Lausanne 35e année      «ne pas subir»       Mai  2005 No 345

 

 

 

Sommaire :

 

Editorial

Décidément, l’éditorialiste n’aime pas les magouilles et les hypocrisies ! Elle dénonce donc les manœuvres sournoises que des propagandistes sans scrupule mettent en œuvre dans le cadre des prochaines votations fédérales.

 

Bricoles

où il est démontré que l’«homophobie» n’existe pas, que les magistrats devraient s’abstenir de répandre des larmes de crocodile, que des benêts peuvent être admis dans les Ecoles les plus prestigieuses, qu’une prestation payante n’est donc pas gratuite, mais qu’en revanche, la culture n’a pas de prix

 

En direct de Sirius

Max nous apprend qu’il est dangereux d’utiliser certaines expression d’usage courant et se hasarde à des pronostics pessimistes (de son point de vue) sur le résultat du référendum français relatif à la constitution européenne.

 

Pour rire

Notre nouveau collaborateur qu’on espère régulier se livre à d’étranges manipulations génétiques dans le monde politique !

 

Une société en déroute

Michel de Preux est convaincu que si l’Europe doit se faire, elle ne le pourra que grâce au ciment du catholicisme.

 

«Apprendre à lire et à écrire»

Le dernier numéro de la collection «Etudes & Enquêtes» analyse les raisons d’un échec patent : l’échec des doctrines socio-structuralistes en matière d’enseignement.

 

Vrai président mais faux déporté

Après avoir menti pendant 30 ans, Enric Marco a été démasqué. Claude Paschoud tente d’élucider deux petits mystères relatifs aux faux témoins de la IIe Guerre mondiale.

 

Actualité de Léon Daudet

L’abandon des chaires de grec classique et d’italien à l’Université de Neuchâtel désole notre collaborateur, comme la suppression du grec et du latin avait déjà indigné Léon Daudet en 1922

 

 

Editorial

 

          Le débat fait rage à la veille des votations fédérales du 5 juin sur les accords Schengen/Dublin et la loi sur le partenariat enregistré entre personnes du même sexe (Lpart). Tout et le contraire de tout ayant déjà été dit dans les médias grands et petits sur ces sujets «sensibles», nous n’avons pas l’intention d’argumenter au risque de donner à nos lecteurs l’impression que nous les prenons pour des idiots. Ce qui nous intéresse aujourd’hui, c’est la façon dont on manipule la démocratie directe pour amener les citoyens à voter dans le sens voulu par le Conseil fédéral, c’est-à-dire «oui» dans les deux cas.

 

          Dans le cadre des accords bilatéraux II négociés par la Suisse et l’Union européenne, les citoyens helvétiques sont appelés à se prononcer sur l’association  à l’espace Schengen (coopération internationale dans les domaines de la police, de la justice et des visas), l’association à l’espace Dublin (coopération internationale dans le domaine de l’asile) et l’extension de l’accord sur la libre circulation des personnes aux nouveaux membres de l’UE. Ces accords n’étant pas sans rapport entre eux, on aurait pu s’attendre à ce qu’ils soient soumis au peuple tous les trois en même temps. Pensez-vous ! Le risque eût été bien trop grand que les Helvètes, confondant stupidement la partie et le tout, les rejettent en bloc par hostilité à l’un d’entre eux seulement. On a donc décidé de reporter à septembre la votation sur l’extension de la libre circulation des personnes. Par ailleurs, les accords de Schengen et ceux de Dublin n’ayant fait l’objet que d’un seul arrêté fédéral, il sera impossible au citoyen de dire oui à l’un et non à l’autre. C’est un lot, il faut tout prendre ou rien. Peut-être existe-t-il à cette manière de procéder une raison juridique qui nous aurait échappé ou qui se serait perdue dans le flot de propagande que nous subissons en ce moment. Jusqu’à preuve du contraire, nous y voyons une manœuvre politicienne, donc une magouille. Nous n’aimons pas les magouilles.

 

          Pour ce qui est de la Lpart, la manœuvre consiste en ceci : afin de rassurer les citoyens qui, tout en souhaitant une amélioration des conditions de vie des homosexuels, se refusent à leur concéder une statut qui serait en fait un mariage, le législateur interdit aux couples de même sexe de recourir à la procréation médicalement assistée ou à l’adoption en vue de fonder une famille. Ils ne pourraient élever que des enfants biologiques issus d’une précédente relation hétérosexuelle.

