 1,25 milliard aux banques suisses.

 

L’ex-secrétaire général du Congrès juif mondial s’était attaqué à M. Kurt Waldheim, avait occupé un rôle essentiel dans  le chantage des banques helvétiques et avait qualifié, en 2005, de crime la politique suisse de neutralité durant la 2e guerre mondiale.

 

Le renvoi d’un escroc ne blanchit pas le CJM. (cp)

 

Menteries

 

En 2005, les Editions Loisirs et pédagogie SA1 ont publié un opuscule intitulé Institutions politiques suisses, dû à la plume d’un Monsieur Vincent Golay et illustré par Mix et Remix. Cette brochure se veut un aide-mémoire ludique permettant au citoyen présent ou futur de s’y retrouver dans les méandres de l’organisation politique de notre pays. Ledit aide-mémoire se lit aisément et il faut reconnaître qu’il est bien conçu, que les illustrations sont le plus souvent amusantes. Hélas ! Il semble que l’auteur ait décidé de mentir à ses lecteurs pour cause d’anti-fédéralisme  viscéral. Qu’on en juge :

 

Page 8 : «[La Suisse]est un Etat fédéral : il est divisé en cantons qui disposent d’une certaine autonomie.»

 

Page 9 : «En Suisse, les cantons étaient à l’origine, tous également souverains. Ils ont choisi en 1848 de renoncer à leur souveraineté au profit de la Confédération.»

 

Page 11, toujours à propos de la première constitution fédérale : «Un Etat central est fondé, mais les cantons conservent une souveraineté limitée (…)»

 

Même page, mais à propos de la constitution de 1874 : «(…) Les cantons perdent leur souveraineté.»

 

Page 45 : la Suisse nous est présentée comme l’exemple d’une fédération dans laquelle les Etats membres «conservent leurs propres institutions politiques, mais renoncent à leur souveraineté2 au profit d’un pouvoir central.»

 

Je sais que c’est dans cette direction que souffle le vent, mais prétendre que la chose est acquise depuis environ un siècle et demi relève de la propagande centralisatrice la plus malhonnête.

 

Les Editions Loisirs et Pédagogie SA étant spécialisées dans les ouvrages scolaires et parascolaires, il est recommandé de tenir leurs publications hors de portée des enfants. (mp)

 

Obsession

 

Le fait que Benito Mussolini est toujours docteur honoris causa de l’Université de Lausanne constitue évidemment un pur scandale, quand on sait que l’Université de Saint-Jacques de Compostelle a si sagement retiré ce titre au général Franco. Pourtant, le recteur de notre université, Dominique Arlettaz, a fait preuve d’une insupportable indépendance d’esprit en déclarant qu’«(…) on ne connaît pas les circonstances de cette attribution» et que «Nous ne pensons pas retirer ce doctorat, il y a d’autres priorités».3

 

Heureusement, le professeur Sébastien Guex, professeur d’histoire et spécialiste de la  deuxième guerre mondiale – encore un ! – sauve l’honneur en affirmant que ce refus «est une grave erreur tant morale que psychologique» et que «le recteur devrait faire ce geste symbolique, surtout à une époque où on assiste à une recrudescence des mouvements d'extrême droite».

 

A l’instar de son illustre collègue, notre grand ami le professeur Hans-Ulrich Jost, le professeur Guex voit des extrémistes de droite partout et brandit le mythe de la recrudescence comme Jeanne d’Arc l’étendard du roi de France.

 

Refuser l’embrigadement dans la cohorte des conformistes de gauche est tout à l’honneur du recteur de l’Université de Lausanne. (mp)

 

Acharnement

 

Le général Pinochet ayant eu l’invraisemblable culot de mourir avant de passer devant la justice,  les amateurs de procès politiques, intentés de préférence à des gens ayant déjà un pied dans la tombe, sont gravement frustrés.

 

Fort heureusement, le parquet de Paris a requis le jugement en Cour d’assises de dix-sept militaires proches du défunt général. Ces gens sont soupçonnés d’avoir participé à la disparition de quatre Français entre 1973 et 1975.

 

Comme ils ne se présenteront pas spontanément – vous savez : le grand âge, les fatigues du voyage, les rigueurs du climat – et que la France, malgré ses défauts et contrairement à d’autres Etats, ne pratique pas l’enlèvement, ces accusés seront jugés par contumace.

