Lausanne 34e année      «ne pas subir»       Mai  2004 No 335

 

 

 

Sommaire :

 

Hommages

Le Pamphlet a perdu deux amis de longue date en avril : Roger Mabillard qui était pour Mariette «le général» et le pasteur William Hentsch.

 

Point de vue du bout du lac

Notre périodique ne s’est jamais tout à fait remis de la perte de Procope, notre excellentissime chroniqueur de Genève. Un successeur possible fait dans ce numéro ses premières armes sur des sujets d’ordre général.

 

En direct de Sirius

Max a servi aussi, comme nous tous, sous le commandement de Roger Mabillard. Il plaint la malheureuse petite Lynndie England, revient sur la Passion de Mel Gibson, compare les mérites du perroquet, de l’aigle et du coq et avance l’hypothèse que M. Sharon est plus malin que les chroniqueurs le supposent.

 

Vacance du siège apostolique

Michel de Preux démontre que le siège de Pierre est occupé par un prélat dont le catholicisme est étrange

 

«Liberté économique et responsabilité sociale»

La dernière publication du Centre patronal : un véritable ouvrage de doctrine économique et sociale.

 

Bricoles

Le chroniqueur de service propose une loi interdisant la maladie pour lutter contre les déficits des assurances sociales, et s’interroge sur les calculs de l’Union suisse des comités d’entraide juive.

 

Propagande gouvernementale

Il n’y a plus que 3 mois (et non 6 !) pour déposer l’initiative populaire «Souveraineté du peuple sans propagande gouvernementale». On trouve des listes à signer sur le site www.libre-opinion.ch

 

 

Hommages

 

Avril fut pour nous un mois funeste, puisque nous avons perdu deux amis fidèles : le général Roger Mabillard le 22 et le pasteur William Hentsch le 24.

 

J’ai lu avec intérêt les hommages rendus au général par le colonel Guy Studer dans 24 Heures du 27 avril et par Max dans le présent numéro du Pamphlet, et je partage naturellement le chagrin, l’admiration et l’affection qui y sont exprimés. Je déplore cependant que certaines facettes du caractère de Roger Mabillard, que ces officiers ont forcément découvertes comme moi, n’apparaissent pas dans leurs propos.

 

J’ai entendu un jour le général Mabillard se définir comme un rebelle. Cette particularité, qui n’était pas sans danger pour un militaire de carrière, mais qui, jointe à ses qualités de chef, fut pour lui un atout, explique certainement sa propension à apprécier les fortes têtes, du moment que leur loyauté et leur compétence étaient acquises. Elle explique aussi le soutien qu’il savait apporter à ses subordonnés quand il estimait que ceux-ci étaient victimes d’une injustice et qu’il était en son pouvoir de les aider, ne serait-ce que moralement. «Tenez le coup !», m’ordonna-t-il par téléphone depuis son bureau du «Pentagone» en août 1986, alors que le ciel venait de me tomber sur la tête et que la presse s’ingéniait à me démolir. Pouvais-je désobéir ? J’obéis donc.

 

Les portraits quelque peu austères du colonel Studer et de Max ne rendent pas justice à une autre qualité du général. C’était un homme gai qui aimait rire et faire rire en racontant des anecdotes – celle, par exemple, d’un tour, pas bien méchant et qui l’avait beaucoup amusé, joué à un commandant du régiment 5 par un autre rebelle du nom de Claude Paschoud, lors d’une inspection du commandant de la division de montagne 10 Roger Mabillard – et qui aimait aussi chanter. Voici quelques années, nous nous sommes rencontrés par hasard au rendez-vous de l’école de ski des Paccots où nous avions amené lui sa petite-fille et moi mes petits-fils. Nous avons bu quelques cafés au Lac des Joncs en attendant la fin du cours et c’est en chantant ensemble un air de Barbara que nous sommes allés récupérer nos descendants respectifs.

 

         En dépit de sa brillante carrière, le général Mabillard était resté un homme simple. Je verrai toute ma vie le chef de l’instruction servir la soupe à une brochette d’officiers SCF à l’issue de l’inspection d’une école de recrues féminine à Kreuzlingen.

