Sommaire :
Pour une fois, la rédactrice
responsable a chargé Xavier Savigny de rédiger l’éditorial. La rédaction
unanime est opposée à la caisse unique.
Où il est question d’un
temple transformé en maison de quartier, d’un voleur qui se plaint de
n’être pas engagé par sa victime, et d’un ministre qui croit en
l’indépendance de la justice
Max s’est promené dans le
cyber-espace, il analyse les modes de langage journalistiques et plaint
De l’art de couper les cheveux en quatre…
Pollux s’est penché sur
les sondages et doute quelquefois de leur utilité
Michel de Preux rappelle à
François-Xavier Putallaz les exigences de la logique formelle et les
enseignements de Saint Thomas.
La paix du travail est-elle menacée ?
A lire : la dernière
livraison d’«Etudes et enquêtes»,
publication du Centre patronal
Pour Claude Paschoud, la presse
est souvent le dernier recours du justiciable ou de l’administré
confronté à une machinerie (judiciaire ou administrative) qui l’écrase ou
qui ne l’entend pas
Dans ce billet d’humeur,
C.P. se moque des prétentions de la presse bien pensante à la hiérarchie des informations.
Alors que la date fatidique du 11 mars approche à
grands pas et que le dilemme cornélien entre caisse unique et caisses multiples
va devoir être tranché par chaque citoyen de ce pays, essayons de remettre
chaque chose à sa place sans nous laisser aller à la facilité du discours
polémique.
Tout d’abord, quels sont les arguments des
initiants et dans quelle mesure sont-ils pertinents ?
1. La publicité et les frais
administratifs génèrent des frais considérables à la charge des assurés. La publicité est assumée par les gains des
assurances complémentaires et non par
2. Il n’y a pas de
concurrence effective entre les caisses car toutes fournissent les mêmes
prestations dans l’assurance de base.
C’est vrai pour ce qui concerne les prestations fournies. Néanmoins,
il est possible pour une caisse d’offrir des primes plus basses grâce à
une gestion plus stricte des ses coûts administratifs et par un contrôle
systématique de ce qu’elle rembourse. A contrario, une caisse unique
n’aura aucune raison de chercher une gestion efficace de ses charges.
3. La caisse unique
deviendrait une sorte d’AVS du système de santé. Les initiants comparent la caisse unique à
l’AVS et semblent trouver cela très bien. Lorsque l’on voit se
creuser le déficit de l’AVS dont on nous prédit la faillite pour demain
faute de mesures drastiques pour trouver de nouvelles sources de financement,
on s’étonne que cela devienne le modèle ultime de ce qui est efficace en
matière de réduction des coûts.
4.
Les primes en fonction du revenu apportent une plus grande justice
sociale. La justice sociale est un mot magique, fédérateur de bonnes volontés.
Dans la pratique, les primes en fonction du revenu présentent deux
inconvénients majeurs : tout d’abord, il s’agit d’un
nouvel impôt qui n’a même pas le bon goût de se déguiser et qui sera,
comme il se doit, particulièrement lourd pour les classes moyennes.
D’autre part, il n’est prévu aucune possibilité de réduire sa
facture, donc aucune incitation à la responsabilité personnelle et par
conséquent aucune raison de se priver d’être hypocondriaque.
5.
La caisse unique sera conduite par les différents intervenants du
système de santé, collectivités publiques, représentants du corps médical et
représentants des assurés, ce qui permettra à chacun de défendre ses intérêts. La sagesse
populaire dit très justement qu’il vaut mieux un mauvais général que deux
bons. A plus forte raison, trois pouvoirs aux intérêts divergents ne peuvent
gérer la nouvelle caisse unique efficacement.
Ces arguments nous semblent suffisants
pour rejeter l’initiative sans aucune hésitation.
Mais quelle solution peut être apportée dans ce cas ?
Car s’il est facile de démonter, en l’occurrence, le projet de la
gauche, quelle autre option proposer ?
