Lausanne 36e année      «ne pas subir»      Mars  2006 No 353

 

 

Sommaire :

 

Editorial

La messe célébrée à la cathédrale de Lausanne par l’évêque le 25 mars a suscité inquiétude et perplexité. L’éditorialiste souligne les dangers d’un oecuménisme fondé sur des malentendus.

 

Bricoles

Où il est question de précarité, de sécurité, de la succession de M. Koffi Annan, du site eBay, des justices espagnole et française, de fédéralisme, de féminisation et d’apprentissage précoce de la lecture.

 

En direct de Sirius

Max nous entretient de la pensée universelle, des tics de langage chez les présentateurs TV, du handicap des bateaux, de puces électroniques et du Tribunal pénal international.

Il rend aussi un hommage mérité à Christian de la Mazière.

 

A propos d’un débat

Michel de Preux commente le long débat, sur France 2, consacré aux aspects positifs de la colonisation française. Il est apparu à cette occasion que tous les intervenants partageaient la même foi dans les «principes républicains» qui ont déjà justifié l’invasion de la France par le Tiers Monde.

 

Eloge de la discrimination

Claude Paschoud partage l’avis de Ribot : la discrimination est le fondement de notre intelligence.

 

Allocations familiales :

Pourquoi il faut dire NON à l’intervention de la Berne fédérale en matière d’allocations familiales

 

A gauche, avec l'argent de la droite

Pollux observe que la Télévision suisse romande nous impose ses journalistes de gauche, rétribués avec le produit des concessions payées par des téléspectateurs majoritairement de droite.

 

Pauvre France

Je ne connais pas à l’heure actuelle un entrepreneur sain d’esprit qui se risquerait à créer des emplois dans l’Hexagone, observe Xavier Savigny à propos des émeutes qui paralysent la France.

 

 

Editorial

 

La messe célébrée à Notre-Dame de Lausanne le samedi 25 mars par Mgr Genoud, évêque de Lausanne, Genève et Fribourg, a ranimé la polémique qui avait fait rage au moment où le député Jacques-André Haury avait proposé d’ouvrir notre cathédrale jusqu’alors réservée à l’Eglise réformée du canton de Vaud, aux concerts et aux touristes, à d’autres chrétiens et en particulier aux catholiques romains. Les partisans du partage parlaient d’ouverture inter-religieuse et d’œcuménisme; les opposants prédisaient la prochaine récupération par les papistes du symbole de la réforme vaudoise.

 

Commençons par tordre le cou à cette histoire de symbole : la réforme imposée par les Bernois à une population vaudoise peu enthousiaste n’est symbolisée, à Notre-Dame de Lausanne, que par les statues décapitées et le vol du trésor. Ce n’est donc pas l’édifice qui est le symbole de la réforme vaudoise, mais bien le vandalisme et le pillage dont il fut l’objet.

 

Passons.

 

Dix-huit mois après la décision d’ouvrir la cathédrale à d’autres communautés religieuses une fois par an, tout le monde est mécontent ou, à tout le moins,«en proie au malaise». Les antipapistes s’opposent toujours par principe à la «restitution» de la cathédrale aux catholiques – surtout si la messe est célébrée par un évêque qui ne prend ses ordres que d’un pape obscurantiste  – et les champions du dialogue inter-religieux déplorent que le geste de l’Eglise vaudoise soit unilatéral. On attendait un peu de réciprocité, nous disent-ils.

 

En fait, les protestants «ouverts» attendent de l’évêque et des prêtres qui célèbrent la messe à la cathédrale qu’ils accueillent les protestants à l’Eucharistie, comme les protestants accueillent les catholiques à la Sainte Cène. Et on trouve lamentable que les officiants préfèrent obéir à leur pape qui interdit la chose plutôt qu’à la mode oecuménique. Toujours complexés, les protestants ne supportent pas que l’Eglise de Rome considère le catholicisme comme la seule vraie religion et réduise les autres confessions à des «communautés ecclésiales», voire à des sectes, par définition excommuniées. Personne, pourtant, n’oblige ces dernières à rechercher l’approbation et la reconnaissance de la hiérarchie catholique. Nous autres protestants pourrions parfaitement considérer que la Vérité est chez nous et nulle part ailleurs, et que le catholicisme, avec ses saints dans tous les coins et à tous les usages, n’est qu’un paganisme déguisé; que le contenu que nous mettons dans notre Sainte Cène n’étant pas le même que celui de l’Eucharistie des catholiques, ces derniers n’ont rien à faire autour de notre table de communion, comme nous n’avons rien à faire devant leur autel. De la sorte, notre participation au dialogue inter-religieux consisterait, dans le cas qui nous occupe, à abandonner, une fois l’an ou tous les deux ou trois ans, la cathédrale à nos concitoyens catholiques, à leurs prêtres, à leur évêque voire à leur pape et à eux seuls. Ce ne serait plus un geste unilatéral, mais un geste désintéressé.

