Lausanne 33e année      «ne pas subir»       Décembre  2003 No 330

 

 

 

Sommaire :

 

Editorial

L’éditorialiste commente l’élection des conseillers fédéraux

 

Bloc-notes

Un mois et demi de lecture attentive de la presse romande : l’essentiel !

 

En direct de Sirius

Max commente l’arrestation de Saddam Hussein et se penche sur une étrange affaire d’espionnage à l’EPFL

 

Au courrier

Un lecteur paysan n’est pas content !

 

Chouette en péril

Notre confrère français le «Cri de la Chouette» connaît des difficultés financières.

 

Dernière illusion

Michel de Preux dénonce la dérive doctrinale de Jacques Maritain

 

Adhésion à l’Europe : le flop

Malgré l’injonction de 70 personnalités médiatiques qui pressent la Suisse de sauter dans le train de l’Europe, Claude Paschoud croit qu’il est de plus en plus urgent d’attendre.

 

Réabonnements

Malgré la hausse des taxes postales, l’abonnement annuel est maintenu à 35 francs suisses (ou à 25 euros)

 

 

Editorial

 

La gent bien-pensante fait au nouveau Conseil fédéral trois reproches principaux : il est trop à droite, il est composé de barbons et il est presque exclusivement masculin.

 

Trop à droite, il ne le restera qu’aussi longtemps que les radicaux, qui n’ont emboîté le pas à l’UDC que pour sauver leur second siège au Conseil fédéral, jugeront utile de rester fidèles à leurs alliés. Compte tenu des mœurs en vigueur dans ce parti de plus en plus essoufflé, ils n’hésiteront pas à se «recentrer» à la première occasion s’ils pensent qu’il y va de leur intérêt électoral. Ce n’est pas sans raisons que les mauvaises langues attribuent au parti radical cette fière devise : pacta sunt servanda… si qua fata sinant. Les bonnes âmes n’ont donc pas à se faire de souci : le «virage à droite» du conseil fédéral est certainement très provisoire.

 

Trop vieux, nos conseillers fédéraux ? Il est vrai que la disparition prématurée de Madame Metzler a fait augmenter sensiblement la moyenne d’âge et que l’élection d’un Hans-Rudolf Merz de soixante et un ans et d’un Christoph Blocher de soixante-trois printemps n’a pas contribué à la faire baisser. N’ayant pas de temps à perdre, nous ne nous sommes pas renseignés sur les âges respectifs des autres membres du gouvernement, mais il nous paraît que, même si l’âge moyen avoisine la soixantaine, ce qui paraît vraisemblable, nous n’avons pas encore affaire à une équipe de gâteux. Monsieur Jacques Chirac qui, sauf erreur, est septuagénaire n’y regarde pas de si près, qui compte, à ce qu’on dit, se présenter une nouvelle fois à l’élection présidentielle de 2007. «La valeur n’attend pas le nombre des années», disait ce freluquet de Rodrigue. C’est peut-être vrai pour le maniement de l’épée. Il n’est pas certain que ce le soit en politique.

 

C’est donc un mauvais procès que l’on fait à nos conseillers fédéraux. Et l’on peut parier que si l’Assemblée fédérale avait élu à la place de Messieurs Merz et Blocher, deux femmes de huitante ans, les anti-barbons n’auraient pas pipé mot.

 

Quant aux féministes, elles auraient hurlé de joie, tant est grande leur conviction que, puisque plus de la moitié de la population est de sexe féminin, il serait normal que les femmes soient représentées au Conseil fédéral en conséquence. Toujours ce besoin de représentativité au sein des exécutifs ! Si la majorité de la population était – ce qui n’est pas le cas, hélas – composée d’enfants, faudrait-il que nous soyons gouvernés principalement par des gamins ? Si la majorité de la population était composée de centenaires, faudrait-il que nous soyons gouvernés principalement par des patriarches ?Si la majorité de la population était composée de génies, faudrait-il que nous soyons gouvernés principalement par des super-cerveaux ? Si la majorité de la population était composée - ce qui n’est pas encore le cas - de révisionnistes, faudrait-il que nous soyons gouvernés principalement par des non-conformistes impénitents ? Alors, on se calme, Mesdames.