Tout d’abord, il faut bien constater qu’en
matière de caisse maladie, les assurés sont irrationnels. Si tel n’était
pas le cas, la caisse unique serait déjà une réalité produite par les flux
d’assurés changeant d’assureur à la fin de l’année pour se
précipiter chez le prestataire le meilleur marché. Ce dernier, n’ayant
pas le droit de les refuser, se trouverait submergé de demandes, engagerait du
personnel pour les traiter, gérerait pendant un an les nouveaux assurés,
verrait son niveau moyen de risque augmenter et les primes pour l’année
suivante grimper dans les même proportions. A ce moment, un autre assureur se
trouverait dans la position de proposer des primes moins chères et
l’opération recommencerait. Chaque année, dans ce cas de figure, les
caisses les plus chères se retrouveraient sans assurés et cesseraient leurs
activités jusqu’au moment où les prix seraient lissés et où il ne
resterait plus qu’un ou deux intervenants dans le marché, qui
pratiqueraient des prix identiques.
Dans la pratique, les assurés ne changent que très peu
d’assurance et sont en grande majorité satisfaits de leur situation. On
peut se dire que, dans ces conditions, il n’est pas urgent de mettre en
route de grands chamboulements, que la situation n’est pas aussi mauvaise
que l’on veut bien le dire et que l’on peut laisser à notre
gouvernement le loisir de mener à bien les réglages fins qu’il met en
place. S’il faut vraiment un changement, il serait plus judicieux de revenir à une plus grande
liberté, que chacun choisisse en fonction de ses besoins s’il veut ou non
s’assurer, quels risques il veut couvrir et quelle part de frais il veut
assumer. Mais ce serait méconnaître le mouvement actuel qui tend plus vers
l’infantilisation des masses bêlantes que vers la responsabilisation des
individus dans leurs rapports à la collectivité.
Démocratie directe
«En chauds partisans de la démocratie directe (…)» : c’est ainsi que je
m’exprimais – et on me
l’a reproché – dans mon dernier éditorial, alors que j’ai
cessé depuis longtemps de considérer la démocratie comme le moins mauvais des
systèmes politiques et que, quelques lignes plus loin, j’affirmais que la
démocratie n’existe pas. Cette tournure était apparemment trop
elliptique. Il fallait comprendre que, puisque nous vivons en «démocratie» sans
espoir d’en sortir, mieux vaut utiliser les possibilités qui nous sont
offertes d’exercer un contrôle sur nos autorités et de faire entendre
notre voix. (mp)
Le temple lausannois de Saint-Luc sera transformé en
maison de quartier. Dame ! les églises se vident.
Les rénovations coûteront 4,5 millions de francs.
Voilà qui ravira le contribuable que la perspective de financer le local
d’injections et ses dégâts collatéraux, ainsi que de revitaliser les
Docks et leurs musiques actuelles à coups de centaines de milliers de francs
plonge dans l’euphorie.
Espérons que les rénovateurs épargneront le taureau !
(mp)
A
l’âge de quinze ans, un adolescent vole, dans une succursale de
20minutes
du 2 février s’inquiète : «Les “fichiers”que les
grands magasins conservent sur les voleurs à l’étalage pourraient
défavoriser les candidatures d’embauche».
Ben voyons ! Les grandes surfaces
sont des institutions philanthropiques destinées à remettre les voleurs dans le
droit chemin, surtout si, à l’âge de quinze ans, ils en étaient encore au
stade des bombes à eau ! (mp)
Au cours d’une récente visite en
Turquie, le conseiller fédéral Pascal Couchepin, qui n’est pourtant responsable
ni des affaires étrangères ni de la justice, s’est entretenu de la
question arménienne avec le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan. Ce
dernier a notamment demandé que soient interrompues les procédures engagées, au
nom de notre bien-aimé article 261bis, contre un historien et un politicien
turcs coupables d’avoir nié que le massacre des Arméniens ait été un
génocide – avis d’ailleurs partagé par le gouvernement
d’Ankara. Heureusement que
Sans doute satisfait des travaux si
sérieux et si impartiaux de notre commission Bergier, notre infatigable
voyageur a proposé à Monsieur Erdogan la création d’une commission
d’historiens internationale.
