Lausanne 34e année      «ne pas subir»       Juin-Juillet-Août  2004 No 336

 

 

 

Sommaire :

 

Editorial

L’éditorialiste n’a pas aimé que le comité d’initiative «Des notes pour une école transparente» trahisse les signataires et retire l’initiative

 

Bricoles

Où il est question des élections européennes, de football, de violences policières, d’un passage pour piétons et d’un cancre genevois

 

En direct de Sirius

Max est devenu «ethniste» et il commente, avec sa verve coutumière, l’actualité française : mariage «gay» à Bègles, commémorations en Normandie et sortie sur les écrans d’une étrange Guerre de Troie

 

Seul le bon sens est moral

Michel de Preux jette un regard original sur la politique de la santé

 

Enfin un signal clair !

Claude Paschoud se réjouit du coup de frein donné par le Conseil national à la folie «dépénalisatrice» en matière de stupéfiants

 

Point de vue du bout du lac

Xavier Savigny s’en prend aux privilèges des fonctionnaires

 

Vacances

Pas de Pamphlet pendant les deux mois d’été !

 

 

 

Editorial

 

         Trahison ! Le libéral Jacques-André Haury et ses petits copains du comité d’initiative «Des notes pour une école transparente» ont retiré ladite initiative à la suite des concessions minimes et de pure forme que leur a consenties Anne-Catherine Lyon, chef socialiste du Département de la formation et de la jeunesse. Les notes seront réintroduites –occasionnellement et sans calcul de moyennes générales – dès la cinquième année secondaire, ce qui permettra de maintenir le flou dans les cycles primaires qui, comme nous l’apprend notre expérience personnelle, ont pourtant grand besoin de clarté et de transparence. En plus, l’échelle des notes comprendra des demi-points, afin qu’il soit possible aux maîtres d’affiner leurs – occasionnelles – appréciations chiffrées.

 

         Les naïfs de notre genre s’étaient imaginé que les promoteurs de l’initiative étaient réellement soucieux du bien des écoliers vaudois, de leurs maîtres et de leurs parents. Tout au plus étaient-ils surpris, ces ingénus, que l’initiative ne propose pas la réintroduction des notes dès la première année. Mais cette anomalie pouvait s’expliquer par le fait que les «chiffres», comme disaient nos arrière-grands-parents, avaient été supprimés en première et – partiellement – en deuxième année primaire bien des années avant l’introduction d’EVM (Ecole vaudoise en mutation, pour nos lecteurs non vaudois). Sachant pertinemment que la suppression des notes n’était qu’un aspect des errements de l’école vaudoise, nous comptions bien que, à l’occasion de la campagne précédant la votation, les autres inepties d’EVM – ghettoïsation des élèves les moins doués pour les activités intellectuelles dès la septième  secondaire, aggravation des disparités entre enfants issus de milieux favorisés et enfants moins privilégiés, surcharge administrative des maîtres, angoisse et colère des parents largués – et certaines méthodes pédagogiques sans rapport direct avec EVM, mais procédant de la même idéologie destructrice, seraient débattues sur la place publique.

 

         Il faut déchanter. L’initiative des libéraux n’a été qu’une manœuvre politicarde, une magouille, une poudre aux yeux destinée à masquer le fait dorénavant avéré que les libéraux, les socialistes et les autres partis mènent le même combat : encenser dans leur discours la déesse démocratie, se gargariser de la notion de souveraineté populaire et violer de concert, chaque fois que faire se peut, les principes qui sont censés guider leur action, afin que le pouvoir reste aux mains des oligarques qu’ils sont, comme le furent les deux cent familles de Berne qui, de 1536 à 1798, veillèrent paternellement et avec davantage de bienveillance au bien-être de leurs féaux sujets du Pays de Vaud. Dans ces conditions, «c’était pas la peine, c’était pas la peine de changer de gouvernement…».

