Lausanne 34e année      «ne pas subir»     Octobre  2004 No 338

 

 

 

Sommaire :

 

Editorial

L’éditorialiste ne cache pas l’irritation que provoque chez elle les grèves du service public.

 

Au Conseil d’Etat vaudois

Pour l’élection complémentaire au Conseil d’Etat vaudois, la droite et le centre droit doit se mobiliser en faveur de Martin Chavallaz !

 

En direct de Sirius

Max nous entretient de l’Europe, de M. Saddam Hussein et d’un film de Mme Fazer…

 

Bricoles

Un vote blanc dans le canton de Vaud le 28 novembre.

Le rétablissement de la corvée ?

 

L’Islam par la démocratie !

Pour Michel de Preux, l’islam (toutes tendances confondues) et les valeurs de notre civilisation occidentale sont radicalement incompatibles.

 

Point de vue du bout du lac

Notre correspondant permanent Xavier Savigny donne son point de vue sur les prétendues «bavures» policières à Genève.

 

Double nationalité

Pour Claude Paschoud, l’interdiction de la double nationalité est raisonnable.

 

Au courrier

Un lecteur propose une prime pour les jeunes parents.

 

 

 

Editorial

 

Nul ne saurait l’ignorer : le service public vaudois se met en grève, le service public vaudois manifeste en masse, corps enseignant en tête et slogans débiles à la clé : «Assez, assez, assez d’austérité ! Ensemble, ensemble, ensemble il faut lutter !», beuglait un «gueulophone» sur la Place Saint-François le jeudi 23 septembre1, alors que les bus, bloqués de toutes parts, déversaient leurs voyageurs sur les trottoirs, faute de pouvoir se frayer un passage à travers la foule qui encombrait la place, foule apparemment convaincue que sa cause recueillait le soutien plein et entier des passants, en particulier de ceux qui, ayant payé leur billet de bus se voyaient rendus à l’état de piétons et jubilaient sans doute à la pensée qu’ils seraient en retard à leurs rendez-vous ou devraient modifier leurs projets de fin d’après-midi.

 

         Le problème, avec les militants syndicalistes, c’est qu’ils sont bêtement optimistes et intégralement obtus. Ils sont optimistes, parce qu’ils s’imaginent que, sous réserve de quelques imbéciles ringards, tout le monde est d’accord avec leurs revendications prétendument légitimes. Ils sont obtus, parce que, incapables de voir au-delà de leurs intérêts corporatistes, ils ne se rendent même pas compte qu’ils ont une mentalité de preneurs d’otages.

 

Quels otages dans le cas des débordements du service public ? Les gens que les manifestants privent du droit de se déplacer librement à l’heure qui leur convient; les passants pressés obligés de louvoyer au milieu d’une foule compacte et de prêter une oreille attentive aux malheurs des rebelles, alors qu’ils en ont bien assez de leurs propres soucis; les parents d’élèves qui, lors des grèves, doivent choisir entre s’organiser pour garder leurs enfants pendant les heures de classe ou se contenter d’un «service minimum» par définition insuffisant, et les écoliers privés d’un enseignement digne de ce nom; les usagers des différents bureaux ouverts au public qui, eux aussi, en cas de grève, ne bénéficient que d’un «service minimum», avec tout ce que cela implique de temps perdu; les paroissiens des pasteurs qui «dressent la chaire dans la rue»2 et ne s’occupent pas de leurs ouailles pendant ce temps-là; les contribuables, enfin, qui assumeront le paiement des heures volées à l’Etat, tant il est probable, compte tenu de la faiblesse du gouvernement vaudois et de la difficulté de recenser les grévistes et les  non-grévistes, que les fauteurs de trouble toucheront néanmoins leur traitement complet.

 

Pourquoi toute cette chienlit ? Parce que l’Etat de Vaud, en raison de la situation financière florissante qu’on lui connaît, a décidé de ne plus indexer et augmenter chaque année les salaires de ses serviteurs. Oh ! bien sûr, nos nobles cœurs exigent aussi l’abandon de certaines coupes dans le domaine social. Il faut bien cacher la m… au chat. Ils font aussi des propositions d’économies dans d’autres domaines. Cela vous a un petit air constructif du meilleur aloi. Il n’en reste pas moins que leur but premier est de défendre leurs privilèges, quitte à faire payer les autres.