 

Si la Suisse faisait œuvre de pionnier en matière de «pacs», si le monde entier avait les yeux fixés sur notre pays et s’apprêtait à l’imiter en tout, on pourrait garder l’espoir que la procréation assistée et l’adoption seront bannis à jamais de la Lpart. Mais il n’en est rien. Le mariage au plein sens du terme existe déjà pour les homosexuels dans d’autres pays. On ne nous fera tout de même pas croire que la Suisse va rester longtemps en arrière ! L’idée est dans l’air, n’en doutez pas. D’ailleurs, une lectrice de 24 heures du 19 mai nous apprend, à propos de la position de la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS), connue pour ses opinions progressistes, que «(…) lorsqu’on lit le travail publié en mars par la FEPS, on découvre avec stupeur que ses auteurs sont favorables à l’adoption d’enfants par les couples de même sexe, mais qu’ils ont retiré cette demande pour ne pas compromettre le succès de la loi. (…)». Plus hypocrite, on meurt. D’ailleurs, du moment que les couples de même sexe sont autorisés à élever leurs propres enfants issus d’une relation hétérosexuelle antérieure à leur union, on admet qu’il n’est pas mauvais pour un enfant de vivre avec deux «parents» du même sexe. Ces derniers auront alors beau jeu de plaider que ce qui vaut pour les enfants biologiques vaut aussi pour les autres et ils n’auront pas tort. On se fiche de nous !

Nous n’aimons pas les magouilles. Nous n’aimons pas l’hypocrisie. Nous n’aimons pas qu’on nous prenne pour des imbéciles. Notre double «non» sera donc avant tout épidermique et primaire. Tant pis !

 

Le Pamphlet

 

 

Bricoles

 

L’homophobie n’existe pas

         

          Il est de bon ton de taxer d’homophobie les gens qui ne portent pas aux homosexuels un amour immodéré et c’est, ma foi, fort curieux. En effet, point n’est besoin d’être helléniste pour savoir que le préfixe «homo» signifie «semblable», «le même», et que le suffixe «phobie» indique à l’origine la crainte et, de nos jours, la haine. Or donc, du point de vue étymologique, l’homophobie est la crainte, voire la haine, de ce qui est semblable. Les hétérosexuels ne peuvent pas être accusés d’homophobie, puisque, précisément, ils sont, le cas échéant, habités par la crainte, voire la haine, de gens différents. Quant aux homosexuels, ils ne sauraient détester leurs semblables, sinon pour des raisons qui n’ont rien à voir avec le sexe.

 

          Conclusion: l’homophobie n’existe pas.

 

Discrimination

 

          Le terrible accident de car qui a fait douze morts et quinze blessés en Valais le 17 avril a soulevé une vive émotion, notamment celle de Monsieur Samuel Schmid, président de la Confédération qui, depuis Tokyo où il était en visite officielle, a présenté ses condoléances aux familles des victimes.

 

          Cette manie qu’ont les gouvernants de compatir officiellement aux malheurs d’autrui, à condition que soit en cause un événement spectaculaire ou une manifestation d’antisémitisme, nous paraît fort injuste : en quoi le fait de perdre un être cher dans un accident d’autocar ou d’avion est-il plus tragique pour les familles que le décès d’un proche dans un accident d’auto ou de moto ? En quoi un attentat ou une profanation antisémite est-il plus digne de pitié qu’un attentat ou une profanation «ordinaire» ? S’il y a une chose qui fait de tous les hommes des égaux, c’est bien la souffrance.

 

          Nous n’attendons pas des hommes politiques qu’ils expriment leur compassion à tous les endeuillés et à toutes les victimes de la bêtise humaine. Nous attendons simplement d’eux qu’ils s’abstiennent de toute manifestation publique dans ce domaine.

 

Attardé mental

 

Début mai, un étudiant de l’Ecole hôtelière de Lausanne, âgé de trente-cinq ans, a donné un coup de couteau dans l’avant-bras d’un camarade âgé, lui, de vingt et un an, au motif que ce dernier n’avait cessé de lui lancer des boulettes de papier dans le dos.

 

          Ce qui nous étonne, ce n’est pas tellement le coup de couteau qui peut, même s’il est fort blâmable, s’expliquer par le sang chaud d’un étudiant sud-américain. Ce qui nous stupéfie, c’est qu’un étudiant d’une école prestigieuse puisse encore, à vingt et un ans, prendre du plaisir à lancer des boulettes de papier. L’Ecole hôtelière ferait bien de se préoccuper de l’âge mental des étudiants qu’elle accueille.

 

Gratuité

 

          Titre d’un communiqué ats du 28 avril : «Swiss : le retour des repas gratuits aura son coût.»

