Lausanne 36e année      «ne pas subir»      Février  2006 No 352

 

 

Sommaire :

 

François Schaller

L’éditeur rend hommage à son vénéré maître

 

Liberté d’expression

Michel Aubert observe que les journalistes ont de la liberté d’expression une définition qui varie en fonction du message exprimé.

 

En direct de Sirius

Max verse une larme nostalgique sur les restes de la marine de guerre française, il dit tout le bien qu’il pense d’Oskar Freisinger, il écrit une lettre à un vieil Européen et il nous narre une fable

 

Une candidate sérieuse

Beaucoup regrettent que le «Prix Cornichon» n’ait été décerné qu’une seule fois

 

La montée de la haine

Michel de Preux explique pourquoi la société occidentale est au bord de sa propre dissolution

 

Bricoles

Où il est question d’un fonctionnaire qui s’étouffe, d’une ministre qui sort de sa réserve, d’un homme qui a mal au dos et de nicotine

 

Trop bien faire

Plus on veut des apprentis de commerce et des mamans de jour parfaits, et moins on en trouvera. C’est la dure loi de l’économie de marché.

 

Du vrai conservatisme

Pollux démontre que les vrais conservateurs ne sont pas où on les attend.

 

Bons voeux

à nos confrères «La Nation» et «Rivarol» qui fêtent aussi un bel anniversaire.

 

 

 

François Schaller

 

 

C’est à la salle Tissot du Palais de Rumine, le plus vaste auditoire de l’Université d’alors, que, jeune étudiant en droit de première année, j’ai rencontré pour la première fois le professeur François Schaller, au milieu des années soixante.

 

Economiste brillant, polémiste caustique et subtil (c’est lui qui était l’auteur de l’article intitulé «L’eusses-tu cru… ou les économistes de La Brèche» dans le 7e numéro du Pamphlet), il avait le don de mettre à la portée de tous des notions en réalité fort compliquées.

 

Aujourd’hui, n’importe quel manuel d’initiation à l’économie politique est truffé de formules mathématiques absconses, de dérivées secondes et d’intégrales, comme si l’auteur avait besoin de démontrer au vulgaire qu’un économiste est forcément très savant, puisqu’il est incompréhensible.

 

Avec François Schaller, c’est l’étudiant qui se sentait presque savant, tout surpris de découvrir les évidences que ce grand pédagogue lui révélait.

 

Mariette, qui étudiait à  la Faculté des lettres, s’était inscrite avec moi à ses séminaires hebdomadaires, au cours desquels la macroéconomie nous paraissait pouvoir être aisément maîtrisée.

 

Avec lui, pas question de se perdre en fumeuses théories : on se rappelle sa brillante démonstration sur l’impossibilité de calculer la productivité du travail, véritable tarte à la crème de l’époque.

 

Adversaire déclaré des marxistes-léninistes, il fut la bête noire des révolutionnaires qui tentèrent de faire basculer l’Alma Mater, après mai 68 en France, dans la chienlit. Malgré les attaques dont il fut l’objet de leur part, il ne céda jamais.

 

Officier supérieur jurassien, patrie dont il a toujours gardé l’accent, il n’a jamais craint d’afficher ses certitudes : homme de convictions, patriote, courageux.

 

Sa haine du désordre l’avait incité à prendre parti contre la création du canton du Jura, seul sujet de divergence entre nous.

 

Nous avons enseigné ensemble dans les cours postgrade pour ingénieurs de gestion et il était invité à mon anniversaire en mai dernier. Hélas, il m’avait téléphoné pour s’excuser.

 

La rédaction du Pamphlet présente à sa famille l’assurance de sa sympathie, au sens grec de ce mot.

 

 

Claude Paschoud

 

 

 

Liberté d’expression

 

Ce qu’il y a de plus amusant, dans le hourvari fort tardif déclenché par les caricatures du prophète Mahomet parues voici plusieurs mois dans un journal danois, c’est l’énergie avec laquelle nos bons journalistes se réclament de la liberté d’expression : «La liberté d’expression est indivisible !», clament ces belles âmes. Je ne saurais leur donner tort, mais je trouve qu’ils ont la mémoire bien courte.

 

Car ce sont ces mêmes journalistes qui, confrontés à des vues hétérodoxes sur certaines armes de destruction massive d’Adolf Hitler1, ont pour habitude de répercuter fidèlement l’avis selon lequel lesdites vues ne constituent pas une opinion mais un délit et ne doivent donc pas bénéficier de la liberté d’expression. C’est en partie grâce à eux que se multiplient dans nos vertueuses démocraties les lois qui, précisément, restreignent cette liberté si chère à leur cœur et au nôtre.