 

Mais ce n’est pas important. Ce qui compte, c’est que ce procès, qui devrait se tenir en 2008, «sera le premier et peut-être l’unique procès au monde de la dictature chilienne», selon les avocats des familles des disparus4. Un signal fort, en quelque sorte !

 

Quelqu’un peut-il me dire si le régime de Fidel Castro n’a pas fait quelques victimes françaises ? Informée, la justice hexagonale s’empresserait certainement d’intenter un procès d’assises à cet aimable barbu ! (mp)

 

Punition

 

Autre épisode de la chasse aux mauvais dictateurs : une politicienne de Basse-Saxe a proposé, selon Le Matin Bleu du 12 mars, que la nationalité allemande soit retirée à Adolf Hitler qui l’avait obtenue en 1932.

 

J’en ai assez des demi-mesures et j’ai une meilleure idée : au lieu de retirer à tous ces méchants leurs titres de docteurs ou leur nationalité, on ferait mieux de supprimer carrément leurs actes de naissance. De la sorte, ils n’existeraient tout simplement plus, ce qui présenterait au moins deux avantages : d’une part, on ne parlerait plus d’eux; d’autre part, on pourrait se pencher sur leurs œuvres sans risques, puisqu’elles relèveraient de la science-fiction. (mp)

 

Vivent les vacances !

 

Sous un titre qui fera date dans l’histoire de l’humour occidental, 20minutes du 9 mars nous apprend cette chose admirable : «La journée de la femme accouche du congé paternité».

 

De quoi s’agit-il ?

 

A l’occasion de la journée de la femme, le Conseil national a accepté par septant-huit voix contre septante-quatre le congé paternité réclamé par le député vaudois évidemment socialiste Roger Nordmann, jeune père de deux enfants. En dépit de la faible avance du oui sur le non, il s’agit bien entendu d’une «victoire historique» !

 

Mais que feront donc les pères de ces «(…) quelques semaines à répartir selon un accord entre le jeune père – quid des pères d’âge moyen ou mûr ? – et son entreprise, et financée – encore des frais ! – par une assurance de même type que l’assurance maternité (…)» ?

 

Comme les partisans de l’assurance paternité sont les mêmes que ceux qui réclament pour les femmes le droit de travailler et exigent une augmentation du nombre des places en crèches, on peut supposer que le congé servira aux pères à conduire leurs enfants à la crèche et à les y reprendre, occasions idéales pour resserrer les contacts. Car c’est le but de l’exercice et Roger Nordman le confirme : «Les pères de ma génération souhaitent être plus présents. Ils en sont réduits à mordre sur leurs vacances».

 

Après cela, il n’y a plus rien à dire : le congé paternité permettra aux pères de conduire les enfants à la crèche pendant que leur mère bosse, afin de pouvoir partir en vacances sans eux. (mp)

 

Gaspillage

 

         C’était à prévoir : à peine les finances du canton sont-elles plus ou moins rétablies qu’on se dépêche d’envisager des dépenses inutiles.

 

         Le musée des beaux-arts de Bellerive ressort des tiroirs. Madame Anne-Catherine Lyon s’en réjouit dans un langage incompréhensible : «A présent, ce projet entre dans le champ citoyen», s’extasie-t-elle5.

        

Outre que ce projet, qui coûtera au contribuable un minimum de 33 millions, est très controversé et devrait donc faire l’objet d’une consultation étendue, je ne vois pas pourquoi il devrait entrer dans un champ citoyen plutôt que dans un champ de patates ou dans un champ de ruines ! (mp)

 

 

1 En Budron B4A, 1052 Le Mont-sur-Lausanne.

2 Souligné dans le texte original.

3 Le Matin Bleu, mercredi 24 janvier 2007, p.3.

4 Communiqué AFP, 30 janvier 2007.

5 Le Matin Bleu, 16 février 2007, p.2.

 

 

 

Triomphe de l’hypocrisie par le langage !

 

 

«Je ne suis pas un dictateur ; j’ai seulement simplifié la démocratie.»

