Lausanne 33e année      «ne pas subir»       Avril  2003 No 324

 

Sommaire :

       

Editorial

L’éditorialiste dresse le catalogue des initiatives populaires soumises au peuple suisse le 18 mai et constate que chacune d’entre elles se fonde sur de bonnes intentions… et déboucherait inévitablement sur des restrictions, des interdits, et des surcoûts.

L’auteur épingle plus particulièrement l’initiative «des dimanches»

 

Bricoles

Interdiction des exposants asiatiques à la foire de l’horlogerie ; poisson d’avril chez Kudelski :

faire payer les riches ; les mensonges de la CIA ; impolitesse et ignorance.

 

En direct de Sirius

Max évoque le supplice des sorcières en traitant des «lois-bâillons». Il écrit à Mme Metzler. Il donne son avis sur un film de Jean Becker et sur la fin de la guerre d’Irak-

 

L’imposture par le droit

Les gesticulations d’une association de juristes visant des criminels étrangers ne sont-elles destinées qu’à masquer les abus de pouvoir commis par des juges bien helvétiques ?

 

Perplexité

Armée XXI plonge Mariette Paschoud dans la perplexité : il y a des gens intelligents et des patriotes dans les deux camps !

 

Bavures

La «bavure» principale, dans l’affaire du fusil marqueur de la police, c’est qu’on a le sentiment que la police n’est pas commandée.

 

Loyers loyaux

L’initiative «pour des loyers loyaux», l’ASLOCA n’y croit plus vraiment…

 

Collection reliée

 

 

Editorial

 

Tout le monde le sait : le chemin de l’enfer est pavé de bonnes intentions. Ce proverbe s’applique à toutes les initiatives sur lesquelles nous voterons le 18 mai. Toutes sont sous-tendues par des idées nobles, qu’il s’agisse d’améliorer le sort des handicapés, de protéger les locataires, de nous épargner les dangers du nucléaire ou d’établir une plus grande justice sociale en matière de primes d’assurance maladie. Toutes prétendent instaurer, par le biais d’un article constitutionnel fédéral, le bonheur uniforme et centralisé du peuple suisse. L’«initiative des dimanches», plus connue sous le nom d’initiative pour quatre dimanches sans voitures, ne fait pas exception à la règle, en proposant ce qui suit : «Un dimanche par saison, la population peut librement disposer, de 04.00 à 24.00 heures, de toutes les places et voies publiques, routes nationales comprises, qui seront fermées au trafic motorisé privé. Les transports publics sont assurés.»

 

  Les intentions des auteurs de l’initiative sont excellentes. N’allez surtout pas croire qu’il s’agit d’imposer des interdits, de porter atteinte à la liberté de déplacement ou d’«emmernuyer» les propriétaires de résidences secondaires. Point du tout. Il s’agit de contribuer à la protection de l’environnement, à une meilleure qualité de vie, à la découverte par le bon peuple de nouvelles formes de loisirs.

 

  Il est vrai qu’on ne peut s’empêcher de rêver. Songez à tous ces enfants qui pourront enfin jouer sans risques dans les rues ou sur les autoroutes désertes à quatre heures du matin; à toutes ces familles citadines qui, au lieu de prendre leur voiture pour aller respirer l’air de la campagne ou de la montagne en fin de semaine, découvriront enfin les beautés de leur ville; à toutes ces familles campagnardes qui, au lieu de prendre leur voiture pour aller rendre  visite à quelque parent ou s’offrir une séance de cinéma en ville, pourront respirer l’air de la campagne quatre jours de plus. C’est le paradis !

 

  L’initiative prévoit que «Le Conseil fédéral fixe par voie d’ordonnance, dans un délai de neuf mois, les dispositions d’exécution et les dérogations à prévoir dans l’intérêt du public.»

 

  Ah ! bon ?En plus des bus, il y aura donc du monde motorisé dans les rues, sur les routes et les autoroutes ?Des ambulances, des taxis, des touristes étrangers qu’on n’aura  pas osé refouler aux frontières, des gens qui n’ont pas congé le dimanche et qui ne disposent pas de transports publics pour se rendre à leur travail ? Mais alors, il ne s’agit plus de quatre dimanches sans voitures, mais de quatre dimanches avec moins de voitures et davantage de dangers pour les naïfs qui s’imagineront qu’ils peuvent disposer en confiance de toutes les places et voies publiques, routes nationales comprises, sans s’assurer d’abord qu’ils ne risquent pas de se faire écraser.

 

  L’un des arguments des auteurs de l’initiative est que, en 1973, en pleine crise pétrolière, l’interdiction de circuler le dimanche avait été introduite sans difficulté. Il faut voir que le cas est complètement différent. D’une part, il y a trente ans, le fait de ne pas posséder de voiture n’était pas encore une rareté. Par ailleurs, il s’agissait justement d’une situation de crise et chacun savait que, les mesures adoptées étant provisoires et dépourvues de tout aspect idéologique, il convenait de les prendre du bon côté. Il en va tout autrement aujourd’hui : la voiture est devenue «incontournable» et vouloir en priver, ne serait-ce que quatre dimanches par année, sans que la pureté de l’air et la qualité de vie en soient durablement améliorées, la quasi-totalité des habitants de ce pays, revêt un caractère irréaliste, donc totalitaire, par définition insupportable.