 

Personnellement, je ne vois pas d’inconvénient à ce qu’on caricature tout et n’importe quoi, à condition que la vérité y trouve son compte. S’en prendre à la religion me paraît d’un goût douteux, mais le mauvais goût n’est pas et ne doit pas être punissable.

 

Il semble qu’un nombre croissant d’historiens et penseurs soient d’avis que la contestation de l’histoire officielle ne devrait pas l’être non plus. Je vous ai touché un mot en décembre des dix-neuf historiens français – dont Elisabeth Badinter, Pierre Vidal-Naquet et Alain Decaux – qui se sont prononcés pour l’abrogation de divers articles de loi restreignant la liberté de recherche, dans un texte transmis le 12 décembre à l’AFP et intitulé Liberté pour l’histoire. On y lit, entre autres, avec délices, ce qui suit :

 

«L’histoire n’est pas une religion. L’historien n’accepte aucun dogme, ne respecte aucun interdit, ne connaît pas de tabous. Il peut être dérangeant. L’histoire n’est pas la morale. L’historien n’a pas pour rôle d’exalter ou de condamner, il explique. L’histoire n’est pas l’esclave de l’actualité. L’historien ne plaque pas sur le passé des schémas idéologiques contemporains et n’introduit pas dans les événements d’autrefois la sensibilité d’aujourd’hui.»

 

Il paraît que ces défenseurs de la liberté de recherche et d’expression sont désormais six cents2.

 

Parmi eux, ainsi que le signalait Max dans notre précédente numéro, on compte Madame Anne-Marie Le Pourhiet, professeur de droit public à l’université de Rennes-I, qui, le 2 décembre déjà, publiait sur le site du Monde un texte intitulé L’esprit critique menacé dont j’extrais les passages suivants :

 

«Renaud Camus, Michel Houellebecq, Oriana Fallaci, Edgar Morin, Olivier Pétré-Grenouilleau, Max Gallo, Elisabeth Lévy, Paul Nahon, Alain Finkielkraut… la liste devient longue et inquiétante des journalistes, écrivains, universitaires et intellectuels poursuivis ou menacés de poursuites pénales par des associations vindicatives et sectaires pratiquant l’intimidation judiciaire soit pour faire taire toute opposition à leur cause, soit tout simplement pour interdire à l’avance le moindre débat sur leur conception particulière de l’amitié entre les peuples.

 

Ces lobbies, que l’écrivain Philippe Muray qualifie à juste titre de “groupes d’oppression”, défendent le plus souvent un communautarisme narcissique dégénérant en paranoïa identitaire et victimaire et prétendent détecter des atteintes à leur dignité à tous les coins de rue. Le terrorisme de ces croisés de l’hygiénisme mental consiste désormais à qualifier de “phobie” (homophobie, lesbophobie, handiphobie, islamophobie, judéophobie, mélanophobie, etc.) toute expression d’une opinion contraire à leurs prétentions ou revendications. Une phobie étant l’expression d’un trouble mental, on comprend bien qu’il s’agit de traiter le dissident en malade dont l’accompagnement psychiatrique devrait sans doute être recommandé en parallèle à la répression pénale.

 

Cette situation ridicule est indigne d’une démocratie libérale et donne de la France l’image d’un pays immature dérivant dramatiquement vers la mise sous tutelle judiciaire de l’intelligence et de l’esprit critique, où le sectarisme conduit les mêmes à vouloir expédier un philosophe en prison et distraire de la justice un terroriste italien ou des incendiaires de banlieue.

 

(…)

 

(…) Une remise à plat de l’arsenal répressif accumulé depuis la loi Pleven de 1972 et un retour aux principes initiaux et libéraux de la loi de 1881 sur la presse doit être envisagée. Il en va de la crédibilité de la France sur la scène internationale : comment pourrions-nous donner des leçons à la Turquie ou à la Chine en matière de droits de l’homme si nous laissons envoyer nos journalistes et nos intellectuels en correctionnelle ?»

 

La déclaration des historiens et la prise de position de Madame Le Pourhiet me réjouissent considérablement. Mais je les trouve bien tardives. En fait, elles arrivent avec seize ans de retard. C’est au moment de la promulgation de la loi Gayssot en 1990 qu’on aurait dû pouvoir les lire. Mais, à l’époque, aucune des personnes «fréquentables» citées par Madame Le Pourhiet n’était dans le collimateur de la justice. Seuls étaient concernés d’«infréquentables» révisionnistes par définition néo-nazis donc racistes et antisémites, qui n’avaient que ce qu’ils méritaient. On remarquera que ni Robert Faurisson ni Bruno Gollnisch, pour ne citer qu’eux, ne figurent dans la liste des journalistes, écrivains, universitaires et intellectuels pour qui Madame Le Pourhiet s’inquiète à juste titre.