«L’histoire doit être laissée aux
historiens»1, aurait déclaré notre «ministre» de
l’intérieur qui ne lit sans doute pas les journaux et ignore donc que
Bruno Gollnisch a été condamné pour avoir exprimé la même idée.
Pour ce qui est de la cessation des poursuites en
cours contre Yusuf Halacoglu et Dogu Perinçek,
Monsieur Couchepin a rappelé «la séparation des pouvoirs en Suisse et
par conséquent l’indépendance de la justice».
Elle est
belle l’indépendance de notre justice au service des chasseurs de
sorcières !
Tant qu’à déparler, Monsieur Couchepin ne
pourrait-il le faire à Berne ? Cela coûterait moins cher au contribuable. (mp)
Le 14 février, le député UDC Eric Bonjour, candidat au
Grand Conseil, devait participer avec le conseiller d’Etat socialiste
Pierre-Yves Maillard, candidat au Conseil d’Etat, à un débat sur la
caisse maladie unique dans le cadre de l’émission Infrarouge. La
veille, le député a été décommandé au motif que le règlement de la télévision
recommande d’éviter d’inviter des candidats en période électorale,
sauf pour des besoins d’information.
Qui nous dit que le candidat Bonjour n’aurait
pas apporté des informations aussi intéressantes que celles du candidat
Maillard que la télévision considère, nous dit on2, comme «l’étendard
romand de la caisse unique» ?
Le prétexte de la mise à l’écart est cousu de
fil blanc. Il s’agit en fait s’une scandaleuse discrimination qui
ne s’explique qu’ainsi : il ne fallait pas courir le risque
que l’étendard fût transformé en charpie. (mp)
1 Communiqué ats, 6 février.
2 20minutes, 14 février 2007
Autrefois, quand la valeur intrinsèque d’un
individu ne se montrait pas à la hauteur de celle qu’il se prêtait, il
vous était loisible de le faire raccompagner aux grilles par vos gens de
maison... Si le fâcheux avait de commun avec vous quelques quartiers de
noblesse, vous pouviez lui laisser en sus un vieux gant en travers du visage...
Mais des siècles égalitaires ayant passé depuis, l’encombrant personnage,
ramené à la condition de simple peigne-cul ne se peut plus bastonner ni passer
par la pointe de l’épée... L’apparition de l’intelligence
électronique, en revanche, vous permet désormais une élimination radicale à
moindres frais : il vous suffit, dans la rubrique «rechercher / […] / un mot ou une phrase dans le fichier», de faire entrer son nom, pour voir
s’afficher toutes les occurrences présentes dans votre ordinesclave. Vous
n’aurez plus ensuite qu’à commander : «sélectionnez tout»... et d’un clic de souris vous aurez
éliminé dans la seconde et à jamais toute trace du personnage... tout en le
renvoyant officier au poste qu’il n’aurait jamais dû quitter :
à la queue du cheval.
Quand les mauvais rêves se
matérialisent...
Les dernières nouvelles de la cybertechnique dans le
domaine ludique laissent pantois : les rendus virtuels se perfectionnent
au point qu’un jeu particulier de course automobile est, paraît-il, livré
avec un petit ventilateur censé simuler le vent dans la figure du coureur. La
version suivante comportera sans doute un petit pulvérisateur d’huile de
vidange pour hâler le teint des fangios en fauteuil, assorti – pourquoi
pas ? – d’un inhalateur de caoutchouc brûlé. En attendant
l’inévitable projecteur de béton. Dans la foulée, toujours pour faire
plus vrai, les concepteurs de jeux de rôles guerriers pourraient envisager le
montage sur rotule servoguidée d’une arme automatique compacte de petit
calibre susceptible de pénaliser les mauvais tireurs au «joystick». Ainsi
reviendrons-nous par d’imperceptibles mais inexorables étapes à une
réalité de retour de manivelle... Tout au plus pourrons-nous déplorer, lors de
la mise en terre des restes compactés de champions du volant et des dépouilles
hachées de rambos en pantoufles, que l’annulation de leur vie terrestre
soit due à un réel, hélas, sans contenu.