 

     Maintenant, si vraiment les protestants de ce pays considérant qu’ils sont des catholiques au rabais, mais des catholiques tout de même, et donc en droit de recevoir la communion des mains d’un officiant catholique, il leur est loisible de se juger discriminés en raison de leur religion et de déposer une plainte pénale contre le pape Benoît XVI ou l’évêque Bernard Genoud.

 

Lorsqu’il a été question d’autoriser les catholiques, désormais majoritaires chez nous, à utiliser la cathédrale de temps à autre, nous avons applaudi : la cathédrale n’avait-elle pas été bâtie par des catholiques pour des catholiques ? Si l’accès des catholiques à notre prestigieux édifice doit être subordonné à des concessions doctrinales majeures, nous ne sommes plus d’accord : on ne bâtit pas l’œcuménisme – si tant est qu’il puisse se bâtir – sur un reniement.

 

Le Pamphlet

 

1 L’auteur de ces lignes tient à préciser qu’il ne partage pas ce point de vue.

 

 

 

 

 

 

Bricoles

 

Précarité

 

Les lycéens français dénoncent, dans le projet de «contrat de première embauche» (CPE), la précarité du statut du travailleur, qui pourrait, pendant deux ans, perdre son emploi sans sa faute, mais pour la seule raison que son employeur n’a plus besoin de lui.

 

C’est dire que l’employé français serait placé pendant deux ans dans une situation qui est celle du travailleur suisse pendant toute sa vie. Précarité !

 

Les syndicats français et les petits jeunes gens qui suivent leurs mots d’ordre ne se sont pas encore avisés que tout, dans la vie, est empreint de précarité, à commencer par la vie elle-même : la survie des entreprises est précaire, le bonheur conjugal est précaire, l’affection que les enfants manifestent à leurs parents, le beau temps en juin, la santé de la grand-mère, et l’emploi du père, tout est destiné à finir plus ou moins brutalement, plus ou moins tôt.

 

La précarité, c’est la vie ! (cp)

 

Cadeau

 

Un communiqué AFP du 8 mars nous apprend que, selon le secrétaire général de l’ONU Koffi Annan qui quittera son poste à la fin de l’année, «le monde est prêt à voir une femme à la tête des Nations unies.»

 

         Nous aussi, nous sommes prêts. Mieux : nous offrons volontiers au monde notre Micheline… avec son bocal ! (mp)

 

Sécurité

 

Un de nos lecteurs a été blessé par un cycliste… sur un trottoir.

 

Naguère, les choses étaient simples : les piétons, les tricycles et autres vélos d’enfants, les planches et patins à roulettes, ainsi que les trottinettes occupaient les trottoirs, les véhicules la chaussée. Depuis que la mode écologique du déplacement à vélo s’est répandue, renforcée par des modèles qui permettent de gravir nos pentes sans trop de difficulté, de nombreux cyclistes adultes encombrent nos trottoirs au mépris de la LCR qui leur enjoint de descendre de vélo lorsqu’ils quittent la rue.

 

Mais ce n’est pas tout. La Poste ayant équipé les facteurs de deux-roues, nos distributeurs de courrier se rendent d’un immeuble à l’autre en roulant… sur le trottoir.

 

La police se déclare impuissante, comme pour le bruit.

