Lausanne 34e année      «ne pas subir»       Mars  2004 No 333

 

 

 

Sommaire :

 

Editorial

Faut-il rétablir les notes dans l’Ecole vaudoise ?

 

Bricoles

Un mois de lecture assidue de la presse quotidienne

 

En direct de Sirius

Max est allé au cinéma, et au théâtre… et il a même lu la Tribune de Genève.

Bonne nouvelle : l’Europe en panne

Roger Minne, de Paris, nous recommande de ne pas entrer dans un train sans pilote

 

Le dialogue Rome/Ecône est-il possible ?

Michel de Preux le croit… mais à certaines conditions préalables.

 

Un impôt injuste

Un impôt injuste est injuste, même s’il m’arrange parce que je ne le paierai pas et que d’autres s’en acquitteront.

 

 

Editorial

 

Faut-il rétablir les notes dans l’école vaudoise ? Si oui, faut-il les réintroduire dès la troisième année ou dès la cinquième ? Cette deuxième question qui, autant qu’on en puisse juger, se trouve au cœur du débat est une mauvaise question : ou bien le système des notes est un bon système ou bien il est mauvais. Dans le premier cas, on y revient intégralement, dans le second, on y renonce totalement.

 

Dans 24 Heures du lundi 1er mars, Philippe de Vargas, ancien directeur du Collège de l’Elysée, nous explique ce que sont les principales fonctions de l’évaluation – nous résumons :

 

-    repérage des lacunes de l’élève (évaluation formative);

 

-    information des parents sur la progression de leur enfant (évaluation informative) ;

 

-    orientation équitable des élèves en fonction de leur potentiel (évaluation prédictive) ;

 

-    attribution de certificats et diplômes aux élèves qui ont atteint les objectifs fixés (évaluation certificative).

 

Les notes permettent de procéder à toutes ces évaluations, à condition d’être inscrites dans l’agenda de l’élève chaque fois qu’un travail écrit est rendu. Si, sur une échelle de 2 à 6, un enfant fait régulièrement 3 de dictée et 5 de maths, on pourra en déduire sans grand risque d’erreur qu’il a des lacunes en orthographe et qu’il maîtrise plutôt bien les chiffres – ce que ses parents, à moins d’être idiots, comprendront tout seuls au moment de signer l’agenda à la fin de la semaine. Si un enfant jugé apte à entrer en voie secondaire baccalauréat obtient systématiquement de meilleures notes dans les branches scientifiques que dans les disciplines littéraires, on jugera «inéquitable» de l’envoyer apprendre le grec et le latin. Si, enfin, un enfant de neuvième, quelle que soit la voie secondaire à laquelle il appartient, obtient des notes qui montrent qu’il a atteint les objectifs fixés, on lui délivrera son certificat d’études.

 

Les notes sont traumatisantes pour les élèves les plus faibles ? Des «non atteint» à la pelle son-ils  plus valorisants ?

 

Les notes introduisent la concurrence ? Tant mieux ! Rien de plus stimulant que de vouloir faire aussi bien et si possible mieux qu’un autre !

 

M. de Vargas en veut «aux bonnes vieilles moyennes d’autrefois, celles-là mêmes dont on a démontré l’absurdité».  On ne nous a rien démontré de tel ! C’est là un dogme de pédagogiste !  Et M. de Vargas le prouve en proposant l’exemple extrême d’un élève qui obtiendrait en français une moyenne de 5 sur 6, avec 6 d’orthographe, 6 de grammaire et 2 de rédaction. Ça, c’est une absurdité : un enfant qui maîtrise parfaitement l’orthographe et la grammaire ne fera jamais 2 de rédaction ! D’ailleurs, pourquoi un écolier n’aurait-il pas le droit de compenser ses faiblesses par ses forces ? Tout être humain est un individu moyen comportant des qualités et des défauts. Personne n’aurait l’idée de l’empêcher de développer ses qualités pour faire oublier ses défauts. Pourquoi n’en irait-il pas de même à l’école ?

 

Le système des notes n’est ni aussi arbitraire ni aussi inégalitaire que d’aucuns le prétendent. L’égalité des chances n’existe pas : il y aura toujours des enfants plus doués que d’autres, plus travailleurs que d’autres,  issus de milieux plus favorisés que d’autres. Pour alléger la charge administrative des maîtres et pour rassurer les parents, il faut réintroduire les notes dès la première année.

