Lausanne 34e année      «ne pas subir»       Février  2004 No 332

 

 

 

Sommaire :

 

Nouvelle adresse

La réorganisation des cases postales de la poste de Saint-François nous aurait obligés à changer (une nouvelle fois) le numéro de notre boîte postale. Puisque un tel changement était inévitable, nous avons décidé de changer aussi de poste.

 

Editorial

L’éditorialiste se demande ce qu’il adviendra lorsque le droit de vote sera accordé aux étrangers sur les plans cantonal et fédéral…

 

Dieudonné c/Mugny

L’article de Claude Paschoud était écrit lorsque M. Mugny est revenu sur l’interdiction prononcée, mais si bêtement qu’il a même réussi à fâcher ses maîtres. Et, bien entendu, il ne comprend rien…

 

En direct de Sirius

Max annonce au Professeur que la vérité finira par submerger les digues construites pour la protection du mensonge. Il s’intéresse en outre à Saint Juppé, à la télévision d’Etat et aux spécialistes de la communication.

 

Bricoles

Le choix d’un Prix Nobel de la Paix ; la recherche des armes de destruction massive : le retour de la prohibition ; la responsabilité du Conseil fédéral dans les échecs de ses projets en votation populaire ; l’internement à vie des délinquants d’opinion : et le fabuleux destin de Mélanie Brülhart…

 

L’internement à vie des délinquants très dangereux :

un problème insoluble ?…

Pour Michel de Preux, le problème juridique n’est nullement insoluble.

 

Bloc-notes

Un policier piètre tireur, psychiatrie et naturalisation vaudoise.

 

Que se passe-t-il dans les HES ?

Concentration de filières, restrictions budgétaires et modèle de Bologne : la soupe qu’on nous sert n’est pas bonne !

 

Haïti : Le Pamphlet voyait juste !

En 1992, notre périodique avait déjà compris qui était le père Aristide. La presse romande le découvre aujourd’hui.

 

 

Editorial

 

Publiée le 3 février dans la rubrique «Encre noire» du courrier des lecteurs de 24 Heures, la lettre de Monsieur Charly Rosset d’Yverdon intitulée – par le journal et non par l’auteur «Vous regretterez d’avoir laissé voter les étrangers» a déchaîné un tollé tel que le coupable s’est platement excusé et que la rédaction de 24 Heures a osé prétendre plusieurs jours de suite que cette lettre avait été publiée par erreur. Il faut avoir un sacré culot pour tenter de faire croire aux lecteurs qu’un texte paru dans une rubrique spéciale n’a pas été choisi délibérément. Quoi qu’il en soit, cet épisode a permis de mesurer une fois de plus le degré d’intolérance des champions de la tolérance.

 

         Tout occupés qu’ils étaient à dénoncer, non sans raison, le caractère sommaire, outrancier et injuste de la prose de Monsieur Rosset, les détracteurs de ce dernier n’ont pas vu qu’il pose tout de même une question intéressante : qu’adviendra-t-il le jour où les étrangers se verront octroyer, à certaines conditions, le droit de vote et d’éligibilité non seulement à l’échelon communal, mais aussi aux échelons cantonal et fédéral ?

 

         On n’en est pas là, mais c’est pour demain : le processus étant enclenché, il est irréversible. Dans une première étape, le vote des étrangers à l’échelon communal va se répandre dans tous les cantons. Ensuite, on nous expliquera que les étrangers sont tout autant que le Suisses concernés par les affaires cantonales et fédérales. Du moment que la naturalisation n’est plus nécessaire à l’obtention du droit de vote et d’éligibilité, il est évident que, à terme, nous serons représentés et gouvernés au moins en partie par des étrangers à tous les échelons. Quel beau jour que celui qui verra le premier étranger entrer au Conseil fédéral ! Cela ne signifie pas que les politiciens étrangers seront moins bons que les Suisses, mais il est compréhensible que certains citoyens s’émeuvent.

 

         Pourtant, si on veut bien considérer que nous vivons une situation comparable à celle qui, au moment des grandes invasions, vit les Germains s’installer pacifiquement ou par la force dans l’empire romain, et imposer aux autochtones une partie au moins de leurs us et coutumes, il n’y a pas lieu de s’étonner : les peuples dits civilisés sont fatigués et décadents. En dépit de quelques combats d’arrière-garde menés par d’odieux nationalistes, ils sont incapables de s’opposer à l’arrivée des forces vives qui prendront en main leur destin. Ils ne le souhaitent même pas, d’ailleurs. C’est peut-être dommage, mais on n’y peut rien.

