Sommaire :
L’éditorialiste
dresse le catalogue des initiatives populaires soumises au peuple suisse le 18
mai et constate que chacune d’entre elles se fonde sur de bonnes intentions… et
déboucherait inévitablement sur des restrictions, des interdits, et des surcoûts.
L’auteur
épingle plus particulièrement l’initiative «des dimanches»
Interdiction
des exposants asiatiques à la foire de l’horlogerie ; poisson d’avril chez
Kudelski :
faire
payer les riches ; les mensonges de la CIA ; impolitesse et
ignorance.
Max
évoque le supplice des sorcières en traitant des «lois-bâillons». Il écrit à
Mme Metzler. Il donne son avis sur un film de Jean Becker et sur la fin de la
guerre d’Irak-
Les
gesticulations d’une association de juristes visant des criminels étrangers ne
sont-elles destinées qu’à masquer les abus de pouvoir commis par des juges bien
helvétiques ?
Armée
XXI plonge Mariette Paschoud dans la perplexité : il y a des gens
intelligents et des patriotes dans les deux camps !
La
«bavure» principale, dans l’affaire du fusil marqueur de la police, c’est qu’on
a le sentiment que la police n’est pas commandée.
L’initiative
«pour des loyers loyaux», l’ASLOCA n’y croit plus vraiment…
Tout le monde le sait :
le chemin de l’enfer est pavé de bonnes intentions. Ce proverbe s’applique à
toutes les initiatives sur lesquelles nous voterons le 18 mai. Toutes sont
sous-tendues par des idées nobles, qu’il s’agisse d’améliorer le sort des
handicapés, de protéger les locataires, de nous épargner les dangers du
nucléaire ou d’établir une plus grande justice sociale en matière de primes
d’assurance maladie. Toutes prétendent instaurer, par le biais d’un article
constitutionnel fédéral, le bonheur uniforme et centralisé du peuple suisse.
L’«initiative des dimanches», plus connue sous le nom d’initiative pour quatre
dimanches sans voitures, ne fait pas exception à la règle, en proposant ce qui
suit : «Un dimanche par saison, la population peut librement
disposer, de 04.00 à 24.00 heures, de toutes les places et voies publiques,
routes nationales comprises, qui seront fermées au trafic motorisé privé. Les
transports publics sont assurés.»
Les intentions des auteurs
de l’initiative sont excellentes. N’allez surtout pas croire qu’il s’agit
d’imposer des interdits, de porter atteinte à la liberté de déplacement ou
d’«emmernuyer» les propriétaires de résidences secondaires. Point du tout. Il
s’agit de contribuer à la protection de l’environnement, à une meilleure
qualité de vie, à la découverte par le bon peuple de nouvelles formes de
loisirs.
Il est
vrai qu’on ne peut s’empêcher de rêver. Songez à tous ces enfants qui pourront
enfin jouer sans risques dans les rues ou sur les autoroutes désertes à quatre
heures du matin; à toutes ces familles citadines qui, au lieu de prendre leur
voiture pour aller respirer l’air de la campagne ou de la montagne en fin de
semaine, découvriront enfin les beautés de leur ville; à toutes ces familles
campagnardes qui, au lieu de prendre leur voiture pour aller rendre visite à quelque parent ou s’offrir une
séance de cinéma en ville, pourront respirer l’air de la campagne quatre jours
de plus. C’est le paradis !
L’initiative
prévoit que «Le Conseil fédéral fixe par voie d’ordonnance, dans un
délai de neuf mois, les dispositions d’exécution et les dérogations à prévoir
dans l’intérêt du public.»
Ah !
bon ?En plus des bus, il y aura donc du monde motorisé dans les rues, sur
les routes et les autoroutes ?Des ambulances, des taxis, des touristes
étrangers qu’on n’aura pas osé
refouler aux frontières, des gens qui n’ont pas congé le dimanche et qui ne
disposent pas de transports publics pour se rendre à leur travail ? Mais
alors, il ne s’agit plus de quatre dimanches sans voitures, mais de quatre
dimanches avec moins de voitures et davantage de dangers pour les naïfs qui
s’imagineront qu’ils peuvent disposer en confiance de toutes les places et
voies publiques, routes nationales comprises, sans s’assurer d’abord qu’ils ne
risquent pas de se faire écraser.