 

Le Pamphlet

 

 

Bricoles

 

Le cancre et le fort en thème

 

Lors de l’adoption du budget 2003 par le Grand Conseil vaudois, le 18 décembre 2002, qui prévoyait un déficit de 157 millions, les députés ont pu entendre deux avis : celui du cancre Pascal Broulis, chef du Département des finances, qui estimait les chiffres de ce budget «tout à fait fiables»… et celui du fort en thème, le député libéral Michel Golay, qui déclarait : «Il y a une surévaluation manifeste des impôts sur le revenu, sur la fortune et sur les sociétés. Je l’estime à 200 millions. Il faut donc s’attendre, pour l’année 2003, à un excédent des dépenses sur les recettes de 380 millions».

 

Les comptes, à l’heure où nous écrivons, ne sont pas encore publiés. On sait pourtant que le trou sera situé entre 350 et 400 millions. Le résultat exact est encore tenu secret. Il serait en effet fâcheux de devoir avouer, avant la votation du 16 mai, que notre ministre des finances s’est planté comme une grosse buse et que le député Golay avait tout juste !

 

Rectificatifs

 

Il arrive à tout journaliste de commettre des erreurs.

Le 4 février, on nous présente sur une photo M. Cuppis (à droite) alors qu’il s’agit de M. Cappus, et qu’il est à gauche. Le 21 février, on confond les Tchèques et les Tchétchènes… Le 24 février, on écrit Roland Toeplitz pour Laurent Toplitsch. Simples négligences sans grande portée, sauf pour les intéressés, qui ne sont pas très célèbres.

 

Le 7 février, c’est plus grave : en écrivant que le coût de production de la betterave était bon marché en Suisse et que sa transformation en sucre coûtait parmi les plus chères d’Europe, le journaliste prouvait qu’il n’avait rien compris du tout : en réalité, le coût de production au champ est aussi élevé qu’ailleurs et c’est le prix du produit fini, aux consommateurs, qui est au plancher européen.

 

Ce qui m’inquiète, c’est que les confusions commises par les rédacteurs de 24 Heures dans les prénoms ou les photos semblent attester que, dans les rédactions, on ne connaît plus personne, on n’a du monde politique qu’une vague connaissance théorique, mais plus de contacts personnels : le jeudi 4 mars, une «Opinion» du député Aloïs Gavillet est publiée ornée d’une photo de l’ancien conseiller d’Etat André Gavillet. Le 30 mars, on confond Jacques Hainard, directeur du musée d’ethnographie de Neuchâtel et Robert Hainard, peintre animalier. Jacques Hainard et André Gavillet sont des personnalités publiques célèbres que n’importe quel citoyen lambda, à Neuchâtel pour le premier ou à Lausanne pour le dernier cité, va reconnaître dans la rue ou sur n’importe quelle photo… sauf les rédacteurs ou les correcteurs de 24 Heures, probablement frais émoulus d’une école de journalisme sans archives.

 

Femmes en colère

 

Noir 10 décembre où ni Mme Metzler ni Mme Beerli n’a été élue au Conseil fédéral. Rouge 8 mars qui vit le défilé de grognasses peu désirables dans les rues des villes, sous le regard terne des badauds qui firent grise mine aux cortèges. Encore deux ou trois colères de ce genre, et il n’y aura plus de femme du tout dans les exécutifs.

 

Inégalité

 

         Le 8 mars, les femmes en colère ne se sont pas contentées de défiler. Elles ont aussi posé des questions fondamentales.

        

C’est ainsi que la socialiste genevoise Maria Roth-Bernasconi, s’adressant au conseiller fédéral Samuel Schmid, «ministre des sports», «a demandé si l’on avait songé à promouvoir davantage les équipes féminines de foot» (communiqué ats du 8 mars ).

 

Le croirez- vous ? On n’y a pas pensé !

 

Vevey

 

A Vevey, la proportion d’écoliers étrangers est de 52 % dans les classes secondaires et 60 % dans les classes primaires. La population étrangère représente 41 % (moyenne suisse officielle, sans les personnes illégales : 28 %). A elle seule, cette statistique démontre un déséquilibre. Ce n’est sans doute pas ce déséquilibre en soi qui est responsable de l’insécurité, ou du meurtre d’un gentil Cap-verdien pacifique et de son gentil petit molosse pitt-bull apprivoisé. Mais une communauté ne peut assimiler aisément une population étrangère supérieure en nombre, hétérogène, formée de différentes ethnies qui se détestent, sans imposer aux arrivants des règles de comportement social strictes et le respect des usages locaux. Qui l’osera ?