 

Il est déjà bien assez triste que les principaux partis politiques s’approprient les sièges au nom de la concordance, sans se soucier le moins du monde de l’intérêt public.

 

Il est d’ailleurs amusant de noter avec quelle facilité nos discoureurs, politiciens et journalistes, ont remplacé, le 10 décembre,  le gargarisme «formule magique» malencontreusement épuisé, par le gargarisme «concordance» qui, quoique du dernier cri, n’est nullement, dans leur esprit, un médicament propre à assurer l’harmonie, mais uniquement une décoction arithmétique à nos yeux très nocive, comme nos lecteurs le savent.

 

Mais quoi ! Il serait cruel de les priver de leur nouveau dada, tous ces braves gens, surtout à la veille de Noël. Alors, laissons-les se faire plaisir et tâchons d’en rire.

 

Le Pamphlet

 

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Bloc-notes

 

Sexisme

 

Un de nos amis, enseignant, a reçu cet automne de la «déléguée à l’égalité des chances» de l’EPFL une lettre le priant de recommander à ses élèves de sexe féminin un atelier «Internet pour les filles» mis sur pied par son employeur. Un prospectus ad hoc accompagnait la missive.

Irrité, notre ami à répondu :

 

Madame,

 

Votre lettre circulaire concernant l’objet cité sous rubrique vient de me parvenir. Son propos est choquant par son caractère sexiste et trompeur.

 

En effet, on ne voit pas pourquoi l’atelier que vous recommandez devrait être réservé aux seules filles. Vous ne pensez tout de même pas que les filles soient prétéritées dans l’enseignement des branches informatiques dans les écoles du canton de Vaud ? Les filles et les garçons de nos écoles ont accès aux mêmes cours. Toutes et tous bénéficient de chances égales d’accéder à l’outil informatique et à Internet en particulier. Votre démarche vise donc manifestement à procurer aux filles un avantage sur leurs camarades garçons, et je la trouve particulièrement déplacée du fait que vous êtes chargée de promouvoir l’égalité des chances. Qui aurait des doutes sur vos intentions sexistes n’a qu’à se référer à l’inscription figurant au bas de la première page du prospectus joint à votre lettre : «Programme de promotion des femmes en informatique et en communication».

 

Le Canton de Vaud vient de remplacer la «Journée des filles» par une «Journée des filles et des garçons» [en réalité : «Osez tous les métiers» réd.] afin de permettre aux unes et aux autres d’approcher les métiers traditionnellement préférés par le sexe opposé. Je vous invite donc à suivre l’exemple des Autorités vaudoises et à ouvrir aux garçons votre atelier cité sous rubrique ou à créer son pendant réservé aux garçons.

 

Dans l’attente de vos nouvelles, je vous prie d’agréer, Madame, l’expression de mes sentiments les meilleurs. (10 octobre)

 

Monarchie

 

Les dernières monarchies d’Europe n’auront bientôt plus d’autre utilité qu’alimenter les gazettes populaires de ragots insignifiants. Alors que les alliances de jadis entre les grandes maisons avaient permis la construction d’une civilisation, les Bourbons d’Espagne permettent à leur aîné de se fiancer à une roturière divorcée. Le roi paraît même ravi de ce choix. Une reine du petit écran vaut bien, à l’heure de Star Academy, un Grand d’Espagne ! (1er novembre)

 

Bourbier

 

Depuis le début du mois de novembre, 40 soldats US étaient déjà morts en Irak lorsqu’un attentat meurtrier contre les forces italiennes stationnées à Nassiriyah, le 12 novembre, a fait 37 victimes : 18 Italiens et 9 Irakiens. Certains Américains se demandent si, finalement, Chirac n’avait pas raison. Les Japonais renoncent à envoyer des troupes.

