Sommaire :
L’éditorialiste n’a pas aimé que le comité d’initiative
«Des notes pour une école transparente» trahisse les signataires et retire l’initiative
Où il est question
des élections européennes, de football, de violences policières, d’un
passage pour piétons et d’un cancre genevois
Michel de Preux jette un regard original sur la politique de la santé
Claude
Paschoud se réjouit du coup de frein donné par le Conseil national à la folie «dépénalisatrice»
en matière de stupéfiants
Xavier Savigny s’en prend aux privilèges des
fonctionnaires
Pas de Pamphlet pendant les
deux mois d’été !
Trahison ! Le libéral Jacques-André Haury et ses petits copains du
comité d’initiative «Des notes pour une école transparente» ont retiré
ladite initiative à la suite des concessions minimes et de pure forme que leur
a consenties Anne-Catherine Lyon, chef socialiste du Département de la
formation et de la jeunesse. Les notes seront réintroduites
–occasionnellement et sans calcul de moyennes générales – dès la
cinquième année secondaire, ce qui permettra de maintenir le flou dans les
cycles primaires qui, comme nous l’apprend notre expérience personnelle,
ont pourtant grand besoin de clarté et de transparence. En plus,
l’échelle des notes comprendra des demi-points, afin qu’il soit
possible aux maîtres d’affiner leurs – occasionnelles –
appréciations chiffrées.
Les naïfs de notre genre
s’étaient imaginé que les promoteurs de l’initiative étaient
réellement soucieux du bien des écoliers vaudois, de leurs maîtres et de leurs
parents. Tout au plus étaient-ils surpris, ces ingénus, que l’initiative ne
propose pas la réintroduction des notes dès la première année. Mais cette
anomalie pouvait s’expliquer par le fait que les «chiffres», comme
disaient nos arrière-grands-parents, avaient été supprimés en première et
– partiellement – en deuxième année primaire bien des années avant
l’introduction d’EVM (Ecole vaudoise en mutation, pour nos lecteurs
non vaudois). Sachant pertinemment que la suppression des notes n’était
qu’un aspect des errements de l’école vaudoise, nous comptions bien
que, à l’occasion de la campagne précédant la votation, les autres
inepties d’EVM – ghettoïsation des élèves les moins doués pour les
activités intellectuelles dès la septième
secondaire, aggravation des disparités entre enfants issus de milieux
favorisés et enfants moins privilégiés, surcharge administrative des maîtres,
angoisse et colère des parents largués – et certaines méthodes
pédagogiques sans rapport direct avec EVM, mais procédant de la même idéologie
destructrice, seraient débattues sur la place publique.
Il faut déchanter. L’initiative
des libéraux n’a été qu’une manœuvre politicarde, une
magouille, une poudre aux yeux destinée à masquer le fait dorénavant avéré que
les libéraux, les socialistes et les autres partis mènent le même combat : encenser
dans leur discours la déesse démocratie, se gargariser de la notion de
souveraineté populaire et violer de concert, chaque fois que faire se peut, les
principes qui sont censés guider leur action, afin que le pouvoir reste aux
mains des oligarques qu’ils sont, comme le furent les deux cent familles
de Berne qui, de 1536 à 1798, veillèrent paternellement et avec davantage de
bienveillance au bien-être de leurs féaux sujets du Pays de Vaud. Dans ces
conditions, «c’était pas la peine, c’était pas la peine de changer
de gouvernement…».
Le cynisme de nos autorités politiques
est tel qu’elles ne prennent même plus la peine de dissimuler le fossé
qui sépare leur discours officiel de leurs actes : si l’on en croit
un 24 Heures du 2 juin nettement admiratif – faut-il
s’en étonner ? – , Madame Lyon «a travaillé dur pour que
l’initiative ne soit pas votée par le peuple». En fait, sous réserve de
consultations à grand spectacle – pseudo-démocratie oblige –,
Madame Lyon n’a pas eu besoin de travailler tellement dur,
puisqu’elle était assurée, à condition de faire semblant de lâcher du
lest, du soutien de ses prétendus adversaires et qu’elle a trouvé le
temps d’aller visiter, fin mai, des universités de Boston en compagnie de
Pascal Couchepin. Il n’en reste pas moins que, pour elle et ses affidés,
les Vaudois qui votent ne sont plus le peuple souverain, mais le peuple ennemi
qu’il convient de bâillonner.
