Lausanne 34e année      «ne pas subir»     Septembre  2004 No 337

 

 

 

Sommaire :

 

Editorial

L’éditorialiste avoue son scepticisme sur le projet d’assurance-maternité.

 

Le cancre Broulis s’agite

Le ministre vaudois des finances a perdu une belle occasion de se taire !

 

En direct de Sirius

Max revient sur l’émotion suscitée par les faux attentats antisémites en France

 

Au courrier

Un aimable lecteur reproche à Max d’avoir minimisé, dans sa critique cinéma relative à la «Guerre de Troie», l’importance de l’amitié amoureuse entre Achille et Patrocle.

 

La parole aux communes !

Lancement d’une initiative populaire, dans le canton de Vaud, visant à offrir à un dixième des communes, par la voix de leur Municipalité, le droit de demander le referendum sur une loi cantonale. Le Pamphlet soutient cette initiative.

 

Naturalisations facilitées : non

Quoique très favorable à l’offre de naturalisation facilitée des jeunes étrangers de la deuxième et de la troisième génération par les cantons, Claude Paschoud est résolument opposé aux modifications qu’on nous propose sous prétexte d’une «harmonisation» qui n’est ni nécessaire ni souhaitable. Pour les étrangers de la troisième génération, la naturalisation automatique doit être exclue !

 

Réflexions sur la violence

Michel de Preux découvre que la source principale de la violence est le mensonge. Il formule trois propositions concrètes de salut mais ne se fait guère d’illusions sur l’accueil des réformes proposées dans les milieux qui profitent largement du mensonge…

 

«Aubade dans les nues»

Présentation du dernier recueil d’aphorismes de Roger Minne.

 

Requérants d’asile : c’est le «chenit» !

En réclamant du gouvernement vaudois qu’il renonce au renvoi des 523 requérants d’asile déboutés, les associations de soutien se trompent d’interlocuteur. Le Conseil d’Etat n’a aucune compétence décisionnelle en la matière. Mais l’exigence d’un réexamen par l’Office fédéral des réfugiés, cas par cas, n’est pas dénuée de toute pertinence…

 

 

 

Editorial

 

Bonjour, chers amis. Nous espérons que vous avez passé un bon été et sommes heureux de vous retrouver.

 

      Parmi les objets qui seront soumis aux citoyens suisses le 26 septembre, il y a l’introduction de l’assurance maternité, ou congé maternité, qui nécessite la modification de la loi sur les allocations pour perte de gain. Il s’agit d’utiliser les fonds des APG pour dédommager non plus seulement les militaires en service, mais aussi les mères qui exercent une activité lucrative – au moins cinq mois pendant la grossesse. Ces femmes recevront pendant quatorze semaines 80% du revenu moyen obtenu avant la naissance avec un plafond de 172 francs par jour.

 

Le 31 août, le conseiller fédéral Pascal Couchepin a emmené les journalistes en «course d’école» à l’île Saint-Pierre qui lui tient lieu de roche de Solutré. A cette occasion, il s’est inquiété de la baisse de la natalité en Suisse et a envisagé diverses mesures qui permettraient de remédier à cet état de fait, soulignant au passage l’importance du congé maternité. On serait tenté d’applaudir à ce désir d’agrandir les familles helvétiques afin d’assurer l’avenir de la société suisse – Monsieur Couchepin aurait osé dire : «La solution, ce n’est pas l’importation de jeunes étrangers» – si notre conseiller fédéral qui n’en est pas, semble-t-il, à une contradiction près, ne se défendait de vouloir appliquer une politique démographique ou nataliste. «Il n’appartient pas à l’Etat de s’ingérer dans la sphère privée des individus», aurait-il précisé. Avec un tel point de départ, il est inutile d’espérer que la natalité indigène va prendre l’ascenseur dans un proche avenir. Car, pour obtenir ce résultat, il faudrait précisément qu’on pratique – pas forcément à l’échelon fédéral, d’ailleurs – une politique nataliste, notamment dans le domaine fiscal et celui du logement. S’il n’y a nulle part de volonté politique dans ce sens – on craint sans doute la réaction des féministes –, alors il n’y a pas de raison d’introduire une assurance maternité généralisée à toutes les mères qui travaillent, quel que soit leur revenu.