 

          Le corps du communiqué nous apprend que la réintroduction des repas gratuits pour tous les passagers de la compagnie si chère à nos cœurs et à nos porte-monnaie coûtera plus de dix millions de francs. Cela fait cher le repas gratuit. Mais cela ne nous étonne guère : Claude Paschoud le démontrait déjà dans ces colonnes en août 1995 (no 246) dans un article impérissable : «Il n’ y a pas de déjeuner gratuit».

 

Gaspillage

 

          Les finances de la ville de Lausanne sont dans un état lamentable. Mais ce n’est pas grave. Tout finira par s’arranger, et on ne va pas faire des économies dans un domaine aussi essentiel que la culture de masse. C’est pourquoi la commune a acquis pour le prix de 300 000 francs le Théâtre des Roseaux, ex-fleuron du gouffre financier baptisé Expo.02, et a voté pour la reconstruction de ce haut lieu de la culture, désormais voué aux musiques actuelles, un crédit de 2,6 millions.

 

          Compte tenu du vieillissement de la population et du goût beaucoup plus sûr qu’on ne le croit de notre jeunesse en matière de musique, il y a gros à parier que les amateurs de musiques actuelles ne sont pas nombreux au point qu’on gaspille pour eux les deniers du contribuable. Cependant, il ne faut jamais perdre de vue cette maxime hautement démocratique : il y a dans tout adolescent, réel ou attardé, un électeur qui sommeille.

 

 

En direct de Sirius

 

A gauche toute, et vent arrière…

 

Il est désormais de bon ton, en France «empacsée», d’afficher au grand jour ses préférences sexuelles. Surtout quand elles sont «gaies». Ainsi le veut le droit à la différence. Il n’est donc ignoré de personne, dans l’Hexagone, que le maire socialiste de la capitale est de la variété qui ne se reproduit point. Toujours en phase avec l’actualité, la dessinatrice Chard a dûment mis à jour les armes de Paris – une nef sous-tendue par la devise « fluctuat nec mergitur» (elle flotte et ne coule point). La nef est désormais à voile… et à vapeur !

 

Singe rit (et politique du pitre)

 

France (encore) : un professeur de lycée intime à un élève turbulent d’«arrêter de faire le singe». Le petit Congolais n’a pas apprécié, et le professeur encourt désormais les foudres de la justice… Il paraît que, vu sous l’angle du petit Africain, «faire le singe» relèverait de l’injure raciste… Possible, mais sa réaction risque de prêter à confusion… Ne serait-ce pas une manière d’aveu ?

 

Au risque de se tromper…

 

France (peut-être… hélas) : délais rédactionnels obligent, au moment où Max compose ces lignes, le référendum français sur l’adoption de la constitution européenne est à J moins seize et les estimations des instituts de sondages, incertaines, donnent le non et le oui au coude à coude… et prédisent sans doute le vainqueur au gré des stratégies respectives de leurs commanditaires… Occasion rêvée pour jouer les Cassandre. La mort dans l’âme, Max prédit donc un médiocre oui qui devrait venir :

– des bourgeois qui couinent beaucoup avant, mais finissent docilement par rentrer dans le rang en s’empressant de préférer le chant rassurant des sirènes, les sourires des escrocs et la fuite en avant au risque de l’inconnu;

 

– de tout ceux qui n’ont pas compris – comme l’a si bien dit M. Chevènement – que cette consultation populaire était «la dernière station [d’essence] avant l’autoroute» et se sont empressés d’abdiquer de ce qui leur restait de souveraineté nationale;

 

– de ceux qui n’ont pas entendu, sur France Info, cette étrange formulation d’un présentateur : «Le Président Chirac a dit qu’adopter la constitution européenne n’aggraverait pas la situation sociale [bref silence, puis – la précision qui tue :] …selon lui…» [nouveau silence, et passage à un autre point d’actualité];

 

– de ceux qui n’ont pas réalisé que l’Angleterre, qui poussait la France au oui en l’accusant de «nostalgie napoléonienne», a, pour sa part, pris soin de conserver sa livre;

 

– de ceux qui ne se sont pas demandé à quels titres le premier ministre turc, M. Tayif Recip Erdogan et son ministre des affaires étrangères, non-membres de l’UE, ont pu, le 29.10.2004, à Rome, apposer leur signature au bas de l’acte final de la Constitution européenne;

 

– de ceux qui ont gobé que les technocrates de Bruxelles n’avaient «pas de “Plan B”»… lors même que M. Jacques Delors expliquait sur les ondes que si les Français votaient non, «on» organiserait un second référendum (!);