Nous n’avons jamais cru –
sauf dans notre très lointaine enfance – que la démocratie était un
régime politique très supérieur aux autres.
Mais nous croyions encore jusqu’ici – Dieu nous pardonne !
– que les défauts de
l’idéologie démocratique étaient, chez nous, corrigés au moins en partie
par le système de la démocratie directe. Nous avons à cet égard participé à de
nombreux combats. Nous avons connu souvent les affres de la défaite, mais aussi, parfois, l’ivresse de la victoire. En
définitive, cependant, perdre ou gagner n’était pas l’essentiel.
L’essentiel était que, contrairement à ce qui se passe dans les autres
pays, la population pût donner son avis sur toutes sortes de questions qui la
concernaient directement. Ce n’est plus le cas, semble-t-il.
L’auteur de ces lignes a toujours signé toutes
les initiatives et tous les référendums qu’on lui proposait, par respect
pour la démocratie directe précisément, et sans préjuger de son vote final. Si
les initiatives et les référendums ne sont plus que des
trompe-l’œil, des outils démagogiques remisés aussitôt que jugés
inutiles par des politiciens infidèles, nous ne signerons plus rien, nous
n’irons plus voter, nous ne participerons plus à aucune élection.
Avec nos remerciements émus à Leurs Excellences du
Château et du Palais de Rumine.
Le
pamphlet
Euromaniaques : cruel scrutin !
Douloureuse surprise pour les Euromaniaques :
dans leur grande majorité, les Européens ne s’intéressent pas à
l’Europe de Bruxelles, et même les nouveaux admis s’en moquent. En
Grande-Bretagne, M. Robert Kilroy Silk, un ancien présentateur de BBC, exclu de
son parti pour cause de discours politiquement incorrect sur l’Islam, a
fait un très beau succès en fondant sa campagne sur le retrait de
l’Angleterre de l’Union. Sévère défaites en Allemagne et en France
pour les partis au pouvoir, favorables à l’intégration.
Le nouveau Parlement comporte
moins de sièges. Si chaque formation avait maintenu son importance relative,
elle n’aurait perdu que 6,87 % de ses élus. L’infographie du Matin,
mardi 15 juin, montre que «la doite» est située à gauche et qu’elle a
relativement bien résisté. Les socialistes, les verts et les divers gauches
s’effondrent alors que les «eurosceptiques»
et ce que les staliniens de la presse romande nomment «l’extrême droite» progressent.
Evidemment, loin
d’inciter les apôtres de l’intégration à la modestie, ou à la réflexion,
ce résultat consternant – pour eux – suscite une volonté renforcée
de mieux «informer» le peuple et d’aller de l’avant : «Nous avons besoin de montrer que
l’Europe travaille» a déclaré M. Brian Cowen, ministre irlandais des
affaires étrangères dont le pays assume la présidence tournante de
l’Ûnion.
Violences policières
A en croire le
Matin, les violences policières sont quasi quotidiennes. Le 14 juin,
gros titre en page 3 : «les
policiers ont passé leurs nerfs sur lui» Celui qui parle, c’est le papa
(qui n’a pas assisté à la scène) d’un charmant jeune homme de 16
ans, ivre, qui s’est débattu lors d’un contrôle de routine, qui a
insulté les policiers de Sierre et qui a refusé de présenter ses papiers
d’identité. Le petit Alexandre s’est retrouvé plaqué au sol et
menotté. Il n’est pas content, son papa non plus, et ils l’ont dit
à la journaliste du Matin !
Le lendemain, rebelote :
c’est en première page cette fois que figure le titre accrocheur : «Sa femme le gifle. la police
l’assomme».
Une dispute conjugale sur la
voie publique montreusienne, entre un bagarreur d’habitude, ivre-mort, et
sa bonne femme tourne au drame lorsque le policier pris à partie repousse
l’agresseur dont la tête va donner contre la vitre arrière du véhicule de
police. Il n’en fallut pas plus pour que le Matin proclame, en pages
2 et 3 sur un titre aux lettres de
Hardturm
Les fanatiques du ballon rond
ne sont pas loins de désigner à la vindicte populaire les opposants au nouveau
stade du Hardturm, à Zurich, dont les recours risquent d’empêcher les
travaux de débuter et le stade d’être prêt à temps pour l’Eurofoot de 2008. Le lynchage médiatique
a déjà commencé.