 

Monsieur Couchepin fait remarquer que la baisse de la natalité n’est pas tant due à des considérations matérielles qu’au fait que les femmes ont envie de travailler et que les enfants constituent un obstacle. L’assurance maternité changera-t-elle quelque chose à cette situation ? Evidemment non. D’ailleurs, le conseiller fédéral semble oublier que les mères qui exercent une activité lucrative se divisent en deux catégories : celles qui travaillent par choix et celles qui travaillent par nécessité. Comme par hasard, les premières exercent souvent un métier intéressant et lucratif qui vient s’ajouter au revenu d’un conjoint point trop mal loti. A condition de mettre un peu d’argent de côté ou de souscrire une assurance maternité à titre privé, elles peuvent voir venir – le cas échéant, car certaines conventions collectives de travail prévoient déjà des congés maternité indemnisés – quelques semaines non rétribuées. Les secondes se subdivisent en trois catégories : les femmes seules qui gagnent bien leur vie et peuvent donc faire des économies, les femmes seules qui gagnent leur vie médiocrement, voire mal, et dépensent la totalité de leur revenu, et les femmes mariées ou vivant en concubinage qui sont obligées d’exercer une activité professionnelle, pas toujours gratifiante, parce que leur conjoint ne réussit pas à faire bouillir la marmite tout seul. Les premières nous paraissent être en mesure de se passer d’un congé maternité entièrement indemnisé. En revanche, les autres risquent de se trouver en difficulté si on ne rémunère pas leur «congé maternité» obligatoire pendant toute sa durée. C’est à elles qu’il convient de venir en aide si elles le demandent. Et ce n’est pas par le biais d’une assurance maternité généralisée à toutes les «travailleuses» devenues mères qu’on y parviendra. Les services sociaux sont là pour ça.

 

On fera remarquer aussi que l’assurance maternité qu’on nous propose dévalorise une nouvelle fois les femmes au foyer réduites au statut de femmes-qui-n’ont-pas-envie-de-travailler.

 

L’obligation de travailler cinq mois pendant la grossesse pose un autre problème : certaines femmes au foyer ne seront-elles pas tentées de se trouver, pendant leur grossesse, un travail temporaire de cinq mois pour bénéficier de l’assurance maternité, quitte à retourner à leur condition de «paresseuses» par la suite ?

 

En raison, sans doute, de  la considérable diminution des effectifs de l’armée, les réserves du fonds des APG se montaient à 2,3 milliards de francs à la  fin de l’année 2003. Faut-il gaspiller ce pactole, compte tenu de l’état déplorable des finances de la Confédération et d’un certain nombre de cantons ? 

 

Si la modification de la loi est rejetée, les recrues n’auront pas droit à une adaptation de leurs allocations à la situation économique. Ne nous laissons pas prendre au piège des «pauvres recrues». En cas de refus, il sera toujours possible de procéder à une modification ne concernant que l’armée.

 

La rédaction du Pamphlet n’est pas unanime sur la question de l’assurance maternité. L’auteur de ces lignes s’exprime donc à titre personnel. Il  en a assez de voir la plupart des partis se complaire dans les schémas dépassés du socialisme conservateur et d’un féminisme sclérosé. Il votera non à l’assurance maternité le 26 septembre et vous conseille de l’imiter.

 

Le Pamphlet

 

 

 

 

Le cancre Broulis s’agite

 

Lors de la dernière séance du Grand Conseil vaudois, le ministre des finances Pascal Broulis s’en est pris à la dernière production du Centre patronal : «Les finances vaudoises à vau-l’eau»*. Il a vertement critiqué les docteurs du centre patronal grands donneurs de leçons, en ajoutant : «J’ai lu les septante-trois pages de leur brochure. A aucun moment, ils ne nous proposent une mesure concrète…»

 

Le cancre Broulis a perdu une belle occasion de se taire : la brochure en question comprend 82 pages, et les pages rédigées sont numérotées jusqu’à la septante-huitième. Sans doute le petit Pascal a-t-il dû interrompre ses études alors que sa classe n’avait pas encore appris à compter jusqu’à 100.

 

 

Le constat du Centre patronal est accablant : l’état déplorable des finances cantonales n’est pas dû à une crise des recettes, qui ne font que croître, mais à l’absence de maîtrise sur les dépenses. Le canton de Vaud dépense plus que les autres, et investit moins. Cette situation n’est pas due à une structure sociale défavorable (par exemple trop de jeunes, ou trop de vieux).

 

Contrairement à ce qu’a affirmé avec aplomb le conseiller d’Etat Broulis, la brochure du Centre patronal donne des pistes pour sortir de cette situation, et propose plusieurs mesures concrètes.

