Lausanne 35e année      «ne pas subir»      Novembre  2005 No 349

 

 

Sommaire :

 

Editorial

L’éditorialiste ne partage pas l’enthousiasme de la presse après le discours de M. le Président de la Confédération à Tunis. Elle se demande en outre si la Suisse qui emprisonne les révisionnistes pour délit d’opinion est particulièrement qualifiée pour donner des leçons sur la liberté d’expression.

 

Bricoles

Où il est question du maire de Neuilly, de l’Université de Lausanne, d’Armée XXI, de football, de démocratie et de grèves

 

Réabonnements

Bonne nouvelle : le prix de l’abonnement annuel reste inchangé : CHF 35.-  ou  25 €

 

En direct de Sirius

Max n’aime ni la bêtise ni les «cyberzombies» sans idéal. Il compare les résolutions de Lucy aux sombres desseins de Mahmoud

 

Lumières de Chine

Une fois n’est pas coutume, Michel de Preux s’intéresse à la sagesse chinoise

 

Point de vue du bout du lac

On croit comprendre que Xavier Savigny apprécie l’ordre et la propreté dans la cité de Calvin.

 

Culture fédérale

Pour Claude Paschoud, la future loi fédérale sur l’encouragement de la culture est la menace la plus grave contre le fédéralisme et contre l’autonomie des cantons de ces dernières années.

 

Ejection

Comment SOS Future Mère (Vaud) s’est fait manger tout cru par SOS Futures Mamans (Fribourg)

 

 

Editorial

 

Monsieur Samuel Schmid, actuel président le la Confédération, s’est fait voici peu et à moindre prix une réputation internationale d’homme courageux : invité au Sommet mondial sur la société de l’information – un de ces bidule dont on fait grand cas et qui ne servent à rien du tout - accueilli par la Tunisie, notre conseiller fédéral s’est mué en donneur de leçons et s’en est pris au régime du président tunisien Ben Ali, coupable de limiter la liberté d’expression et de recourir à la censure. «Il n’est pas acceptable que l’Organisation des Nations Unies compte encore parmi ses membres des Etats qui emprisonnent des citoyens au seul motif qu’ils ont critiqué leur gouvernement», s’est écrié vertueusement, sous les applaudissements nourris de l’assistance, notre «ministre de la défense». Il paraît que le discours de M. Schmid a été censuré et que les autorités tunisiennes sont très fâchées. C’est du moins ce que relatait 24 heures du 17 novembre.

 

Le 18, le même quotidien recueillait pieusement l’avis de Micheline Calmy-Rey sur le discours de son collègue : «Le président de la Confédération s’est rendu à Tunis au nom de la Suisse. Il y a exprimé en toute clarté une position qui reflète l’engagement international du pays en faveur des droits humains.

 

(…) la Suisse parle d’une seule voix. Il n’y a pas de société de l’information solidaire sans une reconnaissance complète et effective de tous les droits humains. C’est la position du Conseil fédéral et je la réaffirmerai autant de fois que nécessaire.»

 

Nous voilà donc fixés : le Conseil fédéral est décidé à jouer les redresseurs de torts chaque fois que l’occasion s’en présentera, dût-il pour cela se mettre à dos tous les pays qui ne respectent pas scrupuleusement tous les droits humains. Cela va faire du monde !

 

         La Tunisie n’est pas un pays démocratique. C’est un péché rédhibitoire ? Peut-être. Dans ce cas, pourquoi n’a-t-on pas confié l’organisation du sommet à un pays «convenable», ce qui aurait permis de tirer les oreilles de Monsieur Ben Ali sans contrevenir aux règles élémentaires de la courtoisie ?

 

         Car que dire d’un homme politique qui accepte l’hospitalité d’un pays et profite de l’occasion pour lui cracher à la figure ?

 

         Que dire de chefs d’Etats et de gouvernements qui, profitant eux aussi de l’accueil de ce pays, applaudissent le malotru à tout rompre ?

 

         Que dire d’une classe politique et médiatique pour qui ce manque de savoir-vivre est une preuve de courage ? Quel courage y a-t-il à tenir un discours malvenu quand on ne risque, à titre personnel, ni sanctions, ni représailles; quand on est assuré de l’approbation du monde bien-pensant, qui ne manquera pas de stigmatiser la Tunisie si elle manifeste sa mauvaise humeur par quelque mesure anti-suisse ?

