Sommaire :
Le Pamphlet a perdu deux amis de longue date en avril : Roger Mabillard qui
était pour Mariette «le général» et le pasteur William Hentsch.
Notre périodique ne s’est jamais tout à fait remis de la perte de
Procope, notre excellentissime chroniqueur de Genève. Un successeur possible
fait dans ce numéro ses premières armes sur des sujets d’ordre général.
Michel de Preux démontre que le siège de Pierre est occupé par un prélat
dont le catholicisme est étrange
«Liberté économique et responsabilité sociale»
La dernière publication
du Centre patronal : un véritable ouvrage de doctrine économique et
sociale.
Le chroniqueur de service propose une loi interdisant la maladie pour
lutter contre les déficits des assurances sociales, et s’interroge sur
les calculs de l’Union suisse des comités d’entraide juive.
Il n’y a plus que 3 mois (et non 6 !) pour déposer
l’initiative populaire «Souveraineté du peuple sans propagande gouvernementale».
On trouve des listes à signer sur le site www.libre-opinion.ch
Avril fut pour nous un mois funeste, puisque nous
avons perdu deux amis fidèles : le général Roger Mabillard le 22 et le pasteur
William Hentsch le 24.
J’ai lu avec intérêt les hommages rendus au
général par le colonel Guy Studer dans 24 Heures du 27 avril et
par Max dans le présent numéro du Pamphlet, et je partage naturellement le chagrin,
l’admiration et l’affection qui y sont exprimés. Je déplore
cependant que certaines facettes du caractère de Roger Mabillard, que ces
officiers ont forcément découvertes comme moi, n’apparaissent pas dans
leurs propos.
J’ai entendu un jour le général Mabillard se
définir comme un rebelle. Cette particularité, qui n’était pas sans
danger pour un militaire de carrière, mais qui, jointe à ses qualités de chef,
fut pour lui un atout, explique certainement sa propension à apprécier les
fortes têtes, du moment que leur loyauté et leur compétence étaient acquises.
Elle explique aussi le soutien qu’il savait apporter à ses subordonnés
quand il estimait que ceux-ci étaient victimes d’une injustice et
qu’il était en son pouvoir de les aider, ne serait-ce que moralement.
«Tenez le coup !», m’ordonna-t-il par téléphone depuis son bureau du
«Pentagone» en août 1986, alors que le ciel venait de me tomber sur la tête et
que la presse s’ingéniait à me démolir. Pouvais-je désobéir ?
J’obéis donc.
Les portraits quelque peu austères du colonel Studer et
de Max ne rendent pas justice à une autre qualité du général. C’était un
homme gai qui aimait rire et faire rire en racontant des anecdotes –
celle, par exemple, d’un tour, pas bien méchant et qui l’avait
beaucoup amusé, joué à un commandant du régiment 5 par un autre rebelle du nom
de Claude Paschoud, lors d’une inspection du commandant de la division de
montagne 10 Roger Mabillard – et qui aimait aussi chanter. Voici quelques
années, nous nous sommes rencontrés par hasard au rendez-vous de l’école
de ski des Paccots où nous avions amené lui sa petite-fille et moi mes
petits-fils. Nous avons bu quelques cafés au Lac des Joncs en attendant la fin
du cours et c’est en chantant ensemble un air de Barbara que nous sommes
allés récupérer nos descendants respectifs.
En dépit de sa brillante carrière, le
général Mabillard était resté un homme simple. Je verrai toute ma vie le chef
de l’instruction servir la soupe à une brochette d’officiers SCF à
l’issue de l’inspection d’une école de recrues féminine à Kreuzlingen.
