Lausanne 34e année      «ne pas subir»     Décembre  2004 No 340

 

 

 

Sommaire :

 

Editorial

L’éditorialiste essaie de surnager dans la griserie ambiante

 

Pourquoi devient-on dealer ?

Notre correspondant permanent «au bout du Lac» nous entretient de John qui aime les beaux habits

 

Communiqué

Il faut soutenir dans le canton de Vaud le referendum contre la loi sur les EMS !

 

En direct de Sirius

Max nous conte les malheurs d’un chasseur, la renaissance des espions-tueurs, la destinée d’un âne militaire, le destin d’un grand honnête homme (et pourtant condamné) et proclame son refus d’assumer certains travaux…

 

Protestation

Quand un protestant proteste…

 

La loi de l’enfer !

Sans une claire distinction entre le vrai et le faux, le mot «tolérance» ne signifie rien !

 

Au courrier

«A quoi servent les radicaux ?» nous demandions-nous le mois passé. Un lecteur répond.

 

Il faut dissoudre Pro Helvetia !

La récente polémique sur l’exposition Hirschhorn n’est que le révélateur d’un problème plus profond. On ne le résoudra qu’en liquidant Pro Helvetia et les officines fédérales s’occupant de «culture».

 

 

 

Editorial

 

Les contributions ont été si nombreuses ce mois-ci que le rédacteur responsable de notre «feuille d’extrême droite» n’a pas été en mesure de les publier toutes. Max et Claude ont fait les frais des choix de Mariette qui compte sur leur inépuisable compréhension, et qui a dû elle-même se restreindre, comme vous pouvez le constater. Il a fallu également remettre à plus tard le traitement de plusieurs sujets tels que la création de l’Association romande contre la drogue, les deux derniers volumes d’Etudes et EnquêtesLibérez l’école ! et Quand le juge fixe le salaire – publiés par le Centre patronal, ou encore la grève des employés de Filtrona – qui exigent de pouvoir contribuer éternellement à nuire gravement à la santé de leurs contemporains fumeurs actifs ou passifs, en fabriquant des filtres de cigarettes –, tous événements qui auraient mérité un commentaire approfondi. Ce sera pour la prochaine fois, si l’actualité du moment le permet.

 

En cette fin d’année, il n’est peut-être pas inutile de faire un petit tour d’horizon, car notre beau pays, où il fait certes bon vivre, à condition d’observer strictement certaines règles de comportement, donne des signes de faiblesse.

 

Les Suisses ayant rejeté l’égoïsme et l’obscurantisme, selon la manchette du Temps du 29 novembre, les embryons surnuméraires vont prendre le chemin des laboratoires, pendant que des couples stériles iront chercher à l’autre bout du monde des enfants à adopter et que l’avortement détruira chaque année des milliers d’embryons pas surnuméraires.

 

Des pasteurs se muent en grévistes et en hors-la-loi (cf. p. 2).

 

Nos conseillers fédéraux, quand ils ne sont pas en voyage, s’entre-dévorent au lieu de faire leur boulot.

 

Les conseillers d’Etat vaudois ont perdu le cap dans tous les domaines.

 

La plupart des journalistes ont plus que jamais le cœur à gauche et ne se privent pas de le manifester en toute occasion, surtout en truffant des articles prétendument d’information de commentaires ou d’allusions fielleux contre tous ceux qui ne sont pas de leur bord.

 

L’art devient de plus en plus un métier subventionné où l’on peut se permettre n’importe quoi (cf. p. 4).

 

Il fait froid, il fait gris, c’est l’hiver. Que fait le gouvernement ?

 

N’allongeons pas : c’est trop déprimant, et de toute façon, nous manquons de place.

 

La rédaction du Pamphlet a le plaisir de vous annoncer qu’elle vous retrouvera l’an prochain, si vous voulez bien continuer à la lire. En attendant, elle souhaite à chacun d’entre vous un joyeux Noël et une heureuse année 2005.

 

Le Pamphlet

 

 

Point de vue du bout du Lac

 

Pourquoi devient-on dealer ?

 

Dans mon dernier article, je faisais allusion aux problèmes que pose, dans la cité de Calvin, la prolifération de trafiquants de drogue. J’aimerais revenir sur ce point en m’appuyant pour cela sur un témoignage paru dans Le Temps en date du 21 juin 2004, sous le titre Coke en stock dans les rues de Genève, et qui trace le parcours de John (prénom fictif), jeune requérant d’asile de 19 ans, originaire de Côte d’Ivoire et dealer de cocaïne. Ce témoignage m’a semblé particulièrement intéressant, car il n’expose que des faits, sans parti pris ni allusion idéologique d’aucune sorte. En voici quelques extraits qui me semblent illustrer de façon criante que les politiques en matière d’immigration et de répression sont à revoir.