 

Compte tenu des mesures draconiennes qu’on impose aux automobilistes au nom de la sécurité des piétons – pour ça, la police a des moyens –, ces derniers seront bientôt plus en sécurité sur la route que sur le trottoir. (mp)

 

 

Liberté chérie

 

Un de nos lecteurs a mis en vente sur un site Internet nommé eBay des timbres à l’effigie du maréchal Pétain. Voici quelques extraits du message hautement littéraire que lui a valu cette monstrueuse initiative :

 

«Malheureusement, votre (vos) annonces enfreint (enfreignent) Violence, discrimination et haine raciale et a (ont) été supprimée(s).(…)

 

eBay interdit la vente sur son site de tout matériel contenant :

-  des provocations aux crimes et délits;

- des provocations au suicide;

- des provocations à la discrimination, à la haine ou à la violence, à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation une race ou une religion déterminée;

- des contestations de l’existence de crimes contre l’humanité, tel que la shoah;

- des offenses envers le président de la République, les chefs d’Etat étrangers et les agents diplomatiques étrangers;

- des diffusions de fausses nouvelles;

- des diffamations et injures.

(…)

 

         Comme il est évident que la mise en vente de huit timbres émis par le régime de Vichy aurait violé gravement chacune des interdictions promulguées par eBay et aurait dû valoir à notre abonné une plainte pénale en bonne et due forme, on se demande pourquoi eBay, ardent défenseur des valeurs citoyennes et républicaines hexagonales, s’est contenté de lui infliger, en toute illégalité, une sanction financière et… un jour d’interdiction de vente. (mp)

 

Ouf !

 

         Le 8 mars, la justice espagnole a condamné deux membres de l’ETA à deux cent cinquante-trois ans et neuf mois de prison. C’est beaucoup et, en apprenant la nouvelle, nous avons pensé que la justice aurait pu au moins leur faire cadeau des neuf mois. Heureusement, la principale juridiction pénale espagnole, plus généreuse que nous, a précisé que la peine de prison effective des deux assassins ne pourrait pas excéder vingt-cinq ans.

 

Quel soulagement ! (mp)

 

Non-lieu

 

         Il s’est passé le 17 mars quelque chose de stupéfiant : on apprenait que le juge chargé de condamner Bruno Gollnish pour contestation de crime contre l’humanité – le bras droit de Jean-Marie Le Pen avait, lors d’une conférence de presse, le 11 octobre 2004, déclaré en substance que la détermination de l’ampleur du désastre de la déportation devait être laissée aux historiens – a refusé de marcher et  rendu une «ordonnance de refus de mise en examen et de non-lieu» dûment motivée.

 

         Il est fou ce juge ! (mp)

 

Fédéralisme

 

         Chez nous, le débat fait rage parce que la formation est menacée de centralisation. En Allemagne, le débat fait rage parce que la formation est menacée de fédéralisation. Au secours ! (mp)

 

Féminisation

 

Le 3 mars, on pouvait lire dans un communiqué ats, à propos d’une agression, ce qui suit : «L’agresseur présumé a été arrêté et se trouve en détention.» Comme l’agresseur est une femme, on se demande pourquoi le journaliste n’a pas écrit «agresseure». En tout cas, aucune féministe n’a réagi, aucune pasteure, aucune professeure, aucune écrivaine, aucune cheffe de quoi que ce soit. (mp)

 

Incongruité

 

Lors d’un récent débat, le député libéral Jacques-André Haury s’est fait huer pour avoir demandé si les enfants ne pourraient pas apprendre à lire à l’école enfantine. Non mais ! Il est cinglé ce type ! Ce n’est pas parce qu’il appartient à une génération où tous les enfants savaient lire en entrant à l’école primaire qu’il a le droit de remettre en cause les acquis de la pédagogie moderne ! (mp)

 

 

 

En direct de Sirius

«Histoire de la pensée universelle (classes terminales) – de Cro-Magnon à Steevy»1

 

Merci à M. Jacques Perrin2 pour sa recension de l’excellent manuel de Basile de Koch sur les courants de pensée philosophique depuis l’apparition de l’encéphale autonome jusqu’à sa supplantation par l’ordinateur. On y apprend, entre autres occasions de franc rire, qu’en vertu de la classification leibnizienne, le président Chirac figure en bonne place entre Pif le chien et l’ordinateur Amstrad 57 (2 Mo de RAM) au nombre des monades à perception vague et mémoire limitée, et que le joueur qui parvient à placer l’adjectif «nietzschéen» sur la case «mot compte triple» emporte le jackpot au scrabble (195 points !)3. Merci à l’auteur grâce à qui Max a enfin décidé d’ouvrir les livres de Nietzsche et d’Heidegger, en hibernation dans sa bibliothèque, de s’intéresser de plus près à Parménide, de continuer à éviter Bernard-Henri Lévy (gratifié d’une NDA de cinq lignes en p. 123)4 et peut-être d’envisager un jour l’escalade de St Thomas d’Aquin. Sans oublier les aphorismes de Groucho Marx et le très enrichissant Traité du penser tel qu’on le doit  d’Epistémon Doidor, Juge à la Cour Internationale des Délits d’Opinion (CIDO – George Bush II building, au fond à gauche, Washington DC) injustement absents du manuel.