 

Encore faut-il savoir lire ailleurs que dans les bulles des bandes dessinées, et savoir compter au moins jusqu’à quatre-vingt-deux.

 

C.P.

 

* «Les finances vaudoises à vau-l’eau, un faux remède : l’assainissement par l’impôt» Collection «Etudes & Enquêtes», no 32 par Christophe Reymond, Jean-Hugues Busslinger et Jean-François Cavin.

 

En direct de Sirius

 

Celle par qui le scandale implose

 

Grâce à l’imagination débridée d’une jeune maman en mal de notoriété, depuis le sommet incantatoire de l’Elysée jusqu’à la plus obscure officine « mélangiste » et protectrice de « potes », la France, inconfortable de son racisme, a été, quatre jours durant, roulée dans la farine. Dans une de ces magnifiques envolées oratoires dont il a le secret, l’inévitable polichinelle « gesticulatoire » de Matignon n’a pas craint de préciser qu’il fallait combattre l’antisémitisme, «cette forme de racisme insupportable 1»– existerait-il donc dans la république laïque et multiethnique des formes de racisme supportables ? On veut croire que cette étrange mise au point n’était qu’un lapsus supplémentaire à mettre au compte d’une saine indignation de ce spécialiste en communication. Pour sa part, le présidentiel chantre du regroupement familial (des travailleurs immigrés), se fend, à l’occasion du discours du 14 juillet, d’un non moins étrange : «Nos compatriotes juifs, musulmans, ou d'autres, même simplement parfois des Français1» dont on est soulagé d’apprendre par Actualité Juive2 qu’il ne s’agit-là que d’un «lapsus non révélateur» ! Donc, non point à cause de, mais bien grâce à Mme Marie-Léonie Leblanc, les Français conserveront désormais présent à l’esprit que tout swastika soigneusement calligraphié n’est pas forcément attribuable à ceux que l’on voudrait. Cette jeune femme à l’équilibre cérébral un peu précaire démontre par l’absurde la faisabilité de montages provocateurs aux fins de diaboliser ceux qui, dans l’Hexagone, aspirent – dans le respect des étranges règles démocratiques et malgré les verrous sournois et autres bâillons infâmes que ces dernières leur imposent – à une urgente et salutaire correction de cap. Peut-être les Français saisiront-ils enfin que tout ce qui désacralise, macule et outrage, toujours à point nommé, est précisément contraire aux valeurs de cette extrême-droite promue « droite-extrême » qui n’a d’autre tort que de vouloir sauver ce qui peut encore l’être. Et ce ne sont pas l’affaire de l’automutilation du rabin Fahri, ni celle, toute récente, de l’incendie du centre communautaire juif de la rue Popincourt (nuit du 21 au 22 août), «acte anti-juif» pour lequel on apprend, sept jours plus tard, la mise en examen d’un employé sépharade «psychologiquement fragile» et vindicatif qui empêcheront de se demander si d’autres croix gammées ou slogans «nazillards» n’ont pas été tracés de la droite vers la gauche…

 

Eté 2004 – un cadeau providentiel signé Sharon

 

Les pieds pris dans la chaîne des colons-extrémistes du «Grand Israël», tourné à droite, tourné à gauche, M. Sharon, rétrogradé à l’état de girouette centriste par les efforts de son ennemi de parti Nathanyaou et l’insubmersibilité de M. Shimon Peres, perd le nord et offre aux Palestiniens leur Mur des lamentations… mais en plus grand.

 

Max l’Impertinent

 

1 Souligné par nous.

2 No 852, du 22.7.2004, p. 29

 

 

Au courrier

 

Cher Max,

 

Sans aucun doute, vous avez raison de trouver à redire que cette «Guerre de Troie» ne sait rien des dieux de l’Olympe.

 

Je ne l’ai pas vue, mais j’ai le soupçon qu’elle pèche aussi et plus dans un autre sens : qu’elle façonne l’affaire Briséis à une histoire d’amour entre elle et Achille, tandis que l’affaire qui donne à l’Iliade une certaine splendeur, c’est l’amitié amoureuse entre Achille et Patrocle…

 

Je sais hélas que vous ne goûtez pas l’amour du même sexe. Vous avez tort et les Grecs précisément pensaient comme moi : que cet amour peut être plus beau et plus profond que l’autre, parce que deux êtres du même sexe se comprennent mieux que l’homme et la femme; chez ceux-ci, il existe toujours un contraste, pour ne pas dire une contradiction qui peut devenir dangereuse.