 

La seule vertu de cette initiative est de porter sur la place publique un faux problème. Nous ne croyons pas que l’initiative sera acceptée, mais, au moins, les Suisses auront l’occasion d’en débattre et de faire savoir aux «écolos» qu’il faut qu’ils changent de cible.

 

 Si nous n’étions pas respectueux des libertés individuelles, si nous n’étions pas conscients du caractère inéluctable de certaines nuisances dues à la «modernité», si nous étions visités par l’idée incongrue d’imposer nos convictions personnelles à l’ensemble de nos concitoyens, nous aurions une proposition à faire aux champions de la «qualité de vie», et pas pour quatre dimanches par année seulement : demander l’interdiction des bruits évitables dans les rues, dans les lieux et transports publics. Nous sommes las de vivre dans un monde où le silence n’existe plus. Pourquoi faut-il donc qu’un camion qui recule émette des «bips»; que les automobilistes klaxonnent à la moindre erreur d’un autre usager; que les motards mettent sans nécessité un maximum de gaz, comme s’ils avaient quelque chose à prouver; que les fêtards hurlent dans les rues à n’importe quelle heure, sans souci des gens qui essaient de dormir; que les détenteurs de téléphones dits portables nous imposent à haute et intelligible voix leurs affaires privées ou professionnelles en tous lieux ?

 

Pourquoi pas trois cent soixante-cinq jours par an sans bruits inutiles ?

 

 

Le Pamphlet

 

 

Bricoles

 

Incident diplomatique

 

La décision tardive du Conseil fédéral d’interdire le Salon de l’horlogerie de Bâle et Zurich aux exposants d’Asie du Sud-Est (Hongkong, Singapour et Vietnam) a créé la stupeur et l’incompréhension. Les visiteurs ne sont pas touchés par cette mesure. En outre, les exposants qui étaient déjà présents ont pu recevoir leur clientèle dans un salon mis à leur disposition par leur hôtel, avant de reprendre l’avion fâchés.

 

Quelque 383 stands vides, des centaines de partenaires commerciaux furieux, l’image de la Confédération ternie en Asie par une décision qui ressemble fort à une mesure de protectionnisme économique primaire, de probables demandes en justice des exposants lésés par une mesure injustifiable, voilà le triste résultat de l’incurie gouvernementale.

 

Aviation

 

«André Kudelski, membre du conseil d’administration de Swiss, croit au décollage de la compagnie aérienne», titre 24 heures…. le 1er avril dernier !

 

Ah bon !

 

 

Faire payer les riches

 

L’initiative «pour une santé à un prix abordable» nous promet des primes allégées dès que les riches passeront à la caisse. En d’autres termes, si les gens très fortunés restent en Suisse après qu’on aura fait passer leur prime mensuelle d’assurance maladie de Fr. 600.- à Fr. 2'000.- ou à Fr. 20'000.- ou à Fr. 100'000.-, les lendemains chanteront pour les assurés modestes.

 

Selon le même schéma, on pourrait faire payer tous les biens et services un prix variable selon le revenu et la fortune : «Un pain tordu, siouplaît»… «Vous avez votre bordereau fiscal… merci ! Pour vous, c’est vingt-cinq francs quarante… merci, suivant !»

 

A ce prix-là, les riches (qui sont beaucoup plus mobiles que nous) iront se faire soigner à Monaco ou iront acheter leur pain à Evian. Et s’il n’y a personne pour payer les primes plus élevées, qui pourra payer des primes plus basses ?

 

 

Le mensonge de la CIA

 

C’est maintenant officiel : c’est la CIA qui a fabriqué les faux documents censés prouver que Saddam Hussein avait acheté 500 tonnes d’uranium au gouvernement nigérien. Mais le faux était assez grossier puisque, daté d’octobre 2000, il était signé du ministre des affaires étrangères nigérien Alle Elhadj Habibou, lequel n’occupe plus cette fonction depuis 1989. Le faux document portait en outre l’en-tête du Conseil militaire suprême… dissous en 1999 !

 

M. George W. Bush a utilisé cette falsification pour justifier son attaque «préventive» contre l’Irak. On sait d’autre part que le crime impardonnable cité par tout le monde, le gazage des Kurdes à Halabja, en mars 1988, n’est peut-être pas le fait de Saddam Hussein, comme l’a démontré M. Stephen Pelletiere dans le Pamphlet de février dernier.

 

Comment va-t-on justifier la destruction de Bagdad ?

 

Impolitesse

 

Depuis quelque temps, les journalistes romands, imitant leurs confrères alémaniques, ont pris la déplorable habitude de désigner  souvent les femmes plus ou moins célèbres dont ils nous entretiennent par leur seul nom de famille. On nous parle de Metzler, de Calmy-Rey, de Brunner ou de Maurer, comme s’il s’agissait de vieux copains d’école. Les journalistes se croiraient-ils ringards s’ils faisaient précéder les patronymes de ces dames de leur prénom ou d’un «Madame» du plus courtois effet ?