 

Si, ce qu’à Dieu ne plaise, nous étions le gouvernement vaudois, nous tiendrions aux grévistes et autres manifestants le langage suivant : «Vous n’êtes pas satisfaits de votre sort ? Nous ne vous retenons pas. Que les employés administratifs cherchent du travail dans le secteur privé. Que les enseignants cherchent du travail dans l’enseignement privé. Que les pasteurs s’engagent dans les œuvres missionnaires : il y a faire dans le tiers-monde. Vous avez le droit de faire la grève, mais rien ne vous oblige à rester dans le service public. Alors, vous choisissez : ou bien vous vous soumettez ou bien vous vous démettez.»

Gageons que les départs seraient rares.

 

Un mot encore à propos des pasteurs. En descendant sur le trottoir, non pas pour y «dresser la chaire dans la rue» – l’unique pasteur de notre connaissance que nous avons vu lors de la manifestation du 23 septembre n’était nullement occupé à prêcher l’Evangile hors de son église –, mais par «solidarité» avec les autres victimes d’un Etat notoirement esclavagiste, les pasteurs «engagés» démontrent qu’ils n’ont pas choisi la consécration par vocation, mais pour s’assurer un métier protégé et bien rémunéré. La forfaiture est là plus flagrante encore que dans les autres cas.

 

Mais consolons-nous : les abus syndicalistes du service public risquent de créer la mauvaise humeur chez de nombreux Vaudois, à la veille de l’élection complémentaire au Conseil d’Etat. Et ça, c’est mauvais pour Pierre-Yves Maillard, syndicaliste de pointe, même si ce n’est pas dans le service public. Par conséquent, c’est bon pour Martin Chevallaz, ce qui nous réjouit considérablement.

 

Le Pamphlet

 

 

1 Nous y étions par un malencontreux hasard. Nous n’avons pas assisté aux manifestations du 28 septembre et du 5 octobre, mais nul doute que ce devait être du même tonneau..

2 Cf. rubrique de l’invité signée par le Pasteur Claude Schwab dans 24 Heures du 23.9.2004.

 

 

 

Au Conseil d’Etat vaudois

 

Pour remplacer au Conseil d’Etat le socialiste Pierre Chiffelle, contraint de démissionner pour raisons de santé, deux candidats «sérieux» sont en lice : le socialiste doctrinaire Pierre-Yves Maillard et le démocrate du centre Martin Chevallaz.

 

Tous les électeurs de droite, et même ceux de cette nébuleuse qu’on appelle aujourd’hui le «centre droite» se doivent évidemment d’aller voter, et de voter pour Martin Chevallaz.

 

Quel que soit le choix de l’électeur, le gouvernement comptera après l’élection complémentaire deux veritables hommes d’Etat, si j’ose m’exprimer ainsi : le nouvel élu et Mme Anne-Catherine Lyon. Les cinq autres sont le tout-venant sur lequel devront s’appuyer nos deux «pointures».

 

On espère que le peuple vaudois ne trouvera pas opportun que ces deux chefs de file soient socialistes l’un et l’autre, et de l’espèce la plus engagée !

 

Pour contrebalancer l’influence de Mme Lyon, il ne faut pas moins qu’un Martin Chevallaz, grand homme dans une petite taille, tombé bébé dans le chauderon de la politique, habile stratège et fin psychologue, doué d’une autorité naturelle et d’un charisme étonnant.

 

En qualité de premier-lieutenant chef de section d’une compagnie d’infanterie de montagne, j’ai servi sous ses ordres. Il était le commandant de compagnie, avec le grade de lieutenant. J’ai pu mesurer ses qualités humaines, ses dons d’organisateur, ainsi que son charme. «La troupe est femme» disait déjà Napoléon. Chacun des subordonnés du lieutenant Chevallaz s’efforçait de bien faire, pour être agréable au commandant !

 

Bien que j’espère sa victoire, je suis néanmoins pessimiste. Les radicaux n’iront pas voter au premier tour, parce qu’ils n’ont pas pardonné à Martin sa position sur l’EEE, qui était pourtant la bonne, comme l’avenir l’a prouvé. Mais les groupies de Jean-Pascal n’ont pas digéré que le jeune freluquet brave l’autorité du Guide.

 

On lui pardonnera encore moins d’avoir adhéré à l’UDC et de se trouver maintenant dans le camps des vainqueurs, de ceux qui ont des idées, qui font des propositions, qui alimentent le débat politique, alors que les radicaux, qui n’ont rien à proposer depuis longtemps si ce n’est la pérennité de leurs prébendes, seront inévitablement les losers des prochains films.