Tournures révélatrices
Il est souvent
utile de prêter attention aux conventions sonores qui fleurissent sur un rythme
quasi annuel les discours hertziens des hommes publics... Voilà au moins un
domaine dans lequel
La nouveauté
pour 2007 s’annonce être l’emploi de l’adjectif «vrai»...
accommodé à toutes les sauces, souvent ponctué d’un pléonasme ou
sous-tendu de l’écœurant – mais si nécessaire –
«honnêtement». «C’est une vraie
vérité», assènent en chœur, avec véhémence, le juge aux ordres,
l’avocat fielleux de la partie adverse et le politicien douteux ;
«– une vraie
reconstitution… donc une vraie preuve d’existence», précise
superbement l’escroc international, droit dans vos yeux ;
« – un vrai
problème », hasarde le journaliste un peu perplexe...
Et les
Français, dans la vraie chienlit dans
laquelle on les a plantés, finissent par se demander s’ils
n’auraient pas été menés en barque par de vrais salauds.
Présidentielles :
Qui de Madame Royal
ou de Monsieur Sarkozy l’emportera au deuxième tour est en fin de compte
sans importance2. Quiconque, laissant de côté les habituelles
promesses des candidats, s’intéressera à la composition des équipes
ministérielles respectives et à la petite particularité commune de la
plupart des ministrables, comprendra aisément qu’elles sont équivalentes.
Et irréversible la tragédie de
14.2.2006, ce matin, quelque part en Iran...
Onze «Gardiens
de
Max l’Impertinent
1 Non, pas en «-iste» («socialiste», tout court, est un bon qualificatif). Pas plus qu’en «-niste» (penser aux ébénistes, aux communistes, aux jospinistes et aux percussionnistes, qui sont de braves gens).
2 Dieu n’est plus Français et à court de miracles.
De l’art de couper les
cheveux en quatre avant de les compter
Il
ne se passe pas un jour sans que notre bonne humeur ne soit contrariée par la
lecture des résultats de quelque sondage sur les opinions du public ou
d’enquête sur ses habitudes.
C’est
bien des résultats qu’il est question ici. Car ce ne sont pas les
sondeurs eux-mêmes qui nous importunent: ceux qui font honnêtement leur travail
et n’ont rien à nous vendre se montrent généralement d’une politesse
tout à fait suffisante pour qu’on accepte de leur répondre, ou que
l’on décline leur offre avec le même degré d’urbanité. Quoi de plus
grisant, d’ailleurs, que de pouvoir enfin donner son avis – si tant
est qu’on en ait un sur le sujet en question. Cette satisfaction
s’efface, hélas, lorsque l’on découvre quotidiennement
l’interminable litanie des platitudes et lieux communs scientifiquement
établis par l’addition d’un nombre plus ou moins impressionnant
d’opinions qui ne méritent que rarement ce titre. On frémit à
l’idée du nombre de personnes qui perdent leur temps à des choses aussi
vaines et inutiles.
Par
exemple, le 5 février dernier, les médias citaient une étude VOX selon
laquelle, «lors de votations populaires, les femmes défendent plus facilement
l'environnement, le service public et les personnes défavorisées que les
hommes.» A quoi cela sert-il de le savoir si l’on n’en tire pas
les conséquences qui s’imposent?
Le
jour suivant, on nous signale un «sondage sur internet auprès de quelque
20'000 personnes», qui confirme une «précédente étude» et révèle que
«pour assainir l'AVS, les Suisses ne veulent ni travailler plus longtemps,
ni augmenter les prélèvements obligatoires, ni raccourcir les rentes».
Brillant résultat qui aidera les politiciens à ne prendre aucune décision.