 

La Suisse s’est mis à dos la Turquie à propos du génocide arménien. Elle s’est mis à dos la Tunisie à propos des droits humains, sans compter tous les pays qu’elle abreuve de conseils et qui sont trop polis pour la prier publiquement de se mêler de ses affaires. Micheline Calmy-Rey, issue de l’accouplement contre nature d’un pigeon voyageur et d’une mouche du coche, a complètement oublié qu’un chef du Département des affaires étrangères n’a pas pour mission de refaire le monde, mais seulement d’entretenir avec les autres pays des relations profitables non pas aux droits de l’homme, mais à la Suisse et à ses habitants.

 

Surtout, les propos tenus par Samuel Schmid à Tunis et approuvés par Madame Calmy-Rey au nom du Conseil fédéral témoignent d’un culot phénoménal eu égard à l’état des droits humains dans notre pays. A la place du président Ben Ali, je proclamerais haut et fort à la face du monde la profession de foi suivante : «Il n’est pas acceptable que l’Organisation des Nations Unies compte encore parmi ses membres des Etats qui emprisonnent des citoyens au seul motif qu’ils ne partagent pas l’avis officiel au sujet d’un point d’histoire»

 

L’Etat tunisien emprisonne des citoyens pour préserver son propre pouvoir. C’est très vilain, mais c’est le fait d’un pays souverain. La Suisse emprisonne des citoyens sur ordre d’un pouvoir extérieur. C’est très vilain et c’est le fait d’un Etat asservi.

 

Alors, silence dans les rangs !

 

Le Pamphlet

 

 

Bricoles

 

Tartarin de Neuilly

 

Le vibrionnant maire de Neuilly jure de nettoyer les banlieues au Kärcher mais, confronté à la guerre civile, il donne à sa police l’ordre de ne pas tirer et d’éviter même la confrontation. Mieux : les plus hautes autorités de l’Hexagone reçoivent en audience privée, pour leur manifester leur sympathie, les parents de deux petits voyous qui ont malheureusement pour eux choisi de se réfugier dans un transformateur d’EDF pour échapper à la police.

 

Devant tant de pleutrerie, les émeutiers n’ont plus à se gêner. Bien entendu, ce n’est pas la politique imbécile de favorisation de l’immigration qui sera remise en question, puisque l’apport culturel du Maghreb est une chance pour la France. C’est la faute des Français de souche, qui n’ont pas su ou pas voulu profiter de cette chance et qui n’ont pas pratiqué la «discrimination positive» que la loi leur impose.

 

 

Calme plat

 

         Un communiqué AFP publié par 24 heures du vendredi 18 novembre annonçait aux populations soulagées que la situation était redevenue normale en France après trois semaines de violences urbaines. Ce «retour au calme confirmé» était attesté par le fait que «Selon la Direction générale de la police nationale (DGPN), dans la nuit de mercredi à jeudi (on cherche virgule, n.d.l.r.) 98 véhicules ont été incendiés, soit la moyenne habituelle. Aucun affrontement ou incendie grave n’a été mentionné.»

 

         Au secours ! A l’aide ! La folie nous guette !

 

         Si on comprend le sens des mots, des voyous peuvent incendier chaque nuit 98 véhicules sans affrontements, ce qui veut dire – mais ça, on le savait déjà : cf. ci-dessus – que les autorités laissent faire. De surcroît, la DGPN considère apparemment qu’un incendie de voiture n’est qu’une petite chose sans gravité. Il faut bien que jeunesse se passe, en somme. Mais ce qui est le plus stupéfiant, c’est que cette incroyable nouvelle ne fasse l’objet que d’un minuscule communiqué de presse rédigé par un journaliste impavide, alors que, si des skinheads se livraient à ce jeu innocent et charmant ne serait-ce que sur une seule voiture par année, le landernau médiatique serait sur les dents.

        

La France brûle et tout le monde s’en fout, à part quelques extrémistes de droite grincheux.