Adolf Hitler

 

Rien n’est plus nuisible à la propagation du mal que la lumière projetée sur ses conséquences naturelles, ses fruits. Aussi distingue-t-on d’emblée la vérité de l’erreur à leurs effets respectifs. La vérité a le droit de tolérer l’erreur. Mais quand c’est le contraire qui s’impose frauduleusement, quand c’est l’erreur qui s’arroge le droit de tolérer la vérité, ce n’est jamais de sa part une concession à la justice mais bien le comble de l’injustice, car, par cette prétention même, l’erreur se pose en vérité et confère au mensonge un prestige absolument indu.

 

La société moderne est à ce point pénétrée de mauvaise foi et de sectarisme qu’elle a besoin de se prévaloir sans cesse des vertus contraires à ses propres vices. Parmi ces vertus, la tolérance figure en première place, qui sert à dissimuler son intolérance viscérale ! A cette fin, elle subvertit le sens des mots, impose ce que l’on pourrait nommer un anti-langage, destiné à agir sur les cerveaux pour les manipuler.

 

Exemples :

 

Dérive droitière ou monarchique :

   

Il n’y a jamais de dérive gauchiste, ni de dérive démocratique. Ce qui dérive est et se doit d’être nécessairement réactionnaire, orienté vers la tradition ancestrale. Les monarchies de gauche, toutes dictatoriales, marxistes notamment (ces dernières s’offrent même le luxe d’être héréditaires !), ne sont jamais des dérives, car la gauche ne dérive pas, puisqu’elle est censée aller toujours dans le sens de l’histoire. Elle se fait seulement piéger par la droite en subissant des dérives strictement personnelles, d’où les fameux procès de Moscou, notamment. Ainsi, également, le communisme n’est pas discrédité mais trahi par le «stalinisme»… Contre Lénine, on recourt à Trotski, qui ne vaut guère mieux. La gauche, qui est une mystification intellectuelle, se dégage de toute responsabilité sans jamais se départir de sa position de juge infaillible de la droite, et, naturellement, des dérives de celle-ci ! En outre, associer le mot dérive à celui de monarchie situe définitivement ce régime dans la caducité, voire même l’enfer de l’histoire. On ne saurait se montrer plus sectaire, moins honnête, plus fermé à la vraie connaissance historique et à la valeur des institutions politiques traditionnelles. La gauche vit du mensonge et celui-ci lui est consubstantiel.

 

Culte de la personnalité

 

C’est ce qui, à gauche, tient lieu de dérive. Mais le mot dérive a néanmoins disparu, afin de sauver le mythe de l’infaillibilité idéologique. Remplacer le mot dérive par le mot culte comporte en outre un avantage certain sur le plan idéologique, car il confirme un autre interdit : valoriser la religion et en accepter l’autorité sur la chose publique. Le culte de la personnalité est donc une dérive qui n’atteint pas la légitimité idéologique de la gauche, parce qu’il témoignerait au contraire de survivances morbides, dans les esprits «réactionnaires», de nostalgies d’anciens régimes, monarchiques, notamment. Constitutif des courants fascistes, où il représente du reste une dégénérescence de l’autorité publique dans une société massifiée, il imprègne aussi le marxisme, aujourd’hui encore. Mais comme les courants fascistes occupent dans l’histoire le camp des vaincus, ce culte, selon la gauche, les définit dans l’absolu, alors qu’il n’entame pas le prestige du socialisme, aussi dictatorial soit-il. Notons enfin que ce grief, adressé à des régimes de gauche, reste éminemment sélectif, puisqu’on ne l’applique jamais au régime cubain… La gauche préserve ainsi d’autres perspectives dictatoriales par le maintien dans les marges mondiales d’une mythologie romantique, «l’illusions lyrique» de la révolution, pour reprendre le mot d’André Malraux.

 

 

Michel de Preux

 

(à suivre)

 

 

 

 

Culture

 

 

Il n’en faudrait pas beaucoup plus pour qu’en entendant parler de culture, je sorte mon pistolet.

 

A Lausanne, après une année d’exploitation, les pertes de la salle des musiques actuelles Les Docks s’élèvent à plus de 523’000 francs – d’autres sources ont fait état d’un million –, qui seront bien entendu assumés par l’humble contribuable, lequel devra en outre se fendre d’un montant de 53'000 francs au titre d’indemnité de départ pour le directeur responsable de ce gâchis, qu’on a fini par mettre à la porte.

