Lausanne 35e année      «ne pas subir»     Février  2005 No 342

 

 

 

Sommaire :

 

Editorial

L’éditorialiste jette un regard critique sur la Haute Ecole pédagogique vaudoise et sur l’œuvre des pédagogistes qui ont préparé le gâchis.

 

Lire : «Le Goût du Bien commun»

Mariette a lu – et apprécié – le dernier Cahier de la Renaissance vaudoise qui vient de paraître : Olivier Delacrétaz décortique l’alchimie subtile qui fait concourir les énergies individuelles à l’édification du Bien commun.

 

En direct de Sirius

Max explique comment le président de la République française prépare son immunité perpétuelle, comment M. Israël Singer, président du Congrès juif mondial a perdu une occasion de se taire, comment les faux témoins se disputent les faveurs de la télévision et comment l’interdiction d’un symbole risque d’entraîner l’interdiction de quelques autres.

 

La monnaie de sa pièce !

Michel de Preux, à l’aide d’une logique implacable, démontre que l’Eglise catholique d’Espagne s’est elle-même prise les pieds dans les filets du formalisme démocratique : si l’Etat doit être neutre par rapport à Dieu, comme l’Eglise d’Espagne l’admet, le catholicisme doit disparaître de la vie publique et il n’y a pas à s’en plaindre.

 

Masques et dérapages

M. Vincent Bourquin et «24 heures» ont réussi à démasquer l’association qui réclame l’interdiction du port des masques dans les manifestations !

 

Partenariat enregistré

Que faut-il penser de la loi sur le partenariat enregistré qui confère aux couple homosexuels quelques droits, notamment en matière de succession, de bail, de LPP etc. ?

 

Au courrier

Un abonné français explique à la rédaction ce que devrait être un journal contestataire.

 

 

 

Editorial

 

Autrefois, il y avait l’Ecole normale pour les futurs instituteurs. L’Ecole normale avait la solide réputation de former de bons instituteurs et, de fait, l’école primaire était une bonne école. La prim’sup’(primaire supérieure pour nos lecteurs confédérés et étrangers) était confiée aux soins d’instituteurs ayant reçu une formation complémentaire, en allemand notamment, et la prim’sup’ était une bonne école à mi-chemin entre l’école primaire et l’école secondaire. Quant aux maîtres secondaires, leurs études universitaires terminées, ils suivaient un stage d’une année dans un collège ou un gymnase, alliant un enseignement à temps partiel aux cours du Séminaire pédagogique de l’enseignement secondaire (SPES). L’enseignement dispensé par le SPES était insuffisant à bien des égards, mais cet inconvénient était le plus souvent compensé par la pratique pédagogique quotidienne. L’école secondaire était elle aussi une bonne école.

 

         Las ! Les pédagogistes de l’époque convainquirent les responsables de la formation scolaire que le système était mauvais, qu’il fallait réserver l’Ecole normale à des gens qui avaient passé par le gymnase et obtenu un diplôme de culture générale ou, mieux encore, un baccalauréat. Les élèves de prim’sup’ qui avaient fourni durant des décennies le gros du contingent des instituteurs se virent donc écartés de cette formation ou alors contraints de suivre un raccordement qui leur ouvrirait les portes du gymnase.

 

         Enfin, les pédagogistes de notre époque ont convaincu les autorités scolaires que tous les enseignants devaient suivre une formation au moins para-universitaire. C’est ainsi que fut créée la Haute Ecole pédagogique (HEP) du canton de Vaud, avec ses filières différenciées selon le type d’enseignement choisi, y compris pour les universitaires.

 

         Or, enfer, stupeur et damnation, la HEP n’a été qu’un vaste gâchis ! Créée dans la précipitation – il ne s’est écoulé qu’un an entre l’adoption du projet et sa mise en œuvre en 2001 –, la HEP s’est distinguée d’emblée par son amateurisme, sa politique des petits copains et son mauvais vouloir à l’égard des professeurs qui n’étaient pas des inconditionnels d’Ecole vaudoise en mutation (EVM). Résultat : la Conférence des directeurs cantonaux de l’instruction publique (CDIP), Office fédéral de l’instruction publique camouflé, ne reconnaît pas les diplômes de la Haute Ecole pédagogique vaudoise à l’échelon suisse, ce qui les prive a fortiori de toute reconnaissance internationale. Panique à bord : il faut tout reprendre à zéro.