 

 

L’Humense

 

Le bâtiment des Facultés des sciences humaines 2 devrait s’appeler l’Humense. Il paraît que c’est un jeu de mots inventé par un cabinet spécialisé et imposé sans concertation par un rectorat tout surpris de l’accueil glacial des professeurs et des étudiants à cette sottise abyssale. Tous les autres bâtiments de l’Université ont également reçu un nom bizarre : Amphimax, Biophore, Cubotron, Génopode, Internef et Unithèque, cette dernière appellation pour désigner la célèbre Banane, connue de chacun.

 

Un étudiant de première année est serein : «Il faut apprendre à assumer un nom qui n’est pas apprécié».

 

Si les autorités universitaires avaient déployé autant d’énergie à maintenir leurs prérogatives face aux pouvoirs publics qu’à trouver des noms ridicules pour les bâtiments, l’Université de Lausanne aurait peut-être conservé son Ecole de pharmacie et ses facultés scientifiques.

 

 

Armée XXI

 

Le concept «Armée XXI» était fondé sur l’idée qu’il fallait mieux tenir compte de la menace terroriste, jugée beaucoup plus réelle qu’une guerre en Europe. A cet effet, les troupes d’infanterie devaient être engagées, nous disait-on, dans des missions de sûreté comme la protection des infrastructure, des bâtiments ou des conférences internationales.

 

Depuis lors, les bataillons de chars sont engagés à la garde des ambassades, remplaçant ainsi les effectifs insuffisants des polices cantonales, dont c’est la mission.

 

A l’époque de l’introduction d’Armée XXI, la Société des officiers a marché au pas. J’en ai donc démissionné. Aujourd’hui, les écailles sont tombées des yeux du président central de la SSO, le colonel EMG Michele Moor, qui adresse à M. Schmid les mêmes reproches que le Pamphlet naguère.

 

 

Football

 

Le chroniqueur de service a bien ri des indignations et des clameurs suscitées par le nationalisme turc dans les vestiaires du stade stambouliote.

 

Les plus fidèles lecteurs du Pamphlet se souviennent peut-être de notre article, paru dans le n° 145 (mai 1985), dans lequel était cité un auteur de la deuxième moitié du XVe siècle expliquant que ce divertissement, auquel s’adonnent de préférence les jeunes gens grossiers et pétulants, lui paraît odieux (execrabilis) plus qu’aucun autre amusement de ce genre, grossier, inconvenant et méprisable (rusticior, inhonestior quoque vilior).

 

Les supporters helvétiques ont sifflé, à Berne, l’hymne national turc, ce qui constitue une grossièreté impardonnable. Mais on en a peu parlé dans la presse suisse du lendemain. Les joueurs suisses ont dû subir à Constantinople le retour du bâton. La presse (sportive) suisse ne parle plus d’autre chose. Quelle dérision !

 

 

Démocratie

 

Pour inciter les citoyens à faire leur devoir civique, 24 heures leur expliquait1 : «Promis, votre vote ne changera rien !». Quoi que décide le corps électoral, les magasins resteront ouverts dans les gares le dimanche et l’agriculture suisse sera exempte d’OGM à moyen terme.

 

Voilà qui devrait inciter M. Lambda à mettre son réveille-matin dimanche pour glisser son bulletin dans l’urne.

 

1 24 heures du 8 novembre, page 4.

 

 

Grève

 

Par une loi dite «charte du travail» du 4 octobre 1941, soit pendant-les-heures-les-plus-sombres, l’odieux régime de Vichy avait interdit les grèves. Heureusement pour la France en général et pour la ville de Marseille en particulier, la grève est devenue à la Libération un droit inaliénable et sacré des travailleurs, plus particulièrement des syndicats communistes, qui prennent régulièrement les usagers en otage. Les employés de la SNCF font grève contre une privatisation de l’entreprise qui n’existe que dans leur imagination. S’y ajoute la grève des bus, des éboueurs et de quelques autres agents des services publics.

 

Au total un grand tiers d’inconscience, un petit tiers de bêtise, un tout petit tiers de conscience politique et un gigantesque tiers de mauvaise foi syndicale…

 

 

 

 

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Réd.