 

En fait, les intellectuels français «fréquentables» ont mis du temps à comprendre que, une fois institutionnalisée, la police de la pensée allait devenir tentaculaire et les menacer à leur tour. Maintenant, ils ont compris et ils se défendent. Ce faisant, ils sont obligés d’englober les révisionnistes dans leur combat, car la loi qui réprime le révisionnisme est aussi celle qui punit l’incitation à la haine raciale et diverses formes de discriminations au nom desquelles les émules de Big Brother s’efforcent d’intimider tous ceux qui s’écartent du droit chemin idéologique.

 

Il ne faut pas se faire d’illusions : si, un jour, le révisionnisme retrouve le droit de s’exprimer librement en France, ce sera uniquement parce que les nouveaux défenseurs de la liberté d’expression n’auront pas pu éviter ce «dégât collatéral».

 

Michel Aubert

 

1 L’expression n’est pas de moi. Merci Yvonne.

2 Cf. Rivarol du 11 février 2006.

 

 

En direct de Sirius

 

Retour de catapulte

 

Triste France, malheureuse Royale, et pauvre Clemenceau contraint de regagner son pays d’origine, pavillon en berne, pont vide et amiante en cales, après avoir exécuté, entre Toulon et la Mer Rouge, en une impressionnante valse à contretemps, moult ronds dans l’eau… avec ceux des Français1. Image d’un pays en déliquescence, lamentable évidence d’impéritie d’un gouvernement plus préoccupé de clientélisme électoral que de résultats, dont il est désormais permis de se demander si les farceurs du baron de la Bastide2 ne se sont point mués en jean-foutre. Ironie du sort, l’ancien orgueil de la flotte française rendu insubmersible par décision de Bruxelles reste en rade… sans même l’honneur d’un sabordage.

 

«C’est vrai qu’il est beau, le gredin !» (Cyrano de Bergerac, acte II, scène X)

 

M. Olivier Delacrétaz nous livre, dans La Nation du 3.2.2006, une recension très complète d’Outre-pensées3, dernier recueil de nouvelles d’Oskar Freysinger. Tout le bien possible y est dit ou presque. Max souhaite simplement ajouter qu’à son goût, c’est dans ses histoires les plus courtes que l’auteur donne sa pleine mesure et, en complément du portrait précis que nous livre La Nation, que M. Freysinger est un homme bien découplé, sportif ; qu’esprit ouvert et cultivé, accessible à la controverse, il s’exprime avec élégance, clarté et simplicité; qu’il présente avec sa femme l’image d’un couple harmonieux et sain, et que leurs enfants paraissent heureux et ne manquer de rien; qu’il est exact qu’il porte un catogan, sans ambiguïté, comme devait sans doute en porter Perceval… Toutes raisons de le rendre suspect aux yeux des imbéciles.

 

Echange de bons procédés (Timeo Americanos et dona ferentes)

 

Aux dires réitérés de M. Bush Jr, l’entrée de la Turquie en UE ne pourrait qu’être bénéfique pour les Européens. Etrange sollicitude du premier représentant d’une puissance extra-européenne comparable aux efforts vertueux et désintéressés d’un commerçant soucieux d’avantager un concurrent en lui recommandant une profitable association avec un tiers. Cet assaut d’altruisme commande que l’Europe, refusant l’avantage, décline cette proposition pour en faire sportivement bénéficier son principal initiateur.

 

Lettre ouverte à Constant Lhelvète, vieil européen et fervent cathodique

 

Cher Constant,

Si tu consens à abandonner les cobayes de la télé-«réalité» (?!), à te sevrer des «jeux de vingt heures», à te décoller des sports en fauteuil, à t’abstraire de la soupe culturelle populaire, à t’arracher au malheur de tsunamis de derrière la planète, à te délester des infos inutiles et des guerres périmées, à te purger de la mémoire des autres; si tu parviens à fuir les amuseurs, les faux-semblants et les promène-couillons; bref, s’il t’est donné de trouver l’énergie de te désengluer du Dieu «Petit-écran», cours découvrir l’état de nos législations. Tu pourras alors suivre l’ultime étape de la course sournoise qui oppose nos peuples à ceux qui les régissent : dans peu de temps, au prétexte de garantir notre sécurité, non contents de nous avoir bâillonnés, ils auront achevé de nous désarmer. Considérant l’état d’hypnose auquel ils nous ont réduits, sauf la divine surprise d’une réaction vitale, je crains fort que les jeux ne soient déjà joués.