L’un des
arguments des auteurs de l’initiative est que, en 1973, en pleine crise
pétrolière, l’interdiction de circuler le dimanche avait été introduite sans
difficulté. Il faut voir que le cas est complètement différent. D’une part, il
y a trente ans, le fait de ne pas posséder de voiture n’était pas encore une
rareté. Par ailleurs, il s’agissait justement d’une situation de crise et
chacun savait que, les mesures adoptées étant provisoires et dépourvues de tout
aspect idéologique, il convenait de les prendre du bon côté. Il en va tout
autrement aujourd’hui : la voiture est devenue «incontournable» et vouloir
en priver, ne serait-ce que quatre dimanches par année, sans que la pureté de
l’air et la qualité de vie en soient durablement améliorées, la quasi-totalité
des habitants de ce pays, revêt un caractère irréaliste, donc totalitaire, par
définition insupportable.
La seule vertu de cette initiative est de porter sur
la place publique un faux problème. Nous ne croyons pas que l’initiative sera
acceptée, mais, au moins, les Suisses auront l’occasion d’en débattre et de
faire savoir aux «écolos» qu’il faut qu’ils changent de cible.
Si nous n’étions pas respectueux des libertés individuelles,
si nous n’étions pas conscients du caractère inéluctable de certaines nuisances
dues à la «modernité», si nous étions visités par l’idée incongrue d’imposer
nos convictions personnelles à l’ensemble de nos concitoyens, nous aurions une
proposition à faire aux champions de la «qualité de vie», et pas pour
quatre dimanches par année seulement : demander l’interdiction des bruits
évitables dans les rues, dans les lieux et transports publics. Nous sommes las
de vivre dans un monde où le silence n’existe plus. Pourquoi faut-il donc qu’un
camion qui recule émette des «bips»; que les automobilistes klaxonnent à la
moindre erreur d’un autre usager; que les motards mettent sans nécessité un
maximum de gaz, comme s’ils avaient quelque chose à prouver; que les fêtards
hurlent dans les rues à n’importe quelle heure, sans souci des gens qui
essaient de dormir; que les détenteurs de téléphones dits portables nous
imposent à haute et intelligible voix leurs affaires privées ou
professionnelles en tous lieux ?
Pourquoi pas trois cent
soixante-cinq jours par an sans bruits inutiles ?
Le Pamphlet
La
décision tardive du Conseil fédéral d’interdire le Salon de l’horlogerie de
Bâle et Zurich aux exposants d’Asie du Sud-Est (Hongkong, Singapour et Vietnam)
a créé la stupeur et l’incompréhension. Les visiteurs ne sont pas touchés par
cette mesure. En outre, les exposants qui étaient déjà présents ont pu recevoir
leur clientèle dans un salon mis à leur disposition par leur hôtel, avant de
reprendre l’avion fâchés.
Quelque
383 stands vides, des centaines de partenaires commerciaux furieux, l’image de
la Confédération ternie en Asie par une décision qui ressemble fort à une
mesure de protectionnisme économique primaire, de probables demandes en justice
des exposants lésés par une mesure injustifiable, voilà le triste résultat de
l’incurie gouvernementale.
«André
Kudelski, membre du conseil d’administration de Swiss, croit au décollage de la
compagnie aérienne», titre 24 heures….
le 1er avril dernier !
Ah
bon !
L’initiative
«pour une santé à un prix abordable» nous promet des primes allégées dès
que les riches passeront à la caisse. En d’autres termes, si les gens très
fortunés restent en Suisse après qu’on aura fait passer leur prime mensuelle
d’assurance maladie de Fr. 600.- à Fr. 2'000.- ou à Fr. 20'000.- ou à Fr.
100'000.-, les lendemains chanteront pour les assurés modestes.
Selon
le même schéma, on pourrait faire payer tous les biens et services un prix
variable selon le revenu et la fortune : «Un pain tordu, siouplaît»…
«Vous avez votre bordereau fiscal… merci ! Pour vous, c’est vingt-cinq
francs quarante… merci, suivant !»
A ce
prix-là, les riches (qui sont beaucoup plus mobiles que nous) iront se faire
soigner à Monaco ou iront acheter leur pain à Evian. Et s’il n’y a personne
pour payer les primes plus élevées, qui pourra payer des primes plus
basses ?
C’est
maintenant officiel : c’est la CIA qui a fabriqué les faux documents
censés prouver que Saddam Hussein avait acheté 500 tonnes d’uranium au
gouvernement nigérien. Mais le faux était assez grossier puisque, daté
d’octobre 2000, il était signé du ministre des affaires étrangères nigérien
Alle Elhadj Habibou, lequel n’occupe plus cette fonction depuis 1989. Le faux
document portait en outre l’en-tête du Conseil militaire suprême… dissous en
1999 !
M.