 

«John raconte qu'il est arrivé en Suisse via l'Italie il y a un an. Dans l'attente de son statut de réfugié politique, il est hébergé dans un foyer dans le canton du Jura. Mais John préfère passer son temps à Genève: “Là-bas, tu restes à la maison, tu dors, tu t'embêtes. Et puis dans mon foyer, il y a beaucoup de Guinéens, et je ne m'entends pas bien avec eux. Avec la carte Voie 7, je voyage pas cher et je peux dormir chez un copain, dans un foyer à Plainpalais. Ici, il y a plein d'Ivoiriens, c'est plus facile pour travailler.”» 

 

Voici un an donc que ce jeune homme attend. Il ne peut pas travailler et donc s’ennuie. Alors, il fréquente les mauvais milieux et fait comme tout le monde. N’y aurait-il pas quelque chose à faire en amont afin que ce garçon reçoive une réponse positive ou négative à sa demande d’asile, avec structures d’intégration s’il est accepté en Suisse et retour au pays s’il est refusé, dans des délais qui se compteraient en jours voire en semaines et non en années ? Il n’y aurait pas d’inconvénient dans ce cas à ce que les demandeurs d’asile soient gardés dans des structures d’accueil, sans possibilité d’en sortir jusqu’à ce que les autorités compétentes aient statué sur leur cas, ce qui éviterait de les voir se volatiliser dans la nature.

 

«Comme beaucoup de dealers de cocaïne, John “travaille” plutôt le soir. Il sait que la ville est découpée en zones de vente. Chaque quartier a son propre réseau de distribution, sous le parrainage d'une ethnie. Les frontières sont bien délimitées, tout le monde les respecte (…). “A Genève, la place des Augustins est contrôlée par les Sénégalais, comme le Mcdo de la Servette. Les Maliens gèrent le business. Ils achètent en gros et alimentent les revendeurs (…). A la gare, on se mélange tous, même si c'est plus difficile aujourd'hui à cause de la police qui nous gêne beaucoup.”»

 

On constate que tout cela est bien organisé et que tout serait pour le mieux dans le meilleur des mondes s’il n’y avait pas cette fichue police qui est tout de même très gênante. Eh bien, moi je trouve cela assez rassurant, mais en même temps je pense que cette fichue police devrait être un peu plus que gênante, par exemple omniprésente, ou totalement insupportable, au point que ce n’est plus possible de travailler dans ces conditions, chère madame. Mais pour cela il faudrait des moyens qui semblent à nos chers élus mieux investis dans la culture et les subventions de tout poil.

 

«John vend chaque jour une trentaine de boulettes de coke entre 40 et 50 francs l'unité.(…) “Des fois, j'arrive à économiser 1000 francs par jour, souligne John. Les anciens, eux, arrivent à se faire dans les bons jours 2000 francs. (…) Avec l'argent que je recevais de l'asile, je ne pouvais pas me payer de beaux habits.” »

 

Il est clair que de tels revenus feraient envie à nombre d’employés de ma connaissance qui triment leurs 42 heures de travail hebdomadaires pour toucher finalement en un mois ce que ce jeune homme gagne en 3 jours. Il est vrai que lorsqu’il prendra sa retraite, il ne bénéficiera pas du 2ème pilier, mais bon… Ce qui m’interpelle surtout, c’est l’absence absolue de conscience du caractère immoral de l’acte. Ce garçon répond certes à une demande de la part de consommateurs, il ne fait a priori pas de marketing pour vendre ses produits, mais il n’a aucun problème à se regarder dans un miroir le matin, alors qu’il passe sa journée à utiliser la dépendance des drogués pour s’enrichir et tout cela pour quoi ? Pas pour nourrir sa famille restée au pays dans une misère noire, ni pour financer une quelconque cause à laquelle il croirait. Non, il s’agit de s’acheter des beaux habits. Peut-on en conclure que John est totalement dépourvu du moindre sens moral ? Peut-être, mais finalement ce n’est pas certain. Ce qui est clair, c’est que dans notre société, la consommation est la première valeur de référence. Il n’est pas surprenant que, pour quelqu’un qui débarque d’un pays en voie de développement où la consommation se limite aux besoins vitaux, notre mode de vie semble paradisiaque et que tous les moyens pour y accéder soient bons.