Au moins, auras-tu eu, piètre consolation, le privilège d’assister à nos derniers instants d’hommes libres.

 

Petite histoire correcte (adaptée du français populaire politiquement incorrect)

 

Un touriste martien pénètre dans une armurerie parisienne :

– Bonjour Monsieur, j’aimerais acheter ce magnifique fusil de chasse.

– Certainement, Monsieur, êtes-vous titulaire d’un  permis ?

– Malheureusement non. Et cette carabine ?

– Il vous faudra obtenir une déclaration préalable de la préfecture.

– …et pour ce pistolet à grenaille ?

– Ce serait avec plaisir, mais cet ultime exemplaire est réservé à ma propre protection…

– …ce couteau de chasse alors ?

– Il s’agit hélas d’un modèle d’exposition…

Perplexe, la petite créature verte avec des tentacules retrouve un sien pays devant la vitrine. Excédé, ce dernier se zappe en autochtone, pousse la porte et interpelle le commerçant :

– Vous avez quelque chose contre les Martiens ?

– Oui Monsieur : ce «12» à pompe; ou alors cette «22 LR»; ce pistolet de défense; à moins que vous ne préfériez le Bowie Knife ?

 

Moralité : Amis humoristes, pour vos blagues ethniques, choisissez de préférence des espèces non protégées.

 

Max l’Impertinent

 

1. Coût de l’excursion : un million d’euros officiellement, quatre selon la Confédération Générale du Travail qui paraît bien renseignée sur les frais accessoires de cette péripétie.

2. Cf. Les Farceurs (acte III, scène 1), Le Pamphlet, avril 2004, n° 334, p. 2.

3. Editions de La Matze (2005), chez Guy Gessler éditeur, rue du Mont 1, CH-1950 Sion.

 

 

Une candidate sérieuse

 

De nombreux lecteurs ont regretté que l’attribution du Prix Cornichon, décerné pour la première fois le jeudi 18 janvier 1973 dans un palace lausannois à M. Rudolf Gnaegi, conseiller fédéral, n’ait jamais eu de suite.

 

Cette cérémonie mondaine, à laquelle assistaient une centaine d’invités, la presse écrite, la radio et la télévision, avait eu, à l’époque, un certain retentissement, y compris dans le quotidien vespéral parisien Le Monde.

 

Le numéro 20 du Pamphlet (décembre 1972) était orné, en première page et en couleur d’une annonce qui commençait ainsi : «Inaugurant au début de l’an prochain une tradition qu’il espère bien pouvoir maintenir régulièrement à l’avenir, notre périodique a décidé d’attribuer chaque année le PRIX CORNICHON à une personnalité dont l’œuvre ou l’action aura été particulièrement dénuée de bon sens. Le premier lauréat…».

 

Depuis lors, aucune candidature suffisamment sérieuse, aucun(e) candidat(e) du calibre d’un Gnaegi.

 

Sans doute, dans la littérature, les arts, le spectacle ou la politique, les crétins n’ont pas manqué en trente ans. On peut même poser qu’au Conseil fédéral, il n’y a guère que Georges-André Chevallaz qui a totalement échappé au risque d’une nomination depuis le premier Prix Cornichon.

 

Personne, pourtant, qui rallie autant de suffrages que Mme Calmy-Rey. Depuis sa laborieuse élection au cinquième tour le 4 décembre 2002, époque où les Genevois ont réussi à se débarrasser d’elle, Micheline n’en rate pas une.

 

Son soutien public à l’initiative de Genève – accord privé entre des personnalités soucieuses de trouver une issue au conflit israélo-palestinien, mais qui a rencontré dès l’origine l’hostilité d’Ariel Sharon, de Yasser Arafat et d’Ahmed Qoreï (autorité palestinienne), du Hamas et des Brigades des martyrs d’Al-Aqsa – a placé la Suisse dans une position inconfortable, les Etats concernés ne sachant quelle était la casquette de notre ministre en ce bourbier.

 

Le lamentable épisode du cristal rouge, qui a vu la nomenklatura helvétique s’aplatir devant les exigences juives (une fois de plus) et renier le caractère universel de la Croix-Rouge, a été présenté dans la presse – et c’est un comble – comme un succès de la diplomatie suisse. Pour un diplomate, il est toujours préférable de se faire botter le cul que d’être giflé. Dans le premier cas, il peut faire semblant de n’avoir rien vu.

