Lausanne 36e année      «ne pas subir»      Mai  2006 No 355

 

 

Sommaire :

 

Editorial

Faut-il, comme le réclament les âmes sensibles, que les armes d’ordonnance restent à l’arsenal ? L’éditeur s’élève contre cette fausse bonne idée.

 

Graphisme

Le Pamphlet partage l’indignation d’une lectrice au sujet de l’argent public dépensé à Lausanne dans des fantaisies graphiques.

 

En direct de Sirius

Max se moque des politiciens qui se précipitent pour verser des larmes devant les caméras TV à chaque drame privé. Il se penche sur le sort de M. Massaoui et se demande encore si la Maison Blanche n’entretiendrait pas – discrètement – les ennuis du personnel politique français.

 

Parlons sport

Pollux s’en prend, avec une sévérité justifiée, aux sportifs qui nous pourrissent la vie, et parmi eux à l’engeance la plus nuisible : les cyclistes.

 

Repentance hypocrite

Michel de Preux dénonce les condamnations françaises de l’esclavage pratiqué par les seuls Blancs européens.

 

Sur une «Déclaration éthique»

Claude Paschoud regrette la lâcheté de deux caisses d’assurance maladie qui ont – à tort – cédé aux pressions médiatiques…

 

Le professeur et le bien commun

Igor Meylan plaide pour la réintégration dans ses fonctions d’un médecin bibliomane

 

Doris et Ségolène : même combat !

La désignation de Mme Doris Leuthard comme seule candidate à la succession de M. Joseph Deiss par les délégués du PDC ressemble furieusement aux scrutins organisés dans le parti communiste de l’ex-URSS : «Ceux qui sont d’accord avec la proposition lèvent la main. Ceux qui y sont opposés lèvent les deux mains et vont s’aligner contre le mur !»

 

Bricole

Un cas patent de discrimination

 

 

 

Editorial

 

Il y a chaque année en Suisse un ou deux meurtres, et une demi-douzaine de suicides commis grâce à une arme d’ordonnance, fusil d’assaut ou pistolet,que chaque citoyen soldat conserve chez lui, comme chacun sait, entre deux cours de répétition.

 

Il n’en faut pas plus pour que les âmes sensibles et la presse se déchaînent contre le maintien de cette tradition : même des officiers, comme le maire socialiste de Granges (Soleure) et conseiller national Boris Banga, estiment que les armes devraient rester à l’arsenal.

 

Celui qui est décidé à commettre un homicide le commettra, avec ou sans arme à feu. Celui qui veut mettre fin à ses jours y parviendra aisément, avec ou sans arme à feu. Les dépressifs s’imaginent, sans doute à juste titre, que la mort par balle est plus rapide et plus propre, sinon plus certaine, que le saut du Pont Bessières ou la rencontre avec le train express.

 

Les assassins doivent aussi s’imaginer que le Sig 9 mm ou le Fass 90 est plus efficace que la batte de base-ball ou le couteau de cuisine.

 

Mais la plus grande partie des homicides sont perpétrés sans aucune arme à feu : étranglement, étouffement, coups avec toutes sortes d’objets, usage de couteaux, poignards et stylets, empoisonnements, faux accidents etc.

 

Le maintien des armes d’ordonnance à domicile a eu, dès l’origine, deux buts : un but d’économie, d’abord. En chargeant chaque soldat de conserver chez lui son arme et de la maintenir en état, la Confédération économise des millions en frais de garde, de maintenance et d’entretien. Locaux sécurisés, personnel spécialisé, frais de retrait et de redistribution sont ainsi économisés.

 

Le second but est tactique. En cas de mobilisation, il serait possible que les arsenaux destinés à équiper certaines troupes en matériel de corps ne soient plus accessibles, ou aient été détruits. Avec l’arme, et une boîte de munitions à la maison, le soldat mobilisé est directement un combattant opérationnel, dès le seuil de sa maison, et le commandant dispose, sur la place de rassemblement de corps, d’une unité armée, sinon complètement équipée.

 

Ce qu’il y a de curieux, et d’un peu malsain, c’est la facilité qu’il y a, en Suisse, à se procurer des munitions1. C’est là peut-être qu’on pourrait éviter à l’avenir un ou deux coups de feu tragiques.