D’un côté, les sportifs,
les banquiers, les commerçants, les promoteurs et les constructeurs, les
détenteurs du fric et ceux qui rêvent d’en gagner le plus vite possible
et le plus possible. Ils nous parlent avec entousiasme du sport, bon pour la
santé, bon pour la jeunesse, bon pour l’économie et les emplois, pour le
commerce et le tourisme… et sans doute très bon pour leurs propres
affaires. Dans le même camp, évidemment, on trouve sans surprise les journalistes sportifs, engence dont le
développement mental doit se situer, dans l’échelle de l’évolution
chère à Darwin ou à Lamarck, entre celui de l’homo erectus et celui de l’homo faber.
De l’autre côté,
l’Association transports et environnement, lobby agaçant s’il en
est, et quelques particuliers, parmi lesquels des voisins du mastodonte projeté,
qui attachent plus d’importance à leur qualité de vie qu’aux
liesses populaires et aux profits générés par le foot.
La presse d’en mêle, on
se demande doctement s’il ne faudrait pas retirer aux associations le
droit de recourir contre des projets «d’intérêt général» on exerce sur
les recourants des pressions inouïes, le Crédit suisse menace de retirer son
appui, des vandales courageusement masqués, maculent de peinture l’entrée
des bureaux de l’ATE et arrachent
ses boîtes aux lettres…
…et personne, à ce que
j’ai lu et entendu, ne met en cause l’incroyable lenteur de la
justice administrative, principale responsable du blocage, ni l’arrogance
des promoteurs, qui auraient pu prendre contact avec les opposants il y a trois
ans déjà pour tenter de discuter, d’expliquer, éventuellement de modifier
ou d’améliorer le projet dans le sens des préoccupations du quartier. Ils
n’ont pas cru devoir faire cet effort, et ils se retrouvent maintenant, à
deux semaines d’une échéance importante – pour eux – à jeter
l’anathème contre des citoyens qui exercent simplement leurs droits.
Je ricane.
Passage pour piétons
Devant le Vieux-Moulin, à
Epesses, il y a un passage pour les piètons, contruit à grands frais sous la route cantonale. Mais les clients
de cet établissement public préfèrent passer sur la route pour rejoindre leur
véhicule garé côté lac. Dimanche 6 juin à 2 h. du matin, une dame a été
renversée par un automobiliste qui a poursuivi sa route. Un ami de la dame a
voulu aller lui porter secoours et il a été tué par un deuxième automobiliste.
Relatant ce drame, le Matin
accuse : «l’Etat ne veut pas d’un passage pour piétons !»
Il faut lire l’article ou connaître les lieux pour savoir qu’il
y a un passage pour piètons, entièrement sécurisé, sous la route cantonale.
Bien entendu, s’il y avait eu un passage jaune sur la route et
qu’un pièton fût tué là, le Matin aurait hurlé qu’il
fallait évidemment construire, non pas des lignes jaunes, mais un passage
sous-voie. Chic, il y est !
Le cancre avait raison
Mini-drame à Genève où un
élève au Collège de Candolle qui avait plagié un livre pour écrire son travail
de maturité, pourra se présenter aux examens de septembre contre l’avis
du corps enseignant, lequel se sent désavoué par Charles Beer, président de
l’Instruction publique, lequel parle d’examens «finaux» ( !).
Tempête dans un encrier, qui
suscite trois remarques :
Les enseignants croient tout
savoir
La première observation est
que les enseignants, qui savent tout de la matière qu’ils enseignent,
croient volontiers que leur omniscience s’étend à toute matière,
notamment à la science juridique à laquelle ils n’entendent généralement
rien du tout. Ce sont donc eux qui rédigent, pour l’établissement
qu’ils dirigent, des règlements ridicules, mal pensés et flous,
qu’ils font approuver par des fonctionnaires-juristes peu doués et
surchargés.
Si les avocats suscitent la
méfiance…
…dans les litiges contre
l’administration, c’est parce qu’on croit, à tort, que
l’Etat a toujours raison, et que seuls les gens riches, susceptibles de
s’offrir les services professionnels d’un juriste retors, capable
de faire voir blanc ce qui est noir, vont pouvoir l’emporter par des
moyens déshonnêtes contre la décision légitime du «fonctionnaire qui applique la loi».