 

Mais continuez de nous faire plaisir avec votre impertinence. Merci en tout cas !

 

Cordiales salutations.

 

W.M.

 

 

La parole aux communes !

 

Une initiative visant à donner aux communes vaudoises le droit de lancer un référendum lorsqu’elles estiment que leurs intérêts sont menacés par les décisions du canton vient d’être lancée. Estimant que l’Etat est en train de vider les communes de leur substance politique et financière, notamment dans les domaines de la police, de l’école, des routes et du redécoupage territorial; constatant que les reports de charges de l’Etat sur les communes ne cessent d’augmenter et que ces dernières sont sous la menace d’une contribution forcée de cent millions par année dès 2006, sous couleur d’assainir les finances du canton, les auteurs de l’initiative proposent d’introduire le référendum des communes dans la constitution. Lancé par au moins un dixième des communes vaudoises via leurs municipalités, ce référendum permettra de demander à l’Etat de soumettre un décret ou une loi contraire aux intérêts fondamentaux des communes au vote du peuple qui tranchera en dernier ressort.

 

         Nos lecteurs trouveront encartées dans ce numéro du Pamphlet des listes de signatures*. Nous vous recommandons de signer et de faire signer cette initiative bien dans la ligne de la démocratie directe si souvent malmenée de nos jours.

 

M.P.

 

* Note pour l’édition informatique du Pamphlet

 

Les listes (dont un fac simile figure ci-dessous en bas de page) peuvent être obtenues l’adresse suivante : Comité d’initiative «La Parole aux Communes», case postale 3414, 1002 Lausanne

 

 

Naturalisations facilitées : non

 

Actuellement, la procédure d’acquisition de la nationalité par décision de l’autorité (naturalisation) est relativement compliquée et pas toujours bien comprise des Suisses eux-mêmes, qui ont oublié que leurs ancêtres étaient citoyens d’un canton avant même que celui-ci n’entre dans la Confédération, et qu’ils sont donc devenus Suisses au moment de cette adhésion.

 

On est donc un Suisse parce qu’on est Vaudois, ou Valaisan, ou Genevois. La constitution fédérale le précise en ces termes : «A la citoyenneté suisse toute personne qui possède un droit de cité communal et le droit de cité du canton.»1.

 

On acquiert la nationalité suisse par le seul effet de la loi si l’un au moins de ses parents est Suisse2. On peut aussi l’acquérir par naturalisation, pour autant qu’on suive une procédure dont le Conseil fédéral nous dit, dans sa petite brochure explicative au sujet des prochaines votations, qu’elle est longue et plus ou moins onéreuse, selon le domicile, ce qui est parfaitement exact.

 

L’une des questions qui sera posée au peuple lors de la votation du 26 septembre concerne donc une procédure de naturalisation facilitée pour les jeunes étrangers de la deuxième génération, ceux dont les parents ont immigré en Suisse et qui sont donc eux-mêmes, pour une partie d’entre eux, nés en Suisse.

 

Plus de la moitié des cantons, parmi lesquels les cantons de Vaud, Genève, Neuchâtel, Jura et Fribourg connaissent déjà des facilités (notamment financières) accordées aux jeunes étrangers de la deuxième génération. Douze cantons ne connaissent pas ces facilités, parmi lesquels le canton du Valais.

 

Autant je suis moi-même favorable à ce qu’un jeune étranger qui en fait la demande puisse obtenir le droit de cité de la commune et du canton où il réside depuis plusieurs années, et où il a suivi sa scolarité, sans examen complémentaire humiliant sur ses connaissances culinaires ou géographiques et moyennant un émolument raisonnable, autant je m’inscris en faux contre l’idée (fédérale) qu’il convient dans toute la Suisse d’harmoniser3 les conditions de la naturalisation.

 

Et pourquoi le faudrait-il ? Pourquoi contraindre les Valaisans à fondre en une seule entité leurs communes bourgeoises et leurs communes politiques, et à brader à prix discount la copropriété de leur patrimoine s’ils n’en ont pas envie ?

 

La Confédération, suivant en cela l’étrange conception du Tribunal fédéral4, s’imagine que la naturalisation est une décision purement administrative, soumise comme telle à l’exigence de l’égalité de traitement.