 

Le Pamphlet

 

 

 

Dieudonné c/Mugny

 

 

De la biographie de M. Patrice Mugny, conseiller administratif chargé des affaires culturelles à Genève, ancien bourlingueur en Afrique, ancien boursier à Paris, ancien comédien à La Chaux-de-Fonds, ancien organisateur de concerts subventionnés à Genève, ancien journaliste, on retiendra surtout qu’il a abandonné ses études à 17 ans, soit avant le bac, et donc qu’avant de devenir chroniqueur politique, puis rédacteur en chef du Courrier, il était parfaitement inculte.

 

Son récent coup d’éclat consistant à interdire le spectacle que l’humoriste Dieudonné devait donner au Casino-théâtre, du 15 au 17 mars prochain, atteste du peu de progrès réalisés par le cancre Mugny depuis son adolescence difficile.

 

Depuis son accession au Conseil national, en 1999, il se répand en motions, postulats et questions toutes plus absurdes et insignifiantes les unes que les autres.

 

Je ne doute pas que M. Mugny s’écrase de rire chaque dimanche, en écoutant la Soupe est pleine, comme il devait se bidonner devant son petit écran, à l’heure du Fond de la corbeille. Pour lui, c’est sûr, un Guy Bedos doit représenter le sommet du bon goût et la vulgarité prétentieuse de ce crétin doit le combler de béatitude.

 

On est donc surpris, de prime abord, de l’interdiction de spectacle prononcée par cet oligophrène contre un autre comique vulgaire, à première vue ni plus gras ni moins doué que tous ses congénères.

 

S’il avait justifié son refus d’attribuer une salle par les risques de désordre à Genève, par un souci de maintenir la paix sociale, on aurait pu, à la limite, le suivre, quoique le chantage aux manifestations soit une arme bien commode dans la panoplie de tous ceux qui veulent s’opposer à la libre expression.

 

Mais l’âne gris se place sur un autre terrain : «Je ne loue pas une salle à quelqu’un comme ça. Ses dernières déclarations sont inacceptables».

 

On interdit à un artiste de se produire, parce qu’il pourrait, dans son spectacle, violer certaines normes qui protègent une communauté particulière à titre exclusif et qui confèrent à ladite communauté le pouvoir non seulement de se plaindre d’une critique un peu vive de la politique israélienne, qualifiée immédiatement d’antisémitisme larvé, mais encore le pouvoir de couper la parole, à l’avance, à celui qui pourrait éventuellement, dans un proche avenir, ne pas bêler à l’unisson, ne pas se liquéfier en confite dévotion, comme on l’exige aujourd’hui, devant l’Etat d’Israël, son gouvernement, les juifs du monde entier, ce qu’ils font et ce qu’ils disent.

 

Mugny ne se cache même pas. Il ne protège pas Genève contre des désordres possibles, ni l’âme des Genevois contre un poison insidieux qu’ils seraient trop sots pour identifier eux-mêmes. Il est le larbin en gilet rayé de la communauté israélite.

 

Manque de chance. Ils sont tombés sur un porte-plume si sot qu’on n’a pas réussi à lui faire comprendre ce qu’il fallait dire pour justifier son interdiction. C’était pourtant simple, mais déjà trop dur pour Mugny.

 

 

Claude Paschoud

 

 

 

Nouvelle adresse

 

L’administration du Pamphlet fait savoir à nos fidèles lecteurs que l’adresse de notre journal n’est plus case ville 4047, 1002 Lausanne, mais case postale 998, 1001 Lausanne. Merci d’en prendre note.

 

Réd.

 

 

 

Rectifications

 

Nous ne savons si c’est à la suite d’une grande fatigue intellectuelle ou de la déprime hivernale qu’un employé de l’imprimerie Beck s’est trompé à deux reprises, le mois dernier, en opérant les ultimes corrections demandées par les relectrices du Pamphlet. Le fait est là et c’est très fâcheux pour un journal qui s’efforce d’offrir des textes bien écrits et se moque de l’ignorance de certains journalistes.

 

Dans l’éditorial du no 331, il fallait lire :

 

Le général Keckeis (…) a expliqué à l’assistance que (…)

 

Dans la deuxième note de l’article de Claude Paschoud «Vision zéro», c’est bien entendu le mot grec iatroV qui signifie médecin.