 

         Quoique l’ayant rencontré à de nombreuses reprises, je ne connaissais pas aussi bien le pasteur William Hentsch. Mais je sais que c’était un homme bon, un esprit indépendant, un chrétien sourcilleux – ce qui ne va pas de soi même chez un pasteur – et un théologien très savant. Il aimait la jeunesse et son grand âge n’y avait rien changé. Claude et moi avons découvert à vingt-cinq ans sa gentillesse et sa compréhension à l’égard des jeunes qu’il côtoyait, et notre fille Sophie a fait la même expérience à peu près au même âge, une trentaine d’années plus tard. Mais peut-être le pasteur Hentsch n’eût-il pas été tout à fait l’homme qu’il était s’il n’avait été accompagné d’une épouse digne de lui. Je me souviens qu’à l’époque des «affaires Paschoud», Monsieur et Madame Hentsch m’avaient écrit pour me dire que, si j’avais besoin d’une retraite, leur maison m’était ouverte. Les circonstances ne m’ont pas permis de donner suite à l’invitation, mais j’en éprouve encore aujourd’hui une profonde gratitude.

 

         Nous prions les familles Mabillard et Hentsch de trouver ici l’expression de notre sympathie. Nous n’oublierons pas ces deux amis.

 

Mariette Paschoud

 

 

 

Point de vue du bout du lac

 

 

Je suis un travailleur immigré à Genève depuis 1996, année où j’ai quitté les rues de la capitale du Pays de Vaud pour les boulevards de la cité de Calvin. Baccalauréat vaudois et maturité fédérale en poche (la maturité en elle-même se fait toujours attendre), je partais à la conquête de ce bout du lac dont j’avais entendu tant de mal (entre autres la responsabilité des Genevois dans la déforestation en rapport avec la fabrication de brosses à dents sur mesure), et m’intégrais tant bien que mal dans cette culture si différente de ce que j’avais toujours connu. Voilà huit ans que j’y traîne mes guêtres et je me surprends à m’y sentir chez moi. C’est pourquoi, il me prend l’envie aujourd’hui d’apporter ma modeste contribution à la presse d’opinion de ce pays, avec ma petite expérience de jeune trentenaire, fruit d’une transplantation géographique réussie.

 

Le respect ?

 

Lors d’une récente conversation avec mon ami Clodoalde1, jeune professeur de français et d’histoire au cycle d’orientation, nous nous interrogions sur l’avenir de notre société au vu du niveau moyen que présentent les jeunes adolescents de nos contrées. En effet, il n’est souvent plus question de dispenser un enseignement normal avant d’avoir inculqué aux élèves les bases de la vie en société, à savoir le minimum du respect des autres et des institutions. Cela n’est pas anodin, car tout le temps perdu à expliquer et surtout à faire comprendre (ce qui est autrement plus difficile) ces notions fondamentales n’est pas consacré à la transmission du savoir qui servira à l’élévation de ces jeunes cerveaux vers la compréhension des mystères de notre univers. Or le système scolaire ne vient pas en aide aux enseignants sur le terrain. En effet, les théoriciens de l’éducation voient d’un très bon œil la liberté d’expression des têtes blondes au nom du développement personnel et de la tolérance. Mais il semble que, malgré tous ces bons sentiments, aucune solution aux problèmes du monde ne nous ait été apportée récemment par un adolescent pré-pubère, et que le génie naturel de cette génération du laisser-faire ne se soit manifesté que de manière extrêmement discrète. Une solution serait peut-être de rendre aux parents la responsabilité de leur coup tiré, et de redonner au système scolaire les moyens de rétorsion indispensables à l’établissement des limites nécessaires à la construction de la personnalité.

 

La tolérance ?

 

Vertu parmi les vertus, la  tolérance est sans doute celle dont on nous rebat les oreilles le plus souvent. Il faut être tolérant avec les petit crapauds sans éducation, avec les malfaiteurs des quatre coins du globe, avec les révolutionnaires des bacs à sable qui veulent démembrer toutes les institutions, avec les extrémistes de tous poils, avec les cons honnêtes ou malhonnêtes, avec les imbéciles heureux et malheureux, et j’en oublie. Mais finalement que veut-on dire lorsque l’on parle de tolérance et qu’est-ce que cela implique ? J’entends souvent dans les conversations entre amis, lorsque les sujets deviennent polémiques, certains dire des choses du genre « bof, chacun pense ce qu’il veut, il faut être tolérant ». Mais ce procédé ne vise qu’à éviter le débat d’idées, exercice souvent trop périlleux pour des esprits paresseux, gavés de matière télévisuelle lobotomisante et n’ayant malheureusement aucune avis sur rien.

Je revendique le droit de ne pas tolérer ce avec quoi je ne suis pas d’accord et par là même de m’enrichir de la discussion qui suit la contradiction.