 

         A ce stade, on s’attend à ce que les responsables du gâchis – concepteurs du calamiteux projet, équipe dirigeante qui n’a pas vu venir le désastre – soient promptement virés. Point du tout : on prend les mêmes et on recommence. Ce qui va changer, c’est l’organisation interne de la haute école. On vous passe les détails. Les changements qui nous intéressent sont ceux qui auront des répercussions sur l’école vaudoise en général.

 

         On va supprimer à la HEP la filière des semi-généralistes. Les semi-généralistes sont les maîtres non universitaires qui, le plus souvent, enseignent, à l’échelon secondaire, en voie terminale à options, soit chez les «nuls» selon les critères en vogue. Bien entendu, la disparition des semi-généralistes entraînera, à terme, la disparition des classes de «nuls», ce dont personne ne se plaindra, d’ailleurs.

 

         La disparition des semi-généralistes aura pour conséquence que les vocations pédagogiques non universitaires se regrouperont chez les généralistes comme on appelle maintenant les instituteurs. Ce phénomène inévitable aura pour conséquence une pléthore de généralistes, sauf si on rend à l’école primaire les classes de cinquième et sixième, ce qui  aura lieu certainement, à terme, d’autant plus que le canton de Vaud, ce faisant, s’alignera sur les autres cantons.

 

         Les maîtres secondaires, soit les universitaires qui se destinent à l’enseignement, seront «orientés» vers deux voies : le secondaire I, école secondaire obligatoire, et le secondaire II,  gymnase. On ne voit pas pourquoi la possibilité d’être «promu» au gymnase devrait être refusée désormais aux maîtres du secondaire inférieur, mais là n’est pas la question. Ce qui compte, c’est ce que dit Madame Anne-Catherine Lyon, chef du Département de la formation et de la jeunesse, dans 24 heures du 25 janvier 2005 : «Il est clair que si des maîtres du secondaire I, au bénéfice du même bagage, enseignent indifféremment dans les trois filières des degrés 7 à 9, l’existence de ces trois filières pourrait à terme être remise en question.» Madame Lyon n’explique pas pourquoi le fait que des maîtres aient tous les mêmes qualifications implique qu’il devrait en aller de même pour tous leurs élèves. Tant pis !

 

         Le tableau est brossé : à terme plus ou moins long – c’est-à-dire le plus tôt possible –, l’école vaudoise comportera six ans d’école primaire et trois ans de «cycle de transition», soit neuf ans de classes hétérogènes dans lesquelles les plus doués perdront leur temps et les plus faibles tireront la langue. Seuls les médiocres y trouveront leur compte. Notre école reflétera alors parfaitement la société actuelle, ce qui est évidemment essentiel.

 

         Et si on avait fait exprès de saboter la HEP dès le départ pour parvenir en douce à une nouvelle réforme de l’école vaudoise ?

 

Le Pamphlet

 

 

 

 

«Le Goût du bien commun»

 

C’est sous ce titre que vient de paraître le cent quarante-troisième Cahier de la Renaissance vaudoise1. Signé Olivier Delacrétaz, président de la Ligue vaudoise et éditorialiste de la Nation, ce livre très dense, mais néanmoins accessible à chacun du fait de son approche pragmatique et de son langage clair, montre que la société n’est pas faite d’une addition d’individualités coexistant, indépendamment de toute notion communautaire, au prix de quelques contraintes acceptées au nom de l’intérêt public – celui de l’Etat dans l’exercice de ses fonctions propres – ou de l’intérêt général en principe opposé à l’intérêt particulier. L’auteur démontre que, au contraire, la société se compose d’innombrables communautés de taille et d’importance variables, mais toujours hiérarchisées, au sein desquelles chaque membre apporte sa contribution au bien commun qui est le bien de chacun, puisque, qu’il s’agisse de la famille, de la nation, de l’entreprise, de la corporation, du syndicat, de la commune ou de l’Eglise, il est l’accomplissement de leur finalité.

 