 

Or, comme l’a déjà brillamment démontré notre collaborateur Michel de Preux dans ces colonnes l’an passé5, «aucune communauté ne peut être forcée d’admettre des membres nouveaux dans son sein et toutes ont le droit de fixer à leur gré les conditions de cette admission».

 

La Confédération ne jouit pas du droit d’imposer de nouveaux membres aux communes et aux cantons de notre pays.

 

Dès lors, je voterai non à ce premier volet du projet, quand bien même j’approuve les mesures prises par les cantons hospitaliers pour l’accueil facilité des jeunes étrangers.

 

Je voterai évidemment non au deuxième projet, qui vise à offrir la nationalité suisse d’office, sans que l’intéressé l’ait demandée, aux étrangers «de la troisième génération», soit ceux dont les grands-parents ont immigré en Suisse et dont un des parents a suivi au moins 5 ans de scolarité en Suisse.

 

Sans aucun doute ces étrangers-là méritent-ils d’être accueillis, s’ils en manifestent le désir, sans obstacles administratifs ou financiers. C’est déjà le cas dans de nombreux cantons, et pourtant, cela n’incite guère les jeunes gens soucieux d’éviter le service militaire à présenter une requête !

 

A part par le droit du sang, l’appartenance à une autre communauté nationale doit être le fruit d’un choix. Pas de naturalisation automatique !

 

Deux fois NON !

 

C. P.

 

1  RS 101 art. 37 al. 1

2  Même si c’est le père qui est Suisse et qu’il n’est pas marié avec la mère, en vertu d’une modification de l’art. 1 al. 2 de la loi (RS 141.0) du 3 octobre 2003.

3  Dans le vocabulaire d’un fonctionnaire fédéral, «harmoniser» veut dire nécessairement «unifier», «rendre strictement identique».

4  Arrêt du 9 juillet 2003 ATF 129 I 232

5  Le Pamphlet No 326 – juin/juillet/août 2003

 

 

 

Réflexions sur la violence

 

Partout, la violence s’accroît et s’étend, jusque dans les milieux naguère préservés, comme l’école. Partout aussi, la violence ne se maîtrise plus ou de moins en moins. On dit (Paul VI à l’ONU) «Plus jamais la guerre !», mais la guerre est partout, d’autant plus sauvage et aveugle qu’aucune loi ne la régit plus ! Que dire de la violence par les lois, la plus cruelle de toutes, disait Bacon ? Elle donne aux magistrats de l’ordre judiciaire la faculté de trancher des questions d’histoire profane, au mépris de la libre recherche scientifique; elle est le fait des législateurs eux-mêmes déqualifiant des crimes (l’avortement) à leur convenance et en créant d’autres, également à leur convenance (la discrimination tous azimuts, par exemple).

 

Plus l’homme s’affranchit des normes de droit naturel, plus il lui faut de violence, légale, psychique, sociale, politique, pour imposer sa nouvelle morale à ses semblables… Si bien que l’on peut formuler cette loi générale : la vérité est en soi et par soi non seulement facteur de justice mais de paix sociale, si bien qu’à mesure que les hommes s’en éloignent, méprisent toute vérité pour elle-même, tiennent à l’ignorer comme impératif moral, s’accroissent l’injustice et la violence, jusqu’à ce qu’ils reviennent à la raison, à la droiture. Ainsi fondamentalement vicié, l’«ordre» social tend à se rapprocher de celui des prisons ou des camps de travaux forcés. A l’extrême violence du mensonge omniprésent doivent correspondre, malgré toute volonté contraire des hommes, un système concentrationnaire de vie sociale et le despotisme politique. Nous nous en approchons. Les partis de l’ordre ne conjurent pas cette menace, ils tentent seulement de l’infléchir (de moins en moins…).

 

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les sages, les hommes spirituels se méfient généralement des partis de l’ordre, car ils discernent en eux un remède plus apparent que réel et plus éphémère que durable. Il faut dans le traitement social de la violence partir de ce principe absolument certain et irréfutable : tout mensonge, même par omission, est facteur de violence et d’accroissement de violence. Si la vérité rend libre, le mensonge opprime. Une oppression permanente engendre une révolte permanente. On définissait jadis le régime de l’empire ottoman comme un despotisme tempéré par l’assassinat. En Europe même, la Prusse fut à la fois le modèle d’Etat protestant et de société militarisée. Les Français sont devenus racistes depuis la Révolution. Les Anglais ont opprimé et réprimé leurs pauvres depuis la Réforme d’Henry VIII et c’est l’excès de leur capitalisme qui engendra la pensée sociale catholique dans un sens, le marxisme dans l’autre. Celui-ci finit par l’emporter chez les intellectuels et dans l’université avec le laïcisme… A cause de cela, il ne cesse de fasciner, surtout les catholiques renégats d’aujourd’hui… ce qui n’est pas un hasard du tout, après Vatican II.