Dans
un registre encore plus passionnant, on mentionnera cette enquête DemoScope
qui confirme «ce que tout le monde soupçonnait», à savoir que «les
femmes ont plus souvent les pieds froids que les hommes». Suivent diverses statistiques
comparatives sur la fréquence de pédifrigorification journalière des
Alémaniques et des Romands, ainsi que sur les stratégies mises en œuvre
pour combattre le mal. En lisant cela, on réalise que la connaissance humaine
vient de faire un grand pas en avant.
Pour
parachever ce tableau désabusé d’une société qui crève d’envie de
connaître des millions de choses sans intérêt, on remarquera que les élections,
souvent, ne représentent guère mieux qu’une forme élargie de sondage
d’opinion. Au Turkménistan, l’élection du nouveau président
Gourbangouly Berdymoukhammedov par 89,23% des voix semble avoir suscité autant
de passion chez les électeurs turkmènes que chez le lecteur romand moyen. Le
seul détail intéressant aurait été de savoir si le nom du candidat était
pré-imprimé sur les bulletins de vote ou si les électeurs ont dû le recopier à
la main.
Pollux
«Jésus-Christ par Pierre, Pierre par son successeur, nous régissent dans l’ordre du gouvernement spirituel. Tout pasteur dont l’autorité n’émane pas du Siège de Rome, est un étranger, un intrus. De même, dans l’ordre de la croyance, Jésus-Christ par Pierre, Pierre par son successeur, nous enseignent la doctrine divine, et nous apprennent à discerner la vérité de l’erreur. Tout Symbole de foi, tout jugement doctrinal, tout enseignement, contraire au symbole, aux jugements, aux enseignements du Siège de Rome, est de l’homme et non de Dieu, et doit être repoussé avec horreur et anathème.»
Dom Prosper Guéranger : L’Année liturgique, fête de
Dans son article Partenariat et liberté de
conscience1, François-Xavier Putallaz pose en public un problème
de conscience en des termes inacceptables. D’un côté, il admet que la loi
suisse sur le partenariat enregistré n’oblige pas en conscience –
ce qui est exact –, mais de l’autre, il admet aussi que ce nouveau
contrat civil institue un véritable droit pour les personnes concernées. Ce que
ce mauvais philosophe appelle «nuance» n’est en réalité qu’une violation
d’un principe philosophique premier, celui de non-contradiction !
Car il est évident qu’une loi n’oblige en conscience que si elle
confirme la loi naturelle, et que dans le cas contraire elle porte indûment le
nom de loi et n’est en fait qu’une manifestation de puissance
arbitraire, à combattre comme telle.
Mais Monsieur Putallaz est démocrate-chrétien !
Comme sa personne, sa «philosophie» ménage la chèvre et le chou. Ce que la loi
naturelle objective et universelle interdit de qualifier comme un bien, et par
voie de conséquence comme un droit subjectif de la personne humaine, la loi
positive de l’Etat, quel qu’en soit le régime, ne peut, sous aucun
prétexte, le reconnaître comme un bien juridiquement protégé par lui.
C’est ce que le Docteur Angélique classait dans la deuxième catégorie des
lois injustes, celles qui excèdent l’autorité du législateur2.
De telles lois, nous dit-il, «n’ont de loi que le nom ; en
réalité, elles sont de pures violences, car, citant cette fois
Saint-Augustin, il n’y a pas de loi lorsque la justice est
absente» : la justice et la raison, ajouterais-je en
l’occurrence, car le droit au corps de l’autre ne peut exister
comme un bien juridiquement protégé que dans le cadre exclusif d’un
contrat de mariage lié nécessairement au sacrement institué par le Christ pour
les chrétiens.