Merci à qui que ce soit de suffisamment important dans l’Univers de songer à protéger le bon Koch, désormais en péril d’être empapaouté, pourimisé, excommunié, fatwaïsé par les crispés… N’empêche, ce livre sera d’une grande utilité aux élèves de philo… s’il en existe encore.

 

Jean Dutrésor s’étonne…

 

De cette étrange nouvelle manie qu’ont les présentateurs des médias français de chanter leurs commentaires dans une langue traditionnellement dépourvue d’accent tonique. Max y voit une intention incantatoire et lui rappelle que «médiatique» n’est qu’à huit lettres communes de «médiumnique», redoutable adjectif au pouvoir de fascination tel que les garçons de café de France et de Navarre ont désormais adopté l’odieuse apostrophe de Mme Catherine Matausch (France 2 : «Madame, Monsieur, bonsoir… ») en guise de formule de bienvenue. Et c’est sans doute au commentateur sportif Gérard Holtz qu’on doit, chez les bavards, l’invasion sournoise du redondant « on va dire…» dans la conversation de Monsieur-tout-le-monde.

 

France, patrie des euphémismes…

 

Ouï sur France-Info (7.3.2006) à propos du SDF Clemenceau : «Que faire des “bateaux en fin de vie” ?» Que c’est beau ! Un peu comme les présidents en fin de régime ? Presque. Se trouver en fin de vie, pour le «Clem» désormais non-voyant et malentendant faute de radars et de sonars, souffrant d’une mobilité réduite à peine compensée par un remorqueur, divaguant de mer en mer par séquelle d’Alzheimer administratif, c’est chercher la triste conclusion d’une existence malheureuse en pays défavorisé.

 

Ah, les p’tites puces, les p’tites puces de Madrid !

 

La dernière coqueluche des membres de de la jeunesse dorée espagnole ? Dans certains clubs à la mode, se faire implanter dans le gras du bras une puce sous-cutanée qui remplace la carte de membre et débite automatiquement les consommations de leur compte en banque. Les p’tits veaux, c’est à l’oreille que les éleveurs les marquent pour la boucherie, mais eux ils meuglent de protestation.

Lettre ouverte à Christian de la Mazière, officier à la division «Charlemagne»

 

Cher Christian – puisque, dès notre première rencontre, il y a déjà trente-deux ans, tu m’avais accordé le privilège du tutoiement–, te voilà désormais parti au Walhalla sans que j’aie pu te saluer une dernière fois. J’aurais aimé te confirmer que l’esprit de Bad Tölz, que tu m’avais transmis, m’a aidé et servi tout au long de ma carrière militaire. Epuisé parfois, j’ai cependant pris soin de ne jamais m’agenouiller et de servir mes hommes du mieux que je pouvais. La méthode était bonne : quelques jeunes officiers l’ont comprise, et mes hommes ne m’ont jamais fait défaut.

En dédicace à ton Rêveur casqué5, tu relevais que j’avais «su franchir les frontières de l’âge et [te] tendre la main». C’était chose aisée : le temps semblait ne pas t’avoir marqué et tu étais à la hauteur de ton serment d’honneur et de fidélité. Issu de la meilleure naissance, tu possédais cette élégance innée inaccessible aux nains. Au revoir.

P.S.

Fâcheusement, il me suffit depuis quelque temps de penser intensément à tel ou tel de mes vieux amis pour recevoir, dans les semaines qui suivent, une enveloppe bordée de noir. Je vais donc désormais me concentrer de préférence sur ceux qui ne nous aiment pas…

 

TPI – Un franc succès !