 

C.P.

 

 

En direct de Sirius

 

Europe en péril : pour en finir avec la «question turque»

 

Trêve de verbiage : l’hypothèse d’une entrée de la Turquie dans l’Union Européenne matraquée aux malheureux «veaux-tants» de l’UE (et autres futurs «gentils membres» dudit «club») appuyée par le lobby que l’on sait, peut être balayée en une phrase : la Turquie aurait tout à y gagner, l’Europe tout à y perdre. C’est pourquoi les interchangeables présidents états-uniens présents et à venir ne manquent (et ne manqueront) pas d’encourager avec chaleur ladite candidature. Pour l’immédiat, la fabuleuse Chard[1] résume la situation en un dessin. On y voit Bush-le-dernier en maire, célébrant l’union matrimoniale d’une Europe ceinturée et bâillonnée par ses comparses MM. Schroeder et Chirac, avec, un peu en retrait, l’air très sage, le promis, un monsieur très typé, bien mis et soigneusement calamistré pour l’occasion.

Dialogue :

Bush :      Mlle Europe, acceptez-vous pour époux M. Ottoman ?

Schroeder et Chirac : Oui !

(répondant en chœur pour la malheureuse)

 

26.9.2004 : l’irréductible Souverain suisse refuse la naturalisation automatique aux seconde et troisième générations d’immigrés.

 

Ouf !

 

Echange significatif

 

« Accusé, levez-vous et déclinez votre identité.

– Saddam Hussein al Tikriti, président de la République d’Irak. »

Un homme de cette trempe mérite au moins d’être bien défendu. A moins d’une miraculeuse mais improbable restauration en vue de pacifier, rétablir et reconstruire un Irak hier encore moderne sur les ruines fumantes d’un pays désormais amenuisé à l’état de «ripoublique islamo-démocratoïde», et sauf défaillance cardiaque définitive et providentielle pour ses kidnappeurs, on peut désormais s’attendre à ce que le président Irakien, qui a la dureté du wolfram, marche sans faiblir à son supplice après son inévitable condamnation à mort par les émanations que nous savons. Mais il sera plus difficile, au siècle de la circulation tous azimuts des informations, de bâillonner cet homme courageux que ce ne fut le cas pour le pugnace et également courageux maréchal du Reich à Nuremberg… Une malheureuse série de dysfonctionnements audio-visuels assortie de quelques pannes de micros peut-être ?

 

Hommage à Guy Sajer[2]

 

Cher « soldat oublié », plus de trente ans se sont écoulés depuis ce jour où l’ancien de la « Großdeutschland » avait posé au jeune lieutenant avide de témoignages du front de l’Est la question fatidique : « Qui servez-vous ? » Incertain d’une réponse en amont, je ne trouvai de certitude que vers l’aval. J’ai donc pris le parti le plus simple : servir mes hommes, en m’efforçant de les commander au mieux de mes capacités et de les guider au mieux de mes possibilités… Question bien dérangeante cependant, cher « Dimitri », lorsqu’elle s’adresse à ceux qui nous commandent. J’ai tâché de raccourcir le problème en réduisant la distance vers le haut. Mais je n’imaginais pas pouvoir un jour la répercuter à l’un des grands patrons d’un très puissant service de renseignement… et découvrir alors, au regard troublé de ce sexagénaire, qu’à passé soixante ans, il ne se l’était encore jamais posée. Je le trouve un peu plus préoccupé depuis…

 

Brèves d’Europe (4-6.8.2004)

Gibraltar : le Royaume-Uni célèbre le tricentenaire de sa mainmise sur le rocher… sous les véhémentes protestations diplomatiques de l’Espagne.

Moldavie : la Transdniestrie (maizoui, cette entité géographique existe bel et bien, c’est une province moldave) revendique son indépendance et entend rester fidèle à l’alphabet cyrillique et à l’idéal communiste au grand dam des Moldaviens qui ont opté pour le progrès démocratique avec l’Union Européenne et l’alphabet latin.

Belgique : ce dernier pays fait part de son intention de démonétiser les pièces de un et deux centimes d’euro… Petit rappel : un centime d’euro égale un peu plus de six centimes et demi de franc (jadis) français… Petite escroquerie inflationniste qui va rapporter gros.