 

De l’affaire des otages français en Irak, la France tire visiblement une dépendance accrue à l’égard de sa propre minorité de confession musulmane. Car tout rapport de force est dynamique et finit par confirmer la conviction la plus affirmée, la plus obstinée mais aussi la plus habile sur le plan tactique.

 

Nous n’avons pas d’autre choix, en Europe, que le catholicisme le plus intransigeant ou l’islam le plus radical. Mais il serait néanmoins aberrant de rétablir par la violence un rapport de force en faveur du premier dans l’immédiat. Il est à la fois sage et raisonnable de travailler à l’infléchissement du rapport de force actuel dans le bon sens, exigence qu’ignorent tous les partis politiques, y compris de droite nationale, ce qui prouve leur commune stupidité, leur sectarisme étroit et leur défaut d’honnêteté. On n’oppose pas des taux de croissance au fanatisme religieux ! Le simple bon sens politique nous dit qu’on lui oppose une foi religieuse meilleure, ce qui requiert nécessairement une discrimination, une appréciation et une dépréciation. On n’apprécie pas le catholicisme sans déprécier le protestantisme ou sans discréditer l’islam. A cet égard, le «pari» de Vatican II n’est qu’une idiotie colossale. Ou une perversion délibérée de prélats dégénérés.

 

Nous pourrions donc commencer par rétablir une authentique liberté d’opinion (abrogation de toutes nos lois anti-révisionnistes, qui sont contraires à la distinction entre pouvoir temporel et pouvoir spirituel). Dans un deuxième temps, nous pourrions formuler l’exigence politique d’un authentique débat civique avec toutes les droites anathémisées par les autres partis politiques. Dans un troisième temps, nous pourrions revisiter quelques lieux communs en matière d’histoire dans l’enseignement public, réexaminer les fondements de la philosophie moderne dans l’enseignement public supérieur d’Etat et ouvrir l’université à l’utilité sociale et politique de la théologie. Tout cela peut fort bien s’entreprendre dans un climat serein mais intellectuellement et spirituellement exigeant. N’est-ce pas, d’ailleurs, la moindre des exigences en ce domaine ?

 

Si nous tentions une expérience dans ce sens, nous verrions ce que la violence deviendra… Il y a pourtant un obstacle majeur à ce type de réforme : les situations acquises, les rentes sur la violence même. Le cynisme dans le mensonge ne trouve sa limite que dans l’échec de la violence même qu’il aura déclenchée. C’est la leçon de toutes les tyrannies, que nous n’avons sans doute pas encore comprise…

 

Michel de Preux

 

 

«Aubade dans les nues»

 

Notre ami Roger Minne, désormais bien connu de nos lecteurs, vient de publier son quatrième recueil d’aphorismes et de réflexions1. Tour à tour moqueur, profond, tendre et parfois aussi quelque peu abscons, l’auteur nous livre au fil des pages les pensées que lui inspirent, entre autres, la bêtise humaine, les femmes, la politique et les politiciens, la religion, les modes langagières ou tout simplement la vie quotidienne.

 

Quelques exemples :

 

«Le capitalisme consiste à faire du profit, sans aucun scrupule et sournoisement. Le socialisme consiste à voler l’argent directement dans vos poches.»

 

         «Dans votre immeuble, il y a des gens qui font frire des oignons tous les soirs et vous obligent à les respirer, il y a des joueurs de piano, des gosses qui jouent au foot dans un autre appart. Et il y a vous, qui ne produisez aucune mauvaise odeur, qui ne courez pas sur votre parquet, dont nul n’entend hurler la TV ou la techno.

 

         Ne vous faites aucune illusion : dans cet immeuble, l’emmerdeur, c’est vous.»

 

         «En France, on n’interdit presque jamais un livre qui gêne (traduction : qui dit la vérité). On ne le diffuse pas, on n’en parle pas, c’est tout. Il existe aussi une liste noire secrète, avec les noms d’auteurs de talent qu’il est interdit de citer.»