 

La Haye, 11.3.06 : après cinq années de préventive, mort de M. Miloševič, quatrième détenu serbe à mourir en geôle. Que l’ancien président de la République de Serbie soit passé de vie à trépas du fait de sa belle (?!) mort, d’un suicide ou d’une fort probable «Rudolfhessisation» – que les résultats négatifs de l’autopsie pratiquée par ses geôliers n’excluent en aucun cas – ne change rien au fait juridique : en dépit des arguties de ses prétendus juges et du possible défaussement des ses co-accusés, sa condition de simple prévenu, dans un procès qui s’enlisait depuis cinq ans et qu’il avait de bonnes chances de gagner, le laisse au bénéfice de la présomption d’innocence. Après cette nouvelle preuve d’inefficacité, Mme la « procureuse » del Ponte devrait faire valoir ses droits à la retraite…

 

Jéricho bis (refrain a cappella)

 

14.3.06 : profitant d’une opportune «levée de camp» – le matin même – des éléments de contrôle états-uniens et anglais, Israël envoie une unité envahir une énième fois, en toute impunité, un territoire palestinien, assiéger les murs de la prison de Jéricho et razzier les détenus qui y étaient incarcérés, sans notable réaction de la communauté internationale. Par souci d’efficacité, les agresseurs ont préféré au chofar le char d’assaut et le bulldozer. Le soir même, un porte-parole du Foreign office précise qu’en aucun cas il n’y a eu collusion avec Israël. Déclaration qui a dû certainement apaiser les rares esprits chagrins qui en auraient douté…

 

Max l’Impertinent

 

1. ISBN 2-7103-2812-7, 2005, La Table Ronde, 14 rue Séguier, Paris 6e.

2. La Philosophie amusante de tonton Basile, La Nation, 3.3.2006, n° 1779, p. 2.

3. On peut cependant penser que Cro-Magnon, avec ses impressionnantes séries d’onomatopées de quatre lettres exotiques, devait pouvoir faire mieux en fin de partie.

4. Sur le mari d’Arielle Dombasle, lire Une imposture française par Nicolas Beau et Olivier Toscer, ISBN  2-9124-8595-9, éditions Les Arènes, Documents.

5. Editions Robert Laffont (1972), 6 pl. St Sulpice, F-75006 Paris.

 

 

A propos d’un débat

 

 

«L’antiracisme sera au XXIème  siècle ce que fut le communisme au XXème.»

Alain Finkielkraut (Français de souche ?)

 

Un long débat eut lieu, le 26 janvier dernier sur France 2, présidé par Arlette Chabot, au sujet d’un article de loi en cours d’abrogation sur les aspects positifs de la colonisation française : «A vous de juger». Le tiers-monde français y fut très représenté. Dans le camp adverse, classés parmi les Français de souche, à part Philippe de Villiers, tous les autres sont plus récents qu’anciens : Max Gallo, fils d’immigré italien, Elisabeth Badinter, fille d’immigré d’Europe orientale, Roger Hanin, juif d’Algérie, François Baroin, de la secte des F.-Maçons, Bertrand Delanoë enfin, maire de Paris et né en Tunisie. Bref, c’était la France bigarrée comme on l’aime en haut lieu, au point de supprimer tout intérêt réel au débat. Et ce fut le cas.

 

         Les immigrés parlent en maîtres désormais. En face d’eux, on tient et l’on s’en tient aux fameux «principes républicains», censés préserver l’unité du peuple français. On connaît le résultat. L’idée de nationalité comme celle de race, dont elle n’est qu’une variante dans l’ordre politique actuel – l’évolution de la gauche elle-même le prouve –, n’ont jamais représenté que des fortins provisoires destinés à imposer l’évangile de la Révolution française, dont l’essence et la portée réelle consiste précisément à orienter la nation vers une république et une démocratie universelles. Ces fortins, utiles quand il s’agissait de défendre le dogme républicain en France et en Europe contre les royalistes à l’intérieur de la nation et contre les monarchies étrangères, n’ont plus lieu d’être lorsque les idées républicaines françaises et révolutionnaires se sont finalement imposées dans toute l’Europe et même dans le monde.