Mais Olivier Delacrétaz n’est pas un rêveur. Il n’ignore pas la distance qui sépare les principes qui régissent les communautés vues sous l’angle de la perfection du fonctionnement des communautés dans la réalité quotidienne : «Nous constatons chaque jour que des couples éclatent, avec tous les dégâts moraux, psychiques et sociaux du divorce. Des familles sont le théâtre d’actes révoltants, des parents abusent de leur autorité, en usent mal ou n’osent l’assumer. Des entreprises meurent par l’incompétence de leur chef, le manque d’engagement des employés, la cupidité et l’impatience des actionnaires. Telle autre, bradée à vil prix par les héritiers du propriétaire, se voit dépecée par des prédateurs financiers. Et nous voyons des patrons se désintéresser de la paix du travail, des tractations avec les syndicats et des conventions collectives; et aussi des syndicalistes révolutionnaires pour lesquels tout accord avec les patrons est une défaite. Nous voyons des administrations publiques bafouer l’autonomie des communautés intermédiaires et interférer en toute incompétence. Nous voyons des Etats entrer en guerre pour des motifs dérisoires. Nous voyons des pays entiers envahis, ruinés, disloqués par les haines ethniques, par la lutte des classes ou des clans. D’autres encore s’écroulent sur eux-mêmes, implosent. Nous voyons enfin d’étranges guerres dites “de basse intensité”, jamais déclarées et jamais terminées, conduites par des soldats sans uniformes, “rebelles”, “escadrons de la mort”, terroristes, snipers…Dans les périodes dites civilisées, le mal est mieux maîtrisé, il prend des formes plus policées, mais il n’est jamais que contenu.»2. En dépit de cette description horrifique, l’auteur estime qu’une réflexion sur les principes s’impose d’autant plus que ceux-ci sont plus gravement bafoués.

 

Cette réflexion, Oliver Delacrétaz l’articule en trois parties dont l’une lui permet de tordre le cou aux «immortels principes» et dont chacune se conclut par une approche du bien commun. Puis vient l’envoi qui conclut que, en dépit de la malice des temps, «Il y a un bien commun possible dans la moins autonome des communautés, dans la plus frelatée des nations, dans l’entreprise la plus menacée de faillite, dans la famille la plus disloquée, la plus endettée, ou au contraire la plus encombrée de biens matériels.

 

Le bien commun est un bien concret qui se réalise hic et nunc : aucune situation n’est si désespérée que l’autorité n’ait pas au moins un petit acte de bien commun à accomplir. Le seul fait qu’un chef réunisse dans sa main les morceaux épars du pouvoir est déjà, par rapport à l’anarchie totale, un premier mouvement de bien commun.

 

         Tout acte qui réunit les personnes et les conduit en direction d’un bien commun est une promesse d’avenir. Plus, il porte d’ores et déjà ses fruits, par le seul fait qu’il est accompli et qu’il est juste.

 

L’effort pour le bien commun fait partie du bien commun.»3

 

Tout est dit.

 

Nos lecteurs trouveront, jointe à ce numéro du Pamphlet, une carte de commande. Nous les invitons à accompagner Olivier Delacrétaz dans sa réflexion sur le bien commun, «ses caractéristiques, sa nature…son goût»4.

 

Mariette Paschoud

 

1 Cahiers de la Renaissance vaudoise, case postale 6724, 1002 Lausanne.

2 pp. 18-19

3 p. 161

4 p. 22

 

 

 

En direct de Sirius

 

« Cuisine » française : recette pour assurer la (confortable) retraite d’un président

L’occupant actuel du Palais de l’Elysée se sait menacé sur deux fronts pour les prochaines présidentielles : par M. Sarkozy, président de son propre parti (UMP), déjà avalisé par New York et Tel Aviv, en attendant les inévitables retombées nationales qui ne manqueront pas d’en découler, et, pour le reste de la masse votante, par l’abandon d’un électorat de circonstance (il fallait, coûte que coûte, faire obstacle à M. Le Pen au deuxième tour du 5 mai 2002) plus du tout amusé par ses éternels numéros de tourne-veste dignes d’un Fregoli, et qui semble avoir enfin pris la mesure de sa mémoire à géométrie variable et du vide insondable de son résonnant verbiage. Conscient du risque judiciaire bien réel1 inhérent à la perte de son immunité en cas de non-réélection, M. Chirac achève donc de placer ses pions pour éviter que sa prochaine retraite en son château de Bity ne se change en déroute, en quelque inconfortable bastille. On assiste ainsi à la savante mise en place, en des postes clefs, d’une impressionnante série d’anciens obligés destinés à devenir autant d’«amis» utiles. Sur le plan législatif, les dernières rumeurs annoncent un prochain texte de loi destiné à assurer à tout ancien président de la République une immunité perpétuelle par la grâce d’une élévation à la dignité de sénateur à vie… Tout à fait comme S.E. le général Agosto Pinochet, présentement mis en accusation par la justice de son pays – mais pour ce dernier, c’est différent : il a les genoux rigides et il ne s’est jamais préoccupé de poser au défenseur des « drouadhlom ».