La réalité est bien éloignée
de ce schéma idyllique. Le fonctionnaire se trompe souvent, en toute bonne foi
d’ailleurs, et souvent parce qu’il ne comprend pas lui-même la loi
ou le règlement qu’il est chargé de faire appliquer. Le justiciable à qui
des voies de recours sont offertes (bienheureusement !) les utilise avec
l’aide, s’il le veut ou s’il le peut, d’un mandataire
professionnel compétent. Il s’en trouve au moins un à Genève, ce qui
surprendra les Vaudois.
Le rôle du chef
Outre qu’en disant «finaux»
au lieu de «finals», il s’exprime comme un cuistre, M. Charles Beer a
méconnu le rôle du chef. Il a expliqué que le règlement étant mauvais, il
aurait perdu au Tribunal s’il avait soutenu son corps enseignant.
C’est néanmoins ce qu’il aurait dû faire, prendre le risque de
perdre le recours, puisqu’il n’avait pas su corriger les règlements
à temps, mais montrer à ses troupes qu’il était de leur côté.
En désavouant les professeurs,
il avait sûrement raison sur le plan juridique, mais tort au plan de la
conduite, de la psychologie et du leadership ! Il donnait
l’impression d’avoir baissé son pantalon parce que l’étudiant tricheur avait pu s’offrir les
services onéreux d’un juriste compétent de la place alors qu’il
a donné raison à cet étudiant, parce que l’étudiant avait raison !
Noël
Mamère, le maire – ça ne s’invente pas – de la bonne ville française de Bègles, ancien
bavard audiovisuel, sorte d’écolo-rose à la triste moustache, nourrit des
ambitions politiques nationales et européennes. En mal de clientèle électorale,
croyant avoir trouvé «La» faille dans un paragraphe du code civil, ce prosélyte
d’une certaine forme de gaieté, emboîte le pas à un collègue allumé de
Boston et, hélas, aussi à quelques pays très «progressistes» d’Europe,
là-haut vers les polders et autres plats pays. Ainsi fut-il donné aux
téléspectateurs de France et de Navarre d’assister au mariage, contre
lois et marées, de deux charmants jeunes hommes au regard de biche, avec baiser
nuptial goulu à souhait en digne conclusion de la célébration. Notre ardent
libérateur des natures aurait presque raison : le code civil mentionne
bien «les époux» ce qui, abstraction faite de l’intention du législateur
– en des temps, paraît-il, révolus, où l’homosexualité était
qualifiée de «comportement contre nature» – et d’autres articles
beaucoup plus évidents, pourrait rendre perplexe un lecteur inattentif. Par la
grâce du père Noël, les voilà donc rendus, au pays de Rabelais, aux confusions
des genres, ce qui a failli nous poser un petit problème d’accord
grammatical. Néanmoins, après quelque hésitation, nous parvenons a confirmer
ici, sans équivoque possible, qu’en cette occasion, le marié
était en blanc et son époux
en habit. M. Mamère, ému, a écrasé une larme dans sa moustache… On aurait
dit ma tante.
Les
chantres du grand mixage universel auront le plaisir d’apprendre que Max
a vu la lumière. Comprenant qu’il n’y a aucune différence entre un
Asiatique, un Africain et un Caucasien, membres de l’espèce dite
«humaine», pas plus, du reste, qu’entre un doberman, un yorkshire et un
jack-russel, membres de l’espèce dite «animale», ordre des canidés, saisissant
bien qu’il n’a pas tout compris mais que le racisme, c’est
mal, a choisi de devenir «ethniste»… Aux prudents qui suivraient la même
voie, Max dit : «A vos souhaits!» et à ceux qui n’auraient pas
encore saisi : «Bien du plaisir!».
L’usage admet la célébration d’un
centenaire, souvent ; d’un cinquantenaire, parfois. Le
«soixantenaire», en revanche, est absent du dictionnaire. Cependant, le soixantième
anniversaire du «Jour J» de
Dans
la belle tradition des Caran d’Ache et des Forain, par ses dessins aux
lignes claires, élégantes et sensibles, Chard fustige avec talent les inepties
de nos systèmes politiques en perdition. Comme Gyp, elle confirme par son
humour, subtil et incisif, et son indéfectible bon sens que le courage
politique est loin d’être un apanage masculin. Ses œuvres mordent
juste et fort, et c’est un pur délice de les découvrir à chaque parution
de Rivarol 1.