 

Ignorance

 

Depuis que le monde arabe est omniprésent dans la presse, on entend parler à tout moment de Cheikh Machin ou de Cheikh Chose, comme si le mot «Cheikh» était un banal prénom musulman. Or, ce terme désigne à l’origine un chef. C’est un titre, fût-il honorifique dans certains cas. Il doit donc être précédé d’un article. Imagine-t-on un reportage qui nous dirait que Reine Elizabeth a rencontré Président Chirac et Premier ministre Raffarin en compagnie de Prince de Galles et de Duc d’York ? Alors, pourquoi pas le Cheikh Untel ?

 

Ignorance bis

 

Dans le même ordre d’idées, on lit quotidiennement que quelqu’un a enjoint quelqu’un d’autre à faire quelque chose, au point qu’on est tout surpris de lire rarissimement sous la plume d’un rédacteur que quelqu’un a enjoint à quelqu’un d’autre de faire quelque chose.

 

Autre hochet journalistique : tirer son épingle du jeu. Un footballeur a-t-il réalisé une belle performance ? Il a magnifiquement tiré son épingle du jeu. Quelle expression inventera-t-on pour expliquer que quelqu’un s’est retiré d’une affaire avant qu’elle ne tourne mal ?

 

Responsabilité

 

Notre potaches ont quitté récemment les bancs d’école pour s’en aller manifester contre la guerre en Irak. Les démagogues habituels se sont extasiés sur cette magnifique jeunesse si consciente de ses responsabilités. Nous, on a bien ri en apprenant que nos petits étaient fâchés de devoir, dans certains cas, affronter des sanctions. Notre jeunesse citoyenne veut bien manifester, surtout par beau temps. Quant à en assumer les conséquences… Tout de même, faut pas pousser !

 

 

 

 

En direct de Sirius

 

De bâillons en porte-voix

 

Elle s’appelait Cation, de Villars-Vollard, ce fut la dernière sorcière brûlée vive en Suisse, à la charnière des XIXe et XXe siècles. Ma grand-mère en avait été témoin. Longtemps, j’ai considéré l’événement comme une ultime manifestation des procès en sorcellerie de jadis… n’imaginant pas être à mon tour témoin de telles outrances. En Afrique du Sud d’abord, où des «Kangaroo courts», tribunaux volants indigènes en marge des tribunaux réguliers, condamnaient des sorciers à la lapidation… En Europe ensuite, où, au XXIe siècle, des juges condamnent encore des hommes à de la prison ferme au seul motif que ceux-ci se refusent ouvertement à accepter béatement certains dogmes. S’appuyant sur un contexte pervers de pensée unique et sous le prétexte paradoxal de défense de la démocratie et de ses libertés, fleurissent un peu partout dans les pays européens des lois inquisitoriales qui octroient aux présidents de cours le droit de «décréter» l’Histoire et d’interdire toute contre-argumentation. Excluant par définition les témoignages à décharge, ces lois se sont vu qualifier par leurs victimes, mais aussi quelques juristes de bon sens, de «muselières»; terme, au demeurant, mal adapté. Il ne s’agit pas d’empêcher de mordre ceux qui entendent restituer à l’Histoire son indépendance, mais bien de les bâillonner. Inévitablement, des parallèles ont été tirés avec certaines manifestations patentes de censure tel le procès contre Galilée. Ces nouveaux inquisiteurs ne peuvent pas même invoquer à titre de justification la sulfureuse «raison d’Etat», car celle-ci prétend à la protection des intérêts supérieurs du pays, ce qu’ils sont en mal de démontrer dans le cas des «lois-bâillons» qui protègent des intérêts bien autres. Véritables aveux d’impuissance à combattre une pensée redoutée par des moyens équitables, ces «lois» font la preuve de leur inefficacité, à en juger par la montée en puissance des idées qu’elles sont censées interdire, l’inévitable sympathie qu’elles attirent sur ceux qui en sont les victimes et le nombre de procès qu’elles provoquent. Il serait tout à l’honneur des démocraties modernes de les abolir. A défaut, et ce ne sera que justice, les bâillons continueront à se muer en porte-voix.

 

Lettre ouverte à ces politiciens (-ciennes) qui nous maternent tant

 

Madame la Conseillère fédérale, Messieurs les parlementaires,

Ayant appris avec stupéfaction, par l’excellent «Ronchon»1 et le précédent numéro du «Pamphlet», vos efforts pour bannir de nos cultures certains symboles qui semblent vous gêner, j’ai l’honneur de vous prier par avance et en extrapolant quelque peu à titre de précaution, de me dispenser des oukases suivants :

 

1.     1.     Interdiction du chiffre 88 : il m’est difficile de compter jusqu’à cent sans passer par ce nombre ; en outre, basculé à 90° il représente deux fois l’infini, et tenter de limiter l’infini est momentanément au-dessus de mes forces.

2.     2.     Interdiction des lettres «A» et «H» accolées en