Quoique l’ayant rencontré à de
nombreuses reprises, je ne connaissais pas aussi bien le pasteur William
Hentsch. Mais je sais que c’était un homme bon, un esprit indépendant, un
chrétien sourcilleux – ce qui ne va pas de soi même chez un pasteur
– et un théologien très savant. Il aimait la jeunesse et son grand âge
n’y avait rien changé. Claude et moi avons découvert à vingt-cinq ans sa
gentillesse et sa compréhension à l’égard des jeunes qu’il
côtoyait, et notre fille Sophie a fait la même expérience à peu près au même
âge, une trentaine d’années plus tard. Mais peut-être le pasteur Hentsch
n’eût-il pas été tout à fait l’homme qu’il était s’il
n’avait été accompagné d’une épouse digne de lui. Je me souviens
qu’à l’époque des «affaires Paschoud», Monsieur et Madame Hentsch
m’avaient écrit pour me dire que, si j’avais besoin d’une
retraite, leur maison m’était ouverte. Les circonstances ne m’ont
pas permis de donner suite à l’invitation, mais j’en éprouve encore
aujourd’hui une profonde gratitude.
Nous prions les familles Mabillard et
Hentsch de trouver ici l’expression de notre sympathie. Nous
n’oublierons pas ces deux amis.
Mariette
Paschoud
Je suis
un travailleur immigré à Genève depuis 1996, année où j’ai quitté les
rues de la capitale du Pays de Vaud pour les boulevards de la cité de Calvin.
Baccalauréat vaudois et maturité fédérale en poche (la maturité en elle-même se
fait toujours attendre), je partais à la conquête de ce bout du lac dont
j’avais entendu tant de mal (entre autres la responsabilité des Genevois
dans la déforestation en rapport avec la fabrication de brosses à dents sur
mesure), et m’intégrais tant bien que mal dans cette culture si
différente de ce que j’avais toujours connu. Voilà huit ans que j’y
traîne mes guêtres et je me surprends à m’y sentir chez moi. C’est
pourquoi, il me prend l’envie aujourd’hui d’apporter ma
modeste contribution à la presse d’opinion de ce pays, avec ma petite
expérience de jeune trentenaire, fruit d’une transplantation géographique
réussie.
Le respect ?
Lors d’une
récente conversation avec mon ami Clodoalde1, jeune professeur de
français et d’histoire au cycle d’orientation, nous nous
interrogions sur l’avenir de notre société au vu du niveau moyen que
présentent les jeunes adolescents de nos contrées. En effet, il n’est
souvent plus question de dispenser un enseignement normal avant d’avoir
inculqué aux élèves les bases de la vie en société, à savoir le minimum du
respect des autres et des institutions. Cela n’est pas anodin, car tout
le temps perdu à expliquer et surtout à faire comprendre (ce qui est autrement
plus difficile) ces notions fondamentales n’est pas consacré à la
transmission du savoir qui servira à l’élévation de ces jeunes cerveaux vers
la compréhension des mystères de notre univers. Or le système scolaire ne vient
pas en aide aux enseignants sur le terrain. En effet, les théoriciens de
l’éducation voient d’un très bon œil la liberté
d’expression des têtes blondes au nom du développement personnel et de la
tolérance. Mais il semble que, malgré tous ces bons sentiments, aucune solution
aux problèmes du monde ne nous ait été apportée récemment par un adolescent
pré-pubère, et que le génie naturel de cette génération du laisser-faire ne se
soit manifesté que de manière extrêmement discrète. Une solution serait
peut-être de rendre aux parents la responsabilité de leur coup tiré, et de
redonner au système scolaire les moyens de rétorsion indispensables à
l’établissement des limites nécessaires à la construction de la
personnalité.
La tolérance ?
Vertu parmi les
vertus, la tolérance est sans doute
celle dont on nous rebat les oreilles le plus souvent. Il faut être tolérant
avec les petit crapauds sans éducation, avec les malfaiteurs des quatre coins du
globe, avec les révolutionnaires des bacs à sable qui veulent démembrer toutes
les institutions, avec les extrémistes de tous poils, avec les cons honnêtes ou
malhonnêtes, avec les imbéciles heureux et malheureux, et j’en oublie.