 

Les déclarations fracassantes de Micheline sur la nécessaire indépendance du Kosovo est un autre de ses exploits embarrassants. Comment croire à notre neutralité, ou à notre capacité d’offrir nos bons offices, lorsque la ministre des affaires étrangères prend position dans un conflit interne à l’ex-Yougoslavie, qui plus est en faveur des Albanais musulmans contre les Serbes chrétiens ?

 

La prétendue «discrimination positive» consistant à éliminer du concours six candidats masculins sélectionnés par la Commission d’évaluation pour les remplacer par des dames de moindres compétences aura été appréciée à sa juste valeur par les spécialistes de la loi sur l’égalité entre femmes et hommes, qui interdit précisément ce type de pratique.

La dernière en date d’une longue série de sottises, c’est la bouillie pour chats qu’elle a osé nous servir au sujet des caricatures du prophète Mahomet.

 

Décidément, si Mme Calmy-Rey n’est pas nominée pour le prochain Prix Cornichon, personne n’y pourra plus jamais prétendre.

 

Nos lecteurs sont courtoisement invités à donner leur avis !

 

C.P.

 

 

La montée de la haine

 

«La République dans ses institutions et ses discours donne aux immigrés la “haine” de la France. C’est là que gît le problème. S’il n’est pas résolu, rien ne servira à rien. Le seul espoir sera la fin de ce régime.»

 

Hilaire de Crémiers dans La Lorraine Royaliste no 241, p.5 : Où est le principe de la haine ?

 

Notre époque ressemble de plus en plus, dans son esprit, à celle qui précéda la Révolution française : même omniprésence du discours philosophico-politique lénifiant et sentimental, légitimant en fait la barbarie; même asservissement de la magistrature judiciaire à la politique, cessant de dire le droit et protégeant ouvertement l’iniquité, la violence et le cynisme. Ces indices sont plus qu’alarmants. Les réputations d’alors étaient aussi imméritées que celles d’aujourd’hui. Le marquis de Pombal, au nom de la tolérance des «Lumières», chassa les Jésuites, confisqua les biens de leur ordre et même les biens privés de leurs membres, en mit quelques-uns à mort, bien qu’innocents, en bannit d’autres avec une cruauté qui révulsa Voltaire lui-même ! Il fit de même avec la haute noblesse. Mais celle-ci ne se laissa pas égorger aussi facilement que nos religieux donnés pour fanatiques et obscurantistes1. En Autriche, Joseph II fit de même, toujours au nom de la tolérance et de la liberté religieuse, dont son règne funeste connut la première application historique. Eloquent précédent : afin de favoriser la sécularisation des mœurs, il abolit les cérémonies funèbres, supprima les couvents, dont il confisqua naturellement les biens, interdit les pèlerinages et les processions, restreignit le nombre des messes, supprima les hôpitaux, qu’il transforma en hospices publics de maternité et d’accouchement, qui firent faillite… Ses réformes juridiques anticipèrent le régime français de la Terreur : plus de propriété, de loi naturelle, de promesses, de contrats, de droits particuliers qui ne fussent manipulables au gré du despote «éclairé»… Tel fut, là où il put agir et se déployer librement, le régime des «Lumières» !

 

Les nôtres aujourd’hui n’ont pas d’autres mœurs. En Suisse comme en France, les juges violent le droit en toute impunité. C’est un crime au sens même de la loi suisse (article 312 de notre code pénal fédéral). Tout le monde s’en moque, à commencer par les avocats ! On y classe les plaintes qu’on veut et on donne suite à celles qui conviennent, même lorsqu’elles s’avèrent manifestement infondées selon les preuves apportées parfois par le plaignant lui-même ! Ces preuves sont tout simplement soustraites du dossier quand elles n’étayent pas la thèse préconçue du magistrat instructeur. On peut vous déclarer fou et l’on vous met, pour ce motif, non dans un asile, mais en prison préventive ! Oui, ces choses se passent en Suisse. Rassurez-vous : vous ne trouverez pas un seul ecclésiastique pour élever la voix, car vous n’êtes ni un immigré clandestin, ni un délinquant d’habitude, ni un marginal impénitent. Manifestement, c’est là une préférence raciste qui doit être lue à la manière des précédents évoqués ci-dessus, c’est-à-dire à contresens, comme une mise en application de la morale de l’antiracisme.

 

Jacques Chirac déclara récemment et très officiellement ceci : «Dans la République, il n’ y a pas d’histoire officielle. Ce n’est pas à la loi d’écrire l’histoire, c’est l’affaire des historiens.» Pour avoir dit exactement la même chose, un professeur d’université, Monsieur Bruno Gollnisch, est poursuivi en justice et interdit provisoirement d’enseignement. Ces mœurs sont-elles respectables ? Ces idées sont-elles fiables ? Et les hommes publics qui s’en prévalent dignes d’estime et de considération ? Jean-Paul Sartre disait : «Un anticommuniste est un chien.» Ce propos n’a jamais fait sortir du consensus et du débat démocratique le parti communiste français. Pour moins de complicité, et moins grave, d’autres formations politiques sont dans la pratique, hypocrite, exclues de ce même débat «démocratique».