Depuis
toujours, les grandes productions du cinéma américain nous ont habitués à
quelques petits errements. Voir Cendrillon chaussée de pantoufles de verre
n’était déjà pas mal, mais parvenir à reconstituer la guerre qui opposa
les Grecs et les Troyens sans la moindre référence à l’Olympe est un vrai
tour de force. C’est oublier un peu vite le jugement de Pâris et ses
dramatiques conséquences en matière de protection divine. Les acteurs de
Beverly Hills et les petits génies des multiplications virtuelles de Silicone
Valley ont fait de leur mieux, mais les spectateurs endurants qui absorberont
cette tartine «mytho-laïque» hollywoodienne se persuaderont aisément que, si
une guerre de Troie a peut-être eu lieu quelque part en Californie au XXIe
siècle, elle n’a aucun rapport avec l’antique Iliade
d’Homère.
Avec
7 % de la masse électorale : troisième gadin pour l’UMP (Union pour
Max
l’Impertinent
1 Rivarol,
1 rue d’Hauteville, F-75010 Paris – www.rivarol.com
« La justice coûte cher, c’est
pourquoi on l’économise. »
Marcel Achard
Les citoyens suisses se
plaignent avec raison des hausses incessantes de leurs primes de
caisse-maladie. Il y a, en effet, dans ce phénomène assez récent et derrière de
faux intérêts, une immoralité fondamentale que l’Etat moderne favorise
parce qu’il a perdu le sens moral et, naturellement, applique ce vice à
de multiples domaines1. Qu’est-ce qu’une
assurance ? C’est un contrat qui suppose donc la liberté de le
conclure, aux termes duquel vous vous couvrez contre certains risques convenus.
C’est tout ! En soi, le contrat d’assurance-maladie ne devrait
avoir aucune incidence sur les conditions d’exercice de l’art
médical, y compris matérielles. Cette liaison est en elle-même une anomalie,
une perversion. Dès lors que la profession médicale est censée libérale,
c’est-à-dire indépendante, ses membres peuvent pratiquer les tarifs
qu’ils veulent, que ces derniers soient couverts ou non, en totalité ou
en partie, par les compagnies d’assurance-maladie.
L’Etat socialisé est
intervenu dans ce domaine privé pour sauvegarder une apparence de bien ;
son titre à le faire n’est qu’un sophisme. L’Etat n’a
pas à prendre en charge la santé des particuliers, ce n’est pas de sa
compétence. S’il l’a fait, d’ailleurs, c’est moins par
souci humanitaire (affiché) que pour dominer le coût de la santé et acquérir
une plus grande maîtrise sur les personnes en intervenant dans la gestion des
hôpitaux, qui deviennent des établissements publics, ce qui n’est pas
naturel non plus. En outre, les caisses-maladie deviennent à leur tour des
agents indirects de la puissance publique par leurs liens étroits avec la
politique de la santé, liens qu’exprime son personnel dirigeant et le
leur, tous deux issus de la nomenclature politique. Parallèlement, la profession
médicale s’est elle-même assujettie à des techniques et à
l’industrie pharmaceutique qui accroissent considérablement les coûts de
la santé.
Nous avons là, une fois de
plus réunis, tous les inconvénients de la modernité, qui rend onéreux tout ce
qu’elle touche. Le libéralisme conduit au socialisme : la médecine
moderne le prouve à son tour.
Comment corriger cette
pente ? Comment la remonter ? En revenant au bon sens, tout
simplement. Et donc à la moralité. La maladie ne peut être objet ni de
spéculations financières ni un enjeu de puissance politique. La première
conséquence d’un tel principe est que le contrat
d’assurance-maladie doit être et rester libre. Secondement, un pays
pauvre ne peut s’offrir une médecine de luxe que par la générosité de ses
plus riches citoyens. Il appartient naturellement aux communautés
bourgeoisiales et aux communes, par un devoir de proximité, de participer à la
gestion des hôpitaux. Mais l’Etat doit s’en dégager, car il faut
dégager cette gestion de la pratique de la politique et lui restituer son sens
exclusivement humanitaire et social, avec un contrôle de proximité. Que la
tarification des soins soit laissée aux sociétés médicales, seules aptes à en
apprécier la valeur. Enfin, que les compagnies d’assurance-maladie ne
puissent prélever des primes allant au-delà d’un certain seuil, selon le
revenu de leurs assurés, les riches payant naturellement pour les pauvres,
comme l’exige une juste solidarité sociale. Ce ne peut être
l’égoïsme des riches qui favorise la prospérité, mais leur dynamisme et
leurs libéralités.