 

«Une chose est sûre: John aime la Suisse. “Ici, c'est facile de demander l'asile: on est nourri, on est logé, on a de bonnes chambres. En France, si je me fais attraper avec deux grammes de cocaïne, je vais en prison pendant longtemps. Ici, c'est plus tranquille. J'ai reçu des coups par les policiers genevois (il montre son ventre et sa pommette gauche), mais ça n'a rien à voir avec les Français. A Genève, on est bien. La vie est facile.”»

 

C’est la conclusion du témoignage et tout est dit. C’est facile. En France, c’est pas la joie, mais en Suisse, en tant que dealer de drogue, on est bien, peinard. Je crois que la première chose à faire, avant de mettre quoi que ce soit d’autre en place, c’est de rendre la Suisse aussi peu attractive que possible pour ce genre d’individus. Cela passe par un répression fulgurante et impitoyable, des peines d’emprisonnement lourdes et des taules dans lesquelles les mots plaisir ou loisir n’auraient aucun sens. Il n’est pas exclu que dans ce contexte, il soit moins aisé pour les grossistes de trouver des revendeurs disposés à prendre les risques du métier.

 

 

Xavier Savigny

 

 

Communiqué

 

La loi sur les EMS a été adoptée par le Parlement le 7 décembre 2004. A l’issue du débat parlementaire, la LEMS a les mêmes conséquences qu’elle avait dans le projet de loi, à savoir :

 

Ø     une augmentation des prix mis à charge des pensionnaires d’EMS et des contribuables,

Ø     une réduction des prestations pour les pensionnaires d’EMS,

Ø     une diminution des postes de travail pour le personnel des EMS,

Ø     aucun progrès sur le plan du contrôle financier et de la qualité des prestations.

 

Les autorités de ce canton pensent que l’Etat peut se créer des recettes aux dépens des pensionnaires et des employés des EMS, et en alourdissant la facture sociale.

 

Nous allons demander au peuple vaudois de se prononcer sur cette loi par voie de référendum. La demande de référendum est soutenue par le comité de l’Union des retraités de l’Etat de Vaud (UREV) et le comité de la Fédération vaudoise des retraités (FVR).

 

 

Lausanne, le 9 décembre 2004.

 

Marie Guignard,

Présidente Résid’EMS

 

 

Ndlr : les listes de signatures ne sont pas encore disponibles. Vous les trouverez dans notre prochain numéro.

 

 

En direct de Sirius

 

France – Un ancien ministre communiste se tire dans le pied – Justice immanente ou tentative de suicide ?

 

Monsieur Jean-Pierre Gayssot, fugace ministre des transports et opportun député «père porteur» de la loi bâillon (dite «Fabius – lui-même»)1 se tire une décharge de plombs en allant braconner la bécasse2 et y laisse deux orteils du pied droit. Marx merci, il ne s’agissait pas d’une battue au sanglier - on tremble à l’idée du dommage que le «mal-à-droite» aurait subi d’une balle à ailettes. Mettant en parallèle le point d’impact et la notoire immobilité d’esprit de l’amputé, on peut cependant se demander s’il ne s’agissait pas plutôt d’une tentative de suicide… Le remords, qui sait ? Toujours est-il qu’une volée de métal lourd à bout portant dans le pied… « Ça a dû faire maaal ! [soupir] Et il n’avait pas de Syntol…[silence navré] le pôôôvre ! »3

Réciprocités

 

Nos amis français commencent à soupçonner l’ingérence d’agents provocateurs – pudiquement dénommés «conseillers» par la presse inféodée – de certain petit pays du Proche-Orient dans les problèmes qu’ils rencontrent en Côte d’Ivoire. Il n’est peut-être pas inutile de leur rappeler que, sous l’ère d’angélisme du président Carter, la C.I.A. s’était vu interdire les liquidations, une des activités inavouables mais nécessaires de tout service  d’action. Pour tourner cette difficulté et rester efficace, elle avait dû recourir aux «torpilles» dudit petit pays. Les expéditions en un monde meilleur et autres coups fourrés purent ainsi continuer en toute candeur à la satisfaction mutuelle de l’obligeant et de l’obligé. Une main lavait l’autre et les ascenseurs se renvoyaient allègrement, comme il sied entre gens de bonne intelligence. L’agence états-unienne a, depuis, repris ses aises, et le Géant idiot peut envoyer ad patres qui bon lui semble, à l’unité ou en voyages de groupes, sans craindre la réprobation d’une opinion publique envasée dans la crainte du «terrorisme mondial», mais chacun sait que certaines vilaines habitudes peuvent devenir manies…