Bush va découvrir dans un mois Saddam dans un «trou à rat», mais il n’y a toujours pas d’armes de destruction massive. (15 novembre)

 

Pédophilie

 

J’ignore évidemment si M. Michael Jackson est coupable ou innocent des attouchements dont l’accuse un adolescent qui a déjà bénéficié des largesses de la star. Si ces accusations sont mensongères et ne visent qu’à obtenir de l’argent, on observera que «Bambi» a lui-même encouragé les calomniateurs, en offrant naguère 25 millions de dollars à la famille d’un autre jeune accusateur, pour obtenir de sa part l’abandon des poursuites. (20 novembre)

 

Acquittement

 

Ainsi, l’affreux Charles-Henri Favrod est acquitté par le Tribunal correctionnel. Le fait de signer des titres faux n’est pas constitutif du délit de faux dans les titres, lorsque l’auteur jouit d’une «réputation mondiale». Ce n’est que «négligence et légèreté dans l’exercice de ses fonctions». Toujours gonflé de sa propre importance, l’insupportable vieillard se prépare à prendre l’avion pour Florence : «L’Italie me tend les bras. J’y ai déjà monté tout seul ( ?!) cinq expositions et je prépare pour l’an prochain l’ouverture d’un musée historique de la photographie…» (25 novembre)

 

Polémique

 

Dans son journal, l’Agefi, M. Alain Fabarez avait qualifié la justice genevoise de «coterie médiocre et partisane, peuplée d’une majorité d’incapables qui vivent aux frais de la collectivité en ne faisant rien, ou très peu, sauf à se donner de temps en temps le plaisir vil et ignoble de détruire l’existence et la réputation de ceux qui leur sont confiés».

 

L’Association des magistrats du pouvoir judiciaire de la République et Canton de Genève avait porté plainte pour diffamation auprès du Conseil de la presse qui a débouté la plaignante au nom de la liberté de commenter.

 

Les paysans suisses auront-ils plus de succès contre Charles Poncet ? On espère que non. (27 novembre)

 

Aéronautique

 

M. Bertrand Piccard, qui est à l’aéronautique ce que François de Siebenthal est à la politique, prévoit de faire, en 2006 ou 2007, le tour du monde dans un avion solaire construit par l’EPFL. Espérons, pour le psy sans patients, que son deuxième tour ne sera pas aussi lamentable que celui Gnafron contre Marthaler. (29 novembre)

 

Blocher et la presse romande

 

Jusqu’à la dernière minute, l’ineffable Denis Barrelet, correspondant à Berne de 24 heures, a cru qu’il pourrait influer sur le vote par de fausses informations : «L’idée d’élire un autre UDC  que Blocher gagne du terrain», titrait-il la veille du scrutin. Où cette idée, qui en a effleuré plus d’un, il est vrai, gagnait-elle du terrain le 9 décembre à part dans le cerveau enfiévré du sieur Barrelet lui-même qui intimait au Parlement une stricte consigne de vote pour «conserver sa dignité».

 

Las ! L’Assemblée a désobéi à Denis Barrelet. Gageons qu’elle le paiera cher. (9 décembre)

 

Démocratie

 

Cela devient une habitude : à chaque fois qu’un vote régulier et démocratique déplaît à quelques-uns, ceux-ci descendent dans la rue pour manifester leur colère, leur indignation, leurs craintes pour l’avenir, justement, de la démocratie qui a si mal fonctionné ce coup-ci. Il y a même des femmes qui estiment que M. Merz vaut mieux que Mme Berlie ! Où va-t-on ?

 

Autre version de la colère, la honte d’être Suisse. La mode en avait été lancée après l’échec de l’EEE, journée noire s’il en fut. Dans une lettre à 24 heures, la jeune Mélanie Brülhart (23 ans), de Palézieux-Gare, nous annonce que, blessée par ce vote immonde, elle va quitter la Suisse dès que ses finances le lui permettront. Nihil obstat ! (13 décembre)

 

Sur la RSR

 

M. Jacques Depallens, de Renens, n’y va pas avec le dos de la cuillère lorsqu’il évoque dans 24 heures les parleurs de la Radio suisse romande, qualifiés de freluquets impertinents : «Ils ont tous le même bagout. MM. Décaillet, Derder, Matthey-Doret – on regrette le père – paraissent interchangeables et cultivent le même style insolent et creux, quel que soit l’interlocuteur. L’analyse sociale ou politique est déficiente ou faite de clichés sommaires. Le dialogue est remplacé par une rafale de questions irréfléchies et gratuitement provocatrices (…)» (15 décembre)

 

C.P.