 

Après quoi, les âmes sensibles déposeront une initiative populaire pour soumettre à autorisation fédérale la vente de cordelettes et de bas de soie (armes traditionnelles pour la strangulation), de couteaux à viande, de sèche-cheveux (que l’assassin jette dans la baignoire pendant que la victime prend son bain) de statuettes en bronze et autres objets contondants propres à faire passer son ennemi de vie à trépas. Un des lecteurs de 24 heures observe avec pertinence que ce sont de vulgaires couteaux de cuisine qui sont à l’origine des attentats sur les Tours jumelles de New York. Et c’est bien à tort que le rédacteur de service, un sieur Thierry Meyer, considère que cette comparaison est «absurde»2.

 

On notera que lors de tous les événements tragiques qui ont ému l’opinion et qui ont vu un meurtrier utiliser une arme à feu, ladite arme a été utilisée à contre-emploi, c'est-à-dire à bout portant ou même à bout touchant, c’est-à-dire en une circonstance où n’importe quelle autre arme aurait fait l’affaire, y compris la strangulation à mains nues.

 

Extrêmement rares sont les cas où une arme à feu a servi à occire un être humain à plus de 30 mètres, en une occasion où l’on aurait pu dire : «Sans une arme à feu, il n’y serait pas parvenu», sauf dans l’hypothèse assez rare heureusement d’un chasseur très myope.

 

M. le Conseiller national Banga croit rassurer tous les tireurs sportifs en répondant au journaliste qui l’interroge3 sur le sort des tirs hors service : «Il suffirait d’aller chercher un fusil à l’arsenal».

 

Proposer à un tireur de compétition d’«aller chercher un fusil à l’arsenal»  est aussi grotesque que de proposer à Isaac Stern d’aller chercher un violon au dépôt des instruments avant le concert ou à Ernesto Bertarelli d’aller chercher un voilier au club nautique juste avant la régate.

 

Compte tenu de l’état des finances fédérales, le rapatriement de toutes les armes dans les arsenaux ne paraît pas un objectif urgent.

 

Claude Paschoud

 

[1] Nous ne parlons évidemment pas de la dotation de la célèbre «boîte de munitions» en forme de conserve, avec mode d’emploi en allemand-français-italien et romanche, qu’il est strictement interdit d’ouvrir sauf cas de mobilisation.

2 24 heures du 8 mai, page 4.

3 Ibid.

 

 

Graphisme

 

Une lectrice, Mme Christiane G. à Lausanne, nous écrit :

 

Je vous adresse une coupure de presse d’un article paru dans 24 heures le 12 courant. Je suis tellement exaspérée que je ne peux pas répondre dans le courrier des lecteurs posément sans éclater ! Vous, vous le pouvez.

 

Nous avions, jusqu’en 1998, un logo parfaitement clair et parlant. Il a fallu le «génie» de M. Schilt pour tout f… en l’air et nous gratifier de 7 boules rouges qui, paraît-il, sont ludiques et facilement identifiables à l’intérieur comme à l’extérieur. C’est tellement nul et stupide qu’il est question de revenir à l’ancien logo. Pour ce faire, il faudra études et examens divers ; coût de l’opération : 100 à 200'000 francs. Je sais par d’anciens collègues de l’administration qu’en 1998, tout le papier avait été jeté, sans états d’âme. On rigole bien avec vos impôts ! Lausanne, ville olympique, pratique une nouvelle discipline : le jeter de l’argent par les fenêtres !

 

La tradition rédactionnelle voulait que les lettres des lecteurs soient publiées sans adjonction ou commentaire rédactionnel dans le même numéro. Je me permets néanmoins d’abonder dans le sens de notre lectrice, et j’ajoute que les coûts du changement ne se limitent pas au papier à en-tête : le logo de la ville apparaît également sur les panneaux de chantier, sur tous les véhicules de l’administration communale et sur toutes les publications officielles qu’il faudra réimprimer. La facture promet d’être bien plus lourde !

 

Pour une opération identique, menée il y a quelques semaines, la Banque cantonale vaudoise a dépensé, nous raconte son attaché de presse, «un montant infime», mais, pour lui, le changement de logo ne comprend pas les frais qu’il a fallu consentir pour décrocher devant toutes les agences l’ancien visuel, ni la dépense consentie pour fixer la nouvelle image.

 

De sorte que la dépense totale, qui est secrète, doit quand même probablement dépasser largement le million. Au moins cette opération absurde (il s’agissait de remplacer un K stylisé blanc sur fond vert par le même K stylisé vert sur fond blanc) n’a-t-elle pas été menée aux frais du contribuable directement.

 

En comparaison des 2 milliards que l’Etat a dû injecter dans l’établissement bancaire récemment, un ou deux millions sont effectivement une dépense infime.