George W. Bush a utilisé cette falsification pour justifier son attaque
«préventive» contre l’Irak. On sait d’autre part que le crime impardonnable
cité par tout le monde, le gazage des Kurdes à Halabja, en mars 1988, n’est
peut-être pas le fait de Saddam Hussein, comme l’a démontré M. Stephen
Pelletiere dans le Pamphlet de février dernier.
Comment
va-t-on justifier la destruction de Bagdad ?
Depuis
quelque temps, les journalistes romands, imitant leurs confrères alémaniques,
ont pris la déplorable habitude de désigner souvent les femmes plus ou moins célèbres dont ils nous
entretiennent par leur seul nom de famille. On nous parle de Metzler, de
Calmy-Rey, de Brunner ou de Maurer, comme s’il s’agissait de vieux copains
d’école. Les journalistes se croiraient-ils ringards s’ils faisaient précéder
les patronymes de ces dames de leur prénom ou d’un «Madame» du plus courtois
effet ?
Depuis
que le monde arabe est omniprésent dans la presse, on entend parler à tout
moment de Cheikh Machin ou de Cheikh Chose, comme si le mot «Cheikh» était un
banal prénom musulman. Or, ce terme désigne à l’origine un chef. C’est un
titre, fût-il honorifique dans certains cas. Il doit donc être précédé d’un
article. Imagine-t-on un reportage qui nous dirait que Reine Elizabeth a
rencontré Président Chirac et Premier ministre Raffarin en compagnie de Prince
de Galles et de Duc d’York ? Alors, pourquoi pas le Cheikh Untel ?
Dans
le même ordre d’idées, on lit quotidiennement que quelqu’un a enjoint quelqu’un
d’autre à faire quelque chose, au point qu’on est tout surpris de lire
rarissimement sous la plume d’un rédacteur que quelqu’un a enjoint à quelqu’un
d’autre de faire quelque chose.
Autre
hochet journalistique : tirer son épingle du jeu. Un footballeur a-t-il
réalisé une belle performance ? Il a magnifiquement tiré son épingle du
jeu. Quelle expression inventera-t-on pour expliquer que quelqu’un s’est retiré
d’une affaire avant qu’elle ne tourne mal ?
Notre
potaches ont quitté récemment les bancs d’école pour s’en aller manifester
contre la guerre en Irak. Les démagogues habituels se sont extasiés sur cette
magnifique jeunesse si consciente de ses responsabilités. Nous, on a bien ri en
apprenant que nos petits étaient fâchés de devoir, dans certains cas, affronter
des sanctions. Notre jeunesse citoyenne veut bien manifester, surtout par beau
temps. Quant à en assumer les conséquences… Tout de même, faut pas
pousser !
Elle s’appelait Cation, de Villars-Vollard, ce fut
la dernière sorcière brûlée vive en Suisse, à la charnière des XIXe
et XXe siècles. Ma grand-mère en avait été témoin. Longtemps, j’ai
considéré l’événement comme une ultime manifestation des procès en sorcellerie
de jadis… n’imaginant pas être à mon tour témoin de telles outrances. En
Afrique du Sud d’abord, où des «Kangaroo courts», tribunaux volants indigènes
en marge des tribunaux réguliers, condamnaient des sorciers à la lapidation… En
Europe ensuite, où, au XXIe siècle, des juges condamnent encore des
hommes à de la prison ferme au seul motif que ceux-ci se refusent ouvertement à
accepter béatement certains dogmes. S’appuyant sur un contexte pervers de
pensée unique et sous le prétexte paradoxal de défense de la démocratie et de ses
libertés, fleurissent un peu partout dans les pays européens des lois
inquisitoriales qui octroient aux présidents de cours le droit de «décréter»
l’Histoire et d’interdire toute contre-argumentation. Excluant par définition
les témoignages à décharge, ces lois se sont vu qualifier par leurs victimes,
mais aussi quelques juristes de bon sens, de «muselières»; terme, au demeurant,
mal adapté. Il ne s’agit pas d’empêcher de mordre ceux qui entendent
restituer à l’Histoire son indépendance, mais bien de les bâillonner.
Inévitablement, des parallèles ont été tirés avec certaines manifestations
patentes de censure tel le procès contre Galilée. Ces nouveaux inquisiteurs ne
peuvent pas même invoquer à titre de justification la sulfureuse «raison
d’Etat», car celle-ci prétend à la protection des intérêts supérieurs du pays,
ce qu’ils sont en mal de démontrer dans le cas des «lois-bâillons» qui
protègent des intérêts bien autres. Véritables aveux d’impuissance à combattre
une pensée redoutée par des moyens équitables, ces «lois» font la preuve de
leur inefficacité, à en juger par la montée en puissance des idées qu’elles
sont censées interdire, l’inévitable sympathie qu’elles attirent sur ceux qui
en sont les victimes et le nombre de procès qu’elles provoquent. Il serait tout
à l’honneur des démocraties modernes de les abolir. A défaut, et ce ne sera que
justice, les bâillons continueront à se muer en porte-voix.