Michel
de Preux
1 Il le
révèle tout particulièrement dans les dérives récentes en matière de droit
matrimonial.
Toute la gauche l’a
clamé haut et fort au Conseil national lundi 14 juin : «La répression ne résout rien» et «le modèle de la prohibition a prouvé sa
parfaite inefficacité». C’est si vrai qu’on s’étonne de
ne pas voir fleurir des initiatives pour la dépénalisation du vol à
la tire ou des coups de couteau punitifs.
Il est en effet prouvé scientifiquement (comme disent
les laboratoires qui vendent les crèmes anti-rides), que la répression du vol
n’a aucune influence sur la statistique : on attrape les voleurs, on
les relâche immédiatement, un ou deux ans plus tard on les juge, on les
condamne parfois et tout cela ne fait pas varier la fréquence des vols, qui
reste stable ou qui augmente.
On pourrait dès lors plaider
que la dépénalisation du vol serait de nature à soulager la police et à
améliorer le taux de criminalité.
Pour ce qui est du cannabis,
c’est encore mieux, parce que contrairement au vol (où il y a un lésé),
la consommation de drogues ne nuit qu’à la santé de celui qui en fait
usage. Et tant qu’il ne pilote pas une voiture automobile ou qu’il
n’est pas Conseiller d’Etat, ses moments d’euphorie ou ses
risques accrus de malaises cardiaques ne nuisent qu’à lui-même et
n’inquiéteront que ses proches.
C’est donc par un
concert de lamentations que la gauche a accueilli mardi le refus d’entrer
en matière opposé par le Conseil national au projet de nouvelle loi sur les
stupéfiants.
Une fois n’est pas
coutume, M. Denis Barrelet, chroniqueur fédéral de 24 heures, saluait ce
vote dans un commentaire pertinent. La célèbre politique dite des quatre piliers (prévention,
thérapie, réduction des risques, répression) dont on pratiquait exclusivement
les trois premiers, a du plomb dans l’aile. M. Thomas Zeltner, chef de
l’Office fédéral de la santé publique avoue : «Cette politique est mise en danger. La base légale n’est pas
sûre».
Le message du Conseil fédéral
reste ambigu. Comme l’observait le conseiller national René Vaudroz dans
une libre opinion confiée à 24 heures : «Ce qui me choque et me rend perplexe,
c’est de constater les décisions contradictoires prises par le Conseil
fédéral. Ce dernier nous demande de signer un accord international qui stipule
que le cannabis est une substance dangereuse et prohibée (…) et sept jours plus tard, ce même Conseil
fédéral, par la voie d’un autre département, nous propose de réviser la
loi sur les stupéfiants et, par là, de dépénaliser le cannabis… Quelle
incohérence !»
Ce qui serait cohérent,
maintenant, c’est de fermer les «shootoirs» et d’arrêter de fournir
de l’héroïne aux toxicomanes les plus gravement atteints, sous le
fallacieux prétexte de thérapie, en se fondant sur des «études» et sur des
«statistiques» construites a priori pour justifier la bienfaisance du machin.
Ce qui serait cohérent,
c’est la prise de conscience qu’un
élève aux yeux glauques, dès 8 heures du matin, comme en observe
quotidiennement Mme Christine Schwaab, directrice, (par la grâce de Mme Lyon)
du gymnase de Burier, est un phénomène qui n’est pas induit par une
substance inoffensive. Qu’un tel produit, «qui endort leur volonté», comme le dit encore l’épouse de
l’ex-conseiller d’Etat, ne saurait être toléré au seul motif
qu’il est largement répandu et que la répression est donc difficile.
Et finalement que
l’abrutissement de toute une génération n’est pas un phénomène de
comportement purement privé dont peut se désintéresser l’ensemble de la
nation. Il faut donc féliciter les parlementaires d’avoir (re)donné un signal clair, comme on dit
maintenant, qui rendra service aux parents – et aux grands-parents
– qui n’ont pas baissé les bras.