 

Dur jugement sur la « Suisse pas en guerre »

 

Tout de même ! Il y allait fort, M. Israël Singer, président du Congrès juif mondial (CJM) ce 26 janvier 2005, quand il s’efforçait de prétendre notre pays coupable de «crime» pour avoir eu la sagesse de rester neutre et de se tenir à distance du grand carambolage, cependant que la quasi-totalité du futur «monde libre» déclarait (en partie pour la Pologne) la guerre à l’Allemagne, il y a plus de soixante ans maintenant (Dieu nous préserve de jamais l’oublier !). Cela dit, il n’avait pas grand-chose à craindre de notre très prudent exécutif qui s’est borné à déclarer, par la bouche du très contorsionné M. Samuel Schmidt, qu’il considérait l’affaire comme nulle et non avenue : le CJM n’ayant pas statut de représentation étatique, ses excuses n'étaient donc pas nécessaires; quant à l'affaire de la neutralité suisse pendant la guerre, c’était une affaire réglée (en parallèle avec la facture des fonds réputés «en déshérence»). Il est vrai que quiconque eût trouvé approprié de cingler M. Singer pour son insolence aurait sans doute subi les foudres de l’article 261 bis de notre code pénal ! En revanche, effet pervers d’un «auto-goal» médiatique, la première chaîne de la radio suisse romande n’a pu que reconnaître, au matin du 27, qu'au cours du débat portant sur cette affaire, la quasi unanimité des appels téléphoniques reçus des auditeurs suisses était de nature antisémite et n'avait donc pas pu être «passée à l'antenne» (– Mondieumondieumaisouf !).

 

Leçon d’observation : les mauvais faux témoins

 

Les professionnels du poker connaissent le phénomène : même le meilleur bluffeur trahit sa tension par d’infimes indices physiques, involontaires, mais qui constituent autant de nécessaires soupapes de sécurité. La finesse consiste donc à rendre ces manifestations imperceptibles. Le frémissement d’un gros orteil au fond d’une chaussure vaut mieux que l’inflexion d’un sourcil, si minime soit-elle : il échappe à la vue de l’adversaire. Les menteurs de talent maîtrisent également cet art. Pas les acteurs amateurs. Il était donc aisé à tout observateur attentif de repérer la somme vertigineuse de témoins douteux qui nous a été assénée récemment, par audiovisuel interposé. Il aurait été intéressant de répertorier le nombre impressionnant de regards fuyants soudain en coin, de trémolos de trop, de redites théâtrales, de larmes en différé ou de ruptures de phrasés au moment «psychologique» où de gros mensonges de commande devaient être livrés. Relever les invraisemblances factuelles finissait par paraître secondaire. Seulement voilà…, il y a bien longtemps qu’ont été supprimés, dans nos écoles primaires, les «cours d’observation» et autres «leçons de choses», et que les consommateurs d’images et de commentaires des générations nouvelles absorbent et digèrent les bouillies médiatiques les plus invraisemblables avec une prodigieuse placidité.

 

Bis repetita : interdire le swastika (braves gens, grands niais)

 

L’ex-conseillère fédérale Ruth Metzler s’y était déjà risquée en pure perte2, les ministres «des justices» et «des intérieurs» de l’U.E. tentent la transformation… Il faut interdire le swastika et autres symboles nazis… Réaction logique : des députés conservateurs d’anciens pays satellites de l’URSS (qui savent de quoi ils parlent) demandent – en toute logique et réciprocité – l’interdiction du marteau et de la faucille (on les comprend). D’où une nouvelle impasse pour l’Europe, déjà préoccupée par la question d’endiguer la montée du NPD et du DVU en Allemagne, sans avoir l’air de priver toute une portion de la population allemande qui vote de ses droits fondamentaux. Terrible dilemme. D’autant que, si la prohibition vient à chef, le prix des croix gammées va décupler sur le marché parallèle et certain sellier parisien de luxe se verra contraint de refondre les élégantes frises en fer forgé qui encadrent et soulignent les entrées de sa maison mère, Faubourg Saint-Honoré, et de ses succursales en d’autre villes européennes comme Nice et Cannes (sous toutes réserves en ce qui concerne celles de New York et autres lieux hors UE). Vaste programme et bon courage !

Max l’Impertinent

 

1 Voir sur Internet, la plainte déposée contre le président par l’un de ses sujets, M. Gérard Durninger : http://www.geocities.com/reseauhdj/tgialbert.

2 Cf. « Lettre ouverte à ces politiciens (-ciennes) qui nous maternent tant », Le Pamphlet n° 324.

 

 

 

La monnaie de sa pièce !