Madame la Conseillère fédérale, Messieurs les
parlementaires,
Ayant appris avec stupéfaction, par l’excellent
«Ronchon»1 et le précédent numéro du «Pamphlet», vos efforts pour
bannir de nos cultures certains symboles qui semblent vous gêner, j’ai
l’honneur de vous prier par avance et en extrapolant quelque peu à titre de
précaution, de me dispenser des oukases suivants :
1.
1. Interdiction du chiffre 88 : il m’est
difficile de compter jusqu’à cent sans passer par ce nombre ; en outre,
basculé à 90° il représente deux fois l’infini, et tenter de limiter l’infini
est momentanément au-dessus de mes forces.
2.
2. Interdiction des lettres «A» et «H» accolées
en initiales : ce sont aussi celles de mon fils et je n’aimerais pas
devoir le faire débaptiser, au mieux, ou fusiller, au pire.
3.
3. Interdiction des lettres «L», «X», «V» et «I»
qui, prises en tant que chiffres romains peuvent constituer le nombre «L –
trois X – V et trois bâtons» ce qui évidemment me rendrait coupable
d’infraction à l’interdiction mentionnée au point 1. …sans doute aggravée
d’incitation à la violence. Au surplus, e..es ser.ent à sat.sfa.re un
.rrépress.ble beso.n de ..bre e.press.on.
4.
4. Interdiction de mots tels que «race»,
«métissage», «chrétien», «juif», «différence», «goy», «gentil», «bon»,
«mauvais», «pur», «sale», «blanc», «noir», «jaune», «rouge» …– indépendamment
ou associés –, qui servent à satisfaire le même besoin qu’au point 3.
5.
5. Interdiction du swastika : …pour une
foultitude de raisons «dont chaque est suffisante seule»2 :
d’abord, cela nuirait grandement à mon hypothétique future collection d’art
tibétain. Ensuite, je ne puis me résoudre à castrer le cadeau d’un ami sous
prétexte que la dérive de son «Messerschmitt» est rehaussée d’une croix gammée.
Enfin, je n’ai pas l’intention d’abandonner mon portefeuille orné d’une «Croix
allemande en or» comportant en son centre une «Hakenkreuz» d’une taille si
conséquente qu’elle fut surnommée par les gouailleurs du front «insigne du
Parti pour myopes»… tout simplement parce que je trouve cette décoration
esthétiquement plaisante.
A défaut, je me verrai contraint, en vertu du
principe fondamental (et probablement démocratique) de l’égalité devant la loi,
de demander l’interdiction de tous autres symboles porteurs de signification
idéologique, politique, religieuse, voire ésotérique tels que : croix de
Saint André, croix de Saint Louis, croix de Dantzig, de Lorraine, de Jérusalem
ou d’ailleurs, croix ansée, croix élongée, «croix des vaches», triskèle, étoiles
à cinq branches (ou plus), croissant (doré ou au beurre), fleur de lys, gamma,
faucille, marteau, compas, équerre, tablier, cagoule (tout court, de pénitents
blancs ou du KKK), salut (romain, fasciste, national-socialiste, poing levé,
militaire), main sur le cœur (à l’américaine) – j’en passe, et des meilleurs.
En vertu de quoi, vous ne disposeriez plus, dans le catalogue des symboles à
peu près inoffensifs, que du bonnet d’âne laïc et égalitaire.
Persuadé que vous saurez mieux unir vos énergies
pour vous attaquer enfin à des problèmes plus réels et plus essentiels […formule
de politesse - signature].
Tendre, drôle et dérisoire, ce film est un éloge de
la compassion dans le cadre de la guerre, cette connerie. C’est joué juste, par
des acteurs parfaits qui incarnent de braves types, tous héros par erreur et
humains par nature. Dans la grisaille glauque et pluvieuse d’une petite ville
de France occupée, un clown las en vert-de-gris sauve la vie de quatre otages
français. Un adolescent apprend à estimer son père en découvrant le pouvoir
d’un nez rouge lorsque la vie devient par trop absurde. A la fin, la salle
applaudit ce chef d’œuvre de Jean Becker.