Parfum de Paris

 

Retour de Paris, Max a remarqué, hormis certains arrondissements du nord où les indigènes ont définitivement cédé le pas aux sauvages – dont l’invasion semble cependant circonscrite –  et le métro – où les « Français d’en bas », encadrés par les rondes de police et noyés dans les hordes de «potes» des trois sexes d’origines non-assimilables, ont adopté le profil bas – que les Parisiens de souche étaient disponibles et aimables entre eux comme avec le touriste. A l’inverse de Genève, le piéton surpris à contre-feu n’est jamais le gibier potentiel d’accélérations rageuses ou la cible de klaxons moralisateurs et vindicatifs, et l’étranger perdu ou le client probable sont accueillis avec gentillesse et disponibilité. Les rues commerçantes sont plus attirantes que jamais et c’est un plaisir de se procurer les rares survivants de la presse d’opinion lorsque que c’est une accorte amatrice de Mozart qui vous les tend en souriant. Paris surprend toujours...

Ane «sept étoiles », mais frère «trois-points»

 

Suggestion de cadeau de Noël à ceux de nos lecteurs, qui aiment à réviser leur Histoire : découvrir, grâce à  Joffre – L’âne qui commandait des lions4, sous un aspect nouveau et sans fard la consternante personnalité de l’homme qui, face aux mitrailleuses «Maxim» en tir tendu croisé, envoyait ses soldats «[dénouer] la situation à l’arme blanche». « Attaquons ! Attaquons !» était le leitmotiv du futur maréchal franc-maçon, commandant en chef si prompt à envoyer ses hommes se faire hacher en terrain nu dans des offensives à outrance que le très capable général Lanrezac avait fini par le surnommer : «…comme la lune».

A rapprocher d’un certain généralissime Gamelin, arrivant à son état-major, en pleine offensive allemande de mai 1940, frais et dispos, de ses huit heures de sommeil quotidiennes, et commençant son rapport par : «Sans vouloir me mêler de la conduite des opérations…».5

«Cuisine» française : Le petit Noël de Monsieur Juppé

 

Versailles, 1.12.2004 : par décision de la Cour d’appel, réduisant sa condamnation originale du 30.1.2004 (18 mois avec sursis et 10 ans d’inéligibilité), l’ex-chef de gouvernement et «le meilleur d’entre les UMP» écope au final de quatorze mois avec sursis et d’un an d’inéligibilité pour «prise illégale d’intérêts» – soit une double ristourne judiciaire de 22 et 90%, respectivement –, petit tour de passe-passe judiciaire destiné à le rendre présidentiable aux prochaines élections. Le Nice Matin du  lendemain6 offre à ses lecteurs une vue plongeante sur la calvitie du condamné tout sourire, qui n’est pas sans rappeler certaine sculpture polychrome de Saint Nitouche (le martyr) en l’abbatiale de Sainte Carambouille-sur-Pèse. Pour la petite histoire, on retiendra que l’arrêt définitif a été lu dans un endroit approprié, puisque le journal azuréen nous apprend qu’il s’agissait de l’ancien bâtiment des écuries de Louis XV.

Non aux travaux forcés ! (Je suis paresseux)

 

Il n’est pas de jour sans qu’à l’occasion d’une gamine chue accidentellement par la fenêtre d’une salle de classe, d’une douzaine de badauds précipités dans un bassin de radoub par la rupture d’une passerelle ou d’une centaine de touristes volatilisés dans la désintégration finale d’un vol «charter», les médias nous balancent le refrain du «travail de deuil» ; pas de commémoration de vilaine action historique, avérée ou hypothétique, sans que les mêmes, sur l’air des lampions, nous ordonnent un «travail de mémoire». Offres appuyées que je ne manque jamais de décliner : je suis paresseux.

Je me mets au travail quand j’en ressens la nécessité ; je fais seul et sans aide mon deuil de ceux qui m’ont été chers, voire d’inconnus qui m’ont ému, persuadé du bien-fondé de l’adage qui veut que «quand on n’est pas capable d’enterrer ses morts, on n’en accable pas les vivants». Individualiste incorrigible, je nourris librement ma mémoire, sans la surcharger de celle d’autres bipèdes, arbitrairement imposée sous l’étiquette suspecte de «mémoire collective», et dont je considère qu’elle ne m’appartient pas. Moyennant quoi je suis heureux autant qu’on peut l’être et n’ai pas le sentiment d’encombrer mes semblables… à qui je souhaite, au passage, un joyeux Noël.