 

 

En direct de Sirius

 

Qui m’aime me joigne (tout ce que j’aime le moins)

 

Un confrère d’opinions libres a récemment eu la réjouissante idée de sonder son lectorat quant aux dix choses que celui-ci détestait le plus. Résultat paru1, très déçu de n’avoir pu approcher de la moyenne du test, Max livre ici ses réponses… pour ce qu’elles valent (par ordre décroissant), dans l’espoir d’entretenir l’intérêt du « connais-toi toi-même » :

 

1.   La bêtise ;

2.   le mensonge ;

3.   la laideur morale ;

4.   ce qui est déplacé ;

5.   le concept moderne de démocratie (majorité des incompétents plus un) ;

6.   le manque d’humour ;

7.   le manque d’esprit ;

8.   la fatuité ;

9.   la ladrerie ;

10. le commerce (lorsqu’il se mêle d’art).

 

N.B. : La détestation de la bêtise revêt un caractère prioritaire et absolu. A celui qui serait tenté de demander de quel droit s’arroger celui de reconnaître ce redoutable fléau, Max répondra qu’à la manière d’une Cassandre, il le pressent et le sent d’instinct… et se trompe rarement, sauf à son endroit (par définition)… Cette fatalité a ceci de commun avec l’espace sidéral et l’algèbre qu’elle fournit à l’entendement humain une assez bonne représentation de l’infini. C’est probablement sa seule utilité.

 

Le mensonge doit sa seconde place à ce qu’il est souvent issu d’une perversion de l’intelligence.

 

Pour ce qui est des points 6 et 7, Max propose une définition commune à l’usage des cruciverbistes :

En six lettres : fait défaut, mais ne manque jamais à celui qui en est dépourvu.

 

Enfin, Max regrette de n’avoir pu faire figurer dans cette liste des concepts tels que la lâcheté (qui, au moins au sens physique du mot, peut être une matérialisation de l’instinct de conservation) ou l’une de ses manifestations, la fuite des responsabilités – il est des responsabilités qui vous dépassent (cf. principe de Peters).

Merci chauffeur ! (à G.R.)

Par un beau dimanche valaisan ensoleillé, Max et Iris, en route vers un repas prometteur sur une colline de Sion, s’interrogeaient sur le pourquoi d’une jeunesse avachie dont la principale activité est de se laisser voguer au gré des émotions de pacotille que lui dispensent régulièrement nos médias « éclairés ». Une autoproclamée «no future» génération prodigue des deniers de ses parents pour alimenter des causes aussi utopiques que lointaines, surtout très lointaines, « là-bas », mais incapable d’aborder les problèmes autrement plus urgents et décisifs de son propre devenir « ICI », dans son propre biotope. Insignifiante singerie de faux poètes maudits, dérisoire édificatrice de petits châteaux de sable dans les profondeurs abyssales de vastes déserts cérébraux. Une tourbe apatride tout entière composée d’individualistes de masse ; de cultivateurs sans jardins, enlisés dans leur poursuite immobile d’une prétendue culture mondiale qui leur tient lieu de Graal ; de furieux penseurs qui résonnent et s’expriment avec un beau son creux ; d’internautes planétaires qui voyagent au point fixe ; de maniaques globalisés de la communication dépourvus de toute capacité d’expression… Cyberzombies sans idéal, ils vont, vêtus de treillis camouflés réformés des surplus US, chaussés de charentaises à têtes de Mickeys, cramponnés à leur écran, zapper l’Axe du mal. Puits d’ignorance, qu’ont-ils donc pour n’avoir d’infini que la vacuité ?

«Ils ont mal à la tête.»

Merci, chauffeur, c’était clair et précis, et bien joliment dit !

 

Question de point de vue

 

«No, Master. Master is good. I will not kheel Master, I kheel the master next door»2

Ainsi parlait Lucy, la moins vive de nos «maids», lorsque je m’inquiétais du sort qui serait réservé à notre famille de blancs paternalistes quand adviendrait le Grand Soir. Elle venait de dire tout haut, ce que Nomalady, la plus brillante, pensait tout bas. Nous étions en 1989, quelque part en Afrique australe. J’ai souri et pensé que c’était dans l’ordre des choses. Après tout, même si je m’efforçais de développer leur pays, j’étais une pièce rapportée.