 

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En direct de Sirius

 

Un prisonnier bien encombrant

 

14.12.2003 : La nouvelle est tombée : les troupes d’occupation US auraient capturé M. Saddam Hussein. Si ce « fait d’armes » s’avère et qu’il ne s’agit pas d’un nouvel effet de propagande américaine, c’est une vraie catastrophe… pour M. Bush (le petit). En effet, depuis 60 ans, les opinions publiques ont pu amplement prendre la mesure de la capacité manipulatrice des juridictions issues de la planification des vainqueurs. Elles ont pu enfin se rendre compte des moyens disponibles pour la fabrication, à la demande, de tous témoignages et preuves utiles à incriminer et diaboliser l’adversaire. Un second Nuremberg serait impensable, tant il mettrait en évidence les montages produits par les forces de l’auto-qualifié « axe du Bien » pour justifier aux yeux de leurs électeurs et du monde entier leur agression, sans aval de l’ONU, contre un pays préalablement réduit à l’impuissance par leurs soins attentifs et appliqués. L’utilisation de ces techniques de conditionnement psychologique a été confirmée par les récentes révélations sur les mensonges de Washington et de Londres. Comme il est improbable qu’un président irakien en pleine possession de ses moyens fasse le plaisir de reconnaître « spontanément » devant le tribunal des vainqueurs ses péchés réels ou supposés, il est peu vraisemblable que la bande actuellement au pouvoir aux USA prenne le risque de lui offrir une tribune libre à l’échelle planétaire. En outre, et à la différence des prévenus de 1945, le Raïs peut certainement s’offrir, même aux Etats-Unis, les meilleurs avocats. La solution d’un procès à huis clos pourrait cependant tenter une clique qui ne s’est, à ce jour, jamais embarrassée de légitimité. Il n’est, d’autre part, pas interdit de penser que la mort providentielle de l’intéressé, dûment certifiée « de causes naturelles », puisse constituer une conclusion souhaitable, pratique et peu coûteuse à une opération stratégique, somme toute, assez peu reluisante… Et qui oserait contester l’identité du défunt ? Mais en tout état de cause, au seuil de l’année 2004, les bien navrants « héros » de l’« axe du Bien » se sont discrédités à un tel degré aux yeux du monde que, quel que soit le traitement final réservé à leur victime, cette dernière seule aura toujours pour elle le bénéfice du doute.

 

EPFL… terre d’accueil (et d’exportation)

 

Courage ou inconscience ? Un hebdomadaire romand1 prend le risque de signaler une fuite à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne. Ce que les journalistes décrivent comme un transfert illégal de technologie à usage militaire probable se résume à une classique affaire d’espionnage : un professeur israélien berne une section de l’EPFL et fait dûment établir un contrat de transfert de technologie entre la haute école et une manufacture d’armes de guerre de son pays (RAFAEL Ltd2, émanation du ministère de la défense israélien), aux termes duquel les derniers progrès réalisés en Suisse en matière de recherche et de réalisation en piézoélectricité passent en mains des Israéliens. Pour parachever cette mise en place, on apprend qu’une équipe de techniciens de RAFAEL a séjourné à l’EPFL, histoire de peaufiner la transmission de savoir-faire. Pudiquement, ou par ignorance, l’hebdomadaire, dans le catalogue d’emplois possibles, omet de révéler que cette technologie entre également dans la fabrication de systèmes de détonateurs électriques de haute précision à alimentation cinétique, souvent montés dans les têtes de missiles et autres charges creuses. Mais, comme le dirait probablement le chef d’état-major de l’armée israélienne, là n’est sans doute pas la question3… La question, ou plutôt les questions seront, nous l’espérons, posées par les limiers fédéraux, à mesure qu’ils parviendront à remonter la chaîne des responsabilités à l’intérieur de l’EPFL… et celle des inévitables complicités (assorties d’enrichissements rapides) à l’extérieur de cette dernière.