 

         Le cynisme de nos autorités politiques est tel qu’elles ne prennent même plus la peine de dissimuler le fossé qui sépare leur discours officiel de leurs actes : si l’on en croit un 24 Heures du 2 juin nettement admiratif – faut-il s’en étonner ? – , Madame Lyon «a travaillé dur pour que l’initiative ne soit pas votée par le peuple». En fait, sous réserve de consultations à grand spectacle – pseudo-démocratie oblige –, Madame Lyon n’a pas eu besoin de travailler tellement dur, puisqu’elle était assurée, à condition de faire semblant de lâcher du lest, du soutien de ses prétendus adversaires et qu’elle a trouvé le temps d’aller visiter, fin mai, des universités de Boston en compagnie de Pascal Couchepin. Il n’en reste pas moins que, pour elle et ses affidés, les Vaudois qui votent ne sont plus le peuple souverain, mais le peuple ennemi qu’il convient de bâillonner.

 

         Nous n’avons jamais cru – sauf dans notre très lointaine enfance – que la démocratie était un régime politique très  supérieur aux autres. Mais nous croyions encore jusqu’ici – Dieu nous pardonne ! –  que les défauts de l’idéologie démocratique étaient, chez nous, corrigés au moins en partie par le système de la démocratie directe. Nous avons à cet égard participé à de nombreux combats. Nous avons connu souvent les affres de la défaite, mais  aussi, parfois,  l’ivresse de la victoire. En définitive, cependant, perdre ou gagner n’était pas l’essentiel. L’essentiel était que, contrairement à ce qui se passe dans les autres pays, la population pût donner son avis sur toutes sortes de questions qui la concernaient directement. Ce n’est plus le cas, semble-t-il.

 

L’auteur de ces lignes a toujours signé toutes les initiatives et tous les référendums qu’on lui proposait, par respect pour la démocratie directe précisément, et sans préjuger de son vote final. Si les initiatives et les référendums ne sont plus que des trompe-l’œil, des outils démagogiques remisés aussitôt que jugés inutiles par des politiciens infidèles, nous ne signerons plus rien, nous n’irons plus voter, nous ne participerons plus à aucune élection.

 

Avec nos remerciements émus à Leurs Excellences du Château et du Palais de Rumine.

 

Le pamphlet

 

 

Bricoles

 

Euromaniaques : cruel scrutin !

 

Douloureuse surprise pour les Euromaniaques : dans leur grande majorité, les Européens ne s’intéressent pas à l’Europe de Bruxelles, et même les nouveaux admis s’en moquent. En Grande-Bretagne, M. Robert Kilroy Silk, un ancien présentateur de BBC, exclu de son parti pour cause de discours politiquement incorrect sur l’Islam, a fait un très beau succès en fondant sa campagne sur le retrait de l’Angleterre de l’Union. Sévère défaites en Allemagne et en France pour les partis au pouvoir, favorables à l’intégration.

 

Le nouveau Parlement comporte moins de sièges. Si chaque formation avait maintenu son importance relative, elle n’aurait perdu que 6,87 % de ses élus. L’infographie du Matin, mardi 15 juin, montre que «la doite» est située à gauche et qu’elle a relativement bien résisté. Les socialistes, les verts et les divers gauches s’effondrent alors que les «eurosceptiques» et ce que les staliniens de la presse romande nomment «l’extrême droite» progressent.

 

Evidemment, loin d’inciter les apôtres de l’intégration à la modestie, ou à la réflexion, ce résultat consternant – pour eux – suscite une volonté renforcée de mieux «informer» le peuple et d’aller de l’avant : «Nous avons besoin de montrer que l’Europe travaille» a déclaré M. Brian Cowen, ministre irlandais des affaires étrangères dont le pays assume la présidence tournante de l’Ûnion.

 

Violences policières

 

A en croire le Matin, les violences policières sont quasi quotidiennes. Le 14 juin, gros titre en page 3 : «les policiers ont passé leurs nerfs sur lui» Celui qui parle, c’est le papa (qui n’a pas assisté à la scène) d’un charmant jeune homme de 16 ans, ivre, qui s’est débattu lors d’un contrôle de routine, qui a insulté les policiers de Sierre et qui a refusé de présenter ses papiers d’identité. Le petit Alexandre s’est retrouvé plaqué au sol et menotté. Il n’est pas content, son papa non plus, et ils l’ont dit à la journaliste du Matin !

 

Le lendemain, rebelote : c’est en première page cette fois que figure le titre accrocheur : «Sa femme le gifle. la police l’assomme».