 

Un crétin maigre

 

Le conseiller national argovien Heiner Studer veut lutter contre l’obésité, qui engendre les maladies cardio-vasculaires, lesquelles sont à l’origine de 44 % des décès en Suisse (cancer : 20 %). C’est une bonne idée.

 

Pour ce faire, il suggère une taxe sur les graisses, ce qui laisse entendre que, pour ce conseiller national, ce sont les graisses qui engendrent le surpoids, idée largement répandue, mais fausse. Comme il fallait s’y attendre, l’office fédéral de la santé publique prend cette proposition très au sérieux.

 

Si l’on veut lutter efficacement contre l’obésité, il ne faut pas taxer les graisses, mais taxer les gros !

 

La bagnole

 

La bonne société genevoise n’a pas eu de mots assez durs pour qualifier l’insupportable toupet de M. Christian Ferrazino (alliance de gauche) qui a osé snober l’inauguration du Salon de l’auto, manifestation incontournable de la vie culturelle du Bout-du-Lac.

 

Je suis un des plus vieux membres du TCS, et je prône la liberté de se déplacer en voiture. Mais j’admire néanmoins le courage d’un homme politique qui fait ce qu’il dit et qui dit ce qu’il fait. A notre époque de petites et grandes compromissions, et d’arrangements divers avec sa conscience (sur le fond, je suis bien d’accord, mais vous comprenez que pratiquement, ce n’est pas possible…), il faut saluer celui qui refuse le double langage, une version pour les discours électoraux, une autre pour les coquetèles mondains.

 

Police privée

 

Le syndic de Vevey Dominique Rigot avait dévoilé son intention d’engager des agents de sécurité privés pour faire régner l’ordre dans la cité, ce qui a fait bondir les responsables de la police cantonale . «Il ne peut pas exister de police privée dans ce pays insiste Jean-Christophe Sauterel, porte-parole de la police cantonale. Un agent de sécurité privé a le même pouvoir que le premier passant venu, c’est-à-dire aucun». Sans s’offusquer de l’incohérence du propos, il poursuit : «En outre, pour avoir le droit de patrouiller sur la voie publique, toute société privée doit préalablement obtenir une autorisation de la part du Département de la sécurité et de l’environnement».

 

Est-ce donc à dire que les premiers passants venus, c’est-à-dire vous et moi, qui ne revendiquons aucun pouvoir particulier, devrions requérir une autorisation pour déambuler sur la voie publique si nous sommes membres d’une société privée ? Quand nous étions actifs à Zofingue, on a tenté de nous le faire croire, mais en vain et les petits Sauterel de l’époque sont rentrés à la niche.

 

Bernard Pichon

 

Plaisante nouvelle dans 24 Heures du 19 mars : après avoir régalé les lecteurs de l’Illustré de ses lointains voyages, Bernard Pichon les convie à découvrir la Vallée de Joux, où il n’a vraisemblablement pas mis les pieds plus souvent que dans les contrées lointaines dont il nous entretenait naguère : adresses fausses, restaurants chaudement recommandés alors qu’ils sont fermés, menus inversés etc.

 

Bernard s’était déjà illustré en tentant de monter une sorte de club de rencontres par téléphone, très onéreux (pour les pigeons) et sans doute très lucratif (pour le Pichon). Dur dur le recyclage professionnel de Dodu dodo !

 

Poker menteur

 

Des trois menteurs qui ont voulu la guerre en Irak, M. Aznar a été le premier à tomber. Georges Dabelyou sera sans doute le suivant avant le joli Tony. Ils pourront toujours faire un bridge pendant que Saddam, à la place du mort, les mettra sur la piste des fameuses armes de destruction massive.

 

Mugny s’en va-t-en guerre

 

M. Patrice Mugny, conseiller administratif chargé des affaires culturelles à Genève et président de la Licra Suisse a des ennuis avec ses petits copains pour avoir finalement autorisé Dieudonné à présenter son spectacle à Genève. Il expérimente à ses propres dépens l’esprit d’ouverture et de tolérance de la Licra qui, selon un communiqué ats du 27 février «par principe, ne discute pas avec les racistes, elle les poursuit devant la justice». Coupable d’une «faute grave» et d’une attitude «totalement irresponsable», M. Mugny pourrait bien voir s’achever piteusement sa carrière de redresseur de torts.