 

– des fans qui ont suivi Johnny (Djôhny ? Jauni ?) – rocker favori de M. Raffarin – promu «chanteur à voix» lorsqu’il indiquait qu’il sillonnait l’Europe… Et de citer, entre autres membres de l’UE… le Maroc (!);

 

– de ceux qui ont vraiment cru que le nouvel aérotransport en commun A-380 devait son essor aux nouvelles arrivées de la Pologne, de Malte ou de la Slovaquie;

 

– de ceux qui se réjouissent d’aller chercher un salaire de misère en Roumanie;

 

– de ceux qui n’ont pas encore compris que les sept cent mille «sans-papiers» «légalisés» avant-hier par l’Espagne socialiste vont sonner à leur porte dès demain matin;

 

– de ceux qui disent oui comme ils obéissent à l’ordre de «signer ICI !»;

 

– des bien-pensants qui ont sacrifié leur indépendance au qu’en-dira-t-on européen;

 

– de ceux – véritable fond de commerce de majorité démocratique – qui, pas plus qu’ils n’avaient lu Maastricht, n’ont lu le projet «parce qu’il y avait un match» ou qu’ils ne savaient pas lire…;

 

– de ceux, enfin, chers à Panurge, qui pensent sérieusement échapper à la boucherie s’ils hurlent avec les loups  et qui entonneront bientôt les paroles de Lama – mais sur l’air de l’«Hymne à la joie» :

«Chuis cocu, chuis cocu, chuis cocuuuu… mais… cooon-tent !»

 

Max l’Impertinent

 

 

Pour rire

 

Un ami m’a fait parvenir, par Internet, un montage futuriste imaginant des monstres issus de manipulations génétiques. On y trouve, entre autres, le chapin (chat + lapin), le croconard (crocodile + canard), l’escarnouille (escargot + grenouille), etc.  Les montages sont bien faits et nous laissent entrevoir un monde...ma foi, pas plus beau que l'actuel.

 

J'ai essayé d'imaginer, dans le même ordre d'idée, ce que pourrait devenir notre Conseil fédéral génétiquement modifié. Le Pamphlet, journal particulièrement sérieux, ne laisse guère de place à l’humour. J’ai toutefois pensé que notre dévouée rédactrice en chef, désireuse de compenser la sévérité intellectuelle des articles de Michel de Preux, pourrait à l’occasion publier les innocentes élucubrations que je propose ci-dessous :

 

- M, Coucheschmid, touchant sa première AVS à 90 ans et à la tête d'une armée suisse de 3000 professionnels dont l’unique mission sera la défense du Tribunal pénal international de M et Mme Milosevic-Del Ponte (unis par les liens du mariage au Vatican par le pape Benoît XXlX)

 

- Mme Calmyleu, ministre socialiste des affaires étrangères et des transports, siégeant en permanence à Bruxelles et se déplaçant chaque fin de semaine à son domicile privé de Genève par la compagnie  aérienne Swissémirat. Son département a installé dans la capitale européenne un salon lavoir dans lequel arrivent chaque semaine, par valise diplomatique, les affaires que les diplomates, suisses et européens, souhaitent blanchir : leur linge, leur argent, ou leur réputation.

 

- M. Blomerz, ministre de la justice et des finances, gérant un budget fédéral annuel équilibré d'un montant de 3854.40 CHeuro, et accueillant chaque année sept millions de réfugiés, soit un par citoyen, chaque habitant helvétique étant tenu par la FAREAS d'héberger un étranger, jouissant, après trois jours de résidence, du droit de vote et d'éligibilité.

 

- Enfin, M. Deiss, accompagné de son inénarrable épouse, n'occupant plus qu'un poste honorifique auprès de l'empereur du Japon (avec lequel il a d’ailleurs fait schmolitz lors de son dernier voyage), les entreprises suisses ayant définitivement renoncé à recourir à un département fédéral de l'économie, aussi coûteux qu'inutile. Il a également été désigné comme président à vie de la Confédération; sa seule tâche, à ce titre, est de prononcer un discours patriotique en espéranto chaque premier août. Cette allocution bénéficie d’une retransmission hebdomadaire, avant la série policière du jeudi, dans la bande d’annonces publicitaires suisses de la chaîne TV M6.

 

Voilà une vision personnelle (…et pessimiste ?) de notre avenir politique génétiquement modifié; chacun pourra poursuivre ce petit jeu au gré de sa fantaisie.