 

         Inconséquents, les Français adeptes de cette révolution, la leur, refusent d’en payer le prix : la perte de justification du nationalisme et même de l’identité française ! Les problèmes liés à l’immigration de peuplement n’auraient jamais eu cette gravité si les défenseurs de l’idéal républicain français n’étaient pris au piège de leurs propres valeurs sociales et politiques. Mieux que tous les docteurs de l’Université, les Français du tiers-monde le savent. Philippe de Villiers intervint tardivement dans ce débat où il sermonna tout le monde : être Français serait un titre qui se mérite et se gagne par la reconnaissance d’un héritage, que les requérants à la nationalité française sont tenus d’admettre en bloc. Bertrand Delanoë enchaîne aussitôt pour acquiescer. C’est bien du côté des «Français de souche» que le bloc se fissure, pas du côté de ceux du tiers-monde… Là est bien tout le débat ! La brèche est ouverte, qui permet l’invasion, puis la subversion, enfin l’occupation…

 

         Le Mouvement pour la France a des bases idéologiques bien fragiles, beaucoup plus qu’il ne le croit. Ou la Révolution de 1789 est récusée en bloc – et la France garde toutes ses chances malgré les circonstances contraires – ou les Français continuent de lui vouer un culte idolâtrique, et dans ce cas, qui apparaît le plus probable dans l’immédiat, sa destruction totale n’est plus qu’une affaire de temps à court terme.

 

         Déjà le FN, totalement immergé dans les idées fausses de la Révolution avec sa conception totalement arbitraire d’une souveraineté appartenant «de droit divin» à la Nation, comme s’il s’agissait d’un dogme, commence à se perdre entre un père en fin de carrière politique, un temps dopé par un nationalisme de survivance éphémère, et une fille progressiste, soucieuse de respectabilité républicaine, donc de normalisation dans la mort. Seul changement prévisible, dans cette hypothèse : la «bande des quatre» deviendrait celle des cinq !

 

         Les immigrés, Français ou non, se constituent déjà en nouveau peuple, substitué à l’ancien. La France n’est pas au bout de ses problèmes ethniques mais à leur début. Le communautarisme, tant redouté par l’actuel ministre de l’intérieur, pourrait devenir le dernier recours des «Français de souche».

 

Michel de Preux

 

 

Eloge de la discrimination

 

discrimen, minis, n. ce qui sépare : 1. ligne de démarcation, point de séparation ║2. [fig.] différence, distinction : discrimen inter cives Cic. , différence entre les citoyens. ║ 3. moment où il s’agit de décider, décision, détermination : res in id discrimen adducta est, utrum… an Cic.les choses sont arrivées à ce point qu’il s’agit de décider si… ou si…║moment décisif : discrimen ultimum belli Liv., le moment décisif de la guerre ║ 4. position critique : videt in summa esse rem discrimine CÆs. il voit que la situation est critique au plus haut point.

 

Gaffiot

 

Inaugurée dans le cadre de la semaine d’action contre le racisme et les discriminations, Migros-Genève, la commune de Meyrin et les Services industriels de Genève vont tenter pendant trois mois l’anonymisation des curriculum vitae.

 

Ce sont les départements des ressources humaines de ces trois employeurs potentiels qui feront disparaître des dossiers, avant de les soumettre aux chefs des services recruteurs, le nom, l’âge, et la nationalité des postulants.

 

On rappelle que la France vient de se doter d’un dispositif similaire.

 

Ce n’est donc qu’au moment du premier entretien d’embauche que le futur employeur éventuel découvrira que l’hôtesse d’accueil postulante, dont on souhaitait qu’elle fût jeune,  jolie et polyglotte est un gros bonhomme parlant aussi indistinctement le saint-gallois que le haut-valaisan.

 

A moins de laisser au seul hasard le soin de prendre les décisions en matière d’embauche, le recruteur est tenu de faire des choix, c'est-à-dire d’éliminer la plupart des candidats pour n’en conserver que quelques-uns, et finalement qu’un seul.

 

Cette opération, indispensable, est fondée sur une séparation, une ligne de démarcation, un point où il s’agit de décider, comme l’écrit Cicéron. On notera que discrimen a la même racine que discernere : Théodule Armand Ribot écrivait d’ailleurs dans son ouvrage La psychologie anglaise contemporaine : «Ce changement d’état [par lequel la conscience passe d’une modification à une autre], c’est la discrimination, et c’est le fondement de notre intelligence».