 

Avec les excuses du fautif.

 

Réd.

 

 

 

En direct de Sirius

 

Lettre ouverte au « Tournesol » d’Iris (et à tous les hommes de bonne volonté qui, en dépit des lois « bâillons », persistent à démontrer que le roi est nu)

 

Cher Professeur, j’ai bien reçu le texte de votre « bilan » que, connaissant votre détermination, je devine intermédiaire. L’image de l’allumette sur la banquise reprise d’un titre d’un de vos compagnons, pour forte et esthétiquement plaisante qu’elle soit, ne rend pas justice à vos recherches et à votre œuvre. Ce que vous – et quelques autres courageux chercheurs de vérité de votre trempe – avez réalisé, « le prudent crayon à la main », loin de finir absorbé dans le linceul d’une immensité blanche, s’inscrit dans une dynamique que plus rien ne pourra arrêter. La vérité est un fluide qui obéit aux lois naturelles : il n’est possible de la contenir qu’un temps en érigeant un gigantesque et puissant barrage de mensonge, savante mais illusoire composition d’arguments épais. Car, il faut bien le reconnaître, la finesse n’est pas la vertu dominante de vos pesants et frénétiques ennemis. Vous avez su continuer l’effort du précurseur au même point névralgique de l’énorme construction noire; vous avez atteint le seuil critique à partir duquel toutes les coûteuses tentatives de replâtrage de ces tristes monomaniaques obsidionaux ne pourront venir à bout de la brèche. Ceux qui prétendent que le mur résiste ne voient pas les innombrables lézardes qui se propagent inexorablement dans l’édifice. Le mur sapé prend l’eau de toutes parts et les gardes-mythe ne savent plus où donner de la truelle. Quand le barrage cèdera, la vague sera terrible. Ce n’est qu’affaire de temps. A bientôt !

 

L’« Indien » d’I.

 

La passion de Saint Juppé

 

Etait-il émouvant, celui que le chanoine Raffarin parait du titre de « meilleur d’entre nous1 », lorsque, condamné à dix-huit mois de prison avec sursis et à dix ans d’inéligibilité, il venait, ce lundi 2 février 2004, confirmer sur  la « une » à  M. Poivre d’Arvor sa décision d’interjeter appel et de prolonger ainsi sa survie politique ! Le verbe bas et l’œil humide de la modeste victime sacrificielle, il endossait avec l’humilité de circonstance tous les péchés de sa famille politique. Personne, dans l’opinion française ne s’y est trompé. On devinait, derrière l’écran de sa télé, l’œil attendri et compatissant de l’Immune de l’Elysée. L’image était parfaite et aurait pu servir de marque-page de catéchisme. Pourquoi a-t-il fallu ce bref et simple « oui » à la question de PPDA lui demandant s’il connaissait le caractère illégal de ses actes ? Une gaffe ne se rattrape jamais. Après un tel aveu, il ne restait plus qu’à ne surtout pas changer de composition. Ce qu’en homme avisé il fit. Mais ce petit « oui » mezzo voce avait des allures de lapsus et a fait sur les ondes le bruit d’une pierre tombale. Car la question fondamentale était celle de la culpabilité de l’intéressé dans un délit de droit commun (prise illégale d’intérêts) et il en va de la probité comme de la virginité : quelle que soit l’importance de l’acte qui en cause la perte, elles se perdent une fois pour toutes.

 

Symbolique rectification

 

Ironie du sort ; au moment précis où les intentions de M. Juppé étaient révélées sur la chaîne privée Tf1, la télévision d’Etat annonçait précisément le contraire. Selon cette dernière, le maire de Bordeaux avait décidé de quitter la scène politique… Avec pour résultat la démission du directeur de l’information et la mise à pied pour une quinzaine du présentateur responsable. Mais là où la réalité dépasse la fiction et prend des allures de gag, c’est que le premier rectificatif n’a été communiqué par la seconde chaîne que neuf jours plus tard, au « Journal des sourds et des malentendants » !

 

La marque d’un vrai génie (de la communication)

 

Ouï le 9.2.04 de M. Raffarin, auto-étiqueté « spécialiste de la communication », promouvant sur les ondes un numéro téléphonique d’accès informatisé aux administrations nationales, ces précisions sans nul doute destinées aux Français « d’en bas » : « Ce numéro sera accessible de huit heures du matin à dix-neuf heures du soir ».