 

         «Si Marie-Antoinette a commis de coupables abus aux dépens de la France, elle méritait au moins l’exil. J’en suis sûr. Si Marie-Antoinette a trahi mortellement l’armée française, elle méritait des années de prison, de privations et de pain noir (non brioché). J’en suis sûr. Mais si des hommes ont fait coucher une femme, je dis une femme, sur la planche qu’ils ont fait basculer, introduit la tête de cette femme dans le trou et fait tomber le couteau sur le cou de cette femme, ces hommes-là sont d’infâmes crapules. J’en suis sûr.»

 

         «Ne dites plus : “J’ai fait mon choix”, mais : “Voici l’option que j’ai retenue”. Ne dites plus : “Qu’est-ce que vous comptez faire ?”, mais : “Quels sont les leviers de commande sur lesquels vous pensez agir ?”. Ne dites plus : “Il y a eu une évolution”, mais : “Il y a eu un glissement de discours”. »

 

         «Les gouvernements, de droite ou de gauche, ne résolvent jamais les problèmes. Le gouvernement, c’est le problème.»

 

         Illustré par la dessinatrice Chard dont Max chantait les louanges dans notre numéro de juin, Aubade dans les nues est un livre attachant, reposant et revigorant.

 

         Au cas où, ce qu’à Dieu ne plaise, notre ami ne ferait pas partie des auteurs que diffuse votre libraire favori, vous pouvez vous procurer son livre soit en envoyant 20 euros à Roger Minne, BP 444, F-75327, Paris 007 Cedex, soit en versant 31 francs suisses à Roger Minne, «Le Lichen 9», BP 246, 1936 Verbier.

 

         Bonne lecture.

 

Mariette Paschoud

 

1 Aubade dans les nues, éd. Dominique Guéniot, F-52 200 Langres

 

 

 

Requérants d’asile : c’est le «chenit» !

 

La situation dans laquelle se trouvent 523 requérants d’asile déboutés définitivement divise profondément le canton. A ma gauche, les inévitables associations de défense des «sans-papiers», travailleurs sociaux au grand cœur, et autres «collectifs» toujours disposés à voler dans les plumes de l’autorité quel qu’en soit le prétexte, ainsi que la presse quotidienne. A ma droite, tous ceux qui se réjouiraient du départ forcé de toute cette «racaille» d’étrangers, de trafiquants de drogue et de casseurs.

 

Entre ces deux pôles, une masse de braves citoyens perplexes, déboussolés, généralement respectueux de l’autorité et néanmoins portés à l’indulgence : ne pourrait-on réexaminer le cas de ces familles, présentes depuis longtemps chez nous, dont les enfants sont scolarisés… ?

 

Il y a plus de dix ans que nous dénonçons ici les défauts de notre loi fédérale sur l’asile, celle du 26 juin 1998 n’étant guère meilleure que celle du 5 octobre 1979 qu’elle a remplacée. Nous avons déjà exposé toute l’absurdité d’une procédure qui coûte des millions et qui aboutit à refuser le 93 % des requêtes. Nous avons montré que les décisions de renvoi n’étaient que rarement suivies d’un renvoi effectif, la majorité des requérants déboutés finissant par «disparaître dans la nature».

 

Nous avons rendu vraisemblable que la prise en charge matérielle des requérants pendant toute la procédure (qu’il est possible de rendre volontairement très longue à force de recours, demandes de réexamen et autres incidents) est un puissant attrait pour les démunis de la terre entière.

 

L’Office fédéral des réfugiés (ODR), autorité compétente pour prononcer l’«admission provisoire» d’un requérant d’asile débouté, avait accepté d’étudier avec humanité les dossiers que les cantons lui soumettraient, en vue d’ordonner cette mesure de remplacement. Mme Metzler avait indiqué les critères qui pouvaient favoriser l’admission du cas. Parmi ces critères, un «comportement irréprochable» et une bonne «intégration» sociale par quoi il fallait entendre notamment une indépendance financière (pas d’entretien par les services sociaux), figuraient en bonne place.

 

L’autorité fédérale a admis plus de 500 cas proposés par le canton de Vaud et en a finalement rejeté 523. Légalement, ces 523 personnes n’ont pas le statut de réfugiés, ont épuisé toutes les voies de recours possibles et doivent donc quitter la Suisse. En application de l’article 14 de la loi sur l’asile, «le requérant ne peut engager de procédure visant à l’octroi d’une autorisation de séjour de police des étrangers entre le moment où il dépose une demande d’asile et celui où il quitte la Suisse après la clôture définitive de la procédure d’asile (…)»

 

Il est vrai que si l’exécution du renvoi n’est pas possible, une mesure de remplacement peut être ordonnée, mais c’est l’ODR qui l’ordonne sur proposition de l’office fédéral de l’immigration, de l’intégration et de l’émigration (IMES, ancien office fédéral des étrangers), du Ministère public de la Confédération ou de l’autorité cantonale de police des étrangers. C’est précisément cette mesure de remplacement (admission provisoire) qui a été refusée aux 523 étrangers par l’ODR, ce qui rend la décision de renvoi juridiquement exécutoire.