Mais finalement que veut-on dire lorsque l’on parle de tolérance et
qu’est-ce que cela implique ? J’entends souvent dans les
conversations entre amis, lorsque les sujets deviennent polémiques, certains
dire des choses du genre « bof, chacun pense ce qu’il veut, il faut
être tolérant ». Mais ce procédé ne vise qu’à éviter le débat
d’idées, exercice souvent trop périlleux pour des esprits paresseux,
gavés de matière télévisuelle lobotomisante et n’ayant malheureusement
aucune avis sur rien.
Je revendique le droit de ne
pas tolérer ce avec quoi je ne suis pas d’accord et par là même de
m’enrichir de la discussion qui suit la contradiction.
Lors de
l’émission «Infrarouge » du 28 avril 2004 sur
Tout d’abord,
la question du devoir de réserve des enseignants : l’Etat de Genève,
représenté par le président du parti radical genevois François Longchamp,
avance qu’un enseignant, en tant qu’employé de l’Etat, se
doit de ne pas exposer sur la place publique les opinions discordantes
qu’ils pourrait avoir. Cette affirmation est très grave, car elle
implique l’idée qu’un employé, quel qu’il soit, appartient à
son employeur pour ce qui concerne sa liberté d’expression.
Le second argument
avancé par Monsieur Longchamp concerne les valeurs de
Enfin, un des
intervenants de l’émission, professeur à l’EPFL, émettait
l’idée que la loi condamnant les propos racistes et négationnistes
devrait être modifiée pour que les propos de Monsieur Ramadan puissent être
poursuivis. Nous y voilà. Ce que tous les adversaires de la loi muselière
craignaient pointe son nez : l’établissement, petit à petit,
d’une liste d’opinions hors-la-loi qui ancrera dans la loi ce que
l’on est autorisé à penser et ce qui est interdit. Si ce n’est pas
du totalitarisme …
Monsieur Ramadan
doit avoir le droit, comme tout individu, de penser et dire n’importe
quoi pour autant qu’il ne fasse pas du tort à une personne en particulier
et qu’il n’utilise pas l’influence conférée par son statut d’enseignant
pour endoctriner les élèves qui lui sont confiés. Mon soutien et ma sympathie
lui sont acquis.
1 Prénom fictif.
Monsieur le Commandant de corps,
La
nouvelle de votre mort me cause une grande tristesse. Vous étiez de ces chefs
qui guident vers la lumière mais qu’on aurait aussi bien suivi en enfer.
A Iris, l’intuitive, qui avait décelé votre culture et votre humanité,
j’avais dû expliquer que, lame de la meilleure trempe, vous n’en
étiez pas moins justement redouté par les tartuffes, craint par les incapables,
fui par les paresseux. Toujours courtois, vous n’éleviez jamais le
ton : quelques mots choisis et l’eau claire de votre regard
suffisaient. Les officiers, à votre soleil, perdaient leur mauvaise graisse et
prenaient des épaules. Seule entorse à une discipline irréprochable, là où vous
passiez, en fronde subtile et spontanée contre le triste règlement Oswald, bien
des talons claquaient. Vos anciens officiers de la division de montagne 10,
vous aimaient parce que vous étiez droit et viviez sans pacte. Au revoir,
Monsieur le Commandant de corps. Avoir servi sous vos ordres fut un rare
privilège.
Elle était presque touchante
de naïveté, la petite première classe de quatrième ligne, avec son sourire de
gavroche, sa clope au bec et ses mains qui mimaient un fusil pointé sur les
organes génitaux du prisonnier irakien livré nu à son pouvoir discrétionnaire.
Petite garde-chiourme promue au statut de «surfemme» des forces du Bien,
ignorante des conventions internationales, elle avait pris au pied de la lettre
sa mission de mise en condition des prisonniers pour les faire parler. Pauvre
petite innocente ! Se doutait-elle qu’elle s’inscrivait en droite
ligne des tortures employées par ses prédécesseurs des mêmes forces du Bien,
cinquante-neuf ans auparavant, au procès de Dachau, pour extorquer des aveux
fictifs mais nécessaires aux soldats vaincus de l’Allemagne nazie1?