 

Pour le contribuable lausannois, la disparition des 7 petites boules rouges «modulables à souhait, simples et ludiques» et leur remplacement par le fruit des cogitations des nouveaux graphistes coûteront directement des sommes, probablement plus d’un million, qui ne seront pas affectées aux crèches ou autres besoins urgents.

 

Bravo !

 

C.P.

 

 

En direct de Sirius

 

France : le réaliste et les pleureuses

 

Par une bien navrante et tragique coïncidence, deux malheureux enfants sont retrouvés assassinés, en deux points distincts de l’Hexagone, le 8 mai 2006. Et l’on voit, pour l’occasion, réapparaître, l’œil humide et trémolos1 démocratiques dans la voix, tous partis confondus et à tous les niveaux, une étrange variété d’hommes politiques : les «pleureuses»… minute de silence à la chambre des députés… assaut de formules creuses :  «solidarité», «responsabilité nationale», «soutien psychologique», «marches silencieuses» sur l’air éculé de «nous sommes tous des assassins». Une seule voix, une seule, s’élève pour exiger le rétablissement de la peine de mort pour ceux qui, pour leur part, n’ont aucune objection à l’infliger à de petits enfants : celle de M. Jean-Marie Le Pen. Il reste encore un réaliste en France.

 

Torture blanche (Ubu geôlier)

 

Voilà donc M. Zacarias Moussaoui enfermé ad vitam aeternam au régime d’isolement total dans une cellule insonorisée et aseptisée de 6 m², au bénéfice d’une heure de promenade quotidienne, sans possibilité de lire, d’écrire ou de se persuader qu’il existe bien encore un monde autour de lui; encoconné vivant sous lumière neutre et privé à jamais d’horizon dans la prison de sécurité maximum de Florence (USA).

 

M. Moussaoui, qui n’a pas de sang sur les mains, a été condamné parce qu’on a estimé qu’il aurait pu être du nombre des pirates de l’air d’un certain 11 septembre, et parce qu’il a eu l’incroyable innocence de plaider coupable. Il est vrai qu’avec son enthousiasme de prosélyte islamique et sa qualité de ressortissant français, M. Moussaoui endossait à merveille la peau de bouc émissaire…

 

Astreint à l’inutilité totale, aux frais des contribuables états-uniens, M. Moussaoui pourra désormais, par cycles renouvelables de vingt-quatre heures et jusqu’à la fin de ses jours ou au basculement définitif de sa raison, se persuader de l’efficacité de la torture blanche scientifiquement appliquée sans violence physique, comme seuls savent la pratiquer les exportateurs éclairés des droits de l’homme et de la démocratie.

 

De par sa condition de mort-vivant, M. Moussaoui, dont la personnalité insignifiante aurait sans cela rapidement disparu dans l’oubli, est désormais promu au statut de martyr absolu.

 

Simple hypothèse ?

 

Et si tous ces menus ennuis – situations insurrectionnelles, conflits sociaux répétitifs, fermetures d’entreprises, délocalisations à la hussarde, OPA «inamicales», péripétie navale (à 12 millions d’euros le voyage en boucle) de la coque «Q 719» (ex-Clemenceau), floraison d’affaires douteuses, insinuations sur un possible rondelet2 compte bancaire japonais du président – qui précipitent la chute du régime démocratique français étaient entretenus en douce par les Etats-uniens. Ces grands philanthropes ont la rancune tenace et sont peu enclins à la repentance. Il n’y a pas si longtemps, on parlait beaucoup à la Maison «pas si blanche» de «punir la France» pour sa résistance active à l’engagement de la récente guerre d’agression contre l’Irak…

Après tout, n’était-ce pas en usant de tels procédés que la CIA avait, en son temps, précipité la fin de la dictature socialiste du Chilien Allende ?

 

« Mais où sont  passés les Français ? »

 

S’inquiète le patron d’un très bon restaurant d’Italie voisine.

Max : – Si vous voulez parler des derniers Français de souche, les non-assistés, ceux pour lesquels il n’y a d’autre enveloppe que celle de leur déclaration d’impôts, vos meilleurs clients, il n’y a pas si longtemps, je crains qu’ils n’aient commencé d’accuser les chocs combinés de l’euro, de la «Carte Bleue» et de la «politique sociale» et qu’ils ne réalisent enfin qu’ils sont désormais irrémédiablement fauchés !

 

Pointe sèche n° 4 : une dame pratique et prévenante

 

Comme elle me voyait acheter des fleurs pour la mourante, toute de sollicitude, elle s’approcha de moi. «Ça n’est plus nécessaire», me susurra-t-elle, «elle est déjà inconsciente.»