Au moment où ces lignes sont écrites (4.4.2003) les
troupes US sont aux faubourgs de Bagdad et auraient la maîtrise de l’aéroport
International Saddam Hussein. Nombre de journalistes ont imaginé la bataille
qui commence comme «un nouveau Stalingrad». En fait, l’attaque de la
capitale irakienne s’apparenterait plutôt à la bataille de Berlin :
bombardements massifs et pilonnages d’artillerie en toute impunité pour
l’attaquant ; absence d’arrières et de possibilités de renforcement pour
le défenseur, contraint d’engager aux côtés de sa Garde républicaine des
combattants très âgés ou très jeunes… Comme pour la capitale allemande, la
maîtrise du ciel et l’énorme capacité matérielle et logistique, sans compter
une évidente disproportion technologique en faveur du prédateur devraient finir
par l’emporter sur la volonté sacrée de défense de la Patrie de sa proie. Mais
il n’est pas du tout certain que les Américains, leurs alliés anglais et
australiens et leur autre partenaire («silencieux» mais
omniprésent) l’emportent à long terme. La charge de haine et surtout de mépris
accumulée sur leurs têtes au niveau mondial, toutes confessions confondues, par
les «grands philanthropes exportateurs de démocratie» risque de peser lourd sur
le futur du gang : à la différence des businessmen sans scrupules, l’Histoire
est patiente, qui présente l’addition à point nommé. En écrasant – à peu de
frais – un Irak dont ils avaient préalablement exigé et obtenu (!) le
désarmement par le biais d’une instance supra-étatique de maintien de la paix –
ce qui est un fait unique dans les annales de la duplicité –, les coalisés sont
peut être allés une guerre trop loin…
1 «La Nation» du 21.3.2003, n° 1702, p. 4.
2 Cyrano, merci !
«Il n'est plus d'ordre à sauver; il
faut en refaire un»
Pierre Drieu La Rochelle : Genève ou
Moscou, 1928.
Un mouvement de juristes suisses s'est créé,
Trial, que soutient l'ancien Procureur de la République de Genève, Bernard
Bertossa, en vue de poursuivre en Suisse les auteurs, puissants et étrangers,
de crimes graves commis hors de notre territoire et ne concernant pas des
ressortissants suisses. La Belgique s'est déjà ridiculisée en se dotant d'une
Cour pénale à compétence universelle pour réprimer les crimes de guerre et les
crimes contre l'humanité. Marcherons-nous dans la même direction ?
Ces juristes rêvent, mais ce rêve n'est, au fond, qu'un calcul…Deux
objections se lèvent aussitôt contre un tel projet : d'abord, il ne faut jamais
se donner une compétence répressive sans avoir la certitude de pouvoir
l'appliquer uniformément, quelle que soit la puissance de l'Etat où sévit le
criminel, condition que, de toute évidence, la Suisse ne saurait remplir; secondement,
pour que cette répression soit crédible moralement, il ne faut pas qu'elle
contredise une impunité criminelle à l'intérieur du pays et quand bien même il
ne s'agirait pas de crimes aussi graves que ceux qu'elle entend réprimer.
Comment croire, en effet, à la sincérité humanitaire d'hommes de loi
qui, tentant ce qu'ils tentent et pensant ce qu'ils pensent, persistent
néanmoins à assurer le plus fermement du monde l'impunité de magistrats suisses
de l'ordre judiciaire qui, jusqu'à l'instance suprême du Tribunal fédéral,
sciemment, font fléchir le droit et commettent dans l'exercice de leur fonction
des crimes réprimés explicitement par notre code pénal, à l'article 312 (abus
d'autorité), systématiquement et par principe soustraits à la poursuite en leur
seule faveur.
La réalité d'une activité criminelle de juges en Suisse, à tous niveaux
de juridiction, la réalité de leur soustraction à toute poursuite pénale, nous
oblige à affirmer que l'initiative de l'association Trial, si elle n'est pas un
leurre, n'est cependant qu'un dérivatif masquant une réelle démission des
hommes de loi en Suisse face au phénomène occulté d'une véritable délinquance
judiciaire. Dans «L'intelligence en péril de mort», le professeur Marcel De
Corte fait cette observation capitale sur le nouveau clivage social qui
s'impose de manière absolue sur nos sociétés après l'effacement des anciennes
classes dirigeantes traditionnelles, et du clergé :
«Une société à deux compartiments imperméables est en train de naître
sous nos yeux de la décomposition de la société d'Ancien Régime, -- dont les
ultimes réserves vitales, naguère encore éparses, sont aujourd'hui quasiment
épuisées.