 

Il n’en aura que plus de temps pour sa tâche de parlementaire dans laquelle il s’illustre déjà par son zèle : le site internet du Parlement recense 52 interventions dont il est l’auteur et qui soulèvent des problèmes aussi essentiels pour notre pays que le statut juridique de Hong-Kong, l’interdiction de l’hameçon triple dans la pêche en rivière ou le relevé d’empreintes digitales dans une cantine scolaire de Morges.

 

Objectivité

 

         Gag glané sur Internet :

 

         Un homme se balade dans Central Park à New York. Soudain, il voit un pitt-bull attaquer une petite fille. Il se précipite, attrape le chien et finit par le tuer, sauvant ainsi la gamine. Un policier qui a vu la scène arrive et lui dit :

 

         «Vous êtes un héros. Demain, tout le monde pourra lire à la une des journaux “Un courageux Newyorkais sauve la vie d’une enfant.”»

 

         L’homme répond : «Mais… je ne suis pas de New York !»

         – Eh bien on lira : «Un courageux Américain sauve une petite fille…»

         – Mais… je ne suis pas Américain !

         – Et qu’est-ce que vous êtes alors ?

       Je suis Pakistanais.

 

         Le lendemain, les journaux titraient :

 

Un extrémiste islamiste massacre un chien américain

 

 

Pauvre Kaspi

 

         L’ancien conseiller fédéral Kaspar Villiger s’est vu offrir un siège au conseil d’administration de Nestlé, sans doute en raison de hautes compétences que nous n’avions pas discernées. Kaspi devrait toucher plus de 250 000 francs par année pour faire bénéficier la multnationale de ses lumières. On apprend à cette occasion (communiqué ats du 26 février) que le malheureux va perdre son droit à sa pension d’ancien conseiller fédéral (200 000 francs par an), car ses mandats d’administrateur – il en a deux autres – ajoutés à sa pension lui assureraient un revenu de 600 000 francs par année. Or, un ancien conseiller fédéral n’est pas autorisé à gagner plus que les quelque 400 000 francs annuels que touche un conseiller fédéral en fonction. Mais qu’on se rassure : le jour où M. Villiger renoncera à ses mandats, il aura de nouveau droit à sa pension qui, jointe à l’AVS, devrait lui permettre de couler une vieillesse heureuse, prospère et vélocipédique.

 

Prudence

 

         Suite à son congrès extraordinaire tenu à Bâle le samedi 6 mars, le parti socialiste a décidé de rester au Conseil fédéral, contrairement à ce que proposaient les Jeunes socialistes.

 

         «L’assemblée des délégués décidera en mars 2005 de l’opportunité de convoquer à l’automne suivant un congrès extraordinaire pour examiner une nouvelle fois la question du retrait. Cette solution de compromis a permis de couper la poire en deux, certaines sections proposant un délai de réflexion de deux ans, d’autres de trois ans», aurait déclaré Christiane Brunner.

 

         Pourquoi ne pas nommer une commission chargée de créer une sous-commission qui confiera à une sous-commission restreinte le soin de décider s’il est opportun de créer une autre commission chargée de créer une autre sous-commission qui confiera à une autre sous-commission restreinte le soin de décider si le sujet mérite d’être abordé avant la cinglinglin ?

 

         Sans doute est-ce cela que les socialistes appellent «mener une politique d’opposition plus agressive tout en restant dans l’exécutif» (communiqué ats du 6 mars).

 

Aveu

 

         A propos de la hausse massive du prix du paquet de cigarettes décidée par le Conseil fédéral, 24 Heures des 6-7 mars nous confirme ce que nous soupçonnions déjà, à savoir que nos «sages» se moquent comme d’une guigne de la santé des fumeurs et que leur prétendu désir de lutter contre le tabagisme est pure hypocrisie :

 

         «(…) C’est la première fois que le Gouvernement suisse décide d’une hausse aussi massive. Selon les estimations de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), cela devrait permettre de dégager 300 millions de recettes annuelles supplémentaires. (…)»

 

         «(…) Hans-Rudolf Merz a donc rompu hier avec la politique des petits pas de son prédécesseur, Kaspar Villiger. Ce dernier craignait qu’une hausse brutale ne fasse chuter la consommation et remette en cause les juteux revenus de la taxe sur le tabac (…)»

 

         Quel aveu !