 

Une dispute conjugale sur la voie publique montreusienne, entre un bagarreur d’habitude, ivre-mort, et sa bonne femme tourne au drame lorsque le policier pris à partie repousse l’agresseur dont la tête va donner contre la vitre arrière du véhicule de police. Il n’en fallut pas plus pour que le Matin proclame, en pages 2 et 3 sur un titre aux lettres de 24 mm, citant l’épouse : «Il n’y avait aucune raison de jouer aux Rambos»

 

Hardturm

 

Les fanatiques du ballon rond ne sont pas loins de désigner à la vindicte populaire les opposants au nouveau stade du Hardturm, à Zurich, dont les recours risquent d’empêcher les travaux de débuter et le stade d’être prêt à temps pour l’Eurofoot de 2008. Le lynchage médiatique a déjà commencé.

 

D’un côté, les sportifs, les banquiers, les commerçants, les promoteurs et les constructeurs, les détenteurs du fric et ceux qui rêvent d’en gagner le plus vite possible et le plus possible. Ils nous parlent avec entousiasme du sport, bon pour la santé, bon pour la jeunesse, bon pour l’économie et les emplois, pour le commerce et le tourisme… et sans doute très bon pour leurs propres affaires. Dans le même camp, évidemment, on trouve sans surprise les journalistes sportifs, engence dont le développement mental doit se situer, dans l’échelle de l’évolution chère à Darwin ou à Lamarck, entre celui de l’homo erectus et celui de l’homo faber.

 

De l’autre côté, l’Association transports et environnement, lobby agaçant s’il en est, et quelques particuliers, parmi lesquels des voisins du mastodonte projeté, qui attachent plus d’importance à leur qualité de vie qu’aux liesses populaires et aux profits générés par le foot.

 

La presse d’en mêle, on se demande doctement s’il ne faudrait pas retirer aux associations le droit de recourir contre des projets «d’intérêt général» on exerce sur les recourants des pressions inouïes, le Crédit suisse menace de retirer son appui, des vandales courageusement masqués, maculent de peinture l’entrée des bureaux  de l’ATE et arrachent ses boîtes aux lettres…

 

…et personne, à ce que j’ai lu et entendu, ne met en cause l’incroyable lenteur de la justice administrative, principale responsable du blocage, ni l’arrogance des promoteurs, qui auraient pu prendre contact avec les opposants il y a trois ans déjà pour tenter de discuter, d’expliquer, éventuellement de modifier ou d’améliorer le projet dans le sens des préoccupations du quartier. Ils n’ont pas cru devoir faire cet effort, et ils se retrouvent maintenant, à deux semaines d’une échéance importante – pour eux – à jeter l’anathème contre des citoyens qui exercent simplement leurs droits.

 

Je ricane.

 

Passage pour piétons

 

Devant le Vieux-Moulin, à Epesses, il y a un passage pour les piètons, contruit à grands frais sous la route cantonale. Mais les clients de cet établissement public préfèrent passer sur la route pour rejoindre leur véhicule garé côté lac. Dimanche 6 juin à 2 h. du matin, une dame a été renversée par un automobiliste qui a poursuivi sa route. Un ami de la dame a voulu aller lui porter secoours et il a été tué par un deuxième automobiliste.

 

Relatant ce drame, le Matin accuse : «l’Etat ne veut pas d’un passage pour piétons !» Il faut lire l’article ou connaître les lieux pour savoir qu’il y a un passage pour piètons, entièrement sécurisé, sous la route cantonale. Bien entendu, s’il y avait eu un passage jaune sur la route et qu’un pièton fût tué là, le Matin aurait hurlé qu’il fallait évidemment construire, non pas des lignes jaunes, mais un passage sous-voie. Chic, il y est !

 

Le cancre avait raison

 

Mini-drame à Genève où un élève au Collège de Candolle qui avait plagié un livre pour écrire son travail de maturité, pourra se présenter aux examens de septembre contre l’avis du corps enseignant, lequel se sent désavoué par Charles Beer, président de l’Instruction publique, lequel parle d’examens «finaux» ( !).

 

Tempête dans un encrier, qui suscite trois remarques :

 

Les enseignants croient tout savoir

 

La première observation est que les enseignants, qui savent tout de la matière qu’ils enseignent, croient volontiers que leur omniscience s’étend à toute matière, notamment à la science juridique à laquelle ils n’entendent généralement rien du tout. Ce sont donc eux qui rédigent, pour l’établissement qu’ils dirigent, des règlements ridicules, mal pensés et flous, qu’ils font approuver par des fonctionnaires-juristes peu doués et surchargés.