Aujourd’hui, en Europe occidentale, c’est à peu près le même programme que j’ai lu dans le regard de Marc – de son vrai nom Mahmoud –, le peintre tunisien qui travaille dans notre villa. Marc et Mahmoud travaillent bien. Marc m’aime bien… Il sait que j’ai pressenti la guerre de religion qui se prépare, que j’en ai compris les causes profondes, identifié les fauteurs intéressés et que j’en déplore par anticipation les ravages. Il sait que je connais les pays dont nous parlons ensemble et les enjeux en cours. Mais Mahmoud sait que je suis un roumi qu’un de ses frères devra un jour tuer, parce qu’on ne convertit pas un païen. Et désormais, je ne souris plus, car je ne pense pas que ce soit, cette fois, dans l’ordre des choses. En ce pays qui est le mien et que je m’acharne à conserver intact, c’est Mahmoud la pièce rapportée…

Deux livres prémonitoires3 ont su m’ouvrir les yeux, je connais la menace. Elle est triple : les allogènes, rétifs à toute intégration, venus en conquérants, jadis humbles et soumis, croissant en arrogance à mesure que leur nombre tend vers la masse critique ; les félons, qui par calcul, bêtise ou lâcheté nous livrent aux premiers et les petits malins derrière les deux premiers. J’observe les allogènes, je méprise les félons, les petits malins m’amusent un peu...

Le moment venu, indifférent au nombre comme à la solitude, je les combattrai tous parce que je suis chez moi.

 

Max l’Impertinent

 

1 Le Cri de la Chouette no 66, novembre-décembre 2005.

2 « Non Maît’e. Le Maît’e est bon. Je ne tue’ai pas le Maît’e ; je tue’ai le Maît’e d’à côté ! »

3 Ceux qui aimeraient comprendre le suicide assisté européen devraient lire de Jean Raspail : « Le Camp des Saints » (paru en 1973 chez Robert Laffont, réédité chez le même éditeur en 2004 – ISBN 2-221-08840-9) et de Philippe Gautier : « La Toussaint Blanche » achevé le 20.10.1976 (Les cinq léopards édit., BP 22, F 78112 Fourqueux), deux livres d’une lucidité inquiétante dans lesquels ils trouveront des prémonitions stupéfiantes.

 

 

Lumières de Chine

 

«Dans le temple de la sottise trône le dieu de la sottise.»1

Très actuel : voyez le dieu benêt, qui fait tant de ravages dans la jeunesse mondiale2.

 

«Après trente ans, un homme ne doit plus commencer à apprendre un art.»

Recyclages ou formation permanente et infantilisation de l’adulte sont donc rigoureusement synonymes.

 

«Plutôt pauvre et intègre que riche et corrompu», car il y a des compensations : l’insolence bien placée est la plus basse; la lucidité sans appel, la plus haute.

 

«Devenir mandarin, c’est la fin de l’idéal.»

Voyez Jean-Romain utilisant Pascal Couchepin pour sa publicité littéraire et son frère, François-Xavier Putallaz, le parti démocrate-chrétien pour sa sécurité professionnelle et son audience officielle dans le Nouvelliste du Valais.

 

«Les principes gouvernent les gens honnêtes, les lois gouvernent les gens méchants.»

Je sais désormais d’où vient le prestige de l’Etat de droit !…

 

«La rectitude triomphe de cent vices.» … et son absence stérilise mille vertus.

 

«Celui qui est victime d’une injustice et ne la redresse pas a vécu pour rien.»

On m’aura donc imposé un sens à ma vie ! Mais ceux qui me l’ont imposé n’y sont pour rien, car le sens vient de moi seul.

 

«La première fois, c’est une erreur, la seconde, c’est qu’on le fait exprès.»

En matière de foi et de morale, l’Eglise dit exactement la même chose par le mot «hérésie».

 

«Le repenti ne changerait pas pour de l’or.»

La raison en est très simple : parce qu’il l’a trouvé !

 

«C’est seulement lorsqu’on endure souffrances sur souffrances qu’on est au-dessus des autres.»

A rapprocher de cet autre proverbe chinois :

«Le bonheur est du côté des gens laids.» et encore :

«Une lame non aiguisée finit par se rouiller.»

 

«On ne peut sculpter dans du bois pourri.»

C’est la définition précise de l’illusion démocratique moderne. Elle prétend construire un ordre social en faisant régner l’anarchie dans le cœur et l’esprit des hommes.

 

«Une mauvaise vie vaut mieux qu’une belle mort.» ou cette variante :

«Mieux vaut être un rat vivant qu’un préfet mort.»