Sans inutiles commentaires superflus qui n’auraient pas leur raison d’être de par la répétition de leur redondance…

 

Max l’Impertinent

 

1 Entendez par là, les membres de la coterie UMP dont M. Juppé est le président…

 

 

Bricoles

 

Prix Nobel de la paix

 

Ce n’est pas d’aujourd’hui que le prix Nobel de la paix est conféré à d’anciens terroristes ou à d’authentiques fauteurs de guerre. On en vient même à se demander s’il ne faut pas avoir des morts sur la conscience pour accéder à cette haute dignité.

 

L’attribution 2004 ne fait pas exception à la règle. Parmi les lauréats éventuels figurent le président Georges Bush et son alter ego Tony Blair. Ces deux grands champions de la paix sont proposés par un député norvégien qui voudrait les voir «récompensés pour avoir osé prendre la nécessaire décision de lancer une guerre en Irak sans avoir le soutien de l’ONU».

 

Si le Nobel de la paix doit honorer des gens qui ont «lancé une guerre», ne pourrait-on imaginer la création d’un prix Nobel de la vérité qui récompenserait les menteurs ? MM. Bush et Blair pourraient ainsi faire coup double.

 

ADM baladeuses

 

Au début était la preuve : MM. Bush, Blair et consorts savaient de science certaine que l’Irak détenait des armes de destruction massive.

 

Ensuite vint le chaos : personne ne parvenait à mettre la main sur ces fameuses ADM.

 

On en est aujourd’hui à la création de commissions d’enquête : qui est responsable de la déconfiture ?

 

Qu’on se rassure néanmoins : selon un communiqué ats du 4 février, le secrétaire à la défense américain Donald Rumsfeld  déclare que la non-découverte d’ADM en Irak ne prouve pas leur inexistence : elles ont pu être transférées dans d’autres pays – pourquoi pas sur une autre planète, comme nous le suggérions dans notre dernier numéro ? –, détruites juste avant la guerre – Saddam Hussein étant un imbécile notoire, pourquoi ne se serait-il pas privé d’un moyen de défense efficace ? – ou à l’état embryonnaire mais productibles rapidement à grande échelle.

 

Après tout, il n’a peut-être pas tort, cet homme. Le fait qu’il soit impossible de prouver l’existence de Dieu n’implique pas encore que Dieu n’existe pas. Il existe donc peut-être. Il en va de même pour le tabou du XXe siècle.

 

A la place de MM. Bush et Blair, au lieu d’instituer des commissions d’enquête destinées à trouver des boucs émissaires, nous ferions promulguer une loi interdisant de mettre en doute l’existence des ADM de Saddam Hussein, sous peine de représailles.

 

Inefficacité

 

«Un trafic de cigarettes par Internet a été démantelé pour la première fois en France où la contrebande a considérablement augmenté après les hausses successives des prix du tabac (…)», selon un communiqué ats du 4 février.

 

Cela n’est pas pour nous étonner : de tout temps, les mesures prohibitives ont engendré des marchés parallèles.

 

Le Conseil fédéral devrait en prendre de la graine, lui qui, sous le prétexte hypocrite de lutter contre le tabagisme, fait monter régulièrement le prix des cigarettes par le biais de l’impôt sur le tabac, ce qui rapporte chaque année à la Confédération environ 1,6 milliard de francs dont elle a le plus grand besoin. Si cette politique aboutit effectivement à une légère diminution du nombre des fumeurs, elle engendre un nouvelle injustice sociale : dans un proche avenir, seuls les riches pourront se permettre de s’offrir légalement leur dose de nicotine. Les autres se priveront et en concevront un surcroît de mauvaise humeur à l’égard du monde politique ou alors entreront dans l’illégalité, ce qui entraînera la coûteuse nécessité d’un système de surveillance, de traque de trafiquants d’un genre nouveau. D’ailleurs, le jour où le prix des cigarette atteindra un niveau dissuasif même pour les riches, la Confédération pourra dire adieu à son 1,6 milliard, ce qui ne supprimera ni les contrebandiers ni les fumeurs clandestins ni l’onéreux besoin de la chasse aux tricheurs. L’exemple de la Prohibition, abolie aux Etats-Unis en 1933 pour cause d’échec, est là pour le rappeler.