 

Dans le numéro 119 (du 20 septembre 2004) de Correspondance européenne, le Professeur Roberto de Mattei, au chiffre 6, traite longuement des menaces qui pèsent actuellement sur l’Eglise d’Espagne en raison de ses prises de position publiques contre un projet de loi gouvernemental visant à instituer une «pleine équivalence juridique» avec la famille de toutes les formes d’unions. Le 15 juillet dernier, la Conférence épiscopale espagnole publiait un communiqué «en faveur du véritable mariage» et précisait que ce projet de loi minait l’institution matrimoniale. A quoi un magistrat répondit ceci : «Le mariage n’est pas l’union selon la nature entre un homme et une femme. Il s’agit seulement de ce que les lois établissent qu’il est.»1 Ces propos furent appuyés fortement, et le même jour, par une menace du ministre des affaires sociales en personne, Jésus Caldera, qui, au cours d’un entretien accordé à Radio Cadena, déclara que le gouvernement avait, dans ces conditions, la ferme intention de revoir la question du financement public accordé à l’Eglise catholique, qui constitue un traitement préférentiel ne correspondant plus à la réalité sociale…

 

Contre les socialistes et leur gouvernement, les parlementaires catholiques s’estiment parfaitement en droit de manifester clairement et publiquement leur opposition à ce projet. L’Eglise catholique elle-même, par la voix de l’évêque de Saint-Jacques de Compostelle, Mgr Julian Barrio, défendit, le 25 juillet dernier, lors de la cérémonie inaugurant l’Année jubilaire de Compostelle, son droit de prononcer des jugements moraux dans le domaine de la vie publique contre «un laïcisme qui se présente comme un dogme fondamental de l’Etat, alors que la foi est à peine tolérée comme opinion privée.» La guerre des prises de position prit encore de l’ampleur lorsque le Conseil éducatif national proposa au gouvernement d’exclure la religion catholique de la liste des matières de l’enseignement ordinaire public2, et que le gouvernement lui-même entend rediscuter les termes du concordat liant l’Etat espagnol à l’Eglise catholique.

 

Dans cette affaire, l’Eglise d’Espagne récolte ce qu’elle a elle-même semé ! La bonne logique est incontestablement du côté des démocrates espagnols et des laïcistes. En effet, si l’Etat comme tel et les autorités qui le représentent ne sont assujettis qu’au seul suffrage des citoyens, sans égard à aucune religion, l’opinion motivée par des considérations religieuses n’a pas sa place dans la vie publique non plus que dans l’élaboration des lois. Cette opinion doit rester strictement privée. A cet égard, l’opinion émise par l’association «Juges pour la Démocratie» est effectivement seule admissible dans le cadre d’un tel régime, et dans la vie publique.

 

Ma position n’a absolument rien d’un sophisme dans la mesure où la loi divine ne saurait s’imposer à quiconque en vertu d’une simple convention humaine qui n’a par elle-même aucune autorité à le faire, pas même cléricale ! L’évêque de Saint-Jacques de Compostelle, Mgr Julian Barrio, est donc dans son tort du point de vue du formalisme démocratique, seul à prendre en compte ici.

 

La Conférence épiscopale espagnole aussi, qui eut recours, dans son communiqué, à une fort instructive comparaison tirée de l’économie : Faire de la fausse monnaie a pour conséquence de dévaluer la vraie monnaie et risque de mettre en péril l’ensemble du système économique.» Comme c’est bien vu !… Mais c’est là pourtant, et très exactement décrit aussi, le régime que cette même Conférence épiscopale espagnole admet sans réserve (depuis Vatican II) lorsqu’il s’agit de la liberté religieuse au for civil externe et de la neutralité confessionnelle de l’Etat espagnol ! Si, au nom du respect de la dignité fondamentale de la personne humaine, l’Etat doit être neutre par rapport à Dieu et à Sa révélation, il va de soi et il coule de source que cette même dignité humaine fondamentale requiert l’absence de tout jugement public qui serait inspiré par la loi divine ou naturelle, mais référée à la première, comme il se doit. Cette règle est nécessaire comme ligne de conduite propre à la démocratie moderne et à son fonctionnement régulier. Sa violation contreviendrait au principe premier de l’égalité absolue entre les citoyens, qui ne peuvent s’opposer et se déterminer que sur des opinions humaines subjectives. Nul, parmi eux, ne saurait se prévaloir que de sa seule autorité propre, à l’exclusion de toute autre, notamment divine, car ce serait alors se servir de Dieu à des fins personnelles ou partisanes, et partant, Le trahir !