Modernistes, les démocrates-chrétiens éludent
allégrement cette catégorie de lois injustes, pourtant formellement énoncée par
les vrais philosophes. François-Xavier Putallaz applique à de telles lois le
conseil, en effet nuancé, que recommande Saint Thomas d’Aquin, se fondant
sur Matt. V 40/41, de ne pas faire valoir à leur encontre l’objection de
conscience quand il y a risque de scandale ou de trouble. Mais cette nuance
porte uniquement sur des droits propres incontestés de la personne ou de
l’Etat, et non sur la perpétration d’un crime (l’avortement
ou l’aide au suicide) ou l’injustice (les contrats de partenariat).
L’objection de conscience constitue-t-elle un
droit pour les officiers d’état civil dans le cas d’enregistrement
du contrat de partenariat ? A coup sûr si l’on suit – et on le
doit ! – la doctrine catholique et la vraie philosophie du droit ou
de l’Etat, car l’homme peut disposer d’un bien propre par
gain de paix, il ne peut en revanche coopérer de quelque manière que ce soit à
un acte immoral, en l’occurrence à l’enregistrement d’un
contrat mensonger et faux, puisque ce «contrat» dénature le mariage. Le faire,
c’est accorder son concours à une violence d’Etat, ce que fit le
Grand Conseil valaisan en validant cette fausse loi sur le plan cantonal !
La référence scripturaire du Docteur Angélique est claire sur ce point :
dans le but d’éviter le scandale ou le trouble à l’ordre public, la
transaction n’est licite que si elle porte sur un droit dont la personne
ou l’Etat peuvent librement disposer. En aucun cas, cette transaction
n’a lieu d’être quand elle conduit à cautionner un mal ou une
injustice : «C’est approuver l’erreur que de ne pas y
résister, c’est étouffer la vérité que de ne pas la défendre. (…)
Quiconque cesse de s’opposer à un forfait manifeste peut en être regardé
comme le complice secret.», disait le pape Léon XIII aux évêques
d’Italie.
François-Xavier Putallaz le sent bien puisque la
solution pratique qu’il préconise est, elle aussi contradictoire :
il juge en effet «disproportionnée» l’objection de conscience
individuelle de l’officier d’état civil d’une part et, d’autre
part, il n’admet son droit de récusation personnel qu’à la
condition de pourvoir à son propre remplacement, comme si le même problème de
conscience ne se posait pas pour ce dernier !
C’est là livrer lâchement le droit, l’Etat
et la pratique administrative aux caprices individuels. Cette situation porte un nom :
c’est l’anarchie ou, comme l’appelait un philosophe russe,
Nicolas Berdiaef, «la chaos rebelle». Il ouvre la voie à l’Antéchrist.
Michel
de Preux
1 Nouvelliste du Valais, édition du 19 janvier 2007, page 33.
2 Somme théologique, I-II, Qu. XCI, art. 4.
La paix du travail est-elle menacée ?
Réalisée dans le
prolongement de trois soirées de conférences organisées par la section vaudoise
de
L’article le
plus remarquable est celui du directeur du Centre Patronal, M. Jean-François
Cavin, intitulé : On ne badine pas
avec la paix du travail. Après avoir distingué trois formes de paix du
travail : la paix contractuelle,
la paix institutionnelle et la paix politique, qui se complètent et se
renforcent mutuellement, l’auteur rappelle que, loin de faire partie des
droits de l’homme, la grève est la négation du droit. Une pique est
lancée, en passant, au Conseil d’Etat du canton de Vaud qui a approuvé la
réduction des prérogatives de l’Office cantonal de conciliation et
d’arbitrage, dont l’intervention est aujourd’hui facultative
en cas de conflit menaçant de dégénérer, alors qu’elle était encore
– heureusement – obligatoire sous l’empire de
l’ancienne loi.
M. Cavin critique à
la fois l’idéologie romantique des marxistes pour qui la grève est le
seul moyens de mobiliser les ardeurs ouvrières qui s’assoupissent dans le
bien-être fallacieux d’une situation matérielle supérieure à la moyenne
européenne, et à la fois l’attrait, chez certains idéologues
ultra-libéraux, de l’économie financière au détriment de l’économie
productive, la tentation du profit à court terme et de la hausse des cours du
titre sur la pérennité de l’outil de production.