 

Si les avocats suscitent la méfiance…

 

…dans les litiges contre l’administration, c’est parce qu’on croit, à tort, que l’Etat a toujours raison, et que seuls les gens riches, susceptibles de s’offrir les services professionnels d’un juriste retors, capable de faire voir blanc ce qui est noir, vont pouvoir l’emporter par des moyens déshonnêtes contre la décision légitime du «fonctionnaire qui applique la loi».

 

La réalité est bien éloignée de ce schéma idyllique. Le fonctionnaire se trompe souvent, en toute bonne foi d’ailleurs, et souvent parce qu’il ne comprend pas lui-même la loi ou le règlement qu’il est chargé de faire appliquer. Le justiciable à qui des voies de recours sont offertes (bienheureusement !) les utilise avec l’aide, s’il le veut ou s’il le peut, d’un mandataire professionnel compétent. Il s’en trouve au moins un à Genève, ce qui surprendra les Vaudois.

 

Le rôle du chef

 

Outre qu’en disant «finaux» au lieu de «finals», il s’exprime comme un cuistre, M. Charles Beer a méconnu le rôle du chef. Il a expliqué que le règlement étant mauvais, il aurait perdu au Tribunal s’il avait soutenu son corps enseignant. C’est néanmoins ce qu’il aurait dû faire, prendre le risque de perdre le recours, puisqu’il n’avait pas su corriger les règlements à temps, mais montrer à ses troupes qu’il était de leur côté.

 

En désavouant les professeurs, il avait sûrement raison sur le plan juridique, mais tort au plan de la conduite, de la psychologie et du leadership ! Il donnait l’impression d’avoir baissé son pantalon parce que l’étudiant tricheur avait pu s’offrir les services onéreux d’un juriste compétent de la place alors qu’il a donné raison à cet étudiant, parce que l’étudiant avait raison !

 

 

En direct de Sirius

 

 

«Ô ma mère, ma tendre mère, je voudrais me marier» (d’une chanson de carabins)

 

Noël Mamère, le maire – ça ne s’invente pas –  de la bonne ville française de Bègles, ancien bavard audiovisuel, sorte d’écolo-rose à la triste moustache, nourrit des ambitions politiques nationales et européennes. En mal de clientèle électorale, croyant avoir trouvé «La» faille dans un paragraphe du code civil, ce prosélyte d’une certaine forme de gaieté, emboîte le pas à un collègue allumé de Boston et, hélas, aussi à quelques pays très «progressistes» d’Europe, là-haut vers les polders et autres plats pays. Ainsi fut-il donné aux téléspectateurs de France et de Navarre d’assister au mariage, contre lois et marées, de deux charmants jeunes hommes au regard de biche, avec baiser nuptial goulu à souhait en digne conclusion de la célébration. Notre ardent libérateur des natures aurait presque raison : le code civil mentionne bien «les époux» ce qui, abstraction faite de l’intention du législateur – en des temps, paraît-il, révolus, où l’homosexualité était qualifiée de «comportement contre nature» – et d’autres articles beaucoup plus évidents, pourrait rendre perplexe un lecteur inattentif. Par la grâce du père Noël, les voilà donc rendus, au pays de Rabelais, aux confusions des genres, ce qui a failli nous poser un petit problème d’accord grammatical. Néanmoins, après quelque hésitation, nous parvenons a confirmer ici, sans équivoque possible, qu’en cette occasion, le marié était en blanc et son époux en habit. M. Mamère, ému, a écrasé une larme dans sa moustache… On aurait dit ma tante.

 

Principe de précaution et défense élastique

 

Les chantres du grand mixage universel auront le plaisir d’apprendre que Max a vu la lumière. Comprenant qu’il n’y a aucune différence entre un Asiatique, un Africain et un Caucasien, membres de l’espèce dite «humaine», pas plus, du reste, qu’entre un doberman, un yorkshire et un jack-russel, membres de l’espèce dite «animale», ordre des canidés, saisissant bien qu’il n’a pas tout compris mais que le racisme, c’est mal, a choisi de devenir «ethniste»… Aux prudents qui suivraient la même voie, Max dit : «A vos souhaits!» et à ceux qui n’auraient pas encore saisi : «Bien du plaisir!».