 

Il fut une époque où l’on s’efforçait de tirer les leçons de l’histoire. Mais depuis que l’histoire est devenue objet de manipulations politiques et religieuses, il n’y faut plus compter.

 

Responsabilité

 

Communiqué ats du 8 février : «Le Conseil fédéral relativise sa responsabilité dans l’échec  du contre-projet Avanti et de la révision du droit du bail. Dans les deux cas, le Parlement a modifié le texte proposé par le gouvernement, s’est défendu Joseph Deiss».

 

Alors ça, ce n’est vraiment pas bien ! Où va-t-on si un pouvoir législatif se permet de faire son boulot ?

 

En vérité, si le Conseil fédéral se contentait de proposer des lois à l’Assemblée fédérale et s’abstenait de toute intervention dans les campagnes, il n’aurait pas à se défendre en cas d’échec en votation populaire et pourrait consacrer de nombreuses heures supplémentaires à accomplir le travail pour lequel nous le payons : gouverner.

 

Internement à vie

 

Le Conseil fédéral – et avec lui presque tout le monde – s’est également trompé au sujet de l’initiative prévoyant l’internement à vie pour les délinquants sexuels ou violents jugés très dangereux et non amendables : les Suisses l’ont adoptée par 56,2% des voix et la majorité des cantons. Comme nos lecteurs le savent, nous étions opposés à cette initiative.

 

Il nous faudra nous accommoder de l’idée que nos compatriotes ont donné au pouvoir un «signal fort», comme disent habituellement nos journalistes chéris – uniquement, il est vrai, quand le «souverain» les suit, ce qui ne fut pas le cas cette fois-ci. La majorité des Suisses qui votent réclament des têtes. A défaut de les obtenir par la peine de mort qui n’existe plus ou par le recours aux culs-de-basse-fosse qui n’existent plus non plus, ils se rabattent sur l’internement à vie. Nous comprenons qu’ils haïssent les délinquants sexuels et qu’ils aient peur des autres : nous ne les aimons pas non plus.

 

Mais ce qu’ils ne voient pas et que nous, nous  voyons, c’est ceci : si le succès de l’initiative aboutit à l’application d’une loi – ce qui n’est pas certain (cf. l’article de Michel de Preux) –, n’existe-t-il pas un risque que la notion de violence – qui peut être non seulement physique, mais aussi verbale ou écrite – et celle de «non-amendabilité» – inaptitude à se réformer, mais aussi refus de se rétracter ou de se repentir – offrent un jour au pouvoir la possibilité d’interner à vie les délinquants d’opinion ?

 

D’accord, d’accord ! C’est de la paranoïa.

 

Originalité

 

Mademoiselle Mélanie Brülhart, qui avait exprimé sa honte d’être Suisse – pourquoi pas Suissesse ? – dans le courrier des lecteurs de 24 Heures au lendemain de l’élection de Christoph Blocher au Conseil fédéral, a été traumatisée par certaines réactions – lettres anonymes, insultes, menaces – au point qu’elle n’osait plus sortir seule. Nous compatissons, mais nous nous demandons ce qu’elle aurait éprouvé si, au lieu de bénéficier de la sympathie des journalistes, elle avait dû affronter en plus une campagne de presse.

 

Nous avons appris avec plaisir que la jeune persécutée avait surmonté ses angoisses et décidé de réagir en entrant dans la lutte active contre – on vous le donne en mille ! – l’intolérance, le racisme et la xénophobie.

 

On cherche espace

 

L’armée suisse cherche des terrains d’exercices à l’étranger. Nous apprenions le 15 février que «L’armée suisse a en effet un problème de place. Des exercices de grande envergure ne sont plus possibles en Suisse à cause de l’exiguïté du territoire et en raison de problèmes de bruit. La Laponie serait en revanche propice à des manœuvres de brigades.»

 

La Laponie ? Quelle bonne idée ! Il y fait un peu froid, mais rien de tel pour aguerrir des soldats en quête de grands espaces. On peut néanmoins se demander si notre armée ne trouverait pas encore plus de place dans le désert du Sahara.  Il y fait un peu chaud, mais…

 

 

 

L’internement à vie des délinquants très dangereux : un problème insoluble ?…

 

Le peuple suisse vient d’accepter à une confortable majorité l’internement à vie des délinquants très dangereux et incurables. Ce choix du souverain contraint les autorités fédérales à traduire cette volonté dans la loi. Déjà s’élèvent des voix parmi les juges, les professeurs de facultés de droit ou les hauts fonctionnaires pour nous dire que l’application réelle de cette future loi ne se fera pas vraisemblablement pour deux motifs essentiels : certaines dispositions du texte de l’initiative acceptée par le peuple suisse seraient contraires à la Convention Européenne des Droits de l’Homme (l’interdiction de tout réexamen, après deux expertises concluantes, sauf hypothèse de nouvelles connaissances scientifiques) et nul ne peut préjuger l’état de dangerosité extrême pour une durée indeterminée.