 

L’autorité cantonale a-t-elle encore une marge de manœuvre ? Sauf à défier l’autorité fédérale et à violer la loi : aucune ! En vertu de l’art. 46 al. 1 de la loi sur l’asile, le canton d’attribution est tenu d’exécuter la décision de renvoi. Il peut le faire avec doigté et humanité ou brutalement et sans ménagements. Il n’en reste pas moins qu’il est tenu de le faire, au besoin par la contrainte.

 

Faut-il, pour des motifs de conscience, que l’autorité cantonale viole de façon délibérée, le droit fédéral ?

 

Nous proposons au Conseil d’Etat et aux associations concernées quelques pistes de réflexion, sous forme de onze thèses :

 

1.     Les étrangers entrés en Suisse pour y demander l’asile savent que leurs chances d’obtenir le statut de réfugiés sont très minces. Ils apprennent par cœur un conte destiné à rendre plausibles les sévices dont ils ont été prétendument les victimes dans le pays qu’ils ont fui.

2.     Si le souci principal de ces migrants était de protéger leur vie ou leur intégrité physique contre les persécutions subies dans leur pays, ils devraient s’arrêter dans le premier pays sûr, celui qui est à la fois le plus proche de celui qu’ils abandonnent et où ils puissent être en sécurité.

3.     Ils sont attirés en Suisse par la situation matérielle très généreuse faite aux requérants d’asile par les services sociaux.

4.     Encouragés par des associations qui leur font miroiter des espoirs fallacieux, ils multiplient les recours et prolongent ainsi une situation sans espoir raisonnable.

5.     On aboutit ainsi à ce qu’une famille de requérants réside en Suisse depuis 11 ans, ce qui est scandaleusement trop long !

6.     On apprend, au sujet de cette famille précisément, que durant ces 11 ans, seul le père de famille a travaillé, en tout 6 semaines, et que les services sociaux ont versé 420'000 francs. Nous estimons que la décision de renvoi devait être prise beaucoup plus tôt.

7.     On apprend aussi que certains dossiers n’auraient pas été traités, à Berne, avec tout le soin désirable, ce qui ne nous étonne pas.

8.     Le critère du «comportement irréprochable» devrait faire la distinction entre un péché véniel commis une seule fois (excès de vitesse sans mise en danger) et un comportement délibérément dédaigneux de l’ordre établi et des règles du pays qui offre l’hospitalité (conduite avec récidive d’un véhicule automobile malgré un retrait de permis).

9.     L’admission globale de tous ces 523 requérants concernés par un séjour de longue durée est inacceptable, car elle créerait une inégalité avec d’autres cas précédents, qui n’ont pas été admis, et, d’autre part, elle serait un facteur inopportun d’attractivité de la Suisse comme terre d’asile.

10. Un réexamen attentif, par l’autorité fédérale, des 523 cas est souhaitable, ne serait-ce que pour permettre à l’ODR, avec l’accord des intéressés, de justifier publiquement les refus d’entrer en matière sur le réexamen.

11. Il est paradoxal, par exemple, qu’une famille entière soit renvoyée au motif qu’un seul de ses membres a eu maille à partir avec la justice, alors même que cette personne sera la seule à rester, parce qu’elle se prépare à épouser une Suissesse !

 

En résumé, l’autorité fédérale, seule compétente pour prononcer un moratoire, devrait se mettre en mesure de justifier ses décisions par des arguments convaincants. Les associations d’aide aux réfugiés prennent une lourde responsabilité morale en proclamant «Nous ne vous abandonnerons pas» alors qu’elle n’ont pas les moyens de tenir cette promesse et qu’elles le savent.

 

Et en outre, comme aurait pu le dire Caton l’Ancien, il faut changer la loi !

 

Claude Paschoud

 

 

Fac-simile de la liste qu’on peut obtenir à l’adresse :

Comité d’initiative «La Parole aux Communes», case postale 3414, 1002 Lausanne :