 

Dans l’administration française, on limoge la petite-fille de l’ancien ministre giscardien Maurice Papon, au nom du devoir de mémoire et en violation du principe pénal et administratif premier  de la responsabilité personnelle en matière de faute (si faute il y avait chez le grand-père), et l’on oublie aussitôt ce même devoir de mémoire lorsqu’il s’agit d’un autre fonctionnaire chargé de traiter les affaires au temps de l’Occupation, fils d’un ami de la Kommandantur… de 1940 à 1944 ! Nul ne relève plus le passé pro-collaborationniste du père de Lionel Jospin, ni celui d’un célèbre journaliste du Monde, Marcel Niedergang, ancien interprète de la Gestapo.

 

Lorsque Karl Lagerfeld griffonne une sourate du Coran sur l’un de ses chiffons, un haussement de voix islamique fait aussitôt disparaître le produit sulfureux. Lorsque l’ancien député européen Bernard Antony porte plainte contre le journal Libération pour avoir publié une ignoble caricature du Christ affublé d’un préservatif, la 17ème chambre du tribunal de Paris le déboute pour ce motif que le message à faire passer (la lutte contre le sida) est d’un intérêt manifestement supérieur à ces opinions religieuses…

 

Quand on en arrive à ce degré de veulerie et d’abaissement, une société est au bord de sa propre dissolution. La force tranchera.

 

Michel de Preux

 

1 Ces nobles, grands propriétaires fonciers, furent rétablis dans leurs patrimoines ancestraux, à la différence des Jésuites, qui perdirent définitivement le leur, lot commun des religieux en terre «catholique» : en Valais, le gouvernement et son administration occupent un bâtiment, place de la Planta, qui était la propriété d’une congrégation religieuse, spoliée par les radicaux et jamais rendue par les conservateurs ! Observons ici ce qui semble être une loi générale : dès que la philosophie des Droits de l’Homme devient l’axe incontournable de tout jugement de valeur et le fondement ultime de toute pensée politique ou sociale, le régime de la Terreur n’est pas loin. Il a besoin de ce vêtement pour s’imposer, y compris dans l’Eglise…

 

 

Bricoles

 

M. Menna s’étouffe

 

Le Matin du 19 février nous apprend qu’un restaurateur de Genève a équipé ses trois établissements de caméras de surveillance et qu’après avoir filmé trois voleurs au fast food Mike Wong, il a imprimé leur photo et l’a collée sur un mur, près de la caisse.

 

Porte-parole du préposé fédéral à la protection des données, Daniel Menna «s’étouffe» en découvrant les pratiques du restaurateur, nous raconte le journaliste : «Il n’a pas le droit de montrer la photo des voleurs en action. C’est une atteinte grave à la personnalité» aurait déclaré le fonctionnaire !

 

A la place du restaurateur, je laisserais tranquillement M. Menna s’étouffer et je ne me ferai pas trop de mauvais sang pour l’atteinte grave que je porte à la personnalité des voleurs. Au contraire : je leur conseillerais même, pour faire cesser ce trouble, de s’adresser au juge ! (cp)

 

Micheline Calmy-Rey «sort de sa réserve»

 

C’est le titre accrocheur que 24 heures nous propose en première page de son édition du 13 février. En réalité, notre ministre des affaires étrangères n’est «sortie de sa réserve» que pour affirmer qu’elle «ne voyait pas pourquoi nous devrions contribuer à polariser la situation au lieu de l’apprécier de manière nuancée».

 

La langue de bois étant la langue diplomatique par excellence, nous traduisons : «Je ne veux faire de peine ni aux défenseurs de la liberté d’expression ni aux musulmans. En fait, je m’en fous et cessez de m’importuner».

 

Micheline ne sera donc «sortie de sa réserve» que pour y rentrer dare-dare. C’est incontestablement là qu’elle est le mieux. Qu’elle y reste ! (cp)

 

Droit du travail

 

Un mécanicien du service des sports de la ville de Lausanne, que des problèmes de dos ont tenu à l’écart des ateliers près d’une année, se plaint d’avoir été licencié : «Je n’ai pas dépassé le quota de jours d’absence auxquels j’ai droit (sic). Ce d’autant plus que la Municipalité m’avait accordé six mois supplémentaires que je n’ai pas utilisés (resic)».