 

La lutte contre les discriminations, c’est dès lors le recul de l’intelligence, c’est l’aveu qu’on n’est pas capable de trancher et d’assumer ses choix.

 

Entre deux candidats d’égale formation, d’expériences comparables, de mérites semblables, porteurs des mêmes diplômes, je n’ai pas le droit de choisir un homme parce qu’il est homme, ni d’ailleurs une femme parce qu’elle est femme. Une loi me l’interdit.

 

Mais ai-je encore le droit, en ma qualité d’employeur, de préférer ouvertement une jolie collaboratrice plutôt qu’un affreux collaborateur ?... un jeune comptable plutôt qu’une vieille chipie ?... une Romande plutôt qu’un Suisse allemand ? … un Confédéré plutôt qu’un Albanais du Kosovo ?

 

Dans une recherche menée dans le cadre du programme national de recherche Formation & Emploi, Mme Rosita Fabbi a pu montrer que, à compétences égales (niveau CFC), tout le monde n’a pas les même chances de décrocher un entretien d’embauche. Par rapport aux résultats des Suisses, 24 % des Kosovars sont discriminés en Suisse romande alors que les Portugais ne sont «que» 10 %. La même étude en Suisse alémanique a relevé des taux de discrimination plus importants encore : 59 % pour les Kosovars et 30 % pour les Turcs.

 

La belle découverte ! Parions que ce «programme de recherche» aura coûté quelques dizaines de milliers de francs au contribuable. Et qu’est-ce qu’on en déduit ? Que les braves Helvètes ne sont pas encore islamisés au point de ne faire aucune différence entre un chrétien et un musulman ? ou qu’on devrait, pour éviter toute discrimination, décréter que l’albanais et le turc sont langues nationales ? ou que les entreprises devraient faire le pont entre Aïd El Kebir et Ramadan ?

 

Il n’y a pas d’égalité des chances. Le chef d’entreprise n’engage pas qu’une somme de compétences. Il engage un collaborateur de chair et de sang, qui apporte, outre ses compétences spécifiques, son héritage culturel et religieux, un comportement social largement déterminé par ses ancêtres et par l’éducation reçue. Toutes ces caractéristiques entrent en ligne de compte lors du choix. C’est le principe même de la discrimination, fondement de notre intelligence.

 

 

Claude Paschoud

 

 

Allocations familiales : NON à l’intervention de la Berne fédérale !

 

Personne, au sein de notre rédaction, ne pourrait être légitimement soupçonné d’être opposé aux allocations familiales ou à une politique favorable à la famille. Mais le système actuel, fondé sur la responsabilité des cantons et sur leur diversité, fonctionne à la satisfaction générale.

 

Les seuls mécontents sont ceux qui sont convaincus que la Confédération peut imposer aux cantons et aux entreprises des charges supplémentaires que personne ne paiera, ou qui ne seront supportées que par … les riches.

 

Actuellement, les employeurs consacrent plus de 4 milliards de francs par an au financement des allocations familiales dont le montant est fixé dans chaque canton de façon démocratique. Les caisses d’allocations familiales sont saines et le système absurde voté par le Parlement fédéral va s’ajouter aux 26 systèmes cantonaux sans «gommer» les différences entre eux.

 

Qui va donc assumer les 500 à 700 millions par an que va coûter cette calamiteuse loi fédérale ? Dans un premier temps, les entreprises et notamment les PME qui ne sont pas, déjà, dans une situation toujours enviable. Dans un deuxième temps, le personnel et les clients de ces entreprises, sur qui il faudra bien répercuter la facture.

 

Et c’est ainsi que la politique de l’arrosoir concoctée par les brillants penseurs des partis de gauche (dont les Verts et le PDC) aboutira à pénaliser les contribuables les plus modestes, parce qu’il faudra bien que ces 700 millions supplémentaires soient payés par quelqu’un.

 

Le Conseil des Etats, dont on attendait mieux, a baissé les bras. A l’heure où cet article est rédigé, le vote final n’est pas intervenu, mais il sera sans doute acquis sans surprise. Il faudra soutenir le referendum.

 

C.P.