 
Lapidons Hani Ramadan

 

Lors de l’émission «Infrarouge » du 28 avril 2004 sur la TSR, monsieur Hani Ramadan était mis sur la sellette suite au gain de sa cause devant le tribunal administratif contre l’Etat de Genève, qui avait été condamné à le réintégrer dans ses fonctions d’enseignant, malgré ses prises de position dans la presse française à propos de la lapidation des hommes et des femmes adultères. L’enquête de Monsieur Bertossa a établi que Monsieur Ramadan est un excellent enseignant et qu’aucun débordement ne peut lui être reproché dans le cadre de ses cours. Il ne m’appartient pas ici de débattre du bien-fondé des opinions de Monsieur Ramadan, mais un certain nombre de problèmes soulevés lors de cette émission appellent des commentaires.

 

Tout d’abord, la question du devoir de réserve des enseignants : l’Etat de Genève, représenté par le président du parti radical genevois François Longchamp, avance qu’un enseignant, en tant qu’employé de l’Etat, se doit de ne pas exposer sur la place publique les opinions discordantes qu’ils pourrait avoir. Cette affirmation est très grave, car elle implique l’idée qu’un employé, quel qu’il soit, appartient à son employeur pour ce qui concerne sa liberté d’expression.

 

Le second argument avancé par Monsieur Longchamp concerne les valeurs de la République que les enseignants se doivent de représenter. On atteint ici des sommets dans la contradiction. D’un côté, on se gargarise des brassages culturels et de l’enrichissement qu’ils apportent à nos vieilles sociétés sclérosées, et, d’un autre, on muselle ceux qui expriment cette différence culturelle, dès l’instant où cela pourrait heurter nos concitoyens bien protégés dans le cocon de la pensée unique.

 

Enfin, un des intervenants de l’émission, professeur à l’EPFL, émettait l’idée que la loi condamnant les propos racistes et négationnistes devrait être modifiée pour que les propos de Monsieur Ramadan puissent être poursuivis. Nous y voilà. Ce que tous les adversaires de la loi muselière craignaient pointe son nez : l’établissement, petit à petit, d’une liste d’opinions hors-la-loi qui ancrera dans la loi ce que l’on est autorisé à penser et ce qui est interdit. Si ce n’est pas du totalitarisme …

 

Monsieur Ramadan doit avoir le droit, comme tout individu, de penser et dire n’importe quoi pour autant qu’il ne fasse pas du tort à une personne en particulier et qu’il n’utilise pas l’influence conférée par son statut d’enseignant pour endoctriner les élèves qui lui sont confiés. Mon soutien et ma sympathie lui sont acquis.

 

Xavier Savigny

 

1 Prénom fictif.

 

 

En direct de Sirius

 

 

Lettre ouverte à un ami perdu (Au Cdt C Roger Mabillard)

 

Monsieur le Commandant de corps,

 

La nouvelle de votre mort me cause une grande tristesse. Vous étiez de ces chefs qui guident vers la lumière mais qu’on aurait aussi bien suivi en enfer. A Iris, l’intuitive, qui avait décelé votre culture et votre humanité, j’avais dû expliquer que, lame de la meilleure trempe, vous n’en étiez pas moins justement redouté par les tartuffes, craint par les incapables, fui par les paresseux. Toujours courtois, vous n’éleviez jamais le ton : quelques mots choisis et l’eau claire de votre regard suffisaient. Les officiers, à votre soleil, perdaient leur mauvaise graisse et prenaient des épaules. Seule entorse à une discipline irréprochable, là où vous passiez, en fronde subtile et spontanée contre le triste règlement Oswald, bien des talons claquaient. Vos anciens officiers de la division de montagne 10, vous aimaient parce que vous étiez droit et viviez sans pacte. Au revoir, Monsieur le Commandant de corps. Avoir servi sous vos ordres fut un rare privilège.

 

Pauvre PFC Lynndie England !

 

Elle était presque touchante de naïveté, la petite première classe de quatrième ligne, avec son sourire de gavroche, sa clope au bec et ses mains qui mimaient un fusil pointé sur les organes génitaux du prisonnier irakien livré nu à son pouvoir discrétionnaire. Petite garde-chiourme promue au statut de «surfemme» des forces du Bien, ignorante des conventions internationales, elle avait pris au pied de la lettre sa mission de mise en condition des prisonniers pour les faire parler. Pauvre petite innocente ! Se doutait-elle qu’elle s’inscrivait en droite ligne des tortures employées par ses prédécesseurs des mêmes forces du Bien, cinquante-neuf ans auparavant, au procès de Dachau, pour extorquer des aveux fictifs mais nécessaires aux soldats vaincus de l’Allemagne nazie1? Pauvre petite Lynndie !... Petits fusibles du gang de la «Maison Grise», elle et quelques autres «enthousiastes» de son niveau vont désormais connaître les affres d’être livrés à la raison d’Etat des champions de la démocratie, avec les bons vœux du Secrétaire d’Etat à la défense.