Rassurez-vous : la sagesse chrétienne ne substitue pas à cette folie païenne une platitude inverse, car la belle mort sauve une vie de tous ses défauts. Ce genre d’aphorisme prouve définitivement que toute civilisation non chrétienne est oppressive et, au fond, nihiliste.

 

Michel de Preux

 

1 Tous ces proverbes sont tirés du livre de Roger Darrobers : Proverbes chinois, éd. du Seuil, coll. Points-sagesse, Paris, 2001

2 Voici la définition que donne le Larousse de l’adjectif «benoît» : «Qui affecte un air doucereux.». Très actuel aussi !

 

 

Point de vue du bout du lac

 

Affichage sauvage

 

En 2001, la ville de Genève et les associations culturelles, souvent subventionnées, s’étaient trouvées au centre d’une polémique à propos du nouveau contrat de subventionnement de la ville qui stipulait que l’affichage sauvage devait être proscrit. Tollé général desdites associations culturelles. Un accord est trouvé, qui satisfait tout le monde : l’affichage sauvage doit désormais être fixé avec du scotch et non plus de la colle. Or je constate dans mon quartier des dizaines d’affiches du mouvement Solidarité, extrême gauche remuante et revendicative, qui lors des dernières élections a placardé sauvagement et fixé à la colle sa propagande. Cela ne lui a pas réussi puisqu’elle n’a pas atteint le quorum et n’est donc pas représentée au gouvernement. Mais je trouve que ce ne serait pas une mauvaise idée de lui facturer le prix du nettoyage des murs et des pylônes salopés par ses militants.

 

Squats en rogne

 

Le plus ancien squat de Genève, le Rhino, sera peut-être évacué. C’est le souhait du procureur Daniel Zappelli. La décision reviendra au Tribunal administratif devant lequel le Tribunal fédéral a renvoyé le recours des occupants. Il va sans dire que tous les mouvements de gauchistes de la place s’insurgent vigoureusement contre cette atteinte intolérable à la liberté et à la démocratie. Le 5 novembre, je croise la manifestation de soutien au Rhino dans les rues basses et constate qu’elle est composée de beatniks crasseux et de divers militants d’extrême gauche. Les slogans tournent autour de l’expropriation et du droit au logement pour tous. L’impression est surtout qu’une fois de plus, chacun se raccroche à ses privilèges qui en l’occurrence ont été acquis de façon absolument indue. Ceux qui, à l’heure actuelle, occupent illégalement des immeubles en plein centre de la ville de Genève, spoliant de ses droits le propriétaire qui veut réhabiliter les bâtiments et en faire des logements pour les familles, ne devraient avoir qu’un seul droit, celui de faire leurs valises en silence. Lorsque l’on pense que la pénurie de logements fait rage et que nombre de familles paient des loyers considérables pour des appartements médiocres, on est en droit de trouver l’arrogance des squatters indécente.

 

Mais il est connu qu’à Genève, il est plus commode de squatter et de vivre de subventions et de prestations sociales que de se mettre au boulot. Comme le gouvernement bien lisse et politiquement correct ne fera jamais rien pour changer cela, on n’est pas près de voir les parasites quitter la cité de Calvin.

 

Elections

 

Les élections genevoises se soldent par une situation qui ne va bien sûr rien donner de bon. Législatif à droite, exécutif à gauche, rien de mieux pour rester immobile. Une note d’espoir pourtant : la disparition de l’extrême gauche du Grand Conseil, victime de ses dissensions internes. Heureusement, ils nous promettent déjà d’être d’autant plus actifs sur le terrain. En gros, ils vont continuer à nous em…er, mais cette fois ils le feront devant la maison.

 

 

Xavier Savigny

 

 

 

Culture fédérale

 

L’article 69 alinéa 1 de la Constitution fédérale le proclame : «La culture est du ressort des cantons».

 

Mais le deuxième alinéa tempère cette si claire répartition des compétences : «La Confédération peut promouvoir les activités culturelles présentant un intérêt national et encourager l’expression artistique et musicale, en particulier par la promotion de la formation».

 

Il n’en fallait pas plus pour que soit créé un Office fédéral de la culture dirigé depuis six mois par un docteur en informatique et diplômé en mathématiques, M. Jean-Frédéric Jauslin, qui peine à convaincre les artistes.