Pauvre petite Lynndie !... Petits fusibles du gang de la «Maison Grise»,
elle et quelques autres «enthousiastes» de son niveau vont désormais connaître
les affres d’être livrés à la raison d’Etat des champions de la
démocratie, avec les bons vœux du Secrétaire d’Etat à la défense.
Le 7 mai, au sénateur républicain Lindsay Graham
qui annonçait la possibilité bien réelle de cas de viols et de meurtres, le
platement navré mais non démissionnaire M. Donald Rumsfeld n’a pu
qu’objecter, très contrarié : «It will only make matters worse»2…
Sur
une route menant à une corniche, en pays étranger, il y a la villa de H. et V.
sur laquelle, lorsqu’ils y résident, flotte avec élégance notre drapeau
fédéral. S’il est réconfortant de voir onduler cette manifestation bien
légitime de fierté nationale, il conviendrait peut-être de rappeler ici, à nos
compatriotes, un point de protocole valable sauf cas d’exterritorialité.
La préséance revient toujours au pays d’accueil. En d’autres
termes, notre étendard devrait être précédé sur la hampe par le drapeau de
l’Union européenne, puis par celui du lieu… même si, à mesure de
l’emprise de Bruxelles, ce dernier peut être de plus en plus assimilé à une
province !
Les
myopes n’y verront que la description sanguinolente d’une mise à
mort exemplaire ; les spectateurs plus attentifs : le plein sens
d’un sacrifice doublé d’une parfaite analyse d’un complot.
Vingt et un siècles après
«La hideuse
banqueroute est à vos portes, et vous délibérez!»
(Victor Riqueti, marquis de Mirabeau)
Un
ami ornithologue, opposant l’intelligence exceptionnelle du perroquet à
celle, très surfaite, de l’aigle, s’étonnait que les peuples aient
choisi pour emblème le second. Le rapace avait certes fière allure sur les
armes d’antan, mais ce grand prédateur, attirant trop les flèches,
finissait bien souvent en trophée empaillé. Pragmatiques autant que spirituels,
les Français, au roi des oiseaux, avaient préféré celui, plus modeste, de la
basse-cour. Maître incontesté du lieu, il lui arrivait bien de finir plumé
mais, la plupart du temps, pour se voir accommoder au Chambertin, ce qui
n’était pas rien, et puis en son «royaume»… que de compensations
amoureuses ! Là où les autres planaient, lui, plus terre à terre, veillait au
grain. Ne disait-on pas dans
M.
Sharon joute-t-il à qui perd gagne ?
Comme
c’était prévisible, le chef du gouvernement israélien s’est vu
désavouer par son propre parti et une nette majorité des votants sur la
question d’un retrait partiel des territoires palestiniens. Connaissant
le fin stratège qui a su, jadis, créer un abcès de fixation opportun au Liban
en envoyant, en avant-garde de ses troupes, des illuminés phalangistes
chrétiens commettre l’irréparable à Sabra et Chatila, puis provoquer à
point nommé la seconde intifada en déambulant sur l’Esplanade des
Mosquées, il est légitime de se demander si ce désaveu du Likoud et de
l’extrême-droite israélienne dans son ensemble n’est pas, en
réalité, le bienvenu. Au demeurant, ce revers s’inscrit dans une
excellente chronologie : le président US, principal allié d’Israël,
embourbé dans l’imbroglio irakien, dont le parallélisme oculaire
n’a jamais paru bien évident, étant plus occupé à loucher en direction
des présidentielles qu’à vérifier la bonne marche de la «feuille de
route», n’est plus en mesure de peser de manière décisive sur la situation
au Moyen-Orient.