 

Cadre supérieur...à la Constitution

 

L'Office de perfectionnement scolaire, de transition et d'insertion (OPTI) a été créé le 9 juillet 2003. Sa direction est assumée par Philippe Martinet, dont le communiqué du Bureau d'Information et de Communication de l'Etat de Vaud (BIC), du 22 janvier 2004, rappelle le parcours professionnel. Il n'y est curieusement pas fait allusion à son statut de député. Pourtant, cet élément est essentiel dans la mesure où il rend la fonction de Philippe Martinet à la tête de l'OPTI non seulement inopportune, mais carrément inconstitutionnelle. En effet, l'art. 90 al. 4 de la Constitution vaudoise dispose que «les cadres supérieurs de l'administration cantonale ne peuvent pas être membres du Grand Conseil». La notion de cadre supérieur couvre en particulier, selon le commentaire de la Constitution, les chefs de service et les directeurs d'office. Dès lors, à moins qu'il renonce à son mandat de député, on ne voit pas comment Monsieur Martinet pourrait justifier son exceptionnelle supériorité.

 

 

En direct de Sirius

 

« Planète Bleue »

 

Un film d’une beauté à vous couper le souffle et qui pose la question de la préservation du biotope marin. A voir absolument. Cela dit, pour les myopes au plan de l’écologie, la question fondamentale n’est pas tant la bien triste disparition d’intelligents cétacés allant rejoindre, sur la liste des espèces disparues, le célèbre dodo – débonnaire volatile si lent à sentir le danger que cela lui fut fatal – mais bien si l’espèce humaine ne sera pas, à très brève échéance, la suivante sur cette liste. Si nous persistons dans nos errements, en particulier notre course effrénée au profit immédiat, nous ne détruirons pas la terre, c’est elle qui, d’une pichenette cataclysmique, se débarrassera des bipèdes présumés « pensants ». Nous partis, la vie en général trouvera son chemin avec sa détermination habituelle et le scorpion, capable d’encaisser sans dommage apparent un bombardement de röntgen à terrasser un mammouth, se portera très bien sans nous, merci.

 

« Malabar Princess »

 

« … et pour leurs coups d’essai, veulent des coups de maîtres » (Corneille). Le premier film de Gilles Legrand est une réussite : les jeunes Jules-Angelo Bigarnet (« Le Bison ») et Damien Jouillerot (« Monsieur Batignole », « Effroyables Jardins ») nous jouent, aux côtés d’acteurs chevronnés (Jacques Villeret, Michèle Laroque et Claude Brasseur), une émouvante histoire de détermination et de complicité enfantines sur fond de haute montagne et de glaciers, avec une justesse jamais atteinte depuis « Jeux interdits ». L’intrigue, l’émotion, le jeu, l’image, le rythme et la musique, tout est parfait.

 

« Big Fish »

 

Des effets spéciaux de tout premier ordre… pour une niaiserie qui doit aider George Walker Bush à trouver le sommeil après une journée bien remplie. Tim Burton était meilleur dans « Mars attack ».

 

Quand les prosélytes s’emmêlent…

 

Gros titre vendeur à la une de la Tribune de Genève1 : « Des néonazis infiltrent les écoles genevoises »… Suivent deux pages entières pour tenter de convaincre les lecteurs du péril « skin » et « identitaire » menaçant le « multiculturalisme » et ses bienfaits. C’est émouvant. Cependant la rédaction aurait gagné à réfléchir à l’opportunité toute relative d’insérer, en même page que ce vibrant appel à la défense du grand métissage socio-culturel, un texte, au demeurant sans aucun rapport, du regretté Paul Morand, écrivain français et antisémite de droite notoire. En outre, il conviendrait que M. Jean-Noël Cuénod réétudie ses notes (ou peut-être Zola ?) afin d’orthographier correctement le patronyme du Dreyfus de l’« Affaire »; Alfred, deux fois cité, ne prenant pas, à la différence de notre Ruth ex-fédérale, deux S… même au pluriel.

 

Nuance

 

En quoi distingues-tu un homme d’Etat d’un homme politique ?» me demande Anémone Dutrésor.

                C’est tout simple : l’homme d’Etat ambitionne, en premier lieu, de servir son pays, quitte à se servir ensuite parfois; l’homme politique se sert.