Claude
Paschoud
Fonction
publique ?
Le 14 mai dernier et pour la
deuxième fois, les fonctionnaires sont descendus dans la rue à Genève pour
protester contre les restrictions budgétaires et la remise en question de leur statut.
Dans un climat économique tendu où le canton a annoncé un déficit record de 550
millions, il n’est pas étonnant que des mesures impopulaires doivent être
prises. On reproche toujours aux gouvernements qui se succèdent de tenter de
tailler dans le social, la formation et la santé. Or ce n’est guère
surprenant dans la mesure où ce sont les plus grosses positions du budget de
l’Etat et que c’est par conséquent là qu’une réduction
d’un petit pourcentage des dépenses permet l’économie du montant le
plus important. Si l’on transfère cette situation dans un ménage,
économiser 5% du budget nourriture est assez facile à mettre en place en
achetant en priorité les actions des grandes surfaces et permet un supplément
de fonds intéressant, tandis qu’il est moins aisé de réduire de 5% la
consommation d’eau, ce qui n’entraînerait de toute façon
qu’une économie fort peu significative1. Ce qui m’amène
à dire que, s’il est vrai qu’il serait formidable de pouvoir
gaspiller l’argent à tout va, la situation ne le permet pas et que
c’est un point qui devrait être acquis pour tout le monde. Au lieu de
bloquer les transports publics aux heures matinales, emmerdant par là même une
population genevoise qui n’était jusqu’alors pas forcément mal
disposée à leur égard, les commandos de syndicalistes auraient peut être mieux
fait d’entamer une réflexion constructive en matière d’économies
budgétaires. Car ce qui ressort surtout pour le péquin que je suis, c’est
que les fonctionnaires, nantis entre les nantis, crèvent de trouille pour leurs
sacro-saints privilèges et que nombre de ronds-de-cuir craignent de voir les
fauteuils dans lesquels ils ont imprimé la forme indélébile de leurs fessiers
se transformer en sièges éjectables.
Entendons-nous bien : mon
propos n’est pas de généraliser et de mettre tous les employés de la
fonction publique dans un même sac ni de prétendre qu’il faut couper dans
tous les postes. Je reste persuadé que la formation doit être une priorité pour
permettre à notre pays de maintenir un savoir-faire de pointe en comparaison
internationale et que la police n’a à l’heure actuelle ni les
moyens et ni les effectifs pour garantir la sécurité des citoyens. Mais, comme
dans n’importe quelle entreprise privée, il doit être possible de mettre
à la porte un employé incompétent. Les enseignants ne doivent certes pas être
payés au mérite car il serait impossible de le déterminer, mais il devrait être
possible de se passer des services de certains de ces profs pour lesquels la
pédagogie est et restera un mystère et qui dégoûtent des générations
d’élèves d’une matière qu’un autre aurait rendue
passionnante.
Cessons donc de parler de fonction
publique, terme qui contient implicitement la confusion entre travail et
statut, et parlons plutôt d’emploi public, qui mettra en relief le
labeur du travailleur au service de la collectivité. Car on n’y pense pas
assez, mais les fonctionnaires sont, d’une certaine manière, les employés
des contribuables.
La folie
des européennes
Le 4 juin dernier, Claire
Chazal, présentant le journal de 20 heures sur TF1, tenait ces propos
délicieux : « Nous sommes également, ne l’oublions pas,
à une semaine des élections européennes. ». Voilà qui est symptomatique de
l’intérêt que les électeurs européens portent à leurs représentations. Ce
qui est grave, c’est que les citoyens ne se sentent, et pour cause, en
rien concernés par la valse des bureaucrates bruxellois. La construction
européenne se fait en petit comité et finira dans le mur faute de soutien
populaire.
1Je ne prends bien entendu pas en compte ici le
caractère peu écologique de mon exemple. Je suis pour une utilisation la plus
économique possible des ressources naturelles. Je voulais tout de même le
préciser, parce que, comme je vais me mettre les fonctionnaires à dos, il n’est
pas nécessaire que j’y ajoute les écolos, du moins pas aujourd’hui.
Comme
chaque année, notre périodique se met au vert en juillet et août.
L’équipe du Pamphlet vous souhaite un été ensoleillé
et vous donne rendez-vous en septembre.
La rédaction