 

Le quotidien 24 heures nous relate1 que son premier discours personnel a été jugé par les critiques plat, truffé d’arguments passe-partout et sans intérêt.

 

Dans un certain sens, c’est réjouissant, puisque aussi bien un office fédéral de la culture ne se justifie que si la Confédération cherche à s’investir dans tous les domaines de la pensée, en contradiction flagrante avec la compétence générale proclamée au premier alinéa.

 

Le commentaire pondu par les juristes du Palais au sujet de la future loi d’encouragement de la culture, est à cet égard très éclairant :

 

«La conception constitutionnelle de la culture figure à l'art. 69 de la Constitution fédérale (Cst.) ainsi que dans quelques autres articles, comme la disposition sur les buts de l'art. 2, al. 2 Cst., selon laquelle la Confédération favorise entre autres la «diversité culturelle du pays». L'art. 4 Cst. nomme les quatre langues nationales. L'art. 18 Cst. garantit la liberté de la langue, l'art. 21 celle des arts. L'art. 35 Cst. astreint la Confédération à réaliser les droits fondamentaux. On tiendra compte aussi de l'interdiction de toute discrimination en matière de diversité culturelle (art. 8, al. 2 Cst.) ainsi que des aspects culturels de la participation politique (art. 34 et 39 Cst.). Parmi les buts sociaux de l'art. 41 Cst., on relèvera notamment l'al. 1, let. g, qui astreint la Confédération et les cantons à ce que «les enfants et les jeunes soient encouragés à devenir des personnes indépendantes et socialement responsables et soient soutenus dans leur intégration sociale, culturelle et politique». Certaines compétences du domaine culturel sont régies par les art. 66 (formation), 67 (besoins des jeunes et formation des adultes), 70 (langues), 71 (cinéma), 78 (protection de la nature et du patrimoine) et 93, al. 2 Cst. (mandat culturel des médias électroniques). Ces dispositions astreignent la Confédération à tenir compte des questions culturelles non seulement dans l'aménagement de la promotion nationale de la culture, mais aussi dans la réglementation d'autres domaines politiques (principe de la compatibilité culturelle)»

 

Et voilà !

 

Les fédéralistes, s’il en reste, ne pourront pas se plaindre, après l’adoption de cette loi, qu’ils n’avaient pas compris la stratégie fédérale.

 

L’interprétation du mot «culture», dans l’administration fédérale, comprend tout et singulièrement tous les domaines de l’enseignement : l’article 3 du projet de loi exprime clairement que la Confédération vise à promouvoir la formation de base et la formation continue…

 

Cette prétention va dans le même sens, mais bien plus loin, que le projet d’harmonisation scolaire que le Conseil national a gobé avec une belle indifférence, et que dénonce à juste titre M. Pierre-Gabriel Biéri dans la dernière livraison de Patrons2.

 

Il faut dire, et redire, qu’il n’existe pas de culture fédérale, que la diversité culturelle du pays ressortit essentiellement à la compétence des cantons eux-mêmes, garants de cette diversité, que la survie des quatre langues, de même, ne dépend pas des subventions fédérales mais de ceux qui les parlent.

 

Le commentaire de l’avant-projet de loi sur l’encouragement de la culture, dès son premier paragraphe, laisse entendre que certaines compétences du domaine culturel sont déjà, dans la pratique, du domaine fédéral, comme la formation (art. 66 Cst.), les besoins des jeunes et la formation des adultes (art. 67 Cst.), le cinéma (art. 71 Cst.) ou la protection de la nature et du patrimoine (art. 78 Cst.).

 

Or, si tous ces articles mentionnent en effet que la Confédération peut elle-même prendre des mesures dans ces domaines, c’est «en complément des mesures cantonales» et «dans le respect de l’autonomie cantonale».

 

C’est ce respect de l’autonomie cantonale qui fait totalement défaut dans les projets que la Confédération a sur le feu actuellement. Les cantons n’ont nul besoin d’un Office fédéral de la culture et les artistes n’ont besoin que d’un soutien financier. Ils se moquent de savoir si les subsides qu’ils réclament sortent d’une bourse cantonale, fédérale, européenne ou mondiale.

 

Il faut jeter aux oubliettes l’harmonisation scolaire et surtout la loi d’encouragement de la culture.