 

 

A gauche, avec l'argent de la droite

 

Lundi 13 mars 2006, téléjournal de 19 heures 30 sur la Télévision suisse romande. La présentatrice, Mme Mamarbachi, affiche son plus grand sourire pour annoncer que la journée est historique, car le Conseil des Etats a voté en faveur d'allocations familiales étatisées et centralisées, comme le réclamaient les partis de gauche. Et comme le souhaitait visiblement Mme Mamarbachi. Très important, le sourire ! Avec les mots, il faut toujours faire attention de ne pas aller trop loin; des téléspectateurs pourraient se plaindre. Mais qui pourrait reprocher à une présentatrice de télévision de sourire ? Les expressions positives ou négatives complètent le dispositif, tout comme le choix des personnes interviewées et des questions qu'on leur pose, tour à tour aimables ou agressives. «Monsieur Triponez, vous annoncez un référendum, vous voulez donc faire voler en éclat quinze ans de travaux parlementaires?»

La TSR nous présente ensuite les jeunes Parisiens qui manifestent contre le «contrat de première embauche». Interviews complaisantes qui leur permettent de réciter quelques slogans appris par cœur. On n'évoque pas la curieuse conception que les Français se font du travail. Ni la manipulation des manifestants par quelques groupuscules syndicaux. Les reporters ne sont là que pour relayer les cris de la rue.

L'esprit critique, valeur fondamentale du journalisme, est réservé pour la séquence suivante, consacrée au décès en prison de l'ancien président serbe Slobodan Milosevic. Mme Mamarbachi se demande comment le prisonnier a réussi à mettre sa vie en danger à l'insu du tribunal ! Puis un reportage rétrospectif sur l'ancien régime yougoslave nous révèle que le jeune Milosevic était un élève raté, isolé et en butte aux moqueries de ses camarades. Ça aussi, c'est important. Il faut toujours découvrir une enfance médiocre aux figures honnies du théâtre médiatique – la nullité infâme de ces dernières n'ayant évidemment rien à voir avec celle des «jeunes en rupture» qui ne sont que d'infortunées victimes de la société.

On n'épiloguera pas sur le traitement réservé par le «19:30» aux élections vaudoises de la veille, le très populaire syndic écologiste de Lausanne étant tout de même suspecté de ne pas faire une politique suffisamment de gauche…

Un téléjournal ordinaire, donc, semblable à ceux que subissent chaque soir tous les téléspectateurs qui ne partagent pas les préjugés politiques des responsables de la Télévision suisse romande, mais qui sont néanmoins contraints de rémunérer tous ces doctes faiseurs d'opinion via la redevance radio-tv. Et il y a des soirs où ça met de mauvaise humeur.

 

Pollux

 

 

Pauvre France

 

Voici quelques semaines maintenant que les syndicats et les étudiants français s’agitent dans les rues pour protester avec véhémence contre le contrat de première embauche concocté par le gouvernement Villepin. Ce qui ressort en particulier des revendications de ces futurs employés, c’est l’opposition à la précarité qu’implique la période d’essai de deux ans, durant laquelle l’employeur potentiel est libre de mettre à la porte l’employé sous CPE. On en déduit donc que ce qui conviendrait le mieux serait un contrat qui ne permettrait pas à l’employeur de licencier son employé, lui assurant ainsi des revenus réguliers quelle que soit la qualité de sa prestation.

 

Je pense qu’il serait judicieux que quelqu’un fasse remarquer à ces petits crétins sans cervelle que, dans ces conditions, il y a peu de chances que qui que ce soit les engage pour quelque tâche que ce soit et qu’en conséquence ils seront probablement confronté assez rapidement à la vrai précarité qui guette celui qui n’a pas de travail.

 

Les syndicats français font pour la énième fois la démonstration que l’influence désastreuse qu’ils exercent sur le marché du travail va à l’encontre des intérêts qu’ils prétendent défendre. Je ne connais pas à l’heure actuelle un entrepreneur sain d’esprit qui se risquerait à créer des emplois dans l’Hexagone.

 

Je pense que ce contrat de première embauche est une très bonne idée. Il devrait permettre à l’employeur d’engager des jeunes sans expérience dans un cadre légal allégé, ce qui  permettra à ceux de ces jeunes diplômés qui ont des capacités d’en faire la démonstration. Pour les autres il restera toujours la pratique de la manifestation contestataire comme l’ont fait leurs parents avant eux.

 

Xavier Savigny