 

Gérald Berruex

 

 

Une société en déroute

 

          C’est trop demander au simple mortel de lutter contre la subversion organisée qui triomphe actuellement sous le vocable, apparemment neutre, de technocratie1. De toutes parts nous parviennent des échos de la chute vertigineuse de l’homme dans le monde contemporain. Ce jour même, je reçois deux textes d’un concitoyen de Suisse romande. Ils portent deux titres évocateurs, même si l’argumentation est maladroite, l’auteur n’étant pas juriste, mais il sent juste : La Suisse trahie – notre constitution fédérale manipulée et La suisse trahie par le totalitarisme juridique. Manifestement, la confiance n’est plus ! D’autres s’en accommodent : un colonel en retraite à qui je confiai récemment que le Conseil fédéral, dans la votation prochaine sur les accords Schengen/Dublin, violait délibérément la Constitution, me fit remarquer le plus naturellement du monde et très spontanément : «Mais il s’en fout !»

 

          C’est vrai !… Dominique Jamet le disait déjà il y a douze ans (et c’est valable pour la Suisse) : «Le milieu politique et la haute administration ressemblent très largement à l’image que l’opinion en a. Ni le sens de l’Etat, ni celui du service public ne constituent, à de notables exceptions près, le souci principal d’un univers gangrené par l’ambition, le carriérisme, la cupidité, les intérêts personnels ou de clan.»2 Aussi, en dehors des cas de violation flagrante de la loi par des magistrats, il ne convient plus de dénoncer d’autres maux, ni d’agir avec témérité sur un terrain qui n’est pas le sien. Pour les gens simples, la religion doit suffire, qui supplée à tout, à condition qu’on la comprenne correctement et qu’elle soit correctement enseignée, et qui n’est suppléée par rien. Je ne dis pas que la religion suffit à tout ! Je dis simplement qu’elle supplée à toutes les carences humaines déjà par cela seul qu’elle condamne l’outrecuidance.

 

          Il faut donc s’en tenir à des principes fort simples, ceux, par exemple, qu’énonçait le pape Léon XIII : «C’est de la Réforme que naquirent, au siècle dernier3, et la fausse philosophie et ce qu’on appelle le droit moderne et la souveraineté du peuple, et cette licence sans frein en dehors de laquelle beaucoup ne savent plus voir de vraie liberté.»4 La licence des opinions, condamnée par l’Eglise à travers le faux droit à la liberté de la presse, parce que ce droit méprise la vérité, comporte en elle-même son châtiment. Tant que les révisionnistes ne comprendront pas que le droit constitutionnel moderne garantit de faux droits comme la liberté de la presse, la liberté de conscience et des cultes ou la liberté d’opinion, ils subiront la loi réelle de toutes ces licences aberrantes, qui impliquent naturellement la répression, même arbitraire, surtout arbitraire dirais-je, de toutes les opinions qui ne plaisent plus et de toutes les croyances fondées par des millénaires d’épreuves victorieusement subies. Quand un faux droit rejette nommément de son propre système de valeurs le respect de la vérité, les hommes qui acceptent de se soumettre à ce faux droit doivent en admettre toutes les conséquences sur eux-mêmes.

 

          Or la vérité, à son sommet théologique et moral, possède un garant sur terre, c’est le Vicaire du Christ. Un protestant converti, Charles-Louis de Haller, l’avait reconnu explicitement en ces termes : «…après avoir rejeté le pape, on rejette tout aussi bien les Conciles, et ceux qui se révoltent contre l’autorité de l’Eglise, ne respectent pas non plus les droits de leurs supérieurs temporels, et encore moins ceux de leurs inférieurs.»5 En un mot comme en cent, s’il faut faire l’Europe, ce qui est un bien, également pour la Suisse, celle-ci se fera autour du pape, autour de Rome, ou ne se fera pas. Qui nie que l’Europe doive être tout entière catholique nie toute l’histoire de son destin à travers la négation «révisionniste» de son origine historique réelle. Nous obligerez-vous à croire ? Non, je vous dis seulement que si vous refusez de croire, vous en subirez les conséquences. N’est-ce pas cela être libre ? L’intelligence même de l’homme est tributaire de ses croyances : «Si vous ne commencez par croire, vous ne comprendrez jamais.»6

 

Michel de Preux

 

1 «L’organisation se substituerait à la lutte des classes comme agent fondamental de la conquête révolutionnaire et les technocrates auraient le champ libre pour construire l’univers concentrationnaire ou, pour mieux dire, pour continuer à le construire. – Les nouveaux princes et leur clientèle tiennent, j’en suis persuadé, l’entreprise pour réalisable et voient dans la technocratie l’heureuse synthèse appelée à couronner l’épopée révolutionnaire; ils se refusent à envisager l’écroulement de leur tour de Babel, écroulement qui sera néanmoins d’autant plus terrifiant qu’elle se sera élevée plus haut.» (Louis Daménie : La technocratie : carrefour de la subversion, éd. Dominique Martin-Morin, Bouère (France) 1973, page 100).