 

Pour les catholiques, il n’y a pas d’alternative religieuse au choix démocratique moderne : ou la démocratie sécularisée, c’est-à-dire officiellement athée, est admise, et le catholicisme doit disparaître totalement de la vie publique, ou ce régime est condamné au nom même de la vraie foi au Christ, et alors, dans cette seule hypothèse, le catholicisme peut espérer agir sur la vie publique. Telle est la doctrine sociale de l’Eglise, rappelée par le Pape Léon XIII au XIXème  siècle. Et ce qui vaut pour les formes d’union s’applique également à la question de l’avortement ou de l’euthanasie active. L’Etat sans religion n’a pas d’autre morale que celle qu’il établit lui-même en vertu de sa propre autorité. Et l’autorité de cette forme d’Etat ne peut être légitimement mise en cause que par l’autorité divine directement, c’est-à-dire l’Eglise elle-même ici-bas.

 

Michel de Preux

 

1 Edmundo Achutequi, au nom de l’association «Juges pour la Démocratie», dans El Adelanto de Salamanca, 22 juillet 2004.

2 El Pais du 23 juillet 2004.

 

 

 

Masques et dérapages

 

 

Quelle étrange stratégie, quelle absurde manie l’UDC a-t-elle adoptée de se grimer, de se masquer, de s’affubler de grotesques fausses barbes pour n’être pas reconnue dans ses initiatives et ses propositions !

 

Prenez le cas récent de la Sifa (Sicherheit für alle = Sécurité pour tous, qui devrait logiquement s’abréger Sept en français, mais on aurait immanquablement pensé aux péchés capitaux ou aux nains de Blanche-Neige).

 

La Sifa est une association qui prône la tolérance zéro aux fins de lutter contre la criminalité. Parmi ses propositions, citons : l’interdiction du port des masques pendant les manifestations ( !), l’institution de tribunaux de flagrants délits pour des jugement plus rapides, la diminution du confort dans les prisons et l’introduction des travaux forcés pour les jeunes délinquants récidivistes.

 

Pour qu’on ignore l’influence de l’UDC dans cette association, son fondateur a été choisi en la personne d’Ulrich Schlüer.

 

Mais M. Vincent Bourquin, rédacteur à 24 heures, veillait. On ne la lui fait pas. Il a compris immédiatement la manœuvre sournoise et il l’écrit en éditorial du dodu quotidien vaudois1 : l’UDC démasquée.

 

Comment M. Bourquin est-il parvenu à détecter l’influence de l’UDC derrière une innocente association sécuritaire ? On vous le donne en mille : c’est que M. Ulrich Schlüer est un conseiller national zuricois membre de l’UDC, et il en est même, paraît-il, «un des idéologues».

 

Et voila réduits à néant les efforts de l’UDC pour se cacher derrière une touffue fausse barbe. Ne soyons pas dupes, proclame M. Bourquin, la Sifa est clairement l’un des bras armés de l’UDC, tout comme l’Action pour une Suisse indépendante et neutre (ASIN).

 

C’est comme avec le Père Noël dont la barbe est si manifestement un paquet de coton hydrophile que même les plus petits ne s’y laissent pas prendre. Ça devient lassant à force de monotonie.

 

Pourquoi l’UDC continue-t-elle à se masquer, à se grimer, à s’affubler de barbes postiches, alors que chaque semaine, elle est démasquée par la perspicacité époustouflante de M. Vincent Bourquin et de 24 heures ?

 

Ce qui contribue aussi à démasquer un homme politique, ce sont ses «dérapages». Vous avez sans doute observé que lorsqu’ un orateur abandonne quelques instants la langue de bois et les formules creuses convenues pour asséner quelque vérité dérangeante – et politiquement peu correcte –, la presse, qui s’empresse de relever le dérapage, met en lumière que le tribun a été démasqué.

 

Mais le politicien, à force de dérapages successifs, et malgré la multitude de fausses barbes que M. Bourquin lui arrache hebdomadairement, devient membre du gouvernement, dégraisse une administration pléthorique et pas toujours efficace, et mène une politique appréciée du plus grand nombre.

 

Le sol est maintenant jonché de masques et de fausses barbes. On ne connaît toujours pas le vrai visage du chef, mais il est sûrement horrible. Terré dans son antre, selon la formule consacrée, il tire les ficelles au bout desquelles s’agitent l’ASIN, la Sifa ou quelque autre officine nationaliste.

 

Mais Vincent Bourquin veille ! Merci.

 

 

C.P.

 

1 24 heures du 4 février, pages 2 et 8

 

 

 

Partenariat enregistré

 

Les Suissesses et les Suisses vont devoir voter sur le partenariat enregistré pour les couples formés d’individus de même sexe, puisque le referendum lancé par le Parti évangélique et l’Union démocratique fédérale a abouti avec 66'853 signatures.