 

« Bonnes fêtes ! »

 

En manière de bienvenue aux deux nouveaux conseillers fédéraux, les fantaisistes et autres chansonniers helvétiques de la gauche (y-a-t-il un fantaisiste de droite dans la salle ?) rose et rougissante brocardent avec un bel ensemble et passablement de talent, MM. Blocher et Merz, sans pour autant lâcher le fond de culotte de l’encore actuel président de la Confédération, et c’est un plaisir que d’écouter les savantes imitations des as de « la soupe est pleine » qui, paradoxalement, contribuent à nous rendre leurs victimes d’autant plus sympathiques. Aux uns comme aux autres, puisque c’est de saison, Max ne peut que souhaiter « bonnes fêtes ! »… et émettre à l’intention des seconds, les vœux suivants : qu’ils veuillent bien gérer l’Etat avec le même souci d’efficacité qu’ils ont mis dans la gestion de leurs entreprises, sans perdre de vue que le domaine politique comprend de nombreux paramètres qui ne figurent souvent pas au nombre de ceux du domaine économique et pour lesquels l’esprit de conseil d’administration ne vaut pas; qu’ils s’affirment en souverains insensibles aux pressions, pour le plus grand bien du peuple et du pays; qu’ils s’affranchissent des agenouillements intempestifs; qu’ils ne recherchent pas la popularité des sondages, leviers suprêmes des médias; que, s’appuyant sur le traditionnel bon sens de notre peuple, ils épargnent à la Suisse la contagion d’une Europe décadente et hâtent la convalescence du pays qu’ils entendent servir.

 

Max l’Impertinent

 

 

1 Sonia Arnal en collaboration avec Christian Jacot-Descombes, L’HEBDO, 11.12.03, n° 50, pp. 57-58.

2 www.rafael.co.il.

3 Cf. « L’art de l’escamotage » LE PAMPHLET  de septembre 2003, n° 327, p.2.

 

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Au courrier

 

Cher Monsieur,

 

Votre article : «Charles Poncet a-t-il franchi la ligne ?» nous a très profondément déçus.

 

Premièrement sur la forme. Libre à vous de chercher à justifier cet article inqualifiable ! Libre à vous de rêver d’un Poncet qui persiste dans la polémique; vous auriez pu au moins exiger que, dans le genre, l’auteur ne recoure ni à l’injure ni à la grossièreté, faute de quoi il faut admettre  l’évidence : les culs les plus terreux ne sont pas ceux qu’on croit.

 

Secondement sur le fond. Difficile de faire plus insignifiant et pessimiste. Merci au passage pour le combat d’arrière-garde et sans talent. Dans le monde rural, les choses ont beaucoup changé depuis l’époque de votre grand-père. Plutôt qu’ennuyer le lecteur par vos réflexions banales, vous seriez inspiré d’aller à la rencontre des paysans d’aujourd’hui pour découvrir la manière dont ils affrontent la situation présente. Ni la Suisse ni ceux qui en font une terre vivante ne sont appelés à disparaître. Les paysans de chez nous pourraient bien être demain l’exemple à suivre pour la ténacité et surtout le sens de l’adaptation aux circonstances dont ils font présentement la démonstration.

 

Vous dites qu’il n’est décidément plus possible de vouloir se fondre dans de grands ensembles et simultanément déroger au principe de la liberté économique ou concurrentielle. En l’occurrence, le vrai problème n’est pas là. Pour l’heure, dans les entités politico-économiques les plus gigantesques comme dans les plus modestes, le paysan est, sinon toujours, trop souvent laissé pour compte parce que maillon le plus faible de la chaîne. Les penseurs de votre gabarit oublient sans gêne que ce sont essentiellement les salaires misérables accordés au secteur primaire qui expliquent l’essentiel du bon marché des produits importés.

 

Charles Poncet et vous avez bel et bien franchi la ligne. Mais vous ne faites pas le poids. Les paysans ne s’y trompent heureusement pas. Ils ne se sont pas laissé démonter. Entre autres, le très abondant courrier des lecteurs, publié ou non par l’Hebdo, nous rassure.

 

Veuillez agréer, cher Monsieur, nos salutations distinguées.

 

M. et H. M.

 

 

Chouette en péril

 

J’ai déjà eu l’occasion de vous entretenir du Cri de la Chouette1, périodique dirigé par mon ami Roger Minne, observateur goguenard de la politique française et internationale, des dérives médiatiques et de la déliquescence de la langue française, sans oublier l’économie et la culture à la sauce de notre époque. Publié six fois par an, ce modeste journal de six pages offre au lecteur, à travers ses «échommentaires», les candeurs, les ferveurs, les douleurs ou les humeurs de ses collaborateurs – bénévoles, bien entendu - un moment de vif plaisir et l’occasion  de se détendre tout en s’amusant et en s’instruisant.