 

Le 7 mai, au sénateur républicain Lindsay Graham qui annonçait la possibilité bien réelle de cas de viols et de meurtres, le platement navré mais non démissionnaire M. Donald Rumsfeld n’a pu qu’objecter, très contrarié : «It will only make matters worse»2

 

Patriotisme et usages

 

Sur une route menant à une corniche, en pays étranger, il y a la villa de H. et V. sur laquelle, lorsqu’ils y résident, flotte avec élégance notre drapeau fédéral. S’il est réconfortant de voir onduler cette manifestation bien légitime de fierté nationale, il conviendrait peut-être de rappeler ici, à nos compatriotes, un point de protocole valable sauf cas d’exterritorialité. La préséance revient toujours au pays d’accueil. En d’autres termes, notre étendard devrait être précédé sur la hampe par le drapeau de l’Union européenne, puis par celui du lieu… même si, à mesure de l’emprise de Bruxelles, ce dernier peut être de plus en plus assimilé à une province !

 

«La passion du Christ» – Un film justement redouté

 

Les myopes n’y verront que la description sanguinolente d’une mise à mort exemplaire ; les spectateurs plus attentifs : le plein sens d’un sacrifice doublé d’une parfaite analyse d’un complot. Vingt et un siècles après la Passion, un Mel Gibson en état de grâce nous rappelle ce qu’a subi Notre Sauveur. Il était temps. M. Gibson est sans doute un mystique mais il n’est pas handicapé par une mémoire sélective, il a tout compris.  Il est animé de cette foi qui manque à ses détracteurs, en particulier à certain avocat genevois dont le persiflage assez médiocre ne fait que confirmer que si le Christ revenait, il prendrait immédiatement le chemin du Golgotha.

 

 

Du choix approprié d’un emblème national

 

«La hideuse banqueroute est à vos portes, et vous délibérez!»

(Victor Riqueti, marquis de Mirabeau)

 

Un ami ornithologue, opposant l’intelligence exceptionnelle du perroquet à celle, très surfaite, de l’aigle, s’étonnait que les peuples aient choisi pour emblème le second. Le rapace avait certes fière allure sur les armes d’antan, mais ce grand prédateur, attirant trop les flèches, finissait bien souvent en trophée empaillé. Pragmatiques autant que spirituels, les Français, au roi des oiseaux, avaient préféré celui, plus modeste, de la basse-cour. Maître incontesté du lieu, il lui arrivait bien de finir plumé mais, la plupart du temps, pour se voir accommoder au Chambertin, ce qui n’était pas rien, et puis en son «royaume»… que de compensations amoureuses ! Là où les autres planaient, lui, plus terre à terre, veillait au grain. Ne disait-on pas dans la République que, les deux pieds dans le fumier, il annonçait de son chant la venue de jours meilleurs ? L’ennui, pour le malheureux volatile, c’est que son tas de fumier a considérablement grossi, ces derniers temps, et qu’englué jusqu’aux narines par les exigences de Bruxelles, les verrous «droits-de-l’hommistes» et les acquis sociaux, il ne lui est plus possible d’ouvrir le bec

 

M. Sharon joute-t-il à qui perd gagne ?

 

Comme c’était prévisible, le chef du gouvernement israélien s’est vu désavouer par son propre parti et une nette majorité des votants sur la question d’un retrait partiel des territoires palestiniens. Connaissant le fin stratège qui a su, jadis, créer un abcès de fixation opportun au Liban en envoyant, en avant-garde de ses troupes, des illuminés phalangistes chrétiens commettre l’irréparable à Sabra et Chatila, puis provoquer à point nommé la seconde intifada en déambulant sur l’Esplanade des Mosquées, il est légitime de se demander si ce désaveu du Likoud et de l’extrême-droite israélienne dans son ensemble n’est pas, en réalité, le bienvenu. Au demeurant, ce revers s’inscrit dans une excellente chronologie : le président US, principal allié d’Israël, embourbé dans l’imbroglio irakien, dont le parallélisme oculaire n’a jamais paru bien évident, étant plus occupé à loucher en direction des présidentielles qu’à vérifier la bonne marche de la «feuille de route», n’est plus en mesure de peser de manière décisive sur la situation au Moyen-Orient.