 

Résumé du projet

 

Le projet de loi propose de créer le partenariat enregistré, nouvelle institution juridique qui permettra à deux personnes du même sexe n’ayant pas de lien de parenté de donner un cadre juridique à leur relation de couple.

 

Le partenariat est enregistré devant l’officier de l’état civil. Il atteste l’engagement des partenaires à mener une vie de couple et à assumer l’un envers l’autre les droits et les devoirs découlant du partenariat enregistré. Ainsi, les partenaires se doivent l’un à l’autre assistance et respect. Ils contribuent, chacun selon ses facultés, à l’entretien de la communauté. Ils prennent ensemble les décisions relatives à leur demeure commune. Par ailleurs, le projet de loi règle la représentation de la communauté et la responsabilité solidaire pour les dettes qui ont été conclues en représentation de la communauté. Chaque partenaire a le devoir de renseigner l’autre sur ses revenus, ses biens et ses dettes, et peut, en cas de conflit quant à certaines questions importantes pour la communauté, recourir au juge.

 

Comme le veut la réglementation moderne du nom, l’enregistrement du partenariat reste sans effet sur le nom légal. Les deux partenaires ont toutefois la liberté d’utiliser au quotidien le nom de l’autre ou un double nom. Le droit de cité cantonal et communal n’est pas modifié. Si l’un des deux partenaires est de nationalité étrangère, il peut, selon le droit fédéral, demander sa naturalisation après cinq ans de résidence en Suisse dans la mesure où le partenariat est enregistré depuis trois ans au moins.

 

S’agissant de leurs rapports patrimoniaux, les partenaires enregistrés sont soumis à un régime qui correspond matériellement à celui de la séparation de biens du droit matrimonial. Ils peuvent toutefois convenir, par acte authentique, d’une réglementation patrimoniale pour le cas de la dissolution de leur partenariat enregistré, et notamment prévoir de procéder à la dissolution selon les dispositions du droit matrimonial concernant la participation aux acquêts.

 

En ce qui concerne le droit successoral, le droit des assurances sociales, la prévoyance professionnelle et le droit fiscal, les partenaires enregistrés ont le même statut que les couples mariés. Le partenaire survivant a droit à une rente de survivant aux mêmes conditions qu’un veuf.

 

S’agissant du droit des étrangers, les partenaires étrangers sont soumis aux mêmes règles que des conjoints étrangers. Lorsqu’un partenaire enregistré a des enfants d’une précédente union, l’autre est tenu de l’assister de façon appropriée dans l’accomplissement de son obligation d’entretien et dans l’exercice de l’autorité parentale, et de le représenter lorsque les circonstances l’exigent.

 

L’adoption d’un enfant et le recours à la procréation médicalement assistée sont interdits.

 

Le partenariat enregistré est dissous par le décès de l’un des partenaires ou par un jugement. Les partenaires peuvent demander la dissolution par une requête commune. Mais il est aussi possible à l’un des partenaires de demander la dissolution s’ils ont vécu séparés pendant un an au moins. Comme en cas de divorce, les prestations de sortie de la prévoyance professionnelle acquises pendant la durée de la vie commune sont partagées entre les partenaires. Un partenaire peut exiger une contribution d’entretien, mais à des conditions plus restrictives qu’en droit du divorce. Par ailleurs, le juge peut attribuer à l’un des partenaires le logement commun.

 

La conclusion simultanée de partenariats est interdite au même titre que la polygamie.

 

Appréciation

 

Les excès des «Gay Pride» et autres démonstrations publiques grotesques au cours desquelles des grandes folles outrageusement maquillées et des lesbiennes laides et vulgaires interpellaient les passants avec arrogance n’ont pas favorisé la tolérance envers les minorités sexuelles.

 

Il était donc inévitable que vinssent s’affronter sur ce terrain les fondamentalistes chrétiens pour qui l’homosexualité est une abomination, plus ou moins suivis par une large fraction de la population «normale» qui n’aime pas les «pédales», d’un côté et de l’autre les associations de gays et de lesbiennes promptes à jeter l’anathème contre les prétendus «homophobes», timidement suivis par toutes les bonnes âmes qui estiment que «chacun a le droit de vivre comme il l’entend».

 

C’est d’ailleurs cette idée qui sous-tend l’article 8 de notre Constitution actuelle, qui interdit toute discrimination du fait notamment de l’origine, de la race, du sexe, de l’âge, de la langue, de la situation sociale, du mode de vie, des convictions religieuses, philosophiques ou politiques, ou du fait d’une déficience corporelle, mentale ou physique.