 

Hélas ! Hélas ! Les finances ne vont pas bien. Le Cri de la Chouette se trouve dans une situation comparable à celle que nous avons connue voici trois ans et dont nous ne sommes sortis que grâce à la mobilisation et à la générosité extraordinaires de nos lecteurs. Je veux espérer que les abonnés de la Chouette seront à la hauteur des nôtres et qu’ils répondront à l’appel au secours que leur lance Roger Minne, afin que l’aimable volatile puisse continuer à ululer l’an prochain.

 

Je ne saurais assez vous engager à vous abonner au Cri de la Chouette. Je sais que vous avez de lourdes charges et qu’on ne peut s’abonner à tous les journaux sympathiques. Mais la Chouette est vraiment un cas à part, par son indépendance d’esprit et sa volonté de traiter les sujets sur le mode léger et si possible drôle. Vous n’y trouverez aucun pavé indigeste, aucun exposé idéologique, aucune volonté de se poser en donneur de leçons, mais, le plus souvent, des commentaires mi-indignés mi-amusés. Il vous en coûterait 16 euros à faire parvenir à l’adresse ci-dessous et vous participeriez ainsi à un sauvetage nécessaire. Mais comme vous devez pouvoir juger sur pièce, je vous livre un «échomentaire» publié dans la livraison de novembre – décembre 2003 :

 

Le Petit Larousse est donc devenu un dico popu. On y trouve des entrées tout à fait logiques, comme people. Il faut bien. Et coach ? Allez, bon. Mais aussi Daniel Auteuil ? Alain Bashung ? Quant à Emmanuelle Béard, qui désormais y figure, sa présence montre la politisation du Larousse. Et maintenant que l’illustre Professeur Schwartzenberg est parti, la voilà seule à donner l’hospitalité chez elle, dans son appartement (du moins on l’espère), à tous les sans-papiers qui souillent nos églises (jamais les mosquées ni les synagogues), et qui, curieusement, ont des portables que le petit peuple franchouillard ne peut pas se payer.

 

Voler au secours d’un oiseau qui perd ses plumes, n’est-ce pas une belle et bonne action ? Il vous en sera éternellement reconnaissant.

 

Mariette Paschoud

 

1 Pour adresse : Club de la Chouette, BP 444, F-75327 Paris Cedex 07

 

 

Dernière illusion

 

 

Tout ce qui n'est pas résolument traditionaliste dans les rangs catholiques fait, consciemment ou inconsciemment, le jeu de la subversion antichrétienne. Dans la N.E.F.1 du mois de novembre 2003 une étude sur Maritain2 est favorablement commentée en pages 35 & 36. Voici le contour de l'illusion que nous dénonçons ici : prouver une grandeur du catholicisme intégral mis en accord avec une vision moralement et spirituellement défendable de la démocratie moderne actuelle. Tant de la part d'Yves Floucat que de son commentateur, l'impasse est totale.

 

Il n'y a aucun accord théorique possible entre la foi catholique et la conception démocratique moderne. L'antagonisme entre les deux est inéluctable. Jacques Maritain est, au sein du catholicisme, le père fondateur de toutes les confusions actuelles qui précipitent nos sociétés dans le chaos. Sa conception d'une foi séculière, d'une «charte démocratique» fondée sur une idéologie «pratique» indépendante de motivations philosophiques ou religieuses (qui peuvent, selon lui, être contradictoires) – théorie que Maritain développa largement dans un livre dont cet article ne parle pas, «L'Homme et l'Etat»3 mais qui revêt néanmoins une importance capitale – cautionne en réalité tout le matérialisme actuel ainsi que l'anarchie dans l'évolution des lois séculières comme ce qu'il faut encore appeler nos «constitutions».

 

Cette «Charte pratique» était censée défendre les droits fondamentaux de la personne, sur lesquels tout le monde, aujourd'hui, est présumé s'accorder. Elle définit incidemment aussi les nouveaux hérétiques politiques, analogues à ceux de l'Eglise au moyen-âge.