2 Le libre journal de la France courtoise, 21 avril 1993, cité dans Lectures Françaises no 466 (février 1996, page 30).

3 Il s’agit du XVIIIème siècle.

4 Cité dans : L’Eglise et le droit commun, éd. Casterman, page 161.

5 Histoire de la réforme protestante en Suisse occidentale, Paris, éd. Auguste Vaton 1838, page 264.

6 Guillaume de Saint-Thierry : Le miroir de la Foi – la foi et la raison.

 

 

 

«Apprendre à lire et à écrire»

 

Peut-être vous en souvient-il ? Dans les années septante, alors que le Pamphlet n’en était qu’à ses débuts, notre ami Daniel Bassin montait régulièrement aux barricades pour combattre les diverses révolutions que des organismes aux sigles pompeux prétendaient faire subir à l’école vaudoise ou romande. Ce combat, qu’il a poursuivi sur le terrain tout au long de sa carrière de professeur en dépit des ennuis, fut vain, du moins en apparence. Mais notre Cassandre, à la veille d’une retraite anticipée qui en dit long sur sa lassitude, peut aujourd’hui se réjouir : les faits lui ont finalement donné raison. Des voix de plus en plus nombreuses s’élèvent pour que cessent les aberrations engendrées par les réformes de structures et de méthodes qui ont fait de l’école vaudoise l’une des plus médiocres de Suisse.

 

Apprendre à lire et à écrire – Bilan critique et propositions1 empoigne plus particulièrement la question des méthodes d’apprentissage de la lecture et de l’écriture dites globales, semi-globales ou mixtes, parmi lesquelles la trop tristement fameuse Maîtrise de français tient une place de choix. Le constat est clair : les enfants soumis à ces méthodes éprouvent de très grandes difficultés à «reconnaître» les mots, qui ne sont pas des images. Ils ont besoin d’un enseignement de la lecture et de l’écriture allant du plus simple (la lettre et la syllabe) au plus complexe (le mot et la phrase). A défaut, l’enfant aura tendance à deviner les mots qu’ils ne reconnaît pas, ce qui, évidemment, lui donne un sentiment d’insécurité peu propice à l’apprentissage de la lecture, au plaisir de lire et au goût de l’écriture.

 

L’ouvrage comporte quatre contributions. Jean-Philippe Chenaux, rédacteur responsable d’Etudes & Enquêtes, se charge de la «chronique d’un désastre annoncé» qui m’a rappelé pas mal de souvenirs. Françoise Bosset, enseignante vaudoise, aborde, entre autres, le sujet du matériel pédagogique inadapté. On apprend à cette occasion que le Département de la formation et de la jeunesse accorde désormais aux maîtres primaires la possibilité de choisir un manuel étranger (cinq à choix), ce qui est un progrès, même si toutes ces méthodes sont «mixtes», c’est-à-dire encore passablement axées sur l’approche globale. François Truan, enseignant genevois, témoigne de la dégradation de l’enseignement genevois, imputable, comme dans le canton de Vaud, au dogmatisme des réformateurs patentés. La dernière contribution, signée Dr. Ghislaine Wettstein-Badour, fait intervenir les neurosciences et nous parle du cerveau. Je n’ose pas me lancer dans un résumé de sa contribution, car je crains de n’avoir pas tout compris. Il ressort toutefois de son exposé, me semble-t-il, que les méthodes d’apprentissage globales et semi-globales ou mixtes sont incompatibles avec l’organisation du cerveau humain qui a besoin d’aller du plus simple au plus complexe, comme l’avaient compris les pédagogues de bon sens dès la plus haute Antiquuité.

 

Hélas, le bon sens n’est plus de mise. Et il faudra encore longtemps pour que les responsables scolaires et leurs éminences grises comprennent qu’il faut en revenir aux bonnes vieilles méthodes. Nos enfants continueront à ne pas apprendre à lire et à écrire correctement. Au moins aurons-nous la consolation de savoir que l’incompétence se trouve à la Rue de la Barre et non dans nos classes.