La société sans classes dont rêvait la démocratie et cette logique
vivante de la démocratie qu'est le communisme, sont le rideau de fumée qui
masque l'ascension de la caste la plus despotique que l'histoire aura jamais
connue, CASTE SANS CŒUR, SANS ÂME, SANS VIE SPIRITUELLE, COMPOSEE
D'INDIVIDUS DONT L'INTELLIGENCE RESTREINTTE A SA SEULE DIMENSION TECHNIQUE EST
L'ESCLAVE D'UNE VOLONTE DE PUISSANCE DEMESUREE» (Souligné dans le texte)[1][1]
Le totalitarisme démocratique n'a plus besoin du mythe communiste pour
s'imposer par les masses. Il fait beaucoup mieux : isoler les hommes d'élite,
les marginaliser, les ridiculiser, les réduire à l'indigence matérielle en
faisant silence sur chacun de ces crimes avec la complicité d'une presse et
d'une édition asservies totalement à la puissance de l'argent.
Une telle
«société» n'a plus besoin de dictateurs sanguinaires dont le ridicule est
laissé aux pays prolétaires d'Afrique, d'Asie ou d'Amérique latine. Elle n'a
besoin que de petits mufles carriéristes, que tous les partis politiques
fabriquent naturellement, toutes tendances confondues. Leurs crimes, pourvu
qu'ils soient et restent non sanglants, non apparents, échapperont toujours à
l'attention des masses, ne seront
l'objet d'aucune investigation de la part d'un clergé dégradé et habitué depuis
le dernier Concile œcuménique du Vatican à la pratique d'une pensée molle,
infiniment docile aux puissants dès lors qu'ils sont proches… non plus que de
la part des intellectuels, tout aussi corrompus et avilis que la classe
politique et, par conséquent, complices de ses silences les plus intéressés.
Et tel est bien l'état social des Suisses aujourd'hui !
Il n'y a vraiment pas de quoi donner des leçons de morale à quiconque,
qu'il soit d'Afrique ou d'Asie, musulman ou animiste.
Michel
de Preux
Mon article du Pamphlet
no 323 sur Armée XXI a suscité des réactions diverses allant de
l’approbation totale à la critique courtoise, en passant par l’apport
d’informations. J’ai pu constater à cette occasion que le manichéisme que je
déplorais en mars n’a pas cours chez nos lecteurs, ce dont je me réjouis. Merci
à tous ceux qui se sont manifestés.
Il
ressort notamment de ce que j’ai entendu et lu de la part de gens compétents et
bien informés qu’il est excessif
d’exiger des preuves dans des domaines soumis à des changements
constants, qu’il est abusif de prétendre que la Confédération dépense des
milliards dans des opérations de prestige1, que le Conseil fédéral
n’envisage nullement une adhésion de la Suisse à l’OTAN, que la neutralité se
porte mieux que naguère du fait du conflit irakien et qu’il est raisonnable de
penser qu’il n’y aura pas de guerre européenne dans un proche avenir.
Ces
arguments – la liste n’est pas exhaustive – ne sont pas nouveaux. Ce qui est
nouveau pour moi, c’est qu’ils émanent de gens qu’on ne peut en aucun cas
suspecter de ne pas placer l’intérêt du pays au centre de leurs préoccupations,
qui n’ont aucun avantage personnel, politique ou carriériste à défendre – non
sans quelques réticences, d’ailleurs – le projet qu’on nous propose, bref de
gens qui se placent au-dessus de la mêlée et visent à l’objectivité. On est
loin du sectarisme du Colonel Froidevaux.
Dois-je
voter oui le 18 mai au motif que des gens que j’estime et en qui j’ai confiance
m’incitent à le faire ? Cela me simplifierait la vie. L’ennui, c’est que
d’autres gens que j’estime tout autant et en qui j’ai confiance aussi tiennent
un autre langage. Que choisir ? Que ne pas choisir ?
Il y a
un point sur lequel tout le monde est d’accord : Armée 95 est / a
toujours été / est devenue une catastrophe. On pourrait penser, dès lors, qu’Armée
XXI constituant de toute façon un progrès, il faut l’accepter, au
pire, pour cette seule raison. Ce qui me dérange dans cette manière de voir,
c’est qu’on nous met en main un marché qui ressemble fort à une menace : si une
majorité de votants rejettent Armée XXI, l’armée suisse continuera à
croupir dans Armée 95. Est-ce inéluctable ? Ne peut-on envisager de
remettre l’ouvrage sur le métier en tirant les leçons de la votation ?