 

Qui ne voit, dans ce divorce consenti entre les motivations ou fondements moraux et religieux du droit positif des Etats et la morale exclusivement pratique proposée relative à un «modus vivendi» dans les sociétés pluralistes à tous égards que nous connaissons, une forme du délire collectif dans lequel nous sombrons et qui, au demeurant, ne sévit pas seulement dans la vie séculière des Etats démocratiques mais, à travers l'œcuménisme, dans celle de l'Eglise elle-même?

 

La dérive de Maritain est à la source de tous les bouleversements contemporains nous faisant basculer dans l'Islam. Ce que Pie XI, dans «Mortalium animos», déclarait impossible et insensé, condamnable, Jacques Maritain et, à sa suite, Paul VI et Jean-Paul II le déclarent sage et même inspiré d'en haut, nonobstant le démenti quotidien des faits : bâtir une société humaine sur l'absence de religion commune, une communauté internationale sur l'absence de religion universelle et de fondements métaphysiques et religieux de la morale. Cette entreprise, je le répète, littéralement délirante, ne peut conduire qu'au chaos général, dont nous connaissons déjà les premiers effets dans l'enseignement, dans la vie économique, dans l'évolution des lois elles-mêmes, dans ce qu'il est convenu d'appeler encore la vie littéraire ou artistique.

 

Et il se trouve encore des catholiques soi-disant intransigeants pour donner leur caution à pareille folie! Le non-sens absolu d'Assise est déjà dans le délire maritainien. Ce non-sens n'est que la consécration pseudo-religieuse d'une philosophie politique véritablement nihiliste ayant la prétention incroyable et insensée de donner un vernis de sérieux à cette gageure : en laissant les hommes divaguer arbitrairement sur Dieu et sa révélation, les mystères chrétiens et le salut, espérer néanmoins qu'ils puissent tout de même dans ces conditions déplorables conserver pacifiquement leur dignité, s'accorder entre eux sur une définition cohérente de celle-ci et maintenir un minimum de moralité dans leurs actions publiques et privées.

 

Je n'hésite donc pas à dire que les erreurs de la philosophie politique de Jacques Maritain ne sont pas seulement un délire de l'esprit; ces erreurs sont aussi une forme de crime contre l'humanité, car elles nient l'importance déterminante de la vérité, de toute vérité dans tous les ordres du savoir, y compris dans le savoir pratique, et qu'à vouloir dissocier ainsi la défense de la dignité de l'homme de toute forme d'orthodoxie non pratique, cette mauvaise et pernicieuse philosophie aboutit purement et simplement à la destruction programmée de l'intelligence.

 

 

Michel de Preux

 

 

1 La N.E.F. est un mensuel catholique d'orientation traditionnelle mais acceptant toutes les doctrines conciliaires de Vatican II; no de novembre 2003

2 «Maritain ou le catholicisme intégral et l'humanisme démocratique» d'Yves Floucat, Paris éd. Téqui 2003, 154 pages.

3 P.U.F., Bibliothèque de la science politique, Les idées politiques, 2ème éd. en 1963, dix ans après la première.

 

 

 

Adhésion à l’Europe : le flop

 

 

Dans une de ses dernières chroniques avant la révision de son site internet www.commentaires.com, M. Philippe Barraud traite de «harcèlement» l’étrange acharnement des euromaniaques à vouloir relancer le débat sur notre adhésion, au plus mauvais moment :

 

Quel étonnant spectacle ! écrit notre confrère. Au moment où l’Union européenne s’apprête à absorber de nouveaux membres, la France et l’Allemagne se livrent à un numéro d’arrogance inouï. Le couple franco-allemand, déjà Etat dans l’Etat, réussit l’exploit de désavouer la Commission européenne, de s’asseoir sur la règle commune du Pacte de stabilité, et de renvoyer les « petits » (à supposer que l'Espagne appartienne à cette catégorie) et leurs protestations à la niche. Cela au prétexte qu’étant les moteurs de l’économie européenne (merci pour les autres), ils ont le droit d’être plus égaux que les autres. Voilà qui promet pour les nouveaux, qui seront à la fois petits, pauvres et novices. Nul doute qu’ils seront écoutés avec attention…

 