 

On peut craindre en effet, dans la pratique des tribunaux ou des psychiatres agissant comme experts auprès d’eux, si, comme il se doit, l’acceptation de cette initiative est traduite dans une loi, un contournement, peut-être même systématique de celle-ci par les uns et par les autres, aux fins alléguées d’éviter le conflit des lois. C’est d’autant plus probable qu’en principe le droit international reconnu en Suisse l’emporte sur le droit national.

 

L’affaire pose donc un problème de souveraineté qu’on aurait tort d’éluder. Jusqu’où le peuple suisse est-il encore compétent pour juger de sa propre sécurité ? On sait que la peine de mort est désormais contraire au droit européen. Maintenant, ce seraient les mesures d’internement définitif qui le seraient, et ceci quand bien même la preuve de la cessation de l’état d’extrême dangerosité du délinquant ne pourra être apportée, car cela aussi est un acquis de la psychiatrie : que cet art ne peut trancher la question ni dans un sens ni dans l’autre, ni pour la certitude de la permanence, ni pour la cessation d’un tel état.

 

Ce que trop de magistrats et de psychiatres négligent dans cette affaire – et c’est à mon sens assez énorme – c’est le jugement de condamnation lui-même, lequel renverse le fardeau de la preuve. On risque donc d’assister à une manipulation de la justice par les magistrats eux-mêmes… Car dès lors qu’un état objectif de dangerosité extrême aura été confirmé par le jugement, la société est en droit d’imposer au condamné lui-même la preuve de la cessation de l’état qui a motivé la mesure prononcée contre lui et, cette preuve ne pouvant être apportée, de persister à se prémunir contre le risque que représente objectivement sa mise en liberté, même conditionnelle. Il s’agit là d’un droit propre de la société que nulle convention internationale, à mon sens, ne peut, sans abus manifeste, entraver, dès lors qu’il est dûment motivé et non arbitraire.

 

Si, comme nous pouvons le soupçonner, l’utilisation des Droits de l’Homme sert en réalité à diminuer la sécurité des honnêtes gens par une protection contraire au bon sens des criminels, pareille convention doit, sur ce point, être dénoncée et révisée – au besoin par le recours à une nouvelle initiative populaire – car elle met un obstacle abusif, déshonnête et irrelevant en droit même positif (l’abus d’un droit n’est pas protégé par la loi : principe général de droit énoncé à l’article 2 du code civil suisse mais applicable à l’ensemble du droit) à l’exercice parfaitement légitime de la souveraineté nationale et crée des entraves déshonnêtes au déroulement normal de la juridiction pénale, à l’indépendance des magistrats de l’ordre judiciaire.

 

Ce problème n’est donc pas insoluble sinon pour certains, comme le professeur Christian-Nils Robert, de la Faculté de droit de l’Université de Genève, qui le veut bien, ayant démontré par acte qu’il est lui-même réfractaire à la protection d’un honnête homme et extrêmement sensible à celle des plus dangereux criminels.

 

Michel de Preux

 

 

 

Bloc-notes

 

 

Policier acquitté

 

Comme bien l’on pense, j’ai été soulagé d’apprendre que le policier bâlois qui avait abattu un voleur de voitures en août 2001 avait été acquitté par la Cour d’assises du Haut-Rhin, à Colmar.

 

Comme son collègue et lui avaient tiré 19 balles sur le véhicule avant de l’immobiliser, j’espère qu’il mettra à profit sa liberté pour fréquenter plus assidûment le stand à 50 mètres. (13 février)

 

Psychiatrie

 

La clinique psychiatrique de Bellay, dans le Jura bernois, a accueilli dans ses murs, et employé, un faux docteur pendant plus de trois ans. Originaire d’ex-Yougoslavie, le charlatan, qui n’avait suivi probabement aucune étude, n’a paru à personne plus ignorant que ses honorables confrères diplômés et véritables docteurs. La psychiatrie est-elle une science ? (4 février)

 

Nouveaux Vaudois

 

Le projet de nouvelle loi sur le droit de cité vaudois prévoit en son article 22 que pour prouver son intégration dans notre canton, le candidat devra démontrer qu’il maîtrise non pas le français, mais «une langue nationale». Le Bärntütsch me paraît, par exemple à Gollion, un puissant facteur d’assimilation. (17 février)

 

C.P.