L’auteur voit
néanmoins des raisons d’espérer dans les réalisations passées du
partenariat social, qui ont démontré leur valeur au travers des décennies, et
dans la gestion commune des biens considérables de la prévoyance professionnelle.
C.P.
«Summum jus,
summa injuria», disaient les Anciens,
qui entendaient par là qu’une application excessivement rigoureuse et
pointilleuse de la justice équivalait à une grande injustice.
Le quotidien 24 heures a consacré sa Une, lundi
12 février, à Me Barillon, avocat genevois très médiatisé, lequel dénonce, dans
un dossier pénal dont il s’occupe, le faiblesse du dossier et la durée
excessive de la détention préventive subie par son client.
Notre excellent confrère Philippe Barraud critique
vertement cette intervention, dans la page Société
de son site www.commentaires.com :
«Il est toujours désagréable de voir un
avocat plaider avant le procès par presse interposée. Ces tentatives de
pression sur les juges sont détestables (…) De manière peu surprenante, car c’est toujours ainsi que cela se
passe, Me Barillon embouche la double tactique habituelle dans ce genre de
manœuvre d’intimidation : la critique de l’instruction et
la souffrance du prévenu en préventive.»
Sans doute les juristes vaudois, habitués à une
certaine retenue face à la presse, ressentent-ils avec agacement les interviews
tonitruantes des confrères genevois souvent destinées à pallier
l’insuffisance de leur dossier ou leur propre incompétence juridique.
Il n’empêche !
Il n’empêche qu’il n’est pas normal,
dans un Etat civilisé, qu’un homme soit maintenu en détention pendant
plus d’une année, alors qu’il est – peut-être –
innocent des crimes dont on l’accuse.
Car soit l’instruction a permis de réunir
suffisamment de preuves et d’éléments à charge, parmi lesquels par
exemple les aveux du prévenu, et alors il n’y a pas de raison de différer
le procès, au risque que les faits soient prescrits le jour de l’audience ;
soit le dossier est faible, voire vide, et le prévenu doit être remis en
liberté, dans l’attente d’éléments plus probants.
Les lenteurs de fonctionnement de la justice et de
l’administration sont si graves que le justiciable ou l’administré
est incité à faire appel à une sorte de «justice
privée» ou à se passer d’une autorisation à laquelle il a droit, mais
qui se fait attendre d’une manière inexplicable.
Une vieille dame propriétaire d’une villa avait
commis l’imprudence de louer un petit studio indépendant à une personne
qui ne lui paya jamais aucun loyer, et qui disparut même après trois mois
d’occupation en laissant quelques effets sur place. Conseillée par
d’éminents juristes, la dame mit deux ans et dépensa une fortune avant de
pouvoir légalement récupérer son studio. Elle sait aujourd’hui
qu’il eût été plus simple, plus économique, et sans doute moins
dommageable pour elle (même si son locataire était réapparu), de faire ouvrir
le studio, d’empiler les affaires personnelles du locataire dans une valise,
de faire changer les serrures et de relouer tout de suite.
Une jeune Camerounaise, ingénieur diplômée, sollicite
une autorisation pour suivre un cours postgrade à l’EPFL d’une
durée d’une année. La demande est déposée le 23 octobre 2006, auprès du
Service vaudois de la population (SPOP), dûment motivée, et parallèlement
auprès de notre représentation consulaire à Yaoundé. Le cours commence le 8
janvier et il coûte environ 6'000 francs payables à l’inscription.
On fait comprendre à la requérante que si elle apporte
la preuve du paiement, cela facilite la demande. Elle paie.
Le service de la population répond le 19 décembre
qu’il transmet la requête à l’autorité fédérale pour raisons de
compétences. Le 12 janvier,
l’Office fédéral des migrations (ODM) renvoie la demande à
l’autorité cantonale, pour raisons de compétences.