 

 

Max l’Impertinent

 

 

1          «Méthodes» qui, sans le rapport du Lt-colonel Willis Everett devant la Cour Suprême des Etats-Unis en mai 1948, confirmé par commission sénatoriale en avril 1949, seraient passées inaperçues

 

2          «Cela ne fera qu’aggraver les choses»

 

 

 

 

Vacance du siège apostolique

 

 

Dans son discours annuel au Corps diplomatique, Jean-Paul II, ayant à l’esprit le rapport de la Commission Stasi pour la France, mais d’autres éléments d’analyse sans doute concernant l’Allemagne et la Belgique, rappelait le principe conciliaire de Vatican II de la liberté de religion et en appela au respect «de toutes (c’est moi qui souligne) les croyances de la part de l’Etat, qui assure le libre exercice des activités cultuelles, spirituelles, culturelles et caritatives des communautés de croyants».

 

Ce discours, connu depuis quarante ans, est devenu l’axe de ce qu’il est convenu d’appeler «la pastorale conciliaire» pour ce qui concerne les rapports entre le domaine religieux et l’Etat. Ce discours ne saurait en aucun cas être celui de l’Eglise. Celui qui, à Rome, persiste avec pertinacité à le tenir malgré nos avertissements ne peut non plus prétendre à la qualité de Vicaire du Christ, pour des motifs de droit divin et ecclésiastique, doctrinaux certains.

 

Ce discours est d’essence athée, totalement irrationnel et dépourvu de tout principe moral.

 

1. Athée : il considère que la croyance religieuse, malgré la Révélation divine faite aux hommes, malgré le Sacrifice de l’unique Prêtre et Roi, qui accomplit la promesse d’un Rédempteur du genre humain, malgré la Résurrection du Christ qui atteste la divinité du Christ Sauveur, relève des seules données de la conscience personnelle et que l’Etat n’a que le devoir de protéger ces données subjectives au seul titre du respect de la conscience des personnes, de bonne ou mauvaise foi, respectueuses de la vérité en matière religieuse ou victimes de l’erreur en cette même matière. Il est aisé de voir que cette approche exclut formellement le principal intéressé : Dieu Lui-même, de qui la Révélation, l’Incarnation et le Sacrifice rédempteur sont superbement ignorés ! Par qui ? Par Jean-Paul II lui-même…

 

2. Totalement irrationnel : il est contraire au principe de la rationalité du droit de traiter de manière identique des croyances contradictoires sur des points essentiels. Mettre ainsi le droit positif des Etats au service de telles contradictions revient purement et simplement à tuer l’esprit juridique et à mépriser la raison même de la règle de droit, toutes questions de tolérance mises à part.

 

3. Enfin, l’immoralité de ce discours ressort à l’évidence de seul fait que l’on place, en matière religieuse, le bon droit – qui ne peut avoir pour objet formel que le vrai et le bon – et l’abus en matière de religion de manière identique. Or le prétendu «droit» moderne à la liberté religieuse, celui-là même qui est défendu publiquement et avec pertinacité par Jean-Paul II à la suite de Vatican II, et rappelé par lui dans son discours au Corps diplomatique, confond sciemment le bon droit et l’abus en ignorant délibérément la vérité objective en cette matière.

 

Ce faux droit moderne est l’expression publique et scandaleuse du cynisme de la conscience moderne et ne peut être promu et défendu que par des êtres qui se moquent ouvertement de la divinité.

 

Celui qui, à Rome, le tient et le maintient est un prélat hérétique public, blasphémateur, scandaleux, un imposteur et un occupant illégitime de la chaire de Pierre.

 

Aucun évêque catholique s’abstenant de le dénoncer pour protéger ses ouailles ne remplit sa fonction dans l’Eglise.

 

 

Michel de Preux

 

 

 

 

«Liberté économique et responsabilité sociale»

 

 

Grâce à Rerum novarum de Léon XIII, à Quadrasimo anno de Pie XI, à Laborem exercens et à Centesimus annus de Jean-Paul II, on sait la doctrine sociale et économique de l’Eglise.

 

Grâce au dernier numéro paru de «Etudes & Enquêtes», le Centre patronal nous fait connaître sa conception de la liberté économique et de la responsabilité sociale.