 

Max l’Impertinent

 

1. L’amendement Gayssot à la loi de 1881 « sur la liberté (sic) de la presse » s’apparente à notre disposition scélérate de l’article 261 bis CPS.

2. La «passée à la bécasse», interdite en France, peut valoir une amende de 1500 € au délinquant, assortie de deux ans d’interdiction de chasse.

3. …d’une fort réjouissante publicité sur une chaîne TV française.

4. Par Roger Fraenkel, éditions Italiques, 6, place de la Madeleine, F-75008 Paris, ISBN 2-910536-51-3.

5. Témoignage du général Beaufre.

6. N° 20709, du 2.12.2004, pp ; 1 et 11.

 

 

Protestation

 

(Lettre adressée au Conseil synodal de l’Eglise réformée du Canton de Vaud par un de nos fidèles lecteurs. Réd.)

 

Concerne : votre prise de position politique au sujet des réfugiés

 

Monsieur le Président,

Mesdames, Messieurs,

 

En préambule, permettez au soussigné de se présenter brièvement : 72 ans, paroissien (plus ou moins fidèle) de la paroisse réformée de Clarens, ancien conseiller de paroisse de la paroisse de Lucens et membre de la commission de jeunesse du 1er arrondissement écclésiastique (années 60).

 

Les journaux de ce jour titrent : «Les protestants s’opposent frontalement au Conseil d’Etat». Cette affirmation, certes très journalistique, a été néanmoins inspirée par la prise de position de votre Conseil ; elle éveille en moi les remarques suivantes :

 

1.      A quel titre prenez-vous des positions politiques qui engagent l’ensemble des protestants ? On pourrait éventuellement s’attendre à un tel débordement d’autorité de la part d’une Eglise hiérarchisée comme l’Eglise catholique. Votre Conseil, en revanche, a pour mission, à ma connaissance, de présider aux structures et à la bonne marche de notre Eglise. Vos décisions de type organisationnel (d’ailleurs pas toujours judicieuses) doivent être respectées dans la mesure où toute communauté, civile ou religieuse, a besoin d’un minimum d’ordre pour assurer son unité et sa bonne marche. A ces activités pratiques peuvent s’ajouter, occasionnellement, des prises de positions théologiques, encore que le protestantisme permette, c’est à la fois sa force et sa faiblesse, des interprétations assez libres. Ce qui est en tout cas inadmissible, c’est que votre Conseil s’exprime politiquement au nom des protestants.

 

2.      J’imagine bien entendu votre contre-argumentation : «le problème n’est pas politique, mais il est de nature chrétienne». Et, pour étayer ce point de vue, vous citez l’Évangile de Matthieu : «J’étais un étranger et vous m’avez accueilli». Une fois encore, la pratique est courante dans les milieux ecclésiastiques : faire un usage abusif de nos versets bibliques. Combien de fois, dans ma vie d’officier, ai-je entendu des objecteurs de conscience se référer   au verset «Tu ne tueras point» pour justifier leur position antimilitariste. C’est naturellement détourner de sa véritable signification un ordre biblique. Comme pour la plupart de ces injonctions, il s’agit de proposer au croyant une attitude personnelle à mettre en pratique dans sa propre vie et non d’une directive à faire appliquer au niveau de la législation d’un État. Décidément, le Conseil synodal ne fait pas mieux que mes objecteurs de conscience ! Ma réaction individuelle face à un prochain, quel qu’il soit, suisse ou étranger, avec ou sans papiers, peut s’inspirer de l’Évangile, mais ne poussez pas l’hypocrisie jusqu’à faire valoir cet argument dans l’application de lois dûment votées, en bonne et due forme !

 

3.      En lisant votre prise de position de ce jour, j’ai cru lire un programme de parti politique. C’est bien dans ce cadre que doivent être traités de tels problèmes et non au travers de l’Eglise. Si j’adhère à un parti, je connais son programme ; je l’approuve ou je démissionne du parti. En revanche, mon adhésion à l’Eglise réformée est basée sur d’autres espérances. Le message spirituel de l’Eglise est certes plus difficile à faire passer, ce n’est pas une raison pour se rabattre sur des actions qui entravent la marche de l’Etat. A mon tour de me référer à la Bible : «Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu» (Marc 12 :17) !

 

4.      J’envoie une copie de la présente aux instances responsables de ma paroisse en espérant qu’elles sauront se distancer des injonctions de leurs autorités ecclésiastiques. Puisque le Synode manifeste un esprit de révolte face à l’Etat, autorité dont il dépend matériellement, on peut également attendre des paroisses qu’elles prennent leurs distances face à leurs autorités.