 

Mariette Paschoud

 

1 Etudes & Enquêtes no 35, mai 2005, Centre Patronal, case postale 1215, 1001 Lausanne

 

 

Vrai président mais faux déporté

 

 

Malgré de bonnes lunettes, je n’ai trouvé dans la presse romande aucune allusion à une information qui a donné lieu, le 12 mai dernier, à plusieurs centaines d’articles dans les journaux espagnols, français ou belges. La Libre Belgique écrit :

 

Stupeur: le président de la principale association de la mémoire des camps a floué son monde pendant 30 ans. Contraint de reconnaître les faits, il a démissionné.

 

Il a menti pendant près de trente ans. Enric Marco était président de l'association des déportés espagnols jusqu'à la veille du 60e anniversaire de la libération des camps. Ses membres l'ont rappelé de toute urgence le 2 mai, alors qu'il se trouvait déjà à Mauthausen pour commémorer cet anniversaire, et l'ont contraint à la démission. Cette semaine, ce Catalan a finalement reconnu son imposture...

 

Enric Marco a pendant longtemps symbolisé la mémoire de la tyrannie en Espagne. Dans un livre poignant publié en 1978, intitulé Mémoires de l'enfer, il décrivait son parcours. Mécanicien à Barcelone, il affirmait avoir quitté la ville pour la France au lendemain de la déroute républicaine. Actif au sein de la résistance, il aurait été déporté au camp de Flossenburg, en Pologne1, où les premiers prisonniers politiques étaient arrivés au cours du printemps 1938. Jusqu'en 1945, Enric Marco disait avoir vécu des années pénibles, faites de privations et de répressions.

 

Le 1er mai, un historien du nom de Benito Bermejo semait le trouble. En se penchant sur la réalité des camps de concentration, il a démasqué les affabulations du président de la principale association des déportés. Dès la première rencontre, il eut des soupçons en entendant le récit quelque peu prétentieux de l'homme, devenu en cours de carrière secrétaire général du principal syndicat communiste CNT, président de la fédération des parents d'élèves de Catalogne ou encore détenteur de la Croix de Saint Jordi, la plus haute distinction civile régionale. Mais en creusant, il a découvert que le nom de Marco ne figurait tout simplement pas dans les archives du camp de Flossenburg. Neus Catala, seule Espagnole à être sortie vivante du camp de Ravensbrück, a quant à elle été confortée dans son sentiment: depuis de longues années, elle considérait que «ses descriptions ne correspondaient pas à la réalité».

 

Mardi, donc, Enric Marco a été contraint de sortir du bois: «Je reconnais ne pas avoir été interné dans le camp de Flossenburg, même si j'ai été en détention préventive sous l'accusation de complot contre le IIIe Reich.» En l'occurrence, il a été libéré dès 1943, bien avant la libération des camps proprement dite. S'expliquant à la télévision, l'homme reconnaît avoir menti en 1978 pour qu'on lui prête davantage d'attention, mais aussi pour ouvrir les yeux des Espagnols au sujet des souffrances vécues dans les camps. Jesus Ruiz, trésorier de l'association, s'est lamenté au lendemain de cette reconnaissance des faits: «Cette histoire est du pain bénit pour les négationnistes.»

 

On sait depuis longtemps que de fieffés imposteurs ont joint leur voix à celles des vrais déportés, et que même de vrais déportés ont beaucoup menti.

 

Le père d'Anne Frank a été l’auteur d’une très lucrative supercherie littéraire. Wiesel est le plus connu et le plus décoré des faux témoins. Le plus réussi dans le genre imposteur a été, ces dernières années, un Suisse - Bruno Dösseker - qui se faisait appeler Binjamin Wilkomirski et dont nous vous racontions l’édifiant parcours ici même2.

 

Il reste à élucider deux petits mystères : d’abord, pourquoi les vrais déportés, comme Mme Neus Catala par exemple, qui savait la supercherie de Enric Marco, ne dénoncent-ils pas les menteurs ?

 

Et pourquoi, finalement, Enric Marco ou Binjamin Wilkomirski ont-ils été confondus, alors même que d’autres illustres imposteurs poursuivent leur carrière ?

 

Pour le commentateur du site de l’Association des Anciens Amateurs de Récits de Guerre et d'Holocauste (AAARGH)3, l’explication du premier mystère est simple : «Les authentiques déportés sont capable de romancer leur passé tout autant que de vrais imposteurs. La raison en est, nous le savons depuis Rassinier, que les survivants auront toujours beaucoup de mal à expliquer pourquoi ils s'en sont sortis et pourquoi leurs petits camarades y sont resté. Simone Veil [née Jacob] racontait un jour à une télé qu'elle ou sa mère volaient du pain aux cuisines, ce qu'elle présentait comme un acte dangereux, donc héroïque. Mais elle n'insistait pas sur l'autre aspect de cet acte glorieux, celui de priver de pain une autre déportée, moins "héroïque" ou moins chanceuse. Celle-là y est restée pendant que les femmes Jacob s'en sortaient.»