Max
l’Impertinent
1 «Méthodes» qui, sans le rapport du
Lt-colonel Willis Everett devant
2 «Cela ne fera qu’aggraver les
choses»
Dans
son discours annuel au Corps diplomatique, Jean-Paul II, ayant à l’esprit
le rapport de
Ce
discours, connu depuis quarante ans, est devenu l’axe de ce qu’il
est convenu d’appeler «la pastorale conciliaire» pour ce qui concerne les
rapports entre le domaine religieux et l’Etat. Ce discours ne saurait en
aucun cas être celui de l’Eglise. Celui qui, à Rome, persiste avec
pertinacité à le tenir malgré nos avertissements ne peut non plus prétendre à
la qualité de Vicaire du Christ, pour des motifs de droit divin et ecclésiastique,
doctrinaux certains.
Ce
discours est d’essence athée, totalement irrationnel et dépourvu de tout
principe moral.
1.
Athée : il considère que la croyance religieuse, malgré
2.
Totalement irrationnel : il est contraire au principe de la rationalité du
droit de traiter de manière identique des croyances contradictoires sur des
points essentiels. Mettre ainsi le droit positif des Etats au service de telles
contradictions revient purement et simplement à tuer l’esprit juridique
et à mépriser la raison même de la règle de droit, toutes questions de
tolérance mises à part.
3.
Enfin, l’immoralité de ce discours ressort à l’évidence de seul
fait que l’on place, en matière religieuse, le bon droit – qui ne
peut avoir pour objet formel que le vrai et le bon – et l’abus en matière
de religion de manière identique. Or le prétendu «droit» moderne à la liberté
religieuse, celui-là même qui est défendu publiquement et avec pertinacité par
Jean-Paul II à la suite de Vatican II, et rappelé par lui dans son discours au
Corps diplomatique, confond sciemment le bon droit et l’abus en ignorant
délibérément la vérité objective en cette matière.
Ce
faux droit moderne est l’expression publique et scandaleuse du cynisme de
la conscience moderne et ne peut être promu et défendu que par des êtres qui se
moquent ouvertement de la divinité.
Celui
qui, à Rome, le tient et le maintient est un prélat hérétique public,
blasphémateur, scandaleux, un imposteur et un occupant illégitime de la chaire
de Pierre.
Aucun
évêque catholique s’abstenant de le dénoncer pour protéger ses ouailles
ne remplit sa fonction dans l’Eglise.
Michel de Preux
«Liberté
économique et responsabilité sociale»
Grâce à Rerum novarum de Léon XIII, à Quadrasimo
anno de Pie XI, à Laborem exercens et à Centesimus annus de Jean-Paul II, on
sait la doctrine sociale et économique de l’Eglise.
Grâce au dernier numéro paru
de «Etudes & Enquêtes», le Centre
patronal nous fait connaître sa conception de la liberté économique et de
la responsabilité
sociale.
Ce devrait être, prioritairement,
le rôle des partis de se positionner sur ces questions fondamentales, mais,
comme le fait observer opportunément M. Pierre-Gabriel Bieri, l’un des
auteurs de cet opus : «…une
autre raison qui pousse les représentants de l’économie vaudoise à
adopter des positions claires sur de nombreux sujets publics est la faiblesse
de la réflexion politique dans les partis politiques, qui devraient pourtant
être à la pointe de cette réflexion. Trop souvent, l’action politique
paraît davantage guidée par l’opportunisme, les modes et les ambitions
personnelles que par des principes rigoureux et durables».
«Liberté économique et responsabilité
sociale» comble cette lacune. Après une passionnante introduction historique
due à la plume de M. Jean-Philippe Chenaux sur le corporatisme médiéval, sa
mise à mort par la loi révolutionnaire Le Chapelier et sa résurgence à
l’origine des Groupements patronaux vaudois, l’ouvrage regroupe les
contributions d’une brochette d’auteurs talentueux qui ont le
mérite rare – à notre époque – d’appeler un chat un chat sans
s’effrayer de savoir à qui une constatation aussi téméraire pourrait
déplaire et de tenter un véritable essai de doctrine.