 

Pointe sèche n° 5 : un gros fat lourd

 

Il était si convaincu de sa propre importance qu’il en était devenu imposant d’embonpoint.

 

Max l’Impertinent

 

1 Peut-être devrait-on devrait changer ce pluriel en «trémoli» ?

2 La presse a avancé le chiffre d 300 millions d’euro (N.B. : contrairement à ses centimes, l’euro est invariable).

 

 

Parlons sport

 

On parle décidément beaucoup de sport ces derniers temps, ce qui est hélas aussi ennuyeux qu’inintéressant.

A Bâle notamment, un match de football a dégénéré – comme c’est souvent le cas – en batailles de rues extrêmement violentes. A Berne, le conseiller fédéral en charge de l’armée et des sports – cette double casquette montre le niveau de considération auquel est tombée notre armée! – a immédiatement affirmé que ces événements prouvaient la nécessité d’une nouvelle loi fédérale permettant d’empêcher l’accès des stades aux supporters connus comme violents.

Notre ministre n’a pas cru bon de réfléchir au fait que, sur environ 500 casseurs, seuls 25 ont été interpellés, et qu’aucun d’entre eux n’était déjà connu des services de police : à ce rythme, il faudra très longtemps et de très nombreuses émeutes jusqu’à ce que cette fameuse base de données commence à être utile – et encore seulement à l’intérieur des stades. Mais il est vrai qu’on touche là à la pratique des mathématiques plus que du sport, et que M. Schmid est ministre des sports, pas des mathématiques.

 

Contre les cyclistes

 

Il y a lieu d’insister sur le fait que les footballeurs et leurs admirateurs ne sont pas les sportifs les plus nuisibles, leurs nuisances restant relativement confinées dans l’espace et dans le temps. Ceux en revanche auxquels il est difficile, voire impossible, d’échapper, tant ils se répandent dans la nature, ce sont les cyclistes. Et il est temps de dire qu’il y en a marre des cyclistes!

Bien entendu, nous ne pensons pas ici aux honnêtes citoyens qui, pour de justes motifs, décident de monter sur une bicyclette. Nous voulons parler des cyclistes déguisés en cyclistes, avec leurs collants roses trop serrés, leurs maillots publicitaires multicolores et leurs casques aérodynamiques financés par le Bureau de prévention des accidents; de ces grands dadais à têtes de sportifs, perchés sur des vélos sophistiqués, agitant frénétiquement leurs mollets, debout sur leurs pédales, la tête baissée pour ne rien voir de ce qui se trouve devant eux, grillant avec persévérance tous les feux rouges, manquant de renverser des piétons, zigzaguant entre les files de circulation et prenant de grands airs offusqués lorsqu’on leur fait une remarque.

Car ces cyclistes-là conçoivent le cyclisme non comme un moyen de déplacement, mais comme un «acte citoyen», comme une attitude militante et morale. «Je ne pollue pas, je ne consomme que des énergies renouvelables, je suis un héros de la mobilité douce et du développement durable, un militant du Bien, une préfiguration d’un monde plus sain où rien de ce qui peut nuire à la santé ne sera toléré, une réincarnation de la Chine maoïste, et j’ai donc raison d’occuper toute la route et de gêner au maximum les vilains automobilistes pollueurs.»

Ce militantisme moral plus ou moins conscient est exaspérant. Les fautes de circulation, certes condamnables, ne suffisent pas à expliquer la rage que nous ressentons en voyant ces nuées de sauterelles bariolées réapparaître sur nos routes à chaque printemps. Ce qui est proprement insupportable, c’est cette espèce de fierté à la fois revendicative et réprobatrice, cette manière de profiter d’une échelle de valeurs imposée par des fonctionnaires écologistes et qui place le vélo dans l’«Axe du Bien» et la voiture dans l’«Axe du Mal». «Z’avez qu’à appeler la police!», nous répond le cycliste qui se moque des règles, conscient que la police reçoit pour mission de traquer les automobilistes plus que les cyclistes et qu’il ne risque donc pas grand-chose. Parfois, l’infortuné conducteur qui enrage de voir ces parasites échapper à toute sanction se plaît à imaginer que l’un d’entre eux finisse éclaffé par un semi-remorque au milieu d’un carrefour… Il va de soi que nous ne cautionnons pas de si vilaines pensées, qui font peu de cas du choc émotionnel qu’un tel accident pourrait causer à un honnête chauffeur routier. Mais cela ne doit pas nous empêcher de réfléchir à des mesures qui permettraient de réduire le nombre de cyclistes «sportifs» sur nos routes. Et si on les mettait sur des trains en créant une sorte de ferroutage pour vélos?