 

Les «journées du “D Day”» : captation d’héritage, souplesse dorsale, illusionnisme et générosité de pacotille

 

L’usage admet la célébration d’un centenaire, souvent ; d’un cinquantenaire, parfois. Le «soixantenaire», en revanche, est absent du dictionnaire. Cependant, le soixantième anniversaire du «Jour J»  de la Libération, pour certains, de l’« Invasion 44 », pour d’autres, a été célébré avec une débauche de moyens et un luxe de préparation et de couverture médiatiques inouïs. Le commerce y a trouvé son compte et il est probable, aussi, qu’ayant raté le cinquantenaire, l’impératif d’agenouillements nouveaux et réitérables «au nom de la Mémoire» ne souffrirait pas un demi-siècle d’attente… Le prétexte d’une réconciliation entre la France et l’Allemagne tombe court : elle avait déjà eu lieu sous de Gaulle et Adenhauer. En ce temps là, le Général qui, pour les avoir cernées de près et souvent déjouées, connaissait les intentions inavouées de libérateurs moins désintéressés qu’on ne veut bien l’admettre aujourd’hui, avait su tendre la main à l’Allemagne, ce qui n’avait d’ailleurs pas empêché le chancelier allemand, ancien détenu de camp de concentration, de reconnaître, avec un beau sens de l’objectivité, que les Waffen-SS étaient des «Soldaten wie andere auch». On pouvait donc admettre que la querelle avait été vidée et les haches de guerre enterrées dans l’honneur et le respect réciproques. La pseudo-réconciliation 2004 relève donc, au mieux, d’une redite masochiste, au pire, d’une captation d’héritage, le tout sur fond de supercherie. Le 10 juin dernier, Le Quasimodo de Matignon n’a-t-il pas déclaré, à propos de l’affaire de représailles que l’on sait : «Jamais la France n’oubliera Oradour.» Quant à M. Schröder, digne représentant socialiste d’un pays culpabilisé au-delà de tout espoir, il a préféré aller se recueillir, à la sauvette, sur quelques tombes allemandes, prenant soin d’éviter la nécropole de La Cambe où, pour avoir choisi de demeurer fidèles à leur serment et à leur uniforme, gisent 21 000 de ses compatriotes… y compris pas mal de «soldats comme les autres». Par calcul promotionnel, nos démocraties «euro-menottées» voudraient nous faire accroire que les ennemis d’hier s’étripèrent à regret. Cette «carte forcée» aux fins de récupération idéologique constitue une insulte aux morts des deux camps. Dans la même confusion des valeurs s’est vérifiée, en cette occasion, une récente tendance à décorer tout ancien porteur d’uniforme au seul motif d’être des derniers survivants des grands équarrissages. C’est attendrissant, mais c’est faire peu de cas de ceux, assez peu survivants, qui furent jadis décorés pour des actes de courage patents. C’est aussi reconnaître implicitement que, tous drapeaux confondus, les médaillés posthumes sont aujourd’hui fondés à se demander s’il fallait bien qu’ils meurent…

 

Hommage à F.P.

 

Dans la belle tradition des Caran d’Ache et des Forain, par ses dessins aux lignes claires, élégantes et sensibles, Chard fustige avec talent les inepties de nos systèmes politiques en perdition. Comme Gyp, elle confirme par son humour, subtil et incisif, et son indéfectible bon sens que le courage politique est loin d’être un apanage masculin. Ses œuvres mordent juste et fort, et c’est un pur délice de les découvrir à chaque parution de Rivarol 1.

 

Une «Guerre de Troie» a bien eu lieu à Hollywood

 

         Depuis toujours, les grandes productions du cinéma américain nous ont habitués à quelques petits errements. Voir Cendrillon chaussée de pantoufles de verre n’était déjà pas mal, mais parvenir à reconstituer la guerre qui opposa les Grecs et les Troyens sans la moindre référence à l’Olympe est un vrai tour de force. C’est oublier un peu vite le jugement de Pâris et ses dramatiques conséquences en matière de protection divine. Les acteurs de Beverly Hills et les petits génies des multiplications virtuelles de Silicone Valley ont fait de leur mieux, mais les spectateurs endurants qui absorberont cette tartine «mytho-laïque» hollywoodienne se persuaderont aisément que, si une guerre de Troie a peut-être eu lieu quelque part en Californie au XXIe siècle, elle n’a aucun rapport avec l’antique Iliade d’Homère.