Dans un chapitre intitulé «Des
syndicats, pour quoi faire ?», M. Jean-François Tosetti émet le
vœu qu’un vrai syndicalisme
sorte renforcé de la mutation qu’il est en train de vivre, en passant des
syndicats de branche aux coalitions interprofessionnelles. L’auteur voit
le danger d’une prééminence de l’idéologie dans ces futures grandes
centrales syndicales, et il plaide pour des «maisons syndicales» dans chaque
canton.
Responsable de caisses AVS, M.
François Puricelli est sensible au rôle joué par les institutions sociales,
composante fondamentale de l’organisation professionnelle.
M. Frédéric Bonjour
s’est penché sur «Le rôle actuel de la profession organisée»
dans un essai copieux, excellemment charpenté et illustré de cas pratiques bien
choisis.
M. Pierre-Gabriel Bieri, déjà
cité, a consacré son étude à la répartition des rôles entre l’économie
et la politique. L’auteur dénonce avec pertinence la tendance
étatique actuelle de s’en prendre aux ententes commerciales par une
intervention massive exercée au nom même du libéralisme économique.
Dans une contribution
intitulée «L’entreprise, au cœur du corps social», M.
Christophe Reymond ne craint pas de rappeler que si la réalisation d’un
profit n’est pas la fin suffisante de l’entreprise, elle n’en
demeure pas moins une condition nécessaire de sa survie.
Quant à M. Jean-François
Cavin, directeur du Centre patronal, son statut lui donne le droit de prendre
la plume quatre fois : par un avant-propos introductif, un rappel
historique sur la vision des fondateurs, des remarques sur
l’organisation patronale en Suisse, et, last but not least, une
conclusion sur le monde et le pays
où l’auteur passe en revue les grands problèmes politiques et économiques
qui se posent aujourd’hui dans l’ensemble du monde… et donc
dans notre petit pays. L’érudition de Jean-François Cavin et sa lucidité
font de cet article une référence intellectuelle «incontournable», comme on dit
aujourd’hui.
L’ouvrage est disponible
en librairie au prix de 22 francs. Il peut être aussi commandé au Centre
patronal, case postale 1215, 1001 Lausanne par téléphone (021/796 33 00),
télécopieur (021/796 33 82) ou courriel à jpchenaux@centrepatronal.ch.
C.P.
Assurance anti-malades
La
prochaine révision de la loi sur l’assurance maladie prévoit, entre
autres choses, la suppression pour les assureurs de l’obligation de
contracter dans le secteur ambulatoire et le passage de la participation des
assurés aux frais médicaux, en plus de la franchise, de 10% à 20%.
Comme
il est hautement improbable que ces mesures engendreront une baisse des primes,
les assurés seront une fois de plus les dindons de la farce : non
seulement ils ne seront plus libres de choisir leur médecin, sauf à consulter à
leurs frais les «moutons noirs» mis à l’index selon des critères sur
lesquels ils ne seront pas consultés, mais ils verront aussi grimper une fois
de plus les coûts de leur santé.
On
nous dit que cette nouvelle hausse a pour but de responsabiliser les assurés.
Que c’est beau ! Mais si on croit les assurés capables d’agir
de manière responsable, pourquoi ne pas leur faire confiance en ce qui concerne
le choix de leur médecin ?
Et
si on veut entrer dans la voie de la coercition, pourquoi ne pas promulguer une
loi interdisant la maladie, sous peine de sanctions pénales ? Voilà qui
permettrait de résoudre l’épineuse question du vieillissement de la
population.
«Plutôt
mort que malade en prison !» ferait un très joli slogan publicitaire dans
une campagne de prévention contre les atteintes de l’âge et les maladies
chroniques ou tout simplement graves.
Quant
aux caisses maladie, reconverties en assurances décès, elle continueraient à
prélever des primes obligatoires en vue du financement des enterrements. Il y
aurait l’assurance enterrement de base, avec franchise et participation
aux frais de 20%, et des assurances complémentaires pour ceux qui veulent des
funérailles somptueuses.
N’est-ce
pas là une idée constructive ?