 

L’explication du second mystère est limpide aussi : ni le prétendu Binjamin Wilkomirski ni Enric Marco ne sont juifs. Or, le 28 janvier, le dernier cité avait osé prétendre qu'il y avait des «camps de concentration» en Palestine, devant l'ambassadeur israélien. Pour cette imprudence, il devait payer. C’est fait.

 

Les imposteurs qui font partie de la communauté chérie de Jéhovah ne seront pas inquiétés.

 

Claude Paschoud

 

1 Le rédacteur belge se trompe : Flossenburg se trouve en Haute-Bavière (Allemagne).[Réd.]

2 Phénomène : Le Pamphlet no 290 de décembre 1999, page 4.

3 http://vho.org/aaargh/fran/div/enric.html

 

 

Actualité de Léon Daudet

 

Alors que les chaires universitaires de grec classique et d’italien sont supprimées à Neuchâtel, alors que notre «intelligentsia» se met lâchement à plat ventre devant l’impérialisme de l’oncle Sam, un ami français m’a fait parvenir un livre, aussi intéressant que trop peu connu, de Léon Daudet (1868 – 1942), intitulé Les Humanités et la Culture1.

 

Léon, fils du Nîmois Alphonse Daudet, auteur des Lettres de mon moulin, est député de 1919 à 1924, pendant un lustre seulement, ce qui lui permet de dire : «Qui n’a pas été député ne saurait se faire une idée du vide humain.»

 

Pamphlétaire redoutable, auteur d’éditoriaux virulents dans L’Action Française, aux côtés de Charles Maurras, il publie Les morticoles contre la médecine officielle et la Faculté, Le monde des images contre Sigmund Freud et sa psychanalyse. Le 20 février 1931, son livre Les Humanités et la Culture n’est tiré qu’à 3500 exemplaires.

 

Si les humanités forment le jugement, lequel à son tour développe la raison et la liberté de pensée, il va sans dire que les ploutocrates, les exploiteurs de la Nation n’aiment pas les humanistes, ces hommes libres, indépendants qui ne pensent qu’avec leur propre tête. Ils préfèrent «cultiver» les contre-vérités, la confusion, l’ignorance, le conformisme, le servilisme, pour dominer et mieux exploiter la grande masse citoyenne, inconsciente, ignare, abrutie, acéphale. C’est ce qu’ils appellent «démocratie» !

 

Il existe cependant une classe paysanne, où l’effort est relié à la nature, des individus fort raisonnables et de jugement droit qui n’ont pas fait d’humanités classiques. La sagesse leur vient alors d’une lignée saine et de l’expérience des choses.

 

A partir du XIXème siècle, l’Occident connaît des erreurs politiques, intellectuelles, morales, qui se terminent dans le sang. Nous subissons encore ce fatal héritage.

 

Les grands esprits de l’Antiquité n’ont pas pris de rides. Leur langue si ferme, précise, sincère réveille en nous, dans notre mémoire héréditaire, des racines consubstantielles à nos êtres, des motifs d’action. Les humanités sont une ouverture sur l’harmonie du monde ou encore un épaulement moral. On a parlé du vin pur des humanistes. Baudelaire a précisé : «Un soir, l’âme du vin chantait dans les bouteilles.»

 

Léon Daudet était à la Chambre des Députés en 1922, quand, en dépit de ses protestations, fut décidée la suppression du latin et du grec. Il y voit «l’aboutissement scolaire de trente ans d’insanité républicaine».

 

Que des ministres issus du suffrage universel, de ce «phoque» comme l’appelait Daudet, d’une ignorance aussi fréquente qu’abondante, aient méconnu toutes vérités élémentaires, rien d’étonnant. Mais que, de nos jours, des professeurs, à Neuchâtel ou en d’autres lieux, se soient séparés des prosateurs, des poètes grecs, latins, ou toscans de la Renaissance avec une pareille désinvolture, voilà qui ne peut s’expliquer que par quelques mots : légèreté, inconscience, stupidité, asservissement.

 

Giuseppe Patanè

 

 

1Collection Les effondrements sociaux, éd. du Capitole, Paris 1931, 186 pages et 16 dessins de Sennep..