 

Le contribuable appréciera ! (cp)

 

Profiteurs

 

Les fumeurs passifs ne sont pas les seuls à profiter des persécutions anti-fumeurs. Les fabricants de produits prétendument destinés à faciliter le sevrage par un apport de nicotine se remplissent les poches en maintenant les candidats à la désintoxication dans leur dépendance. A bas Nicorette ! (mp)

 

 

 

Trop bien faire

 

C’est un défaut bien helvétique de prétendre légiférer sur tout, et d’imaginer que des lois, des ordonnances et des règlements vont, par leurs seules vertus, résoudre toutes les difficultés.

 

Dans notre bon canton de Vaud, où il manque au moins 4500 places d’accueil pour les enfants dont les mamans travaillent, on a imaginé une loi sur l’accueil de jour des enfants dont l’article 18 est rédigé comme suit :  «L’octroi de l’autorisation est subordonné au respect des normes de l’Ordonnance, ainsi qu’à celles de la présente loi et des directives du Service, notamment en matière du nombre et de l’âge des enfants accueillis, d’aménagement des locaux, des qualités personnelles, de participation au cours d’introduction et aux rencontres de soutien.

De plus, les personnes qui accueillent des enfants dans leur foyer, à la journée et contre rémunération, régulièrement et de manière durable doivent être affiliées à une structure de coordination d’accueil familial de jour.»

 

On peut compter sur le Service de protection de la jeunesse pour émettre les directives les plus tatillonnes, pour poser les exigences les plus drastiques et pour déléguer, aux fins de contrôles, ses assistantes sociales les plus hargneuses.

 

Comme le remarque pertinemment Mme Claudine Amstein dans une libre opinion confiée à 24 heures1, le seul élément positif de cette loi, c’est qu’«elle n’oblige pas encore les mères à passer un master pour s’occuper de leurs enfants».

 

Si Madame a la possibilité, lorsqu’elle part travailler,  de confier son enfant à sa voisine de palier qui a elle-même un bambin du même âge, mais qui n’a pas obtenu l’agrément du Service, ou de transbahuter bébé à dix minutes en voiture chez une maman de jour «agréée», licenciée en psychologie de la petite enfance, dont le mobilier n’est constitué que de meubles en mousse, ayant participé aux 25 heures du cours d’introduction et qui suit chaque lundi soir les travaux de la structure de coordination d’accueil familial de jour…, qui choisira-t-elle ?

 

Poser la question c’est y répondre.

 

Risque de se développer un marché parallèle et sauvage, hors la loi, sur lequel le SPJ n’aura aucune prise, au grand dam des pédagogistes socio-constructivistes qui voient déjà dans ce nouveau grand marché potentiel un terrain d’expérimentation idéal pour décerveler nos petits.

 

Pourquoi, en ma qualité de parent, ne serais-je pas libre de confier mon enfant à une maman de jour agréée par moi-même ? Pourquoi l’Etat s’arroge-t-il le droit d’exiger que l’aménagement des locaux, chez la maman de jour, soit plus perfectionné qu’il ne l’est chez moi ? Pourquoi les mamans de jour devraient-elles se soumettre à l’obligation de «rencontres de soutien» qui ne sont pas imposées… (pour l’instant) aux mamans de jour et nuit ?

 

Nous avions imaginé en 19932, sous forme de facétie, une loi fédérale sur la formation des parents, et le message du Conseil fédéral relatif à cette loi. L’article premier de cette loi était rédigé comme suit :

 

1. La formation des parents est du ressort de la Confédération.

2. Nul ne peut procréer s’il n’est au bénéfice du «Brevet fédéral I de parent».

 

A l’époque déjà, certains lecteurs avaient pris au premier degré cette horreur, ce qui démontrait que les esprits y étaient – presque – déjà prêts.

 

* * *

*

 

 

L’Office fédéral de la formation professionnelle et de la technologie, responsable de l’introduction en été 2003 de la Nouvelle formation commerciale de base, vient de s’apercevoir3 que cette réforme, pensée et mise en œuvre par des pédagogistes zuricois n’ayant aucune idée ni des entreprises ni des adolescents, s’était traduite par un surplus de travail pour les entreprises formatrices… et un surcroît de dépenses (c’est moi qui complète), ce qui a eu pour effets – auxquels on aurait pu penser – de diminuer fortement l’offre de places d’apprentissages de commerce et de laisser donc sur le carreau des centaines de jeunes gens qui, à l’issue de leur scolarité, ne trouvent pas d’emploi formateur.