C’est dans ce climat de crise institutionnelle que surgit en Suisse, comme grêle après vendanges, un manifeste signé par une septantaine de Prominenten venus de la politique, des hautes écoles, de la culture et des médias. Lesquels demandent « l’ouverture du processus d’adhésion à l’UE en 2004. »

 

L’un des signataires, l’inénarrable Jacques Pilet, justifie ainsi la démarche : «…il ne suffit pas de ne plus parler d’un problème pour que celui-ci ne se pose plus. Quelques citoyens réaffirment cette évidence dans un appel serein. Histoire d’au moins maintenir le débat ouvert.»[1]

 

Là, on respire mieux.

 

Maintenir le débat ouvert ! L’ambition est limitée. Les exigences du Manifeste aussi : il s’agirait de l’ouverture du processus de négociation d’adhésion à l’UE en 2004. Au cas où l’Union sombrerait avant la fin de l’année, faute d’avoir su digérer 10 nouveaux membres de l’Est, les signataires pourront toujours prétendre qu’ils n’ont pas demandé l’adhésion, mais l’ouverture du processus de négociation d’adhésion, ce qui est effectivement différent.

 

Ecoutons M. Ruedi Noser, vice-président du parti radical suisse, industriel, et partisan de l’adhésion :

 

«A mon sens, nous nous trouvons, économiquement, face à deux grandes questions : 1) que faut-il faire, si la Suisse est membre de l’Union ? 2) que faut-il faire, si la Suisse n’est pas membre ? Et la réponse à ces deux questions est exactement la même. Nous devons être plus efficients, plus productifs, beaucoup plus libéraux en matière de services publics, plus flexibles en ce qui concerne le travail. Simplement, si nous sommes à l’intérieur de l’Union, nous serons obligés de le faire, alors que si nous restons à l’extérieur, nous ne le ferons jamais. En Suisse, les grandes réformes ont toujours été imposées de l’étranger.»[2]

 

Nous voilà loin des grandes envolées lyriques sur la solidarité, le Grand Rêve et autres calembredaines à l’usage des étudiants en sciences sociales et politiques qui exigent que leurs diplômes soient reconnus dans toute l’Europe mais qui ne sont pas foutus d’apprendre correctement deux langues étrangères.

 

Le salut économique de la Suisse ne viendra pas de nos voisins, mais de nous-mêmes. Il faut être meilleurs. A ce prix, que nous soyons dans l’Europe ou hors d’elle importera (économiquement) peu. La différence (politique), c’est la contrainte et la sujétion  que la France et l’Allemagne ne cherchent même pas à masquer et que le vice-président du parti radical appelle de ses vœux. Normal. Un radical est toujours prêt à se prosterner devant le chapeau de Gessler si ça peut lui rapporter du fric.

 

Mais à part dans l’Hebdo, qui l’a largement répercuté, avec la photo des artistes[3], le Manifeste des 70 a fait un flop. L’hebdomadaire de la gauche intellectuelle a bien tenté de nous convaincre que la machine des bilatérales se grippait, en nous servant, avec une once de Schadenfreude et la caution de Charles Kleiber, «qui est bien placé pour le constater» des bobards du type : l’accord sur la coopération scientifique entre la Suisse et l’Europe ne sera pas ratifié par Bruxelles[4]. La tentative ressemble fort à un pétard mouillé. D’abord, et manque de bol pour la fine équipe, ce fameux accord scientifique a bel et bien été ratifié trois jours plus tard. Et les bouleversements qui s’annoncent en 2004, à quoi s’ajoute la perspective d’une possible candidature de la Turquie et de ses 300 millions de musulmans d’ex-URSS, ne suscitent aucun enthousiasme chez les citoyens raisonnables.

 

Il est urgent d’attendre.

 

Claude Paschoud

 


[1]     l’Hebdo n° 48 du 27 novembre, page 36

[2]     l’Hebdo No 49 du 4 décembre, p.38

[3]     peut-être que la présence, parmi les signataires, de Michael Ringier, patron de l’hebdomadaire et de Jacques Pilet, éditorialiste, a été pour quelque chose dans la promotion médiatique de ce non-événement.

[4]     l’Hebdo No 48 page 22

 

 

 

 

 

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