 

 

Que se passe-t-il dans les HES ?

 

Curieuse dépêche, dans «24 heures» du 4 février, qui nous annonce la «colère des profs des HES romandes». En sous-titre : «Concentration de filières, réductions budgétaires et modèle de Bologne : ce cocktail mécontente les enseignants».

 

Selon les représentants du corps professoral des Hautes Ecoles, les méthodes employées par Berne sont dignes d’un «conglomérat militaro-industriel de type soviétique» : suppression de filières, concentrations, réductions budgétaires, et accords de Bologne marquent un «recul inacceptable» dans le développement des Hautes Ecoles.

 

Dans son Carnet publié le 12 février par «24 heures», Jean-Marie Vodoz est amer : «dans tous les textes officiels ou conformes, cette obsession de l’efficacité marchande, et par conséquent l’oubli de la vocation première de l’Université : la recherche du savoir en lui-même, transparaissent avec une consternante régularité.»

 

Et l’ancien rédacteur en chef de citer M. Beat Bürgenmeister, professeur d’économie politique à l’Université de Genève, qui ose relever que les fameux Accords de Bologne doivent «satisfaire à des exigences du monde des affaires dont le bien-fondé est souvent évoqué, jamais démontré».

 

A l’Ecole d’Ingénieurs du canton de Vaud, qui fait partie de la Haute Ecole vaudoise elle-même élément de la HES de Suisse occidentale, la direction a décidé en juin dernier, sans consultation préalable des étudiants ni des professeurs, de modifier fondamentalement le plan d’études de la Formation en emploi, dès la rentrée de l’automne, dans le sens d’une diminution du nombre des soirs de cours et, évidemment, du nombre total des heures de cours sur l’ensemble de la formation.

 

La division Formation en emploi était, avant d’être englobée dans l’EIVD, l’Ecole d’Ingénieurs de Lausanne, de fort bonne réputation depuis plus de 30 ans, qui formait des ingénieurs ETS appréciés en électricité, mécanique et génie civil. Sous l’impulsion de ses directeurs Raymond Gaille, puis surtout Bernard Keller, elle avait noué des contacts fructueux avec plusieurs établissements similaires en Suisse et à l’étranger et, grâce à sa souplesse administrative et à un réseau de chargés de cours très compétents, s’était fait une place enviable dans le paysage de la formation européenne.

 

La diminution inattendue des programmes et des heures d’enseignement a laissé croire à plusieurs étudiants de première année, (qui s’étaient inscrits sur la base d’un programme, d’un plan des cours, d’une palette de modules capitalisables, d’explications et de promesses), qu’on s’acheminait vers une diminution de la valeur du titre d’ingénieur HES et qu’on abaissait donc volontairement cette valeur pour la rendre eurocompatible ou plutôt bologno-compatible avec le titre de bachelor, plutôt que de la hisser au niveau du master.

 

C’est pourquoi, considérant que ces modifications étaient fondamentales, et qu’ils étaient touchés par une décision prise sans qu’ils aient été entendus, ils ont adressé à la direction un recours avec requête d’effet suspensif, qui a été traité par le service de la formation professionnelle avec une incroyable légèreté, la juriste chargée de son instruction ayant téléphoné à l’autorité intimée et ayant pensé, de toute bonne foi, qu’une solution amiable avait été trouvée et que le dossier était clos.

 

On tente de me convaincre que le combat mené par ces quelques étudiants soucieux de la qualité de leur formation est un combat d’arrière-garde, qu’il ne sert à rien de s’insurger, que le rouleau compresseur du nivellement imposé par les Accords de Bologne est inévitable…

 

Pour nous faire «gober» la future loi sur l’Université, on nous explique aussi qu’il était nécessaire d’amputer notre vénérable Alma Mater de l’enseignement des mathématiques, de la physique, de la chimie ; il était nécessaire d’expédier nos étudiants en pharmacie dans des portacabines à Genève ; il est nécessaire de se regrouper, de créer des masses critiques pour profiter des synergies…et de ne plus faire figurer les Facultés dans la loi !