Cela prendrait beaucoup de temps et coûterait beaucoup d’argent ? Ne
plaisantons pas : il ne s’agirait pas de repartir à zéro. De nombreux
éléments du projet sur lequel nous devons nous prononcer pourraient être
conservés, car personne ne prétend qu’il ne comporte que des défauts. Par
ailleurs, à moins d’admettre qu’Armée XXI est la forme ultime de la
perfection militaire, il faudra bien qu’on consacre du temps et de l’argent à
en corriger les inévitables défauts, à l’adapter aux situations nouvelles qui
ne manqueront pas de se présenter et peut-être même à la réformer de nouveau
complètement d’ici quelques années. Rien ne prouve que la nouvelle armée se
révélera à l’usage aussi performante qu’on nous le promet. La presse ne
vient-elle pas de nous annoncer que les «coalisés» anglo-américains se voyaient
contraints, compte tenu de la résistance inattendue des Irakiens, d’en revenir,
au moins partiellement, à une guerre plus traditionnelle ? Non,
décidément, la piètre qualité d’Armée 95 n’est pas un bon argument. Et
moi, je ne sais toujours pas ce qu’il faut voter.
Que
c’est donc ennuyeux d’être patriote ! Ah ! si je me sentais
«citoyenne du monde», si je militais pour la «grande famille humaine» qu’il
convient de protéger des guerres en supprimant les armées, je ne serais pas en
train de vous enquiquiner avec mes états d’âme ! Hélas ! On ne se
refait pas.
Mon
problème n’est donc pas résolu. Mais une chose est sûre : au moment de
voter, j’aurai une pensée vengeresse pour le sublime Kaspar Villiger, père d’Armée
95, qui nous a mis dans la pétaudière.
Mariette Paschoud
1 Là, je ne suis pas
d’accord : Expo.02 et Swiss me sont restés sur l’estomac.
A
chaque fois qu’un malfaiteur est blessé par un projectile tiré par la police,
ou qu’il perd le contrôle du véhicule qu’il a volé lors de sa fuite, la presse
tout émoustillée titre «Bavure policière» à la une.
On
se penche avec commisération sur le pauvre brigand blessé et sa famille vient
répéter comme il est un bon fils, un bon époux, un bon père, comme il
travaillait sans relâche à soulager les vieilles de leurs économies superflues
pour grossir les siennes, et comme il est injuste qu’un Rambo au petit pied
vienne priver toute une famille de son seul soutien financier.
Cette
fois, à Genève, c’est une vraie bavure.
La
bavure, ce n’est pas qu’une grosse bedoume se soit pris un coup de projectile à
peinture dans la bobine ni que son crétin de fils ait reçu un ou deux coups de
matraque : quand on va manifester en ville, on prend déjà quelques risques
et quand on lance des bouteilles de bière contre les policiers, on prend des
risques nettement plus importants.
A
voir les photos de la dame, on avait déjà compris qu’elle n’était probablement
pas très futée. En l’entendant se plaindre de n’avoir pas encore reçu des
excuses, on se convainc qu’elle est en outre assez culottée. Mais compte
tenu de la veulerie de nos politiciens, elle les obtiendra sans doute, et avec
des fleurs !
La
bavure, ce n’est pas ça !
Ce
qui me fait souci, c’est que le commandement de la police de Genève a nié
pendant trois jours sa responsabilité dans cette affaire, et qu’il était
sans doute de parfaite bonne foi !
Cela
signifie, à l’évidence, que le commandement de la police de Genève ignore
quelles sont les armes et les marqueurs utilisés par les forces de l’ordre lors
des manifestations, et qu’il ignore même, peut-être, quelles sont les armes que
la police possède !
Peut-être
aura-t-on découvert, lorsque ce numéro du Pamphlet paraîtra, que le
fameux fusil PN 303 était une arme acquise aux Etats-Unis via Internet à titre
privé par des policiers perfectionnistes et déçus du manque de moyens mis à
leur disposition par la République, avec la complicité de certains officiers…
J’ai
entendu Mme Micheline Spoerri sur les ondes de la radio suisse romande lundi
matin 7 avril. La dame a été consternante de médiocrité : pour elle, le
problème principal de cette affaire est un défaut de communication et
elle estime pouvoir rétablir la confiance de la population en sa police et de
la police en ses chefs par le quasi-limogeage de son chef M. Christian Coquoz.
Dans un français approximatif, Mme la Conseillère
d’Etat chef du département de justice et police porte sur son ex-subordonné
l’appréciation suivante : «Il n’était pas une homme de terrain, il
n’était pas un homme proche de ses hommes, et il faut reconnaître que ceci (sic)
n’est pas une condition tout à fait idéale (resic) dans la conduite de
l’institution policière».