Rendant
hommage, dans 24 Heures du 30 avril, à Madame Danielle Bridel,
juriste et première femme cadre au sein de l’administration fédérale,
décédée le 13 avril à l’âge de huitante-quatre ans, Francine Brunschwig
évoque la carrière de la défunte et les nombreuses organisations féminines dans
lesquelles celle-ci a œuvré.
Curieusement,
Madame Brunschwig omet de mentionner que Danielle Bridel fut aussi une
personnalité marquante dans les rangs du Service complémentaire féminin…
Nous
apprenons, avec étonnement, par 24 Heures des 1er et 2
mai, que plus de la moitié – 650 millions de dollars – des fonds
– 1,25 milliard – versés par les banques suisses en 1998 en faveur
des victimes de l’Holocauste n’ont pas été attribués à ce jour. Il
est vrai que la meute avide qui se dispute le pactole ne facilite pas la tâche
du juge Korman de New York, chargé de la distribution.
Parmi
les organisations juives qui réclament une part du gâteau, on trouve
l’Union suisse des comités d’entraide juive (USCJ) qui demande
quelque 53 millions de francs en vue de réaliser deux projets. Le premier
consiste à verser une rente complémentaire de 500 francs par mois pendant vingt
ans à cent cinq rescapés de l’Holocauste, pour la plupart originaires
d’Europe orientale et réfugiés en Suisse dès 1945, qui vivraient chez nous
dans des conditions misérables. Le second prévoit l’hébergement de vingt
victimes de l’Holocauste bosniaques dans un home suisse pour personnes
âgées.
L’entraide
est certes une belle et bonne chose. Mais ne peut-on s’étonner que
l’USCJ ne s’avise que si tardivement de venir en aide à des gens
qui croupissent dans la misère depuis cinquante-neuf ans, au vu et au su de
tout le monde, apparemment, y compris de leurs coreligionnaires ? Ne
peut-on s’étonner aussi que les bénéficiaires du premier projet, qui doivent
tout de même être relativement âgés et parfois même très âgés, soient tous
censés vivre encore vingt ans ? Où ira l’argent si les assistés
décèdent avant d’en avoir pu toucher la totalité ?
Si,
toutefois, les cent cinq victimes touchent bel et bien 500 francs par mois
pendant vingt ans, il en coûtera 12 600 000 francs, soit 120 000 francs par
rescapé, ce qui laissera
40
400 000 francs pour payer la pension en home pour personnes âgées des vingt
victimes bosniaques, soit un capital de 2 020 000 francs par vieillard, ce qui devrait
permettre à ces vieux Bosniaques – qui sont, soit dit en passant,
honteusement favorisés par rapport aux miséreux du premier projet – de
couler des jours heureux pendant au moins vingt-cinq ans encore. Mais s’ils
ont l’idée biscornue de mourir avant d’avoir épuisé leur capital,
où donc ira l’argent ?
On
se perd en conjectures…
Il est extrêmement désagréable
au citoyen qui milite, en vue d’une prochaine votation fédérale, pour une
idée, une conception, au sein d’un mouvement qui tente de convaincre ses
concitoyens de voter OUI (ou NON, qu’importe), d’apprendre que le
Conseil fédéral non seulement recommande la réponse inverse (et c’est
évidemment bien son droit de le faire savoir), mais dépense des sommes souvent
importantes pour diffuser son message.
Ces sommes sont prélevées
évidemment sur un budget alimenté, directement ou indirectement, par le
contribuable qui défend l’idée contraire et cet engagement financier des pouvoirs
publics dans la lutte partisane est choquante.
Une association «Citoyens pour les citoyens» a lancé une
initiative constitutionnelle visant, en résumé, à interdire au Conseil fédéral,
aux cadres supérieurs de l’administration fédérale, aux offices de
Nous approuvons, dans ses
intentions, cette initiative, et c’est pourquoi nous avons décidé
d’accueillir les listes dont vous avez trouvé un exemplaire annexé au
présent numéro du Pamphlet.
Le lancement de cette
initiative, comme d’ailleurs la naissance de l’association «Citoyens
pour les citoyens», m’incite à deux remarques.