Pollux

 

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Repentance hypocrite

 

«On ne peut guère discerner une quelconque trace d’abolitionnisme … dans la série d’ordonnances papales et conciliaires qui, depuis le début du Ve siècle, ont limité et interdit même l’affranchissement des esclaves qui étaient la propriété de l’Eglise et du clergé.»

 

Moses I. Finley : Esclavage antique et idéologie moderne, éd. de Minuit, Paris 1979, p. 171.

 

 

La journée du 10 mai fut choisie par Jacques Chirac pour rappeler un nouveau crime, l’esclavage, dont se seraient rendus coupables, naturellement, les seuls blancs d’Europe, de France en particulier, par le fameux commerce dit «du bois d’ébène», qui enrichit entre autres le père de Chateaubriand. Les Etats issus de la colonisation vont-ils dans un avenir proche demander réparation à l’Europe ? La facture pourrait être lourde… On tente même d’y mêler la Suisse, puissance coloniale s’il en est…en usant et abusant, surtout, de ses rapports commerciaux avec l’Afrique du Sud «de papa» comme aurait dit De Gaulle.

 

         Crime donc, et non pas ordinaire, mais absolu, imprescriptible de nature, l’esclavage serait un crime contre l’humanité. Ainsi pensent les hommes d’aujourd’hui, et encore ! Car ils ne sont pas unanimes. On feint de le croire, mais ce n’est pas la réalité. L’esclavage est , aujourd’hui encore, admis et pratiqué en terre d’Islam, ce qui est, personne n’en doute, une raison suffisante pour n’en point trop parler et dissimuler une frontière à ce genre d’interdit… et de débiteur !

 

         Toutes les civilisations, toutes les cultures dont, naturellement, la civilisation et la culture noire d’Afrique1, y compris la civilisation et la culture chrétiennes, y compris l’Eglise catholique, ont connu l’institution de l’esclavage et même s’en sont servies2. Mais cet argument ne vaut absolument rien, l’infaillibilité en matière de droits fondamentaux de la personne humaine étant désormais l’apanage des seuls interprètes actuels de ces droits, abolis en ce qui concerne l’esclavage le 27 avril 1848 par la IIe République pour les colonies, et, en Russie, par un empereur autocrate, Alexandre II, qui paya cette libéralité de sa vie en exaspérant les révolutionnaires nihilistes.

 

         Tournons-nous vers les Etats-Unis, terre de liberté s’il en est, et sa guerre de Sécession, menée par les Etats du Nord contre ceux du Sud, pour la bonne cause : l’abolitionnisme. Là encore, il nous faut déchanter. Les mobiles de concurrence entre une économie nordiste capitaliste trouvant le travail libre moins coûteux et une économie domaniale sudiste accoutumée depuis des siècles à cette institution, pesèrent d’un grand poids dans ce conflit, où les considérations morales étaient plutôt des arguments d’opportunité.

 

         Que conclure ? Il me semble que l’ensemble des hommes raisonnables peuvent s’entendre sur le fait que le statut servile, s’il n’est pas un statut normal ou habituel, a néanmoins toujours été considéré partout comme un statut social possible de l’homme, l’esclave n’ayant jamais été considéré nulle part et en aucun temps comme n’appartenant pas à l’espèce humaine. Ce statut n’impliquait donc pas une négation de la qualité d’être humain ni une condition de sous-homme comme en connurent à la fois le régime nazi allemand et tous les régimes communistes, ce qu’aujourd’hui l’on tait. Il ne s’agit donc manifestement pas d’un «crime contre l’humanité», sinon dans l’esprit belliciste d’idéologues se cherchant des mobiles de vengeance et voulant à cette fin imposer en Europe aujourd’hui et demain une application rétroactive totalement arbitraire de lois morales dont ils sont les seuls auteurs et interprètes.

 

Michel de Preux

 

1 «… les Européens qui peuplèrent le Nouveau Monde d’esclaves africains importés eurent à leur disposition un système juridique tout prêt, qu’ils adoptèrent presque en totalité, le modifiant lentement pour satisfaire certaines conditions nouvelles, par exemple l’éventuelle restriction de l’affranchissement au minimum.» Moses-I. Finley, op. cit., page 23.