 

Une première triomphale

 

Les spectateurs du Casino-Théâtre de Genève ont applaudi debout l’humoriste Dieudonné au terme de la première de son «one man show» : «le divorce de Patrick». La salle, qui constituait, tous âges et toutes catégories sociales confondus, un échantillon représentatif de la population de la ville, a ponctué l’ensemble du spectacle par ses applaudissements enthousiastes, marquant clairement sa sympathie à l’égard de l’humoriste et son ras-le-bol de la dictature de groupes de pression qui prétendent imposer à notre peuple des «choix» qui ne sont pas les siens en tentant d’asservir la liberté d’expression à leurs seuls intérêts. Tout en relevant dans son étude de mœurs, avec talent et précision, certains travers de notre époque, Dieudonné a administré en souplesse, une nouvelle fois, la preuve de son courage, de son bon sens, de son indépendance et de sa détermination, toutes qualités honorables, quelles que soient les causes qu’il a choisi de défendre. Visiblement surpris et ému par l’excellent accueil, le comédien a répondu aux rappels par un «chapeau bas», hommage respectueux au public. Le 15 mars 2004, aux déboutonnades de circonstance d’un pays voisin et en dépit des tentatives d’intimidation, les Genevois ont répondu par la fermeté en faisant valser le bâillon.

 

Quand les hommes de barre ne voient plus les icebergs

 

Dimanche 14 mars : ce «vigipirate» de Raffarin joue les «emplois-jeunes»2 et consacre une heure et demie de sa fonction «premier-ministérielle» à rassurer les voyageurs et à inspecter des wagons, Gare du Nord, à Paris…

Iris (à Max qui, devant cette nouvelle tartarinade du camard de Matignon, hésite entre affliction et hilarité) :

                «Ils» prennent vraiment le peuple pour des cons, mais les gens ne sont plus dupes.

       Le fond du problème est là : «eux», si !

        

Sondage impitoyable

 

         Les chiffres d’un institut US viennent lester une succession de nouvelles rassurantes (réélection de M. Haider en Carinthie; départ pitoyable de «Bozzo» en Espagne; annonce du retrait prochain des contingents espagnols et polonais et refus d’engagement des Sud-coréens en Irak) : 55% des Etats-uniens pensent encore que leur chef a bien fait d’aller, en toute illégalité, jouer avec le pétrole et le feu grégeois en Mésopotamie. Ce sont sans doute les mêmes qui confondent régulièrement «Sweden», «Switzerland» et «Swaziland»3

 

Max l’Impertinent

 

1 N° 54-10, 5.3.04, pp. 1-3.

2 Relevé par le CANARD ENCHAINE, n° 4351, 17.3.2003, p. 8.

3 A décharge des premiers, ces trois pays ont quatre lettres communes…

 

 

 

Bonne nouvelle : l’Europe en panne

 

Cher Pamphlet,

 

         Comme vous savez, puisque mon nom figure parfois dans vos colonnes, je suis de très près, en tant qu’allié, les valeureux efforts que vous développez pour que la Suisse n’entre pas dans l’UE. Je voudrais apporter mon grain de sel (qui risque bien d’être du poivre).

 

         La France, ma patrie (si ce mot désuet est encore autorisé), est la lanterne rouge des pays de l’Union pour la mise en œuvre de la législation communautaire. Plus de cent (vous avez bien lu) directives européennes n’ont pas encore été transposées dans le droit français. Si la France traîne les pieds et rechigne bel et bien à appliquer ce qu’elle a pourtant accepté à l’échelle européenne, c’est parce qu’elle ne peut pas faire autrement, et que ces directives sont de véritables bombes à retardement. Dans les services publics notamment, qu’aucun gouvernement français n’ose affronter pour mettre ces corporatistes face aux réalités de la vie. (J’ai écrit dans un livre que le corporatisme était pire que le fascisme ou le communisme.)

 

         Ce qui est clair et visible si l’on ne fait pas l’autruche, c’est qu’il y a une alternative et qu’il va bien falloir choisir (ô, amis suisses, écoutez, c’est pour vous que j’écris au Pamphlet) : l’explosion est inévitable. La France sera détruite. Ou l’Union Européenne. Amis suisses, n’oubliez pas que si vous adhérez, vous allez devoir entretenir toute l’Europe de l’est, qui va débarquer chez nous, c’est-à-dire chez vous (avec la Turquie, comme le souhaite ardemment M. Chirac). Je ne suis pas raciste : un blanc d’Europe de l’est est beaucoup plus inquiétant qu’un noir d’Afrique, que je vois venir à cent mètres. C’est l’attitude de la France qui a empêché l’inscription de la référence chrétienne dans le préambule de la «future» constitution européenne.