 

« Bienvenue en Suisse ! » (« Un ethnologue, c’est quelqu’un qui s’adapte à toutes les cultures… sauf la sienne »[3])

 

Merveilleuse charge de Madame Léa Fazer, si mal comprise des critiques. Avec adresse et gaieté, la cinéaste suisse relève les ingrédients de ce qu’on pourrait nommer «un éternel malentendu culturel entre proches voisins», tout en menant tambour battant une double intrigue amoureuse et… financière. Elle maîtrise tout autant l’art du vaudeville que celui du coup de théâtre… même si l’arme secrète de Grand-maman Sempach n’est pas tout à fait celle qu’on imagine dans le contexte d’une Suisse aux prises avec les menaces et les occasions de 39 à 45… et si le médiocre chocolat de ses deux fils est assez peu compatible avec une fulgurante ascension économique. Dans l’esprit d’un certain Gilles (Vaudois jadis expatrié à Paris, comme aujourd’hui notre Genevoise d’origine valaisanne), Français et Suisses sont mis en face d’eux-mêmes avec esprit et légèreté… Seuls les « psychorigides » se vexeront.

 

Max l’Impertinent

 

1 Rivarol, n°2685, du 1.10.2004, p. 1.

2 Auteur du «Soldat oublié», Robert Laffont, 1976, ISBN 2-221-83739-11, relation de son expérience de soldat lorrain enrôlé dans la PzDiv «GD» sur le front russe et notamment au cours de la bataille de Koursk.

3 De mémoire, d’une réplique du film.

 

 

Bricoles

 

Précisions

 

J’ai – c’est Mariette qui vous parle – commis dans le dernier numéro du Pamphlet une erreur : m’exprimant dans mon éditorial sur l’assurance maternité à titre personnel, j’aurais dû signer ma prose de mon propre nom, afin que personne n’ait l’idée d’attribuer mon opinion à un autre collaborateur de notre journal. Je présente mes excuses à l’équipe du Pamphlet et aux lecteurs que j’aurais involontairement abusés.

 

Je saisis cette occasion pour préciser que, à moins d’être morte ou intransportable, ce qui, Dieu merci, arrive rarement, c’est moi qui rédige l’éditorial en tant que rédacteur responsable.

 

«Bienvenue en Suisse !»

 

         Après avoir vu le film qui a tant plu à Max, Mariette envisage de consulter un psy pour cause de «psychorigidité».

 

Votons et votons blanc

 

         Le 28 novembre, les citoyens vaudois devront se prononcer sur diverses mesures d’assainissement des finances du canton. Une de ces mesures consiste à offrir le choix entre une augmentation générale du coefficient d’impôt et une augmentation d’impôts «ciblée», c’est à dire ne touchant que les hauts revenus. La légalité de ce procédé fait l’objet d’une controverse juridique que nous ne sommes pas en mesure de trancher. Il n’en reste pas moins qu’on nous propose de choisir entre une augmentation des impôts et une augmentation des impôts, entre la peste et le choléra. Pour que notre vote soit valable, il nous faudra, quel que soit le libellé de la question, répondre «oui» à l’une des propositions et «non» à l’autre.

 

         Il convient de réagir à ce que nous considérons comme un abus de pouvoir. Comment ?

 

         Dans un premier temps, nous avons pensé qu’une avalanche de bulletins nuls – deux fois «oui» ou deux fois «non» ou uniquement un «non» – démontrerait au Conseil d’Etat que les citoyens vaudois ne s’en laissent pas compter. Suite à un avis autorisé, nous avons changé d’idée : comme les bulletins nuls sont dus le plus souvent à des erreurs – ce dont le Conseil d’Etat ne manquerait pas de se prévaloir – il vaut beaucoup mieux voter blanc, acte délibéré. Bien entendu, même si les bulletins blancs sont plus nombreux, voire beaucoup plus nombreux, que les bulletins valables, cela n’empêchera pas la hausse des impôts. Mais peut-être le Conseil d’Etat s’avisera-t-il qu’il doit faire mieux la prochaine fois. Votons donc blanc le 28 novembre et saisissons chaque occasion de convaincre nos proches, nos amis, nos voisins et tous ceux que nous côtoyons de voter et de voter blanc sur ce point. Les Vaudois, même riches, ne sont pas des vaches à lait que diable !

 

Non à l’élargissement de la corvée

 

         Le bruit court avec persistance que l’obligation de servir dans l’armée pourrait être supprimée pour nos garçons d’ici pas très longtemps.