 

Précisons ici que les Européens, n’étant pas les auteurs du statut servile des Africains qu’ils déplacèrent aux Amériques, ne sauraient être tenus pour responsables exclusifs de ce statut dans le monde. Ce mémorial, dans la mesure où il ne s’applique qu’aux blancs de France, consacre une discrimination fondée sur l’unique critère de la race.

 

2 «Ainsi les chrétiens ne changèrent absolument rien dans les lois concernant les esclaves.» Ernst Troeltsch : The Social Teaching of the Christian Churches, trad. d’Olive Wyon, Londres  & New York 1931, vol. I, p. 132.

 

«Le Christ et les apôtres gardèrent le silence sur l’esclavage.» Moses-I. Finley, op. cit. p. 20, trad. française de Denise Fourgous. L’auraient-ils fait s’il s’était agi d’un crime aussi grave et aussi répandu à la faveur d’une conscience morale totalement égarée ?

 

 

 

Sur une «Déclaration éthique»

 

L’association Aide suisse pour la mère et l’enfant a pour but de procurer l’aide nécessaire à la mère qui, en raison de sa grossesse, se retrouve en détresse et dans le besoin, et la protection de son enfant, et ce, dès sa conception.

 

Qui pourrait hésiter à souscrire à un but aussi généreux, malgré une traduction française digne d’amélioration ?

 

Ladite association a eu l’idée de concevoir une Déclaration éthique de renonciation, par laquelle celles et ceux qui le souhaitent peuvent, légalement et à titre facultatif, renoncer par avance aux prestations liées à l’avortement, à la fertilisation in vitro et aux thérapies de désintoxication.

 

En adhérant à la Déclaration, les assuré(e)s peuvent entrer dans le contrat collectif que l’association a signé avec les caisses maladie Provita, Intras, Concordia et CPT, et bénéficier de ce fait de rabais de 10 à 40 % sur les prestations complémentaires.

 

Renoncer à l’avortement ? Une telle intention, même révocable en tout temps, est une abomination aux yeux des féministes militantes, celles qui prônent la libre disposition de leur «ventre» et pour qui une interruption de grossesse n’a pas plus de signification et d’importance qu’une appendicectomie.

 

Une campagne de presse haineuse a été orchestrée contre la Déclaration, avec pressions psychologiques sur les assureurs, dont deux se sont lamentablement dégonflés : Concordia et CPT.

 

J’ai vu l’émission de télévision concoctée sur le sujet par Mme Eva Ceccaroli, d’une parfaite malhonnêteté intellectuelle, d’une mauvaise foi qui suintait sur chaque image : l’interrogatoire de type «policier» de M. Dominik Müggler-Schwager, président du Conseil de fondation de l’Aide suisse pour la mère et l’enfant, filmé debout et immobile, répondant dans un français hésitant, mais avec le sourire, aux attaques sournoises de l’interrogatrice, l’interview de l’assureur lâche et honteux d’avoir découvert soudain, grâce à la presse, que la Déclaration éthique était patronnée par une association «extrémiste» (sic !) et le commentaire de la journaliste, enfin, qui laissait entendre que les malheureux assureurs avaient été piégés par des gens qui avaient masqué leurs intentions.

 

Rien n’est masqué ! Les initiateurs de la Déclaration sont limpides et chacun peut connaître leurs positions sur leur site internet : www.mamma.ch  ou www.asme.ch

 

Même si le peuple suisse a adopté, le 2 juin 2002, la «solution»1 des délais, il reste que des centaines de milliers d’hommes et de femmes, en Suisse, considèrent comme Mère Teresa de Calcutta (Prix Nobel de la Paix) qu’«aujourd’hui, le plus grand destructeur de la paix, ce sont les cris innocents des enfants à naître». Elle ajoutait : «Quand nous acceptons qu’une mère puisse supprimer son propre enfant, quel crime plus atroce pourrions-nous nous imaginer ?»

 

Les partisans de l’avortement ne sont pas ravis d’entendre ce discours, qui les dérange d’autant plus que les plus lucides savent pertinemment et que même les plus bêtes doivent sentir, confusément, que tout avortement est un meurtre, quand bien même il serait excusable et même s’il est expressément autorisé par la législation actuelle.

 

Il paraît qu’un modèle de déclaration comparable à celui de l’association Aide suisse pour la mère et l’enfant a déjà été souscrit par 38'000 personnes, à l’initiative de l’association Pro Life et avec la caisse maladie Sansan (Helsana), pour le plus grand profit des assurés (qui ont vu leurs primes diminuer) et de la caisse (qui fait des économies).