 

Si vous avez eu la patience de lire mon texte de bout en bout, je vous remercie de l’attention que vous y avez porté. Contrairement à votre autorité, je n’ai pas la prétention de parler «au nom des protestants» ; je pense néanmoins que nombre d’entre eux pourraient souscrire à mon point de vue. C’est avec eux que je vous demande davantage de retenue afin de ne pas créer inutilement au sein même de notre église de nouvelles divisions.

 

Veuillez agréer, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, mes salutations distinguées.

 

 

Gérald Berruex-Kurz

 

 

La loi de l’enfer !

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Pour tuer la vie de l’esprit, il suffit de placer toute vérité sous le régime de la tolérance, de considérer toute vérité établie comme une simple opinion.

On peut alors, selon les circonstances, la proscrire au nom de n’importe quel intérêt.

 

 

Le thème de la tolérance et le droit à la tolérance sont au cœur de notre système de pensée sociale et politique et de notre dispositif juridique. J’écoutai récemment sur la 2ème chaîne de la radio romande, dans le cadre de l’émission Le temps qui court, un invité, Yves-Charles Zarka, nous parler de son livre, Difficile tolérance, publié aux Presses Universitaires de France (le 1er décembre 2004).

 

         Tout le monde, et en premier lieu le monde universitaire lui-même, semble oublier ce fait , pourtant élémentaire et essentiel, qu’on ne saurait parler de tolérance, en concevoir le sens, si, au départ, on se refuse à faire une distinction préalable entre le vrai et le faux, le juste et l’injuste, le bien et le mal ! En dehors de ces points de repère, le mot lui-même de tolérance ne signifie plus rien.

 

         Dès lors que l’on réduit tout au statut de l’opinion, l’échange d’opinions perd son intérêt. Notre monde le sent bien, qui s’invente – et ce n’est pas un hasard s’il le fait – de nouveaux interdits, afin de fixer des limites, fussent-elles purement fictives ou arbitraires, au tolérable. Mais ce n’est là qu’un procédé éminemment contestable, moralement trouble et intellectuellement inepte.

 

         Quand les critères objectifs et sérieux, fondés, de la tolérance font défaut ou sont récusés, en particulier par le rejet de la religion ou de la morale naturelle et objective, des dogmes qui leur sont liés, et des autorités propres à les énoncer ou les défendre, la tolérance est mystifiée, aboutit même à son contraire pratiqué dans l’hypocrisie la plus abjecte. Dans un climat de scepticisme généralisé et obligatoire, nous abandonnons à la seule violence la solution de tous les conflits humains, de tous les différends, puisqu’on ne peut s’entendre sur rien !

 

         A cet effet, les sceptiques modernes, c’est-à-dire ceux qui font du scepticisme général un dogme de foi laïque implicite, ont inventé la notion d’extrémisme. Elle est très utile, car elle conforte leur idéologie creuse, sert leur bonne conscience par l’octroi d’un label de modération qu’ils s’attribuent à eux-mêmes et permet l’utilisation du mot de tolérance dans une acception pour le moins curieuse et paradoxale : cette «tolérance-là» sert, en fait, le fanatisme !…

 

         C’est très exactement ce que constate notre universitaire dans son livre en évoquant l’état du monde présent à l’échelle internationale, où aucune religion, aucune morale ne prédomine. Cet état engendre des antagonismes de mort. Là où ne s’impose aucune vérité, aucune morale, les hommes et les sociétés sont livrés à la lutte pour la vie.

 

         Louis de Bonald définissait le secret de cette vaste supercherie dans cette réflexion : «On peut être modéré avec des opinions extrêmes. C’est ce qu’affectent de ne pas croire ceux qui sont violents avec des opinions faibles ou médiocres.» Derrière cette stratégie de la tolérance pour les opinions faibles ou médiocres et de l’intolérance pour les opinions extrêmes mais fortes parce que fondées, se révèle crûment l’égalitarisme, le rejet forcené, passionnel et totalement irrationnel, de toute supériorité de pensée, de religion, de morale. Le faux dogme de la tolérance religieuse permet d’étouffer dans l’œuf toute confrontation entre l’islam et la religion chrétienne, car il est hors de question que l’une puisse l’emporter sur l’autre quand bien même on n’utiliserait à cette fin que des critères admis soit par la science, soit par la morale naturelle, soit par la critique historique la plus exigeante…

 