 

Les européennes en France

 

Avec 7 % de la masse électorale : troisième gadin pour l’UMP (Union pour la Majorité Présidentielle ­– deux contrevérités sur trois mots) dont on finit par se demander s’il ne s’agirait pas, plutôt, d’une onomatopée soulignant un effort malheureux. Les commentaires à chaud ont donné lieu à un savoureux échange entre MM. Le Pen, suggérant à l’autiste de l’Elysée de «dissoudre l’Assemblée Nationale, pour y voir plus clair», et Fabius répliquant, amusé : «Il est rare qu’on se suicide deux fois.»

Max l’Impertinent

1 Rivarol, 1 rue d’Hauteville, F-75010 Paris – www.rivarol.com

 

 

Seul le bon sens est moral

 

« La justice coûte cher, c’est pourquoi on l’économise. »

Marcel Achard

 

 

Les citoyens suisses se plaignent avec raison des hausses incessantes de leurs primes de caisse-maladie. Il y a, en effet, dans ce phénomène assez récent et derrière de faux intérêts, une immoralité fondamentale que l’Etat moderne favorise parce qu’il a perdu le sens moral et, naturellement, applique ce vice à de multiples domaines1. Qu’est-ce qu’une assurance ? C’est un contrat qui suppose donc la liberté de le conclure, aux termes duquel vous vous couvrez contre certains risques convenus. C’est tout ! En soi, le contrat d’assurance-maladie ne devrait avoir aucune incidence sur les conditions d’exercice de l’art médical, y compris matérielles. Cette liaison est en elle-même une anomalie, une perversion. Dès lors que la profession médicale est censée libérale, c’est-à-dire indépendante, ses membres peuvent pratiquer les tarifs qu’ils veulent, que ces derniers soient couverts ou non, en totalité ou en partie, par les compagnies d’assurance-maladie.

 

L’Etat socialisé est intervenu dans ce domaine privé pour sauvegarder une apparence de bien ; son titre à le faire n’est qu’un sophisme. L’Etat n’a pas à prendre en charge la santé des particuliers, ce n’est pas de sa compétence. S’il l’a fait, d’ailleurs, c’est moins par souci humanitaire (affiché) que pour dominer le coût de la santé et acquérir une plus grande maîtrise sur les personnes en intervenant dans la gestion des hôpitaux, qui deviennent des établissements publics, ce qui n’est pas naturel non plus. En outre, les caisses-maladie deviennent à leur tour des agents indirects de la puissance publique par leurs liens étroits avec la politique de la santé, liens qu’exprime son personnel dirigeant et le leur, tous deux issus de la nomenclature politique. Parallèlement, la profession médicale s’est elle-même assujettie à des techniques et à l’industrie pharmaceutique qui accroissent considérablement les coûts de la santé.

 

Nous avons là, une fois de plus réunis, tous les inconvénients de la modernité, qui rend onéreux tout ce qu’elle touche. Le libéralisme conduit au socialisme : la médecine moderne le prouve à son tour.

 

Comment corriger cette pente ? Comment la remonter ? En revenant au bon sens, tout simplement. Et donc à la moralité. La maladie ne peut être objet ni de spéculations financières ni un enjeu de puissance politique. La première conséquence d’un tel principe est que le contrat d’assurance-maladie doit être et rester libre. Secondement, un pays pauvre ne peut s’offrir une médecine de luxe que par la générosité de ses plus riches citoyens. Il appartient naturellement aux communautés bourgeoisiales et aux communes, par un devoir de proximité, de participer à la gestion des hôpitaux. Mais l’Etat doit s’en dégager, car il faut dégager cette gestion de la pratique de la politique et lui restituer son sens exclusivement humanitaire et social, avec un contrôle de proximité. Que la tarification des soins soit laissée aux sociétés médicales, seules aptes à en apprécier la valeur. Enfin, que les compagnies d’assurance-maladie ne puissent prélever des primes allant au-delà d’un certain seuil, selon le revenu de leurs assurés, les riches payant naturellement pour les pauvres, comme l’exige une juste solidarité sociale. Ce ne peut être l’égoïsme des riches qui favorise la prospérité, mais leur dynamisme et leurs libéralités.