 

Ce devrait être, prioritairement, le rôle des partis de se positionner sur ces questions fondamentales, mais, comme le fait observer opportunément M. Pierre-Gabriel Bieri, l’un des auteurs de cet opus : «…une autre raison qui pousse les représentants de l’économie vaudoise à adopter des positions claires sur de nombreux sujets publics est la faiblesse de la réflexion politique dans les partis politiques, qui devraient pourtant être à la pointe de cette réflexion. Trop souvent, l’action politique paraît davantage guidée par l’opportunisme, les modes et les ambitions personnelles que par des principes rigoureux et durables».

 

«Liberté économique et responsabilité sociale» comble cette lacune. Après une passionnante introduction historique due à la plume de M. Jean-Philippe Chenaux sur le corporatisme médiéval, sa mise à mort par la loi révolutionnaire Le Chapelier et sa résurgence à l’origine des Groupements patronaux vaudois, l’ouvrage regroupe les contributions d’une brochette d’auteurs talentueux qui ont le mérite rare – à notre époque – d’appeler un chat un chat sans s’effrayer de savoir à qui une constatation aussi téméraire pourrait déplaire et de tenter un véritable essai de doctrine.

Dans un chapitre intitulé «Des syndicats, pour quoi faire ?», M. Jean-François Tosetti émet le vœu qu’un vrai syndicalisme sorte renforcé de la mutation qu’il est en train de vivre, en passant des syndicats de branche aux coalitions interprofessionnelles. L’auteur voit le danger d’une prééminence de l’idéologie dans ces futures grandes centrales syndicales, et il plaide pour des «maisons syndicales» dans chaque canton.

 

Responsable de caisses AVS, M. François Puricelli est sensible au rôle joué par les institutions sociales, composante fondamentale de l’organisation professionnelle.

 

M. Frédéric Bonjour s’est penché sur «Le rôle actuel de la profession organisée» dans un essai copieux, excellemment charpenté et illustré de cas pratiques bien choisis.

 

M. Pierre-Gabriel Bieri, déjà cité, a consacré son étude à la répartition des rôles entre l’économie et la politique. L’auteur dénonce avec pertinence la tendance étatique actuelle de s’en prendre aux ententes commerciales par une intervention massive exercée au nom même du libéralisme économique.

 

Dans une contribution intitulée «L’entreprise, au cœur du corps social», M. Christophe Reymond ne craint pas de rappeler que si la réalisation d’un profit n’est pas la fin suffisante de l’entreprise, elle n’en demeure pas moins une condition nécessaire de sa survie.

 

Quant à M. Jean-François Cavin, directeur du Centre patronal, son statut lui donne le droit de prendre la plume quatre fois : par un avant-propos introductif, un rappel historique sur la vision des fondateurs, des remarques sur l’organisation patronale en Suisse, et, last but not least, une conclusion sur le monde et le pays où l’auteur passe en revue les grands problèmes politiques et économiques qui se posent aujourd’hui dans l’ensemble du monde… et donc dans notre petit pays. L’érudition de Jean-François Cavin et sa lucidité font de cet article une référence intellectuelle «incontournable», comme on dit aujourd’hui.

 

L’ouvrage est disponible en librairie au prix de 22 francs. Il peut être aussi commandé au Centre patronal, case postale 1215, 1001 Lausanne par téléphone (021/796 33 00), télécopieur (021/796 33 82) ou courriel à jpchenaux@centrepatronal.ch.

 

 

C.P.

 

 

 

 

Bricoles

 

Assurance anti-malades

 

La prochaine révision de la loi sur l’assurance maladie prévoit, entre autres choses, la suppression pour les assureurs de l’obligation de contracter dans le secteur ambulatoire et le passage de la participation des assurés aux frais médicaux, en plus de la franchise, de 10% à 20%.

 

Comme il est hautement improbable que ces mesures engendreront une baisse des primes, les assurés seront une fois de plus les dindons de la farce : non seulement ils ne seront plus libres de choisir leur médecin, sauf à consulter à leurs frais les «moutons noirs» mis à l’index selon des critères sur lesquels ils ne seront pas consultés, mais ils verront aussi grimper une fois de plus les coûts de leur santé.

 

On nous dit que cette nouvelle hausse a pour but de responsabiliser les assurés. Que c’est beau ! Mais si on croit les assurés capables d’agir de manière responsable, pourquoi ne pas leur faire confiance en ce qui concerne le choix de leur médecin ?

 

Et si on veut entrer dans la voie de la coercition, pourquoi ne pas promulguer une loi interdisant la maladie, sous peine de sanctions pénales ? Voilà qui permettrait de résoudre l’épineuse question du vieillissement de la population.

 

«Plutôt mort que malade en prison !» ferait un très joli slogan publicitaire dans une campagne de prévention contre les atteintes de l’âge et les maladies chroniques ou tout simplement graves.