Les autorités ne jouissent
plus ni du respect ni même de la confiance d’un grand nombre de citoyens.
Il y a trente ans, je faisais scandale en attribuant le Prix Cornichon au chef du département militaire fédéral, car même
un Conseiller fédéral notoirement incompétent bénéficiait auprès des officiers,
des notables, des bourgeois en général d’une aura de majesté, de grandeur,
de légitimité que l’institution a largement perdue.
Aujourd’hui, les jeunes
sont aussi insolents que nous l’étions, mais même les anciens ont perdu
leurs illusions. Les sondages trahissent la perte des repères et la démocratie
s’affole : n’a-t-on pas entendu récemment que les citoyens
n’accordaient plus grand crédit au Conseil fédéral (ce qui est un signe
de lucidité) mais qu’ils désignaient Mme Micheline Calmy-Rey comme la
plus appréciée (ce qui est un signe d’aveuglement) ?
Il y a un demi-siècle, on
aurait trouvé normal, et même opportun, que le Conseil fédéral puisse exposer
sa conception publiquement, avant une votation populaire, et les citoyens
suivaient très généralement ses consignes. Sur recommandation du Conseil
fédéral, le peuple a même rejeté, en 1942, une initiative qui lui aurait
conféré le doit d’élire directement … le Conseil fédéral !
Qu’on considère
aujourd’hui la volonté du gouvernement de justifier ses choix comme des
opérations de propagande (et
c’est tout juste si on ne se réfère pas, avec des frémissements dans la
voix, aux mânes du Dr Goebbels et aux heures-les-plus-sombres de
l’histoire récente) est un signe inquiétant.
Il y a plus inquiétant
encore : la perte de confiance de la population en ses magistrats est très
vraisemblablement justifiée. Il n’est qu’à considérer l’état
des finances publiques, à Genève ou dans le canton de Vaud, pour se convaincre
que nous n’avons plus d’hommes politiques. Au niveau fédéral, deux
«pointures» seulement : Blocher à droite et Couchepin au centre-gauche.
Les autres font de la figuration et gèrent ce qu’ils peuvent, avec ce
qu’ils savent.
Dès la clôture des débats
Ma seconde remarque a trait au
moment à partir duquel le Conseil fédéral devrait s’abstenir de toute
opération de «propagande» : l’article 34 al. 3 (nouveau) qu’on
nous propose d’introduire dans
En bon français, cela signifie
que le Conseil fédéral pourrait financer des officines onéreuses de Propandastaffel, lancer ses hauts
fonctionnaires, ses départements et ses offices dans la tourmente,
s’exprimer lui-même longuement dans la presse et à
Cette limite temporelle me
paraît à la fois artificielle et difficile à respecter strictement. Ne
risque-t-on pas de voir fleurir des discours prononcés avant, mais opportunément diffusés et reproduits dans la presse
féale après la clôture des
débats ? des brochures et des libelles rédigés avant, mais que des pannes chez l’imprimeur font apparaître
dans les boîtes aux lettres après la
clôture des débats parlementaires ? des annonces et des placards financés avant
mais que Publicitas ne peut passer qu’après… ?
Il faudra toute la finesse
d’un juriste fédéral élevé chez les disciples de saint Ignace pour
imaginer la loi d’application et les ordonnances y relatives.
Sur leur site www.libre-opinion.ch, les initiants
expliquent qu’ils ont perdu du temps dans la récolte des signatures,
puisqu’ils ont commencé à recueillir des signatures le 11 février 2003,
qu’ils ont donc jusqu’au 11 août pour transmettre env. 110'000
signatures contrôlées à
Pire, le site dit encore, à
l’heure où j’écris ces lignes (12 mai) : «Le délai est fixé au 11 août 2004. Il nous reste donc 6 mois pour réunir et faire
authentifier le nombre requis…».
Réveillez-vous, gentils
initiants : ce n’est pas 6 mois qu’il vous reste, mais trois seulement !
Claude
Paschoud