 

Pourquoi pas ? Si l’armée suisse n’a plus besoin de la conscription obligatoire pour assumer ses tâches, il n’y a pas de raison de la maintenir au nom d’une conception de l’armée de milice dépassée et nostalgique. Nous l’avons dit des dizaines de fois dans ces colonnes : l’obligation de servir dans l’armée n’est tolérable que s’il n’y a pas d’autre moyen d’assurer à la Suisse une armée forte et efficace. Dans le cas contraire, la conscription obligatoire relève de la corvée moyenâgeuse.

 

Or, des voix s’élèvent déjà ici et là pour préconiser le remplacement de l’obligation de servir dans l’armée pour les hommes par une obligation de servir généralisée, y compris pour les femmes, dans la protection civile et, pire encore, dans le service civil destiné aux objecteurs de conscience. Des champions de la démocratie et, par conséquent, de la défense des libertés individuelles, fleurons des droits de l’homme, raisonnent donc comme les anciens seigneurs tant décriés, qui considéraient le peuple comme taillable et corvéable à merci.

 

On n’arrête pas le progrès !

 

 

L’Islam par la démocratie !

 

 

Lorsque, le 7 décembre 1965, le Concile schismatique Vatican II adopta la Déclaration sur la liberté religieuse, hérétique, il y inséra une clause d’ordre public ainsi conçue : «Son exercice ne saurait être empêché tant que l’ordre public réglé par la justice est gardé.» Cette clause est non seulement vaine et illusoire, dès lors que la notion même d’ordre public réglé par la justice varie avec les civilisations et n’est à coup sûr pas identique en Europe, aujourd’hui encore, et dans les Etats musulmans1, mais elle est en outre mensongère, hypocrite et captieuse dans la mesure où elle donne une fausse assurance afin de préserver l’autorité d’une erreur. Dans La Cité de Dieu, Saint-Augustin nous avertit déjà qu’il ne saurait y avoir de véritable justice, et par conséquent de véritable république au sens que donnait à ce mot Cicéron lui-même, là où le vrai Dieu ne serait pas honoré comme il convient. Cette doctrine est claire. Elle est aussi définitivement liée à la foi chrétienne. Nul ne saurait la rejeter qui ne renierait aussi le christianisme dans son entier.

 

La mystification, l’imposture apparaissent au plus haut niveau et durablement avec Jean-Paul II, qui donna à la Turquie cette carte de légitimation européenne lorsqu’il déclara, en décembre 1979, que ce pays était un Etat moderne prévoyant pour tous la libre expression de leur foi sans s’identifier à aucune. La Turquie serait donc, pour Jean-Paul II, un modèle d’intégration de l’Islam à l’Europe… Dont acte2.

 

Toute la classe politique européenne l’avait conduit sur cette pente facile mais fortement glissante. Aucune formation politique n’ose en réalité affronter avec franchise la question de l’Islam en Europe, quand bien même celui-ci est générateur d’un terrorisme international omniprésent et pratique la violence (prises d’otages) sans la moindre vergogne. L’Occident, qui est parvenu à accommoder le christianisme officiel à ses «valeurs» démocratiques et juridiques hétérodoxes, croit pouvoir faire de même avec l’Islam. Il y cherche donc des tendances, des courants, des minorités et des majorités. Futilité que tout cela ! Ces faux-fuyants n’expriment que notre dégénérescence morale et intellectuelle, notre lâcheté et une autosuffisance où le matérialisme le plus cru se mêle à la plate sottise : «Pour les musulmans, accepter pleinement notre civilisation occidentale exigerait qu’ils rejettent 80% du Coran.»3 Anne-Marie Delcambre, auteur d’une autre étude sur l’Islam, L’Islam et les interdits, publiée également en 2003 chez Desclées de Brouwer, à Paris, est du même avis : «Il faut avoir le courage de dire que l’intégrisme n’est pas la maladie de l’Islam. Il est l’intégralité de l’Islam.» (op. cit., p. 11).

 

Toutes tendances confondues, les partis politiques modernes en Europe se refusent à faire de l’Islam un problème de société, quand ils acceptent de donner ce qualificatif à n’importe quelle autre revendication fantaisiste ou aberrante. Cet aveuglement et cette partialité malsaine sont à la fois volontaires et suicidaires. Mais dans une si grande imposture ne réside peut-être que la meilleure chance de l’homme, celle qui lui restitue sa vraie dignité, en faisant des problèmes spirituels et religieux les problèmes fondamentaux de son existence et de son destin, laissant le reste à l’intendance.