 

Pour «valoriser» les métiers du bureau, on a supprimé l’apprentissage d’employé de bureau en deux ans, réservé à une formation plus simple. Tous les apprentissages de commerce se font maintenant en trois ans, voire plus.

 

Les patrons exigent des candidats qui sortent de la filière prégymnasiale, ce qui démontre l’absurdité du système. Il faut maintenant opter, si l’on peut, pour une voie scolaire qui prépare l’entrée au gymnase, même si on se prépare à n’y pas entrer. C’est comme lorsqu’on requiert, dans certaines entreprises, que vous soyez titulaire d’un brevet d’avocat (c'est-à-dire que vous ayez appris le métier de plaideur, que vous connaissiez particulièrement bien le code de procédure) pour occuper un emploi où vous n’aurez jamais à plaider, où il vous sera même interdit de plaider puisque la représentation des parties est réservée aux avocats inscrits au barreau, ce qu’un juriste d’entreprise ne peut être !

 

La recherche obsessionnelle de la perfection, en matière de formation professionnelle ou d’accueil de jour des petits, constitue ce que Mme Amstein a raison de nommer une «dérive socio-éducative».

 

Alors qu’il faudrait simplifier, rendre accessible, pour multiplier l’offre de places d’apprentissage dans les bureaux et les places de garde chez les mamans (ou grands-mamans) de jour, on multiplie les exigences absurdes, on astreint les gens de bonne volonté à l’obligation de suivre des cours (à leurs frais), à se plier à mille contraintes et, évidemment, on décourage l’offre.

 

On disait naguère : «Le mieux est l’ennemi du bien».

 

C.P.

 

1 24 heures du 23 février, page 2

2 Pamphlet n° 230 (décembre 1993) p. 4

3 Lettre commune aux entreprises formatrices de la directrice de l’OFFT et de deux autres signataires, datée du 23 février 2006

 

 

Du vrai conservatisme

 

La fondation Patrimoine Suisse veut encourager la préservation des téléphériques historiques. En annonçant cela, les dirigeants de la fondation ont reconnu qu'ils s'étaient autrefois opposés à la construction de certaines de ces installations et qu'ils opéraient donc un revirement radical par rapport aux options passées. «Aujourd'hui, les choses sont faites et les points de vue ont changé», a déclaré le secrétaire général, qui estime que les anciens téléphériques apparaissent aujourd'hui comme des témoins de l'histoire de la technique et du tourisme.

Faut-il railler ce virage à 180 degrés?

D’un côté, les écologistes qui veulent préserver chaque brin d’herbe, chaque pissenlit, chaque caillou, chaque moustique, chaque ours, au nom de la préservation de n’importe quoi et de la biodiversité préhistorique, et qui sont prêts pour cela à empêcher les êtres humains de construire des routes, des ponts, des maisons et des téléphériques, de chauffer les appartements, de chasser les loups, de manger du chevreuil, de rouler vite dans des voitures puissantes, ces gens-là donc, qui voudraient nous priver de tout ce qui rend le monde moderne finalement supportable, on ne les aime pas beaucoup !

D’un autre côté, on aimerait saluer cette manifestation de vrai conservatisme, lequel consiste à s’opposer à tout ce qui n'existe pas encore (car on peut être presque sûr que ce sera moins bien que ce qui existe déjà), puis, une fois que cela a le mérite d’exister, à se battre pour le conserver (parce que c’est certainement mieux que ce qu’on nous promet pour demain).

Cela étant, pour être cohérente, la fondation Patrimoine suisse devrait s’engager avec la même énergie pour que soient préservés les autoroutes, les centrales nucléaires, les grands centres commerciaux et tous les autres hectomètres cubes de béton politiquement incorrect, mais aussi et surtout l’armée, l’école traditionnelle, les places publiques sans toxicomanes, le fédéralisme, les cantons, l’esprit de clocher même, qui sont aussi des témoins de notre histoire et qui valent mieux que de vieux téléphériques.

 

Pollux

 

 

Bons vœux

 

La presse non conformiste aligne les anniversaires, signe de sa bonne santé. L’an dernier, ce fut le trente-cinquième anniversaire du Pamphlet. Cette année, ce sont La Nation1 et Rivarol2 qui fêtent respectivement leurs septante-cinq et leurs cinquante-cinq ans. L’un et l’autre sont d’ardents défenseurs de leurs pays face aux abus de tous ordres. Au nom de la rédaction, je souhaite à ces deux journaux amis longue vie et courage, et j’invite nos lecteurs à les soutenir si tel n’est pas déjà le cas.

 

Mariette Paschoud

 

1 Place Grand-Saint-Jean1, case postale 6274, 1002 Lausanne

2 1, rue d’Hauteville. F-75010 Paris