         Tout ce qui est susceptible de l’emporter en termes de valeur étant par nature admis et reconnu par une minorité, il est facile de l’étouffer en invoquant le grief d’extrémisme. Pareil sophisme se révèle lorsque l’on passe à une autre extrême, non dans le vrai et le bien mais dans le mal et le faux : la consommation de drogues ou la caricature de mariage unisexe ou l’apologie de la subversion révolutionnaire par diverses idéologies. De ce côté, la tolérance est obligée. Il n’y a de sauvagerie et de dérives racistes que chez les seuls blancs, jamais chez les noirs africains… Le terrorisme de masse et anonyme, bien que pratiqué depuis toujours par des mouvements de gauche ou des musulmans, occasionnellement des juifs, en Israël, n’autorise aucun amalgame, que l’on pratique pourtant sans vergogne quand il s’agit de la conquête des Amériques par les Espagnols à propos de l’Eglise et du catholicisme, quand bien même Rome avait condamné ces excès… alors que le Coran les recommande !

 

         Une «tolérance» idéologique qui proscrit la morale, la raison (notamment dans l’indépendance de la recherche historique) et la science comme autant d’instances critiques se réduit à n’être qu’une simple mystification, un mensonge délibéré, à n’être au fond que son contraire : un vulgaire fanatisme ! On projette ce vice sur autrui pour mieux le pratiquer soi-même en toute impunité. Le procédé est élémentaire, primitif. Il a des conséquences désastreuses. Mais c’est le prix à payer pour que les médiocres et les inférieurs dominent les forts et les hommes supérieurs dans la plus grande quiétude possible…

 

Michel de Preux

 

Au courrier

 

Monsieur le Rédacteur,

 

Je paie par ce même courrier l’abonnement 2005. Abonné depuis 34 ans !

 

Réponse à votre titre du dernier journal. «A quoi servent les radicaux ?» : à payer l’abonnement régulièrement au Pamphlet.

 

Avec mes remerciements et tous nos vœux.

 

 

E. L.-S.

 

 

Il faut dissoudre Pro Helvetia !

 

Pour moi, comme sans doute pour bien des gens de mon âge (parmi lesquels M. Pascal Couchepin si j’en crois une récente interview), l’art est une activité qui tend à la création d’œuvres exprimant un idéal de beauté et d’harmonie.

 

Ce n’est plus du tout la définition actuelle de l’art. Les spécialistes de l’art contemporain, aussi bien que les artistes eux-mêmes, affirment que l’art doit d’abord interpeller, déranger, voire irriter. La création artistique ne se concrétise plus dans une œuvre, mais dans un message.

 

Traitant du talent de l’hôte actuel de notre Centre culturel à Paris, à l’hôtel Poussepin, un éminent critique écrit1 :

 

«Hirschhorn s’approprie les éléments utilisés par les exclus, cartons, pancartes pour affirmer son propre message. En fait l'œuvre ne réside pas dans la création d'un objet ou d'une toile, mais dans l’invention d'une méthode, d'une manière de présenter des œuvres ou des questions».

 

Il n’est dès lors pas étonnant que les artistes d’aujourd’hui suscitent perplexité, incompréhension, voire ricanements ou mépris. Et ce n’est pas parce qu’un artiste contemporain est exposé partout dans le monde, et universellement loué par ses congénères et par la critique, que ses œuvres sont nécessairement autre chose que de la merde, dont les gens de goût ne voudraient pas dans leur garage.

 

L’inverse est aussi vrai : ce n’est pas parce qu’une œuvre est mal comprise, mal accueillie ou hermétique que son auteur est nécessairement un charlatan. Il est arrivé qu’un génie musical ou un peintre d’exception ne soit reconnu comme tel par le public qu’assez tard. C’est d’ailleurs cette dernière constatation qui rassure les scribouillards sans lecteurs, les comédiens sans public, les peintres sans talent ou les compositeurs dont la musique ésotérique et inaudible ne plaît qu’à de minuscules chapelles.

 

Et c’est aussi pourquoi il est si difficile, aujourd’hui, de reconnaître le talent avec certitude, sauf peut-être en littérature où la vacuité de la pensée ne parvient jamais à se masquer, même sous le grimage épais de la boursouflure rhétorique. Le talent littéraire n’a jamais été méconnu.

 

En parcourant les salles d’exposition entre un immobile de Kundelic et un monochrome de Whiteman, le spectateur sait confusément qu’on se moque de lui mais craint de passer pour un Béotien s’il exprime sans ambage ce qu’il pense de ce porte-manteau ou de cette toile blanche.