 

Laissons donc hurler les avorteuses, les féministes extrémistes et les réalisatrices de la Télévision suisse romande.

 

C.P.

 

[1] Ah ! la puissance redoutable du vocabulaire, et notamment des concepts qui nous sont imposés par nos adversaires et qui sont, évidemment, repris par la presse.

 

 

Le professeur et le bien commun

 

Souvent, les journaux  tanguent entre le sinistre et l’insignifiant : ainsi, pendant toute la semaine du premier mai, on nous entretint d’un assassinat, de la poursuite de l’assassin, du suicide d’icelui. On dut subir un sondage d’opinion sur les grimaces d’un politicien qui croyait peut-être qu’on devient Einstein en tirant la langue au photographe. La lecture des quotidiens donne décidément trop d’occasions de cultiver sa misanthropie. Nous étions sur le point de résilier notre abonnement, lorsque la livraison du samedi apporta enfin une pure bouffée de bonheur : en première page, une éclatante gouache de Robert Delaunay. Le plaisir se poursuivait à la page 3, avec une composition naïve de Hermann Hesse et un délicat nu de Matisse. A qui devions-nous tant de ravissement au milieu des immondices de l’information quotidienne? Au docteur Bogousslavsky, bibliophile de haut vol. On sait que cet éminent collectionneur de livres rares illustrés est actuellement incarcéré, accusé d’avoir distrait un ou deux millions des deniers publics pour assouvir sa passion. Pour le simple pékin, cette somme paraît exorbitante; mais quand on connaît le prix du moindre giratoire affublé d’une «oeuvre d’art»... Le sens commun exige qu’un voleur soit sous les verrous. Loin de nous l’idée de mépriser ce besoin de justice, pilier essentiel de l’ordre public. Toutefois il est permis de souhaiter que Julien Bogousslavsky, ci-devant chef du service de neurologie du CHUV, ne croupisse pas plus longtemps que nécessaire dans sa geôle.        Ce professeur a acquis dans sa spécialité une renommée internationale dont personne ne conteste le mérite. Un trait qui caractérise certains génies, c’est leur capacité d’exceller dans un domaine tout autre : par exemple, Einstein était un violoniste talentueux, Schönberg un peintre estimable. Il faut beaucoup de discernement et de goût pour réunir une collection de livres estimée entre cinq et sept millions de francs. Quand un imbécile chipe dans la caisse, il se comporte en flambeur, achète des autos de luxe, entretient des poules, court les casinos, se fait construire un palais de satrape avec piscine, portails télécommandés et surveillance électronique de l’arrogant fief. M. Bogousslavsky n’a dépensé que pour le beau, sans avarice, de manière presque désintéressée; ce qui explique son effarante imprudence. Ce désintéressement est prouvé par la mise en vente chez Christie’s, sans états d’âme, de cette prestigieuse bibliothèque : «J’ai toujours observé que le plaisir culminait dans la conquête et l’acquisition bien plus que dans la possession prolongée.» Ce mot n’est-il pas digne de Marc-Aurèle?

        

S’il fallait invoquer une circonstance atténuante au comportement de notre singulier bibliophile, on pourrait considérer la manie de collectionner sous l’angle d’une pathologie: tous les collectionneurs sont un peu timbrés, et pas seulement les philatélistes. Récemment, je visitai la maison d’un collectionneur de pots en terre cuite : la maison était envahie de potiches de toutes les tailles, de toutes les formes, qui rendaient le logis presque inhabitable. Notre homme décrivait tranquillement les objets de sa folie: «Voyez cette jarre, manifestement d’origine vendéenne, reconnaissable à la teinte de son émail... Ce “toupin” auvergnat servait à la conservation de la viande... On gardait les olives dans cette amphore provençale...» Et caetera. Je trouve l’épouse de ce maboul bien patiente, qui tient sous la main tous les accessoires d’une scène de ménage mémorable.

 

On se plaint assez que les adolescents soient rivés sur les divers écrans de leurs jeux, ordinateurs, et autres portables. Or Julien Bogousslavsky leur donne le bel exemple d’une sommité mondialement reconnue, capable de risquer sa carrière par amour des livres! On peut trouver cela stupide; rien n’empêche d’admirer le panache de cette vie réussie, couronnée de manière un peu romanesque par un séjour en prison.