 

Lorsque c’est l’intendance qui prend les commandes, l’esprit, humilié, se venge. Il se fait plus sauvage encore que le matérialisme mercantile. La démocratie de masse n’est pas autre chose que la prise en charge des sociétés par des gens ayant une âme de domestique. Jean-Paul II n’est, quant à lui, que le premier laquais de cette Europe déchue et trahie par les siens. Il faut à l’Europe des hommes qui aient une âme de maître.

 

Michel de Preux

 

1 La polygamie, la pratique de l’esclavage, de l’excision chez les femmes, la peine de la lapidation sont autant de domaines pratiques d’application, pour ne pas évoquer ici le laïcisme, d’une conception foncièrement différente de l’ordre public en terre d’Islam et en Europe.

2 Documentation catholique du 16 décembre 1979.

3 Pourcentage énoncé dans le livre de Laurent Lagartemps : Petit guide du Coran, éd. de Paris, Versailles 2003, page 128.

 

Point de vue du bout du lac

 

022 v’là les flics

 

Depuis quelque temps, la police genevoise est sous les feux de la rampe à la suite de divers dérapages, bavures, maladresses. Il n’est pas dans notre propos de revenir sur les divers événements qui ont été largement, peut-être trop largement, décortiqués dans les médias, mais de les replacer dans leur contexte et dans une problématique plus large.

 

J’ai moi-même plusieurs connaissances dans les milieux de la police genevoise et il y a fort longtemps que les troupes en ont assez. Assez d’avoir l’impression de travailler pour du vent, assez de ne pas recevoir le soutien de leur hiérarchie, assez de fonctionner en effectifs minimaux, accumulant la pression.

 

Quelle motivation peut-on attendre lorsque pour la énième fois le gendarme Dufloquet arrête le même dealer dont il sait pertinemment que, malgré le flagrant délit, malgré la récidive, il sera libre dans les quarante-huit heures, et que, sachant cela, ledit gendarme passe deux heures en plus de ses heures de service à taper le rapport de l’arrestation qu’il sait inutile ? Doit on s’étonner que, dans cette situation, les gendarmes confondent malfrats et petit poucet et aillent les perdre dans la forêt ?

 

L’épisode de l’enterrement de vie de garçon où le futur marié se faisait traîner derrière la voiture de ses collègues gendarmes, déguisé en « Chico », personnage brésilien de couleur créé par Canal +, est riche en enseignements. Tout d’abords nous remarquerons que cette « affaire » éclate en plein mois d’août, période de vaches maigres pour les journaux qui ont toujours eu tendance à monter en épingle les épisodes les plus insignifiants pour avoir quelque chose à mettre sur leurs manchettes. Et cela ne rate pas, on en fait des montagnes, tout le monde s’en mêle et Madame Spoerri se déculotte comme à son habitude. Cet incident serait survenu au début de la deuxième guerre du Golfe que personne n’en aurait entendu parler.

 

Ensuite, il est à noter qu’il ne s’agit probablement que d’un enfantillage comme on en voit tant tous les samedi dans les rues de Genève, mais intervenant dans un contexte tendu faisant suite aux divers incidents mettant la police en cause, il a pris des proportions invraisemblables.

 

Enfin, et c’est à mon avis le point le plus important, on voit qu’une fois de plus les gendarmes ne sont pas soutenus par leur hiérarchie. Et je suis intimement persuadé que c’est une très grave erreur, car si Monsieur Ramseier n’était pas bien vu dans les milieux où il est de bon ton de ne pas détonner, il était par contre très apprécié de ses troupes qui savaient pouvoir compter sur son soutien. Et il ne faut pas s’étonner qu’un métier dangereux, où les horaires sont impossibles, la reconnaissance inexistante et les médias à l’affût du moindre faux pas, ait quelques difficultés à trouver des candidats. Or cela devient un véritable problème dans la cité de Calvin où les citoyens ne se sentent plus en sécurité, entourés qu’ils sont, non par des représentants des forces de l’ordre, mais par des dealers et des malfrats de tout poil, jouissant d’une impunité insolente que le système judiciaire leur fournit gracieusement.

 

Le temps des demi-mesures est révolu. Que cesse l’influence néfaste des politiciens sur la sécurité, que l’on donne les moyens à la police de faire son métier de manière efficace et à la justice de punir les malfaiteurs. Cela rendrait peut être notre pays moins attractif pour les trafiquants venus d’Afrique ou des Balkans si, au lieu de recevoir une petite tape sur les doigts, il allaient croupir quelque années dans une taule peu accueillante où les droits de l’homme seraient certes respectés, mais où les mots confort, loisirs et télévision n’auraient pas lieu d’être. J’ai tendance à penser que cela se saurait assez vite et que le taux de criminalité ne s’en porterait que mieux.