 

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Il est rare qu’un artiste puisse vivre de son art. S’il ne peut décrocher un fromage confortable à l’Orchestre de la Suisse romande, un musicien devra donner des leçons privées, l’écrivain enseignera probablement le français à des potaches du secondaire supérieur et le peintre ou le sculpteur apprendront le dessin d’académie à l’école-club Migros… en attendant la consécration, la reconnaissance officielle, la gloire d’une commande, d’un prix, d’une exposition financés par Pro Helvetia.

 

Les activités de Pro Helvetia se répartissent d’une manière générale en deux types : le soutien à des projets pour lesquels une requête est présentée, et la réalisation de projets lancés par la Fondation elle-même. Les requêtes prennent la part du lion, puisque 85% environ des moyens opérationnels disponibles sont consacrés à des projets présentés par des artistes.

 

Outre les facteurs clefs que sont la qualité artistique et le caractère novateur, les critères suivants jouent un rôle au moment de l’évaluation des projets : le lien avec la Suisse, le professionnalisme de la mise en œuvre, un rapport acceptable entre coût et profit, un rayonnement et une empreinte durable, l’importance pour la société. C’est ainsi que la Fondation elle-même nous explique où va l’argent que le contribuable helvétique verse dans son escarcelle.

 

Ce ne sont, apparemment, pas ces critères qui ont guidé son soutien à l’exposition actuelle montée au Centre culturel suisse de Paris, où M. Hirschhorn s’en prend violemment à M. Christoph Blocher et au système démocratique suisse qui a permis son accession au Conseil fédéral. Les reflets que j’en ai vus dans la presse, à l’instant où je rédige ces lignes, me consternent. Comme l’écrit pertinemment notre excellent confrère Philippe Barraud dans sa rubrique hebdomadaire de www.commentaires.com, «les invectives ordurières sur Christoph Blocher sont à la portée du premier poivrot venu au Café du Commerce

 

Et c’est pourquoi, discutant le budget, le Conseil des Etats a décidé, dans un accès de mauvaise humeur, de raboter un million sur les trente-quatre alloués à Pro Helvetia.

 

Pourquoi ne pas dissoudre purement et simplement Pro Helvetia et faire ainsi l’économie, non pas d’un seul million, mais de trente-quatre ?

 

La question pose en fait le problème, jamais résolu à satisfaction, des rapports entre l’art et l’Etat, entre les artistes et le pouvoir, entre la création et l’administration.

 

On nous pose en exemple le mécénat pratiqué par les rois et par les princes. Mais il n’y a en Suisse ni roi ni prince. Le «souverain», dans l’idéologie démocratique issue de la Révolution, est le peuple lui-même. Mais le peuple, ignare, inculte et grossier, ne saurait assumer le rôle du mécène, car son mauvais goût le porterait à préférer Eugène Burnand à Pipilotti Rist, Alain Morisod à Bela Bartok ou Frédéric Dard à Alain Robbe-Grillet. Et nous n’aurions pas de musée de l’art brut, ni de centre culturel à l’hôtel Poussepin.

 

Le souverain doit déléguer son pouvoir, en matière artistique, au Parlement qui le délègue à son tour à un office de la culture, qui finance une fondation, qui paie l’entretien d’un Centre culturel, qui à son tour verse 180'000 francs à M. Hirschhorn pour qu’il puisse conchier la Suisse confortablement.

 

La présidente de Pro Helvetia, Mme Yvette Jaggi, dont le bon goût est perceptible dans le choix de ses tailleurs, «se reconnaît dans ce projet», c’est-à-dire, si l’on comprend bien, dans l’étalage d’inepties de mauvais goût exposées à Paris.

 

Je ne dénie pas à M. Hirschhorn le droit d’étaler son talent où il veut, et à Mme Jaggi de soutenir contre tout bon sens le directeur du Centre culturel de Paris, mais pourquoi à mes frais, dans le même temps où Pro Helvetia renonce à participer au Salon du livre, après 17 ans de présence, soi-disant pour des motifs d’économies ?

 

Il faut dissoudre Pro Helvetia !

 

Claude Paschoud

 

1 Patrick Schaefer, L’Art en jeu, 3 septembre 2001, www.art-en-jeu.ch/expositions/hirschhorn.html

 

Note pour l’édition Internet :

J’y suis allé le 12 décembre. Mais c’était à 9 heures du matin, et j’avais mon avion à reprendre à midi. Je n’ai donc vu que les extérieurs. mais cela m’a suffi !

J’ai pris quelques photos !

C.P.