 

Quant aux caisses maladie, reconverties en assurances décès, elle continueraient à prélever des primes obligatoires en vue du financement des enterrements. Il y aurait l’assurance enterrement de base, avec franchise et participation aux frais de 20%, et des assurances complémentaires pour ceux qui veulent des funérailles somptueuses.

 

N’est-ce pas là une idée constructive ?

 

Omission

 

Rendant hommage, dans 24 Heures du 30 avril, à Madame Danielle Bridel, juriste et première femme cadre au sein de l’administration fédérale, décédée le 13 avril à l’âge de huitante-quatre ans, Francine Brunschwig évoque la carrière de la défunte et les nombreuses organisations féminines dans lesquelles celle-ci a œuvré.

 

Curieusement, Madame Brunschwig omet de mentionner que Danielle Bridel fut aussi une personnalité marquante dans les rangs du Service complémentaire féminin…

 

Etonnements

 

Nous apprenons, avec étonnement, par 24 Heures des 1er et 2 mai, que plus de la moitié – 650 millions de dollars – des fonds – 1,25 milliard – versés par les banques suisses en 1998 en faveur des victimes de l’Holocauste n’ont pas été attribués à ce jour. Il est vrai que la meute avide qui se dispute le pactole ne facilite pas la tâche du juge Korman de New York, chargé de la distribution.

 

Parmi les organisations juives qui réclament une part du gâteau, on trouve l’Union suisse des comités d’entraide juive (USCJ) qui demande quelque 53 millions de francs en vue de réaliser deux projets. Le premier consiste à verser une rente complémentaire de 500 francs par mois pendant vingt ans à cent cinq rescapés de l’Holocauste, pour la plupart originaires d’Europe orientale et réfugiés en Suisse dès 1945, qui vivraient chez nous dans des conditions misérables. Le second prévoit l’hébergement de vingt victimes de l’Holocauste bosniaques dans un home suisse pour personnes âgées.

 

L’entraide est certes une belle et bonne chose. Mais ne peut-on s’étonner que l’USCJ ne s’avise que si tardivement de venir en aide à des gens qui croupissent dans la misère depuis cinquante-neuf ans, au vu et au su de tout le monde, apparemment, y compris de leurs coreligionnaires ? Ne peut-on s’étonner aussi que les bénéficiaires du premier projet, qui doivent tout de même être relativement âgés et parfois même très âgés, soient tous censés vivre encore vingt ans ? Où ira l’argent si les assistés décèdent avant d’en avoir pu toucher la totalité ?

 

Si, toutefois, les cent cinq victimes touchent bel et bien 500 francs par mois pendant vingt ans, il en coûtera 12 600 000 francs, soit 120 000 francs par rescapé, ce qui laissera

40 400 000 francs pour payer la pension en home pour personnes âgées des vingt victimes bosniaques, soit un capital de 2 020 000  francs par vieillard, ce qui devrait permettre à ces vieux Bosniaques – qui sont, soit dit en passant, honteusement favorisés par rapport aux miséreux du premier projet – de couler des jours heureux pendant au moins vingt-cinq ans encore. Mais s’ils ont l’idée biscornue de mourir avant d’avoir épuisé leur capital, où donc ira l’argent ?

 

On se perd en conjectures…

 

 

 

 

Propagande gouvernementale

 

 

Il est extrêmement désagréable au citoyen qui milite, en vue d’une prochaine votation fédérale, pour une idée, une conception, au sein d’un mouvement qui tente de convaincre ses concitoyens de voter OUI (ou NON, qu’importe), d’apprendre que le Conseil fédéral non seulement recommande la réponse inverse (et c’est évidemment bien son droit de le faire savoir), mais dépense des sommes souvent importantes pour diffuser son message.

 

Ces sommes sont prélevées évidemment sur un budget alimenté, directement ou indirectement, par le contribuable qui défend l’idée contraire et cet engagement financier des pouvoirs publics dans la lutte partisane est choquante.

 

Une association «Citoyens pour les citoyens» a lancé une initiative constitutionnelle visant, en résumé, à interdire au Conseil fédéral, aux cadres supérieurs de l’administration fédérale, aux offices de la Confédération, toute activité d’information ou de propagande «à partir du moment où les débats parlementaires sont clos». La Confédération devrait également se contenter de diffuser une brochure explicative du Conseil fédéral contenant l’exposé des arguments pour ou contre de façon équitable.