 

Xavier Savigny

 

 

 

Double nationalité

 

La proposition lancée par l’UDC d’interdire la double nationalité, comme c’était le cas avant 1992, a créé la stupeur chez les commentateurs habituels de la politique fédérale et je n’en suis pas surpris. Car la plupart d’entre eux conçoivent la nationalité comme un simple rattachement administratif sans implication culturelle, historique ou linguistique, sans aucun sentiment d’appartenance profonde à une race, à une communauté humaine particulière. Une telle conception a été récemment encouragée par un arrêt du Tribunal fédéral1.

 

Même la commune d’origine a perdu pour beaucoup toute signification, puisqu’on peut, moyennant vingt-cinq francs, acquérir la bourgeoisie de telle ou telle commune. Une femme acquiert la bourgeoisie de la commune dont son mari est originaire, et cette commune reste sa commune d’origine malgré le divorce ou l’annulation du mariage et la reprise du nom antérieur. On pourra donc trouver des Milosevic originaires de Bioley-Orjulaz ou des Mukeshimana originaires de Rougement, deux communes qui n’ont jamais vu un seul Milosevic ou un seul Mukeshimana fouler le sol d’un territoire dont ils sont dits «originaires».

 

Ces curiosités ne choquent aujourd’hui personne. Depuis douze ans, on s’est aussi habitué à l’idée qu’en demandant la nationalité suisse, le candidat n’est plus tenu de renoncer à sa nationalité précédente. Il y a même des parlementaires suisses qui possèdent en outre une autre nationalité2. Rien n’empêcherait dès lors le président de la Confédération d’être Français ou Israélien et d’exercer ses droits politiques dans plusieurs Etats, alors même que l’article 39 al. 3 de la Constitution fédérale interdit l’exercice des droits politiques dans plus d’un canton !

 

A l’époque encore récente qui interdisait la double nationalité, il était même interdit aux autorités fédérales, aux fonctionnaires civils et militaires, aux représentants ou commissaires fédéraux, ainsi qu’aux membres des gouvernements et des assemblées législatives des cantons d’accepter d’un gouvernement étranger ni pension, ni traitement, ni titre, présent ou décoration.

 

Un Helvète qui aurait accepté la légion d’honneur ou les palmes académiques du gouvernement français aurait dû choisir entre sa fonction officielle en Suisse et sa décoration.  Il ne suffisait pas qu’il renonce à la porter. Il devait la rendre !

 

Ils paraissent aujourd’hui bien lointains, ces vieux Suisses du berceau de la Confédération, qui juraient : «… de même, après commune délibération et d'un accord unanime, nous avons juré, statué et décidé que nous n'accepterions et ne reconnaîtrions en aucun cas dans lesdites vallées un juge qui aurait payé sa charge de quelque manière, soit en argent soit à quelque autre prix, ou qui ne serait pas de chez nous et membre de nos communautés».

 

Aujourd’hui, tous les juges paient leur charge (à leur parti) et certains d’entre eux peuvent être membres de plusieurs communautés nationales.

 

* * *

*

 

L’intégration de tous les pays qui nous entourent dans un ensemble à la fois économique et politique, les accords passés par la Suisse avec l’Union européenne, la suppression des barrières douanières et la libre circulation des capitaux, des biens et des personnes, la mobilité professionnelle et la diminution des risques de guerre classique et donc la suppression programmée de l’armée de milice, tout concourt à rendre obsolète la notion même de Nation dans l’esprit de l’homme moderne.

 

Partout on ne rêve que d’harmonisation, par quoi il faut entendre unification, nivellement, identité des comportements. Il faut harmoniser les procédures civiles et pénales, les programmes scolaires, les procédures de naturalisation, les titres universitaires, les normes de la construction, non seulement à l’échelle de la Confédération, mais à l’échelon européen, voire planétaire.

 

L’avenir est dans un grand brassage multiethnique et multiculturel, une uniformisation par le gommage des différences qui rende chacun de nous déraciné, interchangeable, cosmopolite et donc totalement mobile. Les deux facteurs principaux de la production tendent à se confondre. Le travail humain est aussi «délocalisable» que le capital est anonyme et vagabond.