 

L’audit a révélé «une gestion des plus lacunaires : comptes liés aux salaires non actualisés et de ce fait aucune charge salariale comptabilisée, postes sans cahier des charges, pièces justificatives manquantes et pas de vue d´ensemble sur les frais engagés par la fondation.»

 

La directrrice de la culture lausannoise, la socialiste Silvia Zamora, fait mine de découvrir la situation et de s’en offusquer.

 

Mais, durant toute l’année 2006, elle n’a pas eu le temps de se pencher sur la gestion des Docks, trop occupée qu’elle était à faire fermer des succursales de la Bibliothèque municipale et à soutenir l’autorité chancelante de sa directrice incompétente.

 

On a appris à cette occasion que le Théâtre de Vidy bénéficiait d’une subvention annuelle de 6 millions.

 

A Genève, c’est Patrice Mugny, magistrat en charge de la culture, qui prend la décision de suspendre la subvention de 900'000 francs allouée par la Ville (sur un total de 2,4 millions) au Festival de la Bâtie.

 

Le Courrier du 21 février écrit qu’«en l'espace de deux ans, le festival a connu les départs successifs de deux directeurs, d'une administratrice et de deux programmateurs. Gestion catastrophique, panne de communication, manque de professionnalisme d'un comité accusé d'avoir lâché les directeurs qu'il avait recrutés à l'extérieur: les doutes qui pèsent sur la Bâtie sont écrasants.»

 

Bref, la culture contemporaine coûte cher et va mal. Il ne fait aucun doute que si le bon peuple avait le pouvoir de voter sur les subventions accordées aux théâtres d’avant-garde, au cinéma d’art et d’essai, à la chorégraphie contemporaine, il bifferait toutes les subventions allouées à ces artistes, au profit, peut-être, d’Alain Morisod ou des galas Karsenty. Quand on voit le niveau des créations dites «contemporaines», on se dit que les vieux cinglés qui achètent les CD de Ted Robert n’ont peut-être pas le goût si faux. Au moins paient-ils cette production de leurs deniers, sans venir pomper dans nos poches ni pour la produire ni pour l’entendre.

 

En démocratie, le problème est insoluble. Si l’abonné du Théâtre de Vidy devait payer son billet ce qu’il coûte – je n’ai pas dit ce qu’il vaut – il devrait débourser à chaque représentation au minimum 300 francs de plus. A l’évidence, il n’irait pas.

 

Si la mise en scène est possible, c’est parce que l’ouvrier de chez Sarer, la dactylo des gérances de Rham et la femme de ménage portugaise versent, par leurs impôts, une subvention permettant à l’étudiant en lettres de crier au génie et d’applaudir, pour dix-huit francs, des comédiens grassement rétribués, hurlant et gesticulant de façon grotesque au cours d’un spectacle dénonçant le racisme et l’exclusion.

 

Pour subventionner de telles inepties, la Ville trouve des millions chaque année, mais elle ne peut soutenir financièrement plus de garderies ni plus de crèches.

 

On s’enorgueillit d’avoir accueilli M. Maurice Béjart et d’avoir mis des millions à sa disposition, mais on ferme des bibliothèques publiques.

 

Pourquoi le problème est-il insoluble ? Parce que le magistrat, en régime démocratique, utilise pour chaque dépense l’argent du public et qu’il ne peut ni suivre le goût du public, qui est généralement exécrable, ni le sien propre, ce qui serait contraire à l’équité, voire même à l’égalité de traitement.

 

La culture doit nécessairement n’être financée que par le mécénat. Le mécène n’a aucun compte à rendre à quiconque de ses choix, qui sont parfaitement – et légitimement – arbitraires. Il donne à qui bon lui semble. Il soutient de ses largesses un peintre incompréhensible, une troupe de théâtre subversif, un compositeur cacophonique ou un écrivain n’ayant qu’un seul lecteur, personne ne pourra le lui reprocher.

 

Un ministère de la culture1, un office fédéral du cinéma, un département des beaux-arts, toute officialité se mêlant de culture finit nécessairement par sombrer dans le copinage ou le ridicule, parfois l’un et l’autre.

 

 

Claude Paschoud

 

[1] On a dit en novembre 2005 (Pamphlet n° 349) tout le mal qu’il fallait penser de la culture fédérale !