 

 

Michel de Preux

 

 

1 Il le révèle tout particulièrement dans les dérives récentes en matière de droit matrimonial.

 

 

 

Enfin un signal clair !

 

 

Toute la gauche l’a clamé haut et fort au Conseil national lundi 14 juin : «La répression ne résout rien» et «le modèle de la prohibition a prouvé sa parfaite inefficacité». C’est si vrai qu’on s’étonne de ne pas voir fleurir des initiatives pour la dépénalisation du vol à la tire ou des coups de couteau punitifs.

 

Il est en effet prouvé scientifiquement (comme disent les laboratoires qui vendent les crèmes anti-rides), que la répression du vol n’a aucune influence sur la statistique : on attrape les voleurs, on les relâche immédiatement, un ou deux ans plus tard on les juge, on les condamne parfois et tout cela ne fait pas varier la fréquence des vols, qui reste stable ou qui augmente.

 

On pourrait dès lors plaider que la dépénalisation du vol serait de nature à soulager la police et à améliorer le taux de criminalité.

 

Pour ce qui est du cannabis, c’est encore mieux, parce que contrairement au vol (où il y a un lésé), la consommation de drogues ne nuit qu’à la santé de celui qui en fait usage. Et tant qu’il ne pilote pas une voiture automobile ou qu’il n’est pas Conseiller d’Etat, ses moments d’euphorie ou ses risques accrus de malaises cardiaques ne nuisent qu’à lui-même et n’inquiéteront que ses proches.

 

C’est donc par un concert de lamentations que la gauche a accueilli mardi le refus d’entrer en matière opposé par le Conseil national au projet de nouvelle loi sur les stupéfiants.

 

Une fois n’est pas coutume, M. Denis Barrelet, chroniqueur fédéral de 24 heures, saluait ce vote dans un commentaire pertinent. La célèbre politique dite des quatre piliers (prévention, thérapie, réduction des risques, répression) dont on pratiquait exclusivement les trois premiers, a du plomb dans l’aile. M. Thomas Zeltner, chef de l’Office fédéral de la santé publique avoue : «Cette politique est mise en danger. La base légale n’est pas sûre».

 

Le message du Conseil fédéral reste ambigu. Comme l’observait le conseiller national René Vaudroz dans une libre opinion confiée à 24 heures : «Ce qui me choque et me rend perplexe, c’est de constater les décisions contradictoires prises par le Conseil fédéral. Ce dernier nous demande de signer un accord international qui stipule que le cannabis est une substance dangereuse et prohibée (…) et sept jours plus tard, ce même Conseil fédéral, par la voie d’un autre département, nous propose de réviser la loi sur les stupéfiants et, par là, de dépénaliser le cannabis… Quelle incohérence !»

 

Ce qui serait cohérent, maintenant, c’est de fermer les «shootoirs» et d’arrêter de fournir de l’héroïne aux toxicomanes les plus gravement atteints, sous le fallacieux prétexte de thérapie, en se fondant sur des «études» et sur des «statistiques» construites a priori pour justifier la bienfaisance du machin.

 

Ce qui serait cohérent, c’est la prise de conscience qu’un élève aux yeux glauques, dès 8 heures du matin, comme en observe quotidiennement Mme Christine Schwaab, directrice, (par la grâce de Mme Lyon) du gymnase de Burier, est un phénomène qui n’est pas induit par une substance inoffensive. Qu’un tel produit, «qui endort leur volonté», comme le dit encore l’épouse de l’ex-conseiller d’Etat, ne saurait être toléré au seul motif qu’il est largement répandu et que la répression est donc difficile.

 

Et finalement que l’abrutissement de toute une génération n’est pas un phénomène de comportement purement privé dont peut se désintéresser l’ensemble de la nation. Il faut donc féliciter les parlementaires d’avoir (re)donné un signal clair, comme on dit maintenant, qui rendra service aux parents – et aux grands-parents – qui n’ont pas baissé les bras.