S’il
occupait cette fonction, c’est bien parce que le Conseil d’Etat l’avait choisi,
de préférence à d’autres candidats issus du sérail, hommes de terrain proches
de leurs subordonnés. C’était bien la peine de confier la police à un «brillant
juriste» pour le lâcher à la première difficulté !
La
triste réalité, c’est que, depuis le départ de l’excellent Gérard Ramseyer, la
police sait que les politiciens ne la soutiendront pas, que le manifestant,
pacifique ou violent, aura toujours raison contre elle et qu’elle devra à
chaque coup présenter ses excuses si le lanceur de pavés ou de bouteilles de
bière a reçu un coup de matraque ou un projectile marqueur dans la confusion
créée par ses propres soins.
Avec
l’arrivée du G8 à Evian, la chienlit sera totale : les effectifs
policiers, déjà notoirement insuffisants en temps ordinaire, vont se révéler
gravement déficitaires. On a fait appel à l’armée. Mais le maintien de l’ordre
en zone urbaine est un métier que les miliciens ne maîtrisent pas, même s’ils
font partie des troupes territoriales. Et il ne sera moralement pas facile,
pour ces soldats, de protéger les locaux de l’ambassade des Etats-Unis ou de la
Grande-Bretagne au risque de devoir arroser de gaz lacrymogène ou marquer de
pétards rouges les vêtements des gentils manifestants pacifistes, venus
«libérer» le personnel diplomatique et consulaire grâce à des frappes
chirurgicales à la batte de baseball ou à la cannette de Heineken.
Pour
maintenir l’ordre, il faudra des hommes entraînés, pondérés, confiants dans la
légitimité de leur mission et surtout en leurs chefs, une tactique habile, une
psychologie acérée.
Pour
l’instant qu’avons-nous ? A Genève, une Micheline Spoerri qui bloque
l’information et bafouille à la RSR, une police sans chef[2][2] ou avec un chef qui sera en fonction, à
ce moment, depuis 6 semaines; dans le canton de Vaud un Eric Lehmann qui a raté
presque tout ce qu’il a entrepris, journalisme, commerce de vins et courses de
montagne, et qui a tenté de faire porter à d’autres la responsabilité de ses
échecs.
Décidément,
ça promet pour fin mai !
Même
l’ASLOCA ne croit plus à l’opportunité de son initiative «pour des loyers
loyaux» sur laquelle nous voterons le 18 mai, mais concentre son énergie
sur la campagne visant à lutter contre le texte adopté par les Chambres
fédérales et sur lequel nous nous prononcerons le 30 novembre, puisque le
réféfendum a largement abouti.
L’initiative
«pour des loyers loyaux» a le grand tort de permettre des variations du
loyer en raison de l’évolution du taux hypothécaire moyen, lissé sur 5
ans, alors même que ce taux est aujourd’hui si bas en Suisse qu’il n’évoluera
ces prochaines années, vraisemblablement, qu’à la hausse. De ce seul point de
vue, l’acceptation de l’initiative par les locataires représenterait une sorte
d’auto-goal.
Comme
les taux hypothécaires dits «de référence» ne signifient aujourd’hui plus
grand-chose, puisque chaque propriétaire obtient de sa banque un taux
personnalisé, fonction de critères très divers, les locataires aussi bien que
les propriétaires se sont entendus aujourd’hui pour que les variations du loyer
ne dépendent plus de ce taux, mais seulement de l’indice suisse des prix
(répercussion totale) et des éventuelles prestations supplémentaires.
Le
nouveau droit du bail tel qu’il a été adopté par les Chambres le 13 décembre
2002 est nettement meilleur que l’initiative, mais pas aussi bon, néanmoins,
que le projet qui avait recueilli l’adhésion en 2002 des partenaires sociaux,
dit à tort «solution romande», et qu’on pourrait peut-être voir
ressurgir en cas de double rejet, de l’initiative ASLOCA le 18 mai et de la loi
fédérale le 30 novembre.
Il
faut voter NON à l’initiative de l’ASLOCA !
C.P.
Encore quelques exemplaires !
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[1][1] Professeur émérite à l'université de
Liège, éd. DISMAS B - 1302 Dion-Valmont, chap. 1er : Les
intellectuels et l'utopie, page 83. (1987).
[2][2] pour nous rassurer sur le peu de conséquences de la démission de M. Coquoz sur le dispositif policier pendant le G8, on nous dit qu’il avait, dans ce dispositif, peu de responsabilités.
Cela ne me rassure pas. Si le chef de la police de Genève avait «peu de responsabilités» dans le dispositif de maintien de l’ordre lors du prochain sommet, qui diable en a ? Mme Spoerri ? Brrr !