 

         Je ne suis ni pervers ni sadique, mais, sans me permettre le moindre ricanement, je me demande obscurément si je ne suis pas satisfait de cette incapacité physique de mon pays à obéir «à Bruxelles», comme on dit. Dans votre confrère Suisse Info, de mon ami Marcel Narbel, je lis une phrase de Guy Sorman (qui n’est pas, lui, de mes amis) : «A quoi pourrait désormais servir l’Union Européenne ? Le poids de sa bureaucratie est patent, mais son rôle pour l’avenir n’est plus aussi clair que par le passé. Il pourrait apparaître en 2004 que l’Europe a outrepassé son utilité». Si l’on accepte cette idée plausible, on peut espérer au fond de soi que cette annulation se fera sans casse. Hélas non. Le fracas de l’effondrement sera sans précédent dans l’histoire. Personnellement, ce que je souhaite, parce que j’aime mon pays et que je ne veux pas sa destruction, c’est le salubre naufrage de l’Europe politique (et économique !) et de l’euro. Amis suisses, votre pays est un paradis (mais le savez-vous ?). Du plus profond de l’affection fidèle que j’éprouve pour vous, je vous conjure de bien réfléchir.

 

Roger Minne

 

 

 

Le dialogue Rome/Ecône est-il possible ?

 

Régulièrement, la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X renseigne ses fidèles sur l’état de ses rapports avec Rome. C’est, une fois de plus, le sujet de l’éditorial de la revue Fideliter  :  « Nos rapports avec Rome », sous la plume du Supérieur du district de France, Monsieur l’abbé Régis de Cacqueray[1].

 

Il est tout de même surprenant, a priori, que des deux côtés, on maintienne le contact, en dehors du contexte d’un dialogue œcuménique , entre des autorités romaines qui, officiellement du moins, ne manifestent pas la moindre intention de reconsidérer les nouveautés doctrinales de Vatican II et sa liturgie de propagande, celle de Paul VI, et, de l’autre, une association sacerdotale ne dissimulant pas à Jean-Paul II qu’elle lui pose deux préalables au rétablissement de sa confiance dans sa personne : la levée des excommunications et la libéralisation de la messe traditionnelle de rite latin pour tous les prêtres catholiques. Cette situation est proprement inouïe et défie le plus solide bon sens théologique.

 

Comment un catholique peut-il concevoir qu’un pape puisse lever une sanction canonique motivée par des sacres d’évêques faits contre sa volonté formelle sans se renier et diminuer sans cause son pouvoir propre universellement reconnu, de droit divin en plus ? D’un autre côté, on n’imagine pas non plus la FSSt-Pie X renoncer à l’objet constant de ses contestations. L’abbé de Cacqueray le confirme :  «Il est nécessaire que la Fraternité St.-Pie X ne cède pas un pouce sur le terrain doctrinal et dénonce les errances (sic) post-conciliaires.» En bonne logique, ce conflit est totalement bloqué, aucun des protagonistes ne pouvant accéder aux exigences de l’autre, sans porter une atteinte essentielle et réellement intolérable à ses droits propres, au demeurant incontestables…de part et d’autre !

 

Et si la question vraie se situait ailleurs ? Si, malgré la netteté des positions respectives, ce débat n’était pas aussi vrai qu’on le suppose ? Car n’y a-t-il pas un réel modernisme à poser des préalables à l’autorité magistérielle suprême de l’Eglise ? Inversément, n’y a-t-il pas abus d’autorité de la part de Jean-Paul II à priver par violence les fidèles de l’Eglise de garanties d’infaillibilité sur des points contestés depuis maintenant plus de quarante ans ? La certitude en matière de foi est  un droit subjectif  des fidèles. Jean-Paul II ignore crânement ce droit fondamental dans l’Eglise et, pour l’esquiver, se gargarise des droits de l’Homme, prêchés à tort et à travers à la société séculière. La parabole de la paille et de la poutre serait, pour cet homme, un excellent thème de méditation pénitentielle. Je le lui suggère.