 

Nous approuvons, dans ses intentions, cette initiative, et c’est pourquoi nous avons décidé d’accueillir les listes dont vous avez trouvé un exemplaire annexé au présent numéro du Pamphlet.

 

Le lancement de cette initiative, comme d’ailleurs la naissance de l’association «Citoyens pour les citoyens», m’incite à deux remarques.

 

Un signe inquiétant

 

Les autorités ne jouissent plus ni du respect ni même de la confiance d’un grand nombre de citoyens. Il y a trente ans, je faisais scandale en attribuant le Prix Cornichon au chef du département militaire fédéral, car même un Conseiller fédéral notoirement incompétent bénéficiait auprès des officiers, des notables, des bourgeois en général d’une aura de majesté, de grandeur, de légitimité que l’institution a largement perdue.

 

Aujourd’hui, les jeunes sont aussi insolents que nous l’étions, mais même les anciens ont perdu leurs illusions. Les sondages trahissent la perte des repères et la démocratie s’affole : n’a-t-on pas entendu récemment que les citoyens n’accordaient plus grand crédit au Conseil fédéral (ce qui est un signe de lucidité) mais qu’ils désignaient Mme Micheline Calmy-Rey comme la plus appréciée (ce qui est un signe d’aveuglement) ?

 

Il y a un demi-siècle, on aurait trouvé normal, et même opportun, que le Conseil fédéral puisse exposer sa conception publiquement, avant une votation populaire, et les citoyens suivaient très généralement ses consignes. Sur recommandation du Conseil fédéral, le peuple a même rejeté, en 1942, une initiative qui lui aurait conféré le doit d’élire directement … le Conseil fédéral !

 

Qu’on considère aujourd’hui la volonté du gouvernement de justifier ses choix comme des opérations de propagande (et c’est tout juste si on ne se réfère pas, avec des frémissements dans la voix, aux mânes du Dr Goebbels et aux heures-les-plus-sombres de l’histoire récente) est un signe inquiétant.

 

Il y a plus inquiétant encore : la perte de confiance de la population en ses magistrats est très vraisemblablement justifiée. Il n’est qu’à considérer l’état des finances publiques, à Genève ou dans le canton de Vaud, pour se convaincre que nous n’avons plus d’hommes politiques. Au niveau fédéral, deux «pointures» seulement : Blocher à droite et Couchepin au centre-gauche. Les autres font de la figuration et gèrent ce qu’ils peuvent, avec ce qu’ils savent.

 

Dès la clôture des débats

 

Ma seconde remarque a trait au moment à partir duquel le Conseil fédéral devrait s’abstenir de toute opération de «propagande» : l’article 34 al. 3 (nouveau) qu’on nous propose d’introduire dans la Constitution dit : «A partir du moment où les débats parlementaires sont clos…».

 

En bon français, cela signifie que le Conseil fédéral pourrait financer des officines onéreuses de Propandastaffel, lancer ses hauts fonctionnaires, ses départements et ses offices dans la tourmente, s’exprimer lui-même longuement dans la presse et à la TV pour autant qu’il cesse cette pression dès la clôture des débats parlementaires.

 

Cette limite temporelle me paraît à la fois artificielle et difficile à respecter strictement. Ne risque-t-on pas de voir fleurir des discours prononcés avant, mais opportunément diffusés et reproduits dans la presse féale après la clôture des débats ? des brochures et des libelles rédigés avant, mais que des pannes chez l’imprimeur font apparaître dans les boîtes aux lettres après la clôture des débats parlementaires ? des annonces et des placards financés avant mais que Publicitas ne peut passer qu’après… ?

 

Il faudra toute la finesse d’un juriste fédéral élevé chez les disciples de saint Ignace pour imaginer la loi d’application et les ordonnances y relatives.

 

Sur leur site www.libre-opinion.ch, les initiants expliquent qu’ils ont perdu du temps dans la récolte des signatures, puisqu’ils ont commencé à recueillir des signatures le 11 février 2003, qu’ils ont donc jusqu’au 11 août pour transmettre env. 110'000 signatures contrôlées à la Chancellerie fédérale, mais qu’ils se sont assoupis, comme la Belle au Bois dormant, jusqu’à aujourd’hui.

 

Pire, le site dit encore, à l’heure où j’écris ces lignes (12 mai) : «Le délai est fixé au 11 août 2004. Il nous reste donc 6 mois pour réunir et faire authentifier le nombre requis…».

 

Réveillez-vous, gentils initiants : ce n’est pas 6 mois qu’il vous reste, mais trois seulement !

 

 

Claude Paschoud