 

Cette conception, qui vise à la fois à proclamer un supposé «droit à la différence» et qui exige dans le même temps que les gens différents soient traités comme s’ils ne l’étaient pas, n’est pas dépourvue d’ambiguïté.

 

Dans une réflexion publiée par 24 heures, Mme Francine Brunschwig souligne que pour les organisations d’homosexuels militants, le partenariat ne constitue qu’une étape sur le chemin du mariage civil et du droit à l’adoption. Après avoir fait observer que les questions soulevées par les référendaires méritent réflexion, elle craint qu’on ne colle à ces derniers, qualifiés d’empêcheurs de tolérer en rond, l’étiquette trop simpliste d’homophobes fondamentalistes. Elle poursuit : «Est-ce faire preuve d’intolérance que d’affirmer sa réticence à faire fi des repères ancestraux qui constituent le fondement de notre société, d’éviter de remettre en question le droit fondamental et biologique de l’enfant d’avoir un père et une mère, de se demander si le respect et l’intégration sociale des homosexuels implique forcément de gommer toute différence entre une union homosexuelle et hétérosexuelle…»

 

En réalité, personne n’a le droit de vivre comme il l’entend. Non seulement vous ne pouvez écouter un opéra chez vous à n’importe quelle heure, vous ne pouvez vous promener nu sur une plage, mais vous ne pouvez même pas penser différemment de la vulgate officielle sur certains sujets sensibles.

 

Mais la tolérance à l’égard des minorités est à géométrie variable. La tolérance est de plus en plus grande pour les homosexuels, elle est de plus en plus mince pour les fumeurs. Elle est grande pour un «jeune» des banlieues françaises qui incendie des voitures et qui lance des pavés à la tête des flics, en leur criant : «Salaud de Blanc, je te nique». Elle serait inexistante à l’égard d’un jeune skin qui, sans incendier aucune voiture, crierait : «Connard de Nègre».

 

Il n’empêche qu’à notre avis, il est équitable d’accorder à un couple homosexuel vivant une relation stable un statut comparable à un couple hétérosexuel aux points de vue (limités) du droit successoral, de l’octroi d’une autorisation de séjour pour étranger, de la prévoyance professionnelle ou du droit du bail.

 

Le plus important pour la préservation des repères ancestraux qui constituent le fondement de notre société, comme l’écrit Mme Brunschwig, c’est que l’enregistrement du partenariat n’aura aucune influence sur le droit au nom, c’est l’interdiction de l’adoption conjointe ou du recours à la procréation médicalement assistée.

 

Si les milieux homosexuels me convainquent que le projet de loi actuel les satisfait, qu’il n’est pas qu’une étape vers le droit au mariage et à l’adoption, ils me trouveront à leurs côtés.

 

Claude Paschoud

 

 

Au courrier

 

Cher Pamphlet,

 

Vous trouverez ci-joint ma participation pour un nouvel abonnement. Votre revue continue à m’agacer, mais je dois y trouver mon compte.

 

En tant que Français, je me délecte de voir la Suisse s’empêtrer dans le socialisme, comme la France il y a 25 ans, l’expérience des autres n’a que bien peu de valeur…

 

En tant que Suisse, cette perte de temps et d’argent me navre bien sûr.

 

Car, n’en déplaise à Michel de Preux, je suis Suisse et Français et n’ai pas l’intention de renoncer à cette prérogative qui semble lui être insupportable. Devrais-je renoncer à la France de mon père ou à la Suisse de ma mère ? Le manichéisme n’est plus à l’ordre du jour. Je ne suis fondamentalement pas socialiste mais peux reconnaître que certaines de leurs idées valent d’être évaluées. J’aime foncièrement les femmes, mais des hommes ont pu me troubler, je suis farouchement protestant, divorcé et franc-maçon et cela ne m’empêche pas de communier avec bonheur dans les églises catholiques dont Michel de Preux voudrait sans doute m’interdire l’entrée. Je suis heureux d’appartenir à la culture française et malheureux de l’esprit franchouillard qui domine mon pays. Je suis heureux d’être Suisse, un pays qui a réussi la confédération et malheureux de voir ses habitants repliés sur eux-mêmes et méprisants envers les étrangers, à commencer par les Français.

 

Un journal contestataire ne se doit pas de dire la «vérité», car il devient dogmatique. Il devrait plutôt susciter la réflexion et suggérer à ses lecteurs d’apprendre à se forger leur opinion sans se la voir imposer par d’autres. Le refus de la pensée unique, voilà une idée sur laquelle tout le monde est d’accord… !

 

Bien cordialement.

 

N.G.