 

Claude Paschoud

 

1 24 heures du 22 novembre, page 14.

2 Patrons no 11-12 (novembre et décembre 2005), publication du Centre patronal.

 

 

Ejection

 

Dans le courant d’octobre, les amis et donateurs de SOS Future Mère-Vaud ont reçu de la présidente, Françoise Delacrétaz, la lettre suivante :

 

         «Comme vous l’avez peut-être lu dans nos journaux, SOS Future Mère va fermer ses portes le 1er novembre de cette année.

 

         C’est au mois de mai que SOS Futures Mamans (dont le siège est à Fribourg) nous a informées qu’elle avait l’intention d’ouvrir une antenne à Lausanne. Nous avons donc pris contact avec la future responsable pour notre région et nous nous sommes entendus pour leur laisser nos locaux et notre avoir, car, comme leur nom l’indique, ils poursuivent les mêmes objectifs que nous.

 

         Il y a bientôt 30 ans que notre œuvre existe. Grâce aussi à votre intérêt, votre collaboration et votre générosité, nous avons pu soutenir des milliers de jeunes mères en difficulté. Cette œuvre a été un bienfait pour elles et pour nous-mêmes.

 

         C’est donc avec un sentiment de reconnaissance pour tout ce que nous avons pu recevoir et donner que nous prenons congé de vous, en vous disant nos messages chaleureux.»

 

         Mon amie Françoise Delacrétaz, qui a assumé la présidence de SOS Future Mère pendant presque vingt-cinq, ans fait preuve d’une grandeur d’âme voisine de la sainteté en présentant les événements de cette façon. Je la comprends: en tant que responsable, elle n’a pas voulu entrer en conflit ou en concurrence avec une association hélas rivale, ni indisposer les amis et donateurs de son association à l’égard de l’envahisseur, par crainte que la guerre ne se fasse au détriment des futures mères en détresse de notre région.

 

         Mais moi, je n’ai pas de raisons de ménager SOS Futures Mamans et son président Conrad Clément de Fribourg. Dans les années septante, de 1976 à 1986, en fait, j’ai eu le privilège de travailler au sein de l’équipe de SOS Future Mère et de rencontrer à diverses reprises celui qui n’était alors président que de SOS Futures Mères-Fribourg. Très vite, j’ai compris que Monsieur Clément souhaitait faire figure de chef des SOS Future(s) Mère(s) romands. Il organisait des rencontres et publiait un petit journal, il aimait donner des conseils, mais il n’était pas encombrant, dans la mesure où il n’avait pas les moyens d’imposer ses vues ni de concurrencer les autres sections.

 

         Aujourd’hui, les choses ont changé. SOS Futures Mères-Fribourg est devenu l’Association SOS Futures Mamans (dont le siège est à Fribourg ). Quand cette mutation s’est-elle produite ? Je ne sais : le site Internet de l’association1 ne mentionne que la date de création du premier SOS Futures Mères-Fribourg (1974). Mais peu importe, après tout. Ce que révèle aussi ce site Internet, c’est que la nouvelle association groupe la plupart des anciens SOS Future(s) Mère(s) romands, ainsi que la section de Zurich. On y apprend également, en prenant connaissance de ses activités, que SOS Futures Mamans doit disposer de fonds importants et on s’en réjouit pour elle.

 

         Mais ce n’est pas une raison pour venir piétiner les plates-bandes d’une association qui travaille en terre vaudoise depuis presque trente ans à la satisfaction générale. Car, en mai, Françoise Delacrétaz et son équipe n’ont pas été informées d’une intention, qui aurait pu faire l’objet d’une discussion. Elles se sont vu communiquer une décision sans appel.

          J’estime que Conrad Clément s’est fort mal conduit en cette occurrence et a commis un véritable abus de pouvoir : je suis plus riche, je suis plus puissant, je veux la place, alors dégage !

 

C’est donc la rage au cœur que je prends acte de la disparition d’une œuvre qui m’était chère. Toutefois, pour ne pas ajouter la mesquinerie à la colère, je vous communique le numéro de téléphone de la nouvelle antenne de SOS Futures Mamans : 0844 115 115.

 

Mariette Paschoud

 

 

1 www.sosfuturesmamans.ch