 

Ces visions futuristes ne parviennent pas à convaincre les principaux intéressés : dans une opinion confiée à «24 heures», M. Pierre-Antoine Hildbrand, président des jeunes radicaux vaudois et assistant-doctorant en droit, estime que «la nouvelle loi sur l’Université de Lausanne serait non seulement un abaissement, mais une capitulation» !

 

Le constat est grave et mérite qu’on le prenne au sérieux.

 

Le débat sur les taxes, par comparaison, est une broutille destinée à créer une diversion et empêcher qu’on s’occupe de l’essentiel. Une taxe annuelle de cinq mille francs ? Pourquoi pas, si elle est remboursée, en fin d’études, à l’étudiant qui obtient son diplôme dans un délai déterminé… et perdue pour le touriste qui occupe un banc faute d’avoir su choisir à temps un apprentissage conforme à ses aptitudes ?

 

L’Ecole d’Ingénieurs va passer, dans le canton de Vaud, du service de la formation professionnelle au service des affaires universitaires.

 

Ce peut être un risque ou une chance. Espérons que la qualité actuelle de la formation ne sera pas diminuée pour devenir conforme à la longueur du lit de Procuste !

 

C.P.

 

 

 

Haïti : Le Pamphlet voyait juste !

 

Une fois de plus, le Pamphlet avait raison avant tout le monde !

 

Dans le Matin du 18 février dernier, M. Reto Breiter rappelle que M. Jean-Bertrand Aristide, prêtre devenu président d’Haïti en décembre 1990, était à l’époque «porteur d’un immense espoir de justice et d’essor social». Un espoir tel que lorsque notre modeste périodique, dans le mot croisé de son numéro 212 (de février 1992), avait proposé, comme définition du 2 horizontal : «Un juste athénien ou un injuste haïtien, tous deux condamnés à l’exil», un lecteur avait vivement réagi : «Le Père Aristide, élu démocratiquement, a lutté pour donner de meilleures conditions de vie au peuple qui sortait d’un enfer terrestre, il a voulu mettre un terme aux emprisonnements arbitraires et à la torture et voilà que le Pamphlet parle d’injustice ! Je vous demande de publier ma lettre dans le prochain numéro et si vous maintenez votre accusation, de l’étayer par ce que vous estimez être des preuves et des arguments valables. J’espère qu’il s’agit d’une méprise et que vous n’avez aucune sympathie pour les assassins qui se sont emparés du pouvoir en Haïti. Ce serait incompréhensible et nuirait au bon combat que vous menez depuis des années contre une extrême gauche et une gauche si néfastes en Europe».

 

Sous le titre : «A propos du Père Aristide», la rédaction justifiait sa position dans le numéro 214 (avril 1992) : rappelant les assassinat des hommes politiques coupables d’avoir simplement critiqué la politique du Père Aristide, comme le meurtre du pasteur Sylvio Claude, pourtant farouche opposant au régime Duvalier, nous citions la délirante apologie que Titid avait faite du «supplice du collier[1]» et ses ahurissants appels aux meurtres collectifs.

 

«Si excellentes que puissent être les intentions d’un homme politique, si grand que puisse être son désir de justice sociale, de telles méthodes sont inacceptables. Ce sont des procédés dignes de la meilleure tradition totalitaire. Un président qui recourt à de tels moyens pour asseoir son pouvoir ne peut en aucun cas être considéré comme un juste», disions-nous.

 

A cette époque, la plus grande partie de la presse romande encensait le Père Aristide, et lorsque celui-ci encourageait ses partisans à tuer leurs adversaires avec des colliers de feu, dans un discours radiodiffusé, le rédacteur du Matin l’avait simplement qualifié d’«imprudent».

 

D’imprudence en imprudence, de meurtre en répression sanglante, il a fini par indisposer même ses amis les journalistes gauchistes du groupe Edipresse qui découvrent aujourd’hui, avec une douzaine d’années de retard, ce que les lecteurs du Pamphlet savaient depuis le début.

 

C.P.

 

1          supplice consistant à mettre un pneu rempli d’essence autour du cou d’un adversaire vivant et à enflammer l’essence.



[1][1]           supplice consistant à mettre un pneu rempli d’essence autour du cou d’un adversaire vivant et à enflammer l’essence.