Le 26 janvier, le SPOP écrit qu’il est
d’accord, sous réserve d’approbation fédérale. Le 5 février, l’ODM écrit qu’il
pense refuser la requête, car la sortie
de Suisse, à la fin du cours, n’est pas suffisamment assurée !
On accorde à la requérante un délai au 5 mars pour présenter ses observation.
Le cours a commencé depuis deux mois.
Ces minables tergiversations ne sont-elle pas une
incitation, pour la requérante, à entrer illégalement en Suisse pour y suivre
son cours et à annoncer en décembre prochain (l’administration
n’ayant pas encore pris de décision définitive) qu’elle retire sa
requête ?
Un article dans un grand quotidien n’aurait-il
pas pour vertu de faire accélérer le traitement d’un dossier si
simple… et si urgent ?
Il faut sans doute le déplorer, mais la presse est
actuellement le seul pouvoir susceptible de faire bouger un dossier que des
magistrats ou des fonctionnaires surchargés ou paresseux ont laissé se couvrir
de poussière. C’est malheureusement si vrai qu’il a suffi
d’un appel téléphonique à l’Office AI par le rédacteur en chef du
mensuel Bon à savoir pour qu’un assuré obtienne miraculeusement
un rendez-vous deux jours plus tard, alors même que son dossier était gelé pour
mille et une mauvaises raisons depuis des mois.
Dans le cas du déséquilibré du Grand-Pont, ce sont les
pressions populaires et médiatiques qui ont convaincu le justice
d’appointer un procès public, alors même que l’irresponsabilité
totale du prévenu devait l’exclure absolument.
Jacques Barillon nous irrite lorsqu’il plaide
ses dossiers dans la presse. Mais la presse est, hélas, le dernier recours du
justiciable ou de l’administré confronté à une machinerie judiciaire ou
administrative qui l’écrase, ou qui ne l’entend pas.
Ne tirons pas sur le pompier !
Claude Paschoud
Lorsqu’on
lui prédit sa prochaine disparition au profit d’Internet, la presse
écrite proteste de sa spécificité :
c’est sur Internet que le public trouvera, il est vrai, la masse
d’informations quantitativement la plus importante, au point même
d’en être littéralement submergé.
Mais la presse
écrite a le mérite, dit-elle elle-même, de contrôler les informations
qu’elle diffuse et surtout de sélectionner et de hiérarchiser ces
informations.
Dans la réalité,
cette prétention est largement usurpée. Il n’est que de compter les pages
de nos bons quotidiens consacrées à la vie privée des vedettes de
l’industrie du spectacle ou des présentateurs de la télévision pour se
convaincre que cette soi-disant hiérarchie de l’information consiste
essentiellement à flatter, dans le public, ses instincts de voyeurisme les plus
médiocres, ou d’exciter sa sensiblerie la plus imbécile.
Combien
d’articles 24 heures et Le Matin ont-ils consacrés, depuis
le malheureux coup de fusil d’un aide-surveillant de la faune, le 31
décembre dernier, aux bulletins de santé du chat Whispers ?
La propriétaire du
malheureux félin a déjà consacré des milliers
de francs en hospitalisation, soins vétérinaires, prothèse métallique,
système de fixation des maxillaires, sonde pour l’alimentation, etc.,
prouvant par cet acharnement qu’elle a totalement perdu le sens de la
mesure, et même de la décence. La solution la plus raisonnable, et la moins
cruelle, eût été à l’évidence l’euthanasie du minet directement
après l’accident.
Que Mme Cynthia
Michel, maîtresse du chat, accorde plus d’importance à la guérison de
Whispers qu’au sort des milliers d’enfants irakiens qui meurent à
cause de l’intervention américaine, on peut le comprendre. Mais que nos quotidiens, qui se prétendent
des références en matière de hiérarchie des informations, nous assomment
aujourd’hui encore de ces insignifiances, ainsi que de la prochaine
séparation de Mme Claire Chazal ou des états d’âme du rappeur Stress, on
a plus de peine à l’admettre.
C.P.