 

Quand Monsieur l’abbé Régis de Cacqueray écrit : « Nous espérons, nous désirons, nous attendons le jour où nous pourrons agir dans un cadre pleinement clarifié », je le suis, à cette nuance près : je mets, quant à moi, clairement dans la balance, ou sur le plateau, comme enjeu formel de ce bon combat, la légitimité de celui qui ne cesse de prétendre être un légitime et authentique Successeur de Pierre.

 

Eh bien, prouve-le ! Mais si tu ne le veux pas, sache que Dieu aura ta peau, et cela se saura tôt ou tard ! En attendant, je fais comme l’abbé de Cacqueray : je prie et je travaille…moi aussi ! Avec, peut-être, un zeste de sincérité en plus, car je ne fais pas, moi, de l’équivoque une sinécure sacerdotale…

 

Michel de Preux

 

 

Un impôt injuste

 

Je suis pessimiste sur le sort que le peuple vaudois va réserver à l’initiative «pour supprimer l'impôt sur les successions et donations en ligne directe descendante et entre conjoints» qui ne bénéficie pas de l’appui du Conseil d’Etat ni du Parlement.

 

Le contre-projet concocté par les services de M. Broulis est habile : en augmentant la «franchise» de 50'000 à 250'000 francs et les donations franches d’impôt de 10'000 à 30'000 francs, on suggère que l’impôt frappera uniquement les riches, qui le méritent bien et que la suppression complète de cette imposition serait un cadeau aux plus nantis.

 

Je suis d’ailleurs agacé par cette habitude, aussi bien de l’administration que de la gauche, consistant à baptiser du nom de cadeau l’argent qu’on renoncerait à me voler.

 

Je suis très bien placé, personnellement, pour publier mon opposition de principe à tout impôt frappant la veuve et l’orphelin, dans la mesure où je ne tirerais de cette suppression aucun avantage personnel, ni moi ni mes héritiers : mes parents sont décédés et mon patrimoine n’atteint pas les 250'000 francs qui constituent le seuil à partir duquel mes enfants devraient s’acquitter d’un impôt. J’aurais donc, pratiquement, tout avantage à soutenir le contre-projet du Conseil d’Etat, puisque son adoption serait une charge pour les riches, c’est-à-dire les autres  et que son rejet obligerait le fisc à trouver ailleurs, donc peut-être notamment dans ma poche, les millions qu’il devra se priver de ponctionner dans le gousset des familles en deuil.

 

On ne saurait donc me soupçonner de plaider pro domo lorsque je proclame que l’imposition sur les donations et les succession en ligne directe descendante est un impôt injuste, de nature confiscatoire, et qu’il ne devient pas équitable au motif qu’il frappe d’autres que moi.

 

Il n’y a certes, en matière fiscale, pas de justice objective absolue. Et si j’étais un modeste contribuable de la commune zuricoise de Herrliberg, je serais ravi à l’idée que mon combourgeois M. Christoph Blocher, sur la base d’un revenu annuel de 20 millions et d’une fortune de 2 milliards, paie 17,4 millions de francs d’impôts, soit les 87 % de ses revenus. Le périodique Patrons révèle, dans son numéro de janvier, que si les Blocher s’étaient établis dans la commune vaudoise de Saint-Sulpice (taux d’imposition 60 % en 2003), ils auraient dû s’acquitter d’un impôt de 20,571 millions, donc supérieur au revenu !

 

Même si M. Blocher est riche, et qu’il peut se permettre de rogner chaque année un demi-million à sa fortune sans risquer de tomber à la soupe populaire, il faut une sacrée dose de civisme pour accepter de se laisser tondre la quasi-totalité de ses revenus chaque année sans envisager une domiciliation dans quelque accueillant paradis fiscal.

 

Les contribuables les plus fortunés du canton, et notamment ceux qui disposent d’une résidence secondaire en Valais ou dans le canton de Fribourg, sont tentés d’y élire domicile, pour échapper, le moment venu, à un impôt particulièrement injuste.

 

En maintenant cet impôt dans le canton de Vaud, alors même que dix cantons l’ont aboli ces dix dernières années, on risque de se priver non seulement de l’impôt sur les successions de ces contribuables fortunés… et de ce fait plus mobiles, mais aussi, et tout de suite, de leurs contributions sur leur revenu et sur leur fortune.

 

Ensuite, M. Broulis viendra pleurnicher qu’il n’avait pas voulu ça.

 

Claude Paschoud

 

 



[1] No : 158 – mars/avril 2004, pages 1 à 3