         La place du professeur Bogousslavsky n’est pas sur la paille humide d’un cachot. L’intérêt du pays est qu’il réintègre rapidement son poste au CHUV. Ne succombons pas à la satisfaction vulgaire de voir tomber un gros bonnet. Le coupable a les moyens de rembourser l’argent détourné et de payer une amende proportionnée au délit et à ses revenus. Ainsi la morale et les finances seront sauves. Sinon il est certain qu’une telle pointure trouvera sans difficulté, dès sa libération, un nouveau poste dans quelque hôpital renommé ou université étrangère. Si l’exclusion du CHUV était maintenue, nous serions certes vertueux, mais cocus.

         Il y a maintenant longtemps, les murs de la capitale exhibaient cette injonction: Libérez Joël ! Le célèbre graffiti s’est effacé des murs, et bientôt des mémoires. Que fleurissent partout des printaniers Libérez Julien !

 

Igor Meylan

 

 

Doris et Ségolène : même combat !

 

Mme Micheline Calmy-Rey a la faveur du plus grand nombre, dans les sondages, parce qu’elle a peu d’idées, que toutes sont fausses, mais qu’elle les exprime avec conviction et chaleur.

 

Mme Ségolène Royal en France et Mme Doris Leuthard chez nous sont sur le point de dépasser la prénommée en popularité grâce à une recette originale : elles n’ont aucune idée mais elles sont charmantes.

 

Vous observerez que la presse people est capable de vous tartiner des reportages illustrés de 12 pages sur chacune d’entre elles, avec photos du compagnon, de la cuisine moderne, du chien ou du chat, et de bavasser sur les loisirs préférés, les émissions TV ou (plus rarement) les lectures, mais que les  commentateurs politiques sont d’une consternante discrétion.

 

Pour Mme Royal, l’affaire est claire : on sait qu’elle ne sait rien sur rien et qu’elle porte son inculture comme un drapeau. Des millions de Français pourront ainsi se reconnaître en elle en constatant qu’ils ne sont pas plus bêtes que la présidente. Et ils auront raison.

 

Pour Mme Leuthard, c’est plus subtil, car je la soupçonne d’avoir quand même quelques idées, mais de les cacher. De cette façon, chacun pourra supposer que la future conseillère fédérale partage ses vues sur tel ou tel objet.

 

Le conseiller national Charles Favre dit d’elle : «Dans les dossiers économiques, elle a une vision pragmatique et non idéologique». Traduction : «Elle n’a aucune idée en économie et elle se détermine en fonction de son humeur du jour ou des émotions véhiculées par la presse».

 

Plus loin : «Ses positions se veulent plutôt rassembleuses et sont rarement très marquées… des questions se posent sur son véritable courage politique face à des dossiers difficiles». Traduction : «Elle est plutôt bécasse ou alors inutile, à force de ne vouloir s’aliéner personne».

 

Comme au sein du Parti communiste de l’URSS au temps de Staline, le PDC ne présentera que la candidature de Doris au Parlement, ce qui paraît aujourd’hui aux féministes le top de la démocratie !

 

Sauf séisme politique, elle sera donc notre prochaine conseillère fédérale. Après l’élection, se hasarderait-elle à émettre une idée ?

 

C.P.

 

 

Bricole

 

Plaisanterie…

 

empruntée au Cri de la Chouette no 69 de mai-juin 2006.

 

Le prof à l’école, classe de CM 1 :

 

- Dis-moi, Benoît, qu’est-ce que tu as fait pendant la récréation ?

- J’ai joué dans le bac à sable, Monsieur.

- Très bien, Benoît. Viens au tableau. Si tu arrives à écrire «sable» correctement, tu auras 20 en orthographe.

- Voilà, c’est très bien, Benoît.

Le prof se tourne vers un autre élève :

- A ton tour, Bastien, qu’as-tu fait pendant la récréation ?

- J’ai joué au bac à sable avec Benoît, Monsieur.

- Eh bien, Bastien, si tu arrives à écrire «bac» correctement au tableau, tu auras 20 comme Benoît…

- Voilà, c’est parfait.

- Et maintenant toi, Mouloud, qu’as-tu fait à la récré ?

- Euuuuh, moi, missieur, ji volu jouer au bac à sable, mais Binoit et Bastien zont pas volu, m’ont dit di mi casser !

- Mais quelle horreur ! C’est la manifestation d’une discrimination scandaleuse d’un groupe ethnique minoritaire dont l’intégration sociale pourrait être remise en cause, et en plus, dans ma classe !

Ecoute, Mouloud, si tu écris correctement au tableau «discrimination scandaleuse d’un groupe ethnique minoritaire dont l’intégration sociale pourrait être remise en cause», tu auras aussi un 20 !!!