 

Malheureusement pour les apôtres de ce grand brassage universel, privé des échelons intermédiaires qui font les communautés vivantes, il subsiste des poches de résistance : des Suisses égoïstes, frileux, repliés sur eux-mêmes, attachés à des privilèges d’un autre âge, racistes ou fascistes, en tous cas xénophobes. Des gens qui croient encore que la Suisse pourrait rester neutre et indépendante dans un  XXIe siècle qui vise à l’engagement et à l’interdépendance mutuelle, qu’elle pourrait rester chrétienne dans une Europe bientôt rejointe par 65 millions de Turcs musulmans, qu’elle pourrait rester riche en prenant en charge des dizaines de milliers de «requérants d’asile» du Tiers-Monde disposés à encaisser 420'000 francs sans travailler pendant le temps de la procédure.

 

Pour ces Suisses d’un autre âge, un passeport n’est pas un simple document administratif, comme un permis de pêche ou une licence de cafetier. On ne peut être fidèle à deux communautés nationales, alors qu’on peut être coopérateur de la Migros et détenir aussi une part sociale de la Coop.

 

Je fais sans doute partie de ces nostalgiques d’une époque où il était plus important d’être le premier dans son village que le 26e du Traité de Rome. Je suis donc résolument favorable à une interdiction de la double nationalité.

 

Sans doute faudrait-il, si l’on réintroduisait cette interdiction, régler les cas de ceux qui ont demandé et obtenu la nationalité suisse depuis 1992 sans qu’on ait exigé de leur part qu’ils renoncent à leur nationalité d’origine, ou des Suisses qui ont demandé et obtenu la citoyenneté d’un autre Etat, sachant qu’ils ne devaient pas, pour cela, renoncer à être Suisses. On ne peut, pour ceux-là, changer brutalement les règles du jeu après le début de la partie.

 

Il faudra leur accorder un certain délai pour faire leur choix.

 

Mais un jour, il faut choisir. La jeune fille quitte sa famille pour entrer dans la famille de son mari. Comme en outre nul ne peut avoir en même temps plusieurs domiciles3, on quitte un endroit et on s’installe dans un autre. On n’a généralement qu’une langue maternelle autour de laquelle se construit la pensée et l’intelligence. On peut émigrer, quitter ses parents et ses amis, se construire une autre vie ailleurs, et prescrire qu’on veut être incinéré, et que nos cendres devront être dispersées dans la mer. Mais à chacune des étapes de cette errance, on est néanmoins quelque part et cette fuite n’est destinée qu’à nier publiquement qu’on est quand même de quelque part.

 

Claude Paschoud

 

 

 

1 Du 9 juillet 2003 ATF 129 I 232.

2 Par exemple M. John Dupraz, conseiller national radical de Genève, qui a demandé la nationalité française en 1990 et qui est tout fier d’avoir pu voter pour Jacques Chirac. Compte tenu de l’intelligence limitée du personnage, on ne s’étonnera pas que les «gens» de l’UDC le fassent vomir (sic !).

3 Article 23 al. 2 du Code civil.

 

Au courrier

 

C’est juste, ce que vous dites de cette douteuse assurance maternité.

 

J’ajoute : qui est-ce, cette femme «travailleuse» ? C’est, dans la plupart des cas, la mère d’un seul enfant, tout au plus de deux. Et puis : pourquoi est-elle «travailleuse» ?Dans la plupart des cas, pour pouvoir s’offrir une voiture (même deux) et des vacances dans un pays lointain.

 

Ce qu’il nous faut, c’est un cadeau de plusieurs milliers de francs lors de la naissance du troisième enfant et de chaque enfant ultérieur.

 

Au fond, nous devons abroger les allocations familiales d’à présent et les donner seulement à partir du troisième enfant, alors aussi pour les deux aînés. Je trouve immoral de soutenir des gens qui vivent dans l’aisance et n’ont pas assez d’enfants pour que le peuple reste vivant.

 

Une autre plaie de notre société, c’est le mariage tardif. Il a pour conséquence un enfant ou point du tout et une qualité amoindrie de l’enfant. Car l’âge des parents, surtout de la mère, n’est pas indifférent (Goethe l’a déjà dit). Ce n’est pas par hasard que les trois plus grands hommes des siècles derniers – Goethe, Nietzsche et Napoléon – avaient une mère de moins de vingt ans. Pour remédier à cette plaie, je propose un cadeau de mariage de plusieurs milliers de francs, si la fiancée a moins de vingt-cinq ans, le fiancé moins de trente.

 

 

W.M.

 



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