 

Claude Paschoud

 

 

Point de vue du bout du lac

 

Fonction publique ?

 

Le 14 mai dernier et pour la deuxième fois, les fonctionnaires sont descendus dans la rue à Genève pour protester contre les restrictions budgétaires et la remise en question de leur statut. Dans un climat économique tendu où le canton a annoncé un déficit record de 550 millions, il n’est pas étonnant que des mesures impopulaires doivent être prises. On reproche toujours aux gouvernements qui se succèdent de tenter de tailler dans le social, la formation et la santé. Or ce n’est guère surprenant dans la mesure où ce sont les plus grosses positions du budget de l’Etat et que c’est par conséquent là qu’une réduction d’un petit pourcentage des dépenses permet l’économie du montant le plus important. Si l’on transfère cette situation dans un ménage, économiser 5% du budget nourriture est assez facile à mettre en place en achetant en priorité les actions des grandes surfaces et permet un supplément de fonds intéressant, tandis qu’il est moins aisé de réduire de 5% la consommation d’eau, ce qui n’entraînerait de toute façon qu’une économie fort peu significative1. Ce qui m’amène à dire que, s’il est vrai qu’il serait formidable de pouvoir gaspiller l’argent à tout va, la situation ne le permet pas et que c’est un point qui devrait être acquis pour tout le monde. Au lieu de bloquer les transports publics aux heures matinales, emmerdant par là même une population genevoise qui n’était jusqu’alors pas forcément mal disposée à leur égard, les commandos de syndicalistes auraient peut être mieux fait d’entamer une réflexion constructive en matière d’économies budgétaires. Car ce qui ressort surtout pour le péquin que je suis, c’est que les fonctionnaires, nantis entre les nantis, crèvent de trouille pour leurs sacro-saints privilèges et que nombre de ronds-de-cuir craignent de voir les fauteuils dans lesquels ils ont imprimé la forme indélébile de leurs fessiers se transformer en sièges éjectables.

 

Entendons-nous bien : mon propos n’est pas de généraliser et de mettre tous les employés de la fonction publique dans un même sac ni de prétendre qu’il faut couper dans tous les postes. Je reste persuadé que la formation doit être une priorité pour permettre à notre pays de maintenir un savoir-faire de pointe en comparaison internationale et que la police n’a à l’heure actuelle ni les moyens et ni les effectifs pour garantir la sécurité des citoyens. Mais, comme dans n’importe quelle entreprise privée, il doit être possible de mettre à la porte un employé incompétent. Les enseignants ne doivent certes pas être payés au mérite car il serait impossible de le déterminer, mais il devrait être possible de se passer des services de certains de ces profs pour lesquels la pédagogie est et restera un mystère et qui dégoûtent des générations d’élèves d’une matière qu’un autre aurait rendue passionnante.

Cessons donc de parler de fonction publique, terme qui contient implicitement la confusion entre travail et statut, et parlons plutôt d’emploi public, qui mettra en relief le labeur du travailleur au service de la collectivité. Car on n’y pense pas assez, mais les fonctionnaires sont, d’une certaine manière, les employés des contribuables.

 

La folie des européennes

 

Le 4 juin dernier, Claire Chazal, présentant le journal de 20 heures sur TF1, tenait ces propos délicieux : « Nous sommes également, ne l’oublions pas, à une semaine des élections européennes. ». Voilà qui est symptomatique de l’intérêt que les électeurs européens portent à leurs représentations. Ce qui est grave, c’est que les citoyens ne se sentent, et pour cause, en rien concernés par la valse des bureaucrates bruxellois. La construction européenne se fait en petit comité et finira dans le mur faute de soutien populaire.

 

Xavier Savigny

 

1Je ne prends bien entendu pas en compte ici le caractère peu écologique de mon exemple. Je suis pour une utilisation la plus économique possible des ressources naturelles. Je voulais tout de même le préciser, parce que, comme je vais me mettre les fonctionnaires à dos, il n’est pas nécessaire que j’y ajoute les écolos, du moins pas aujourd’hui.

 

 

Vacances

 

Comme chaque année, notre périodique se met au vert en juillet et août. L’équipe du Pamphlet vous souhaite un été ensoleillé et vous donne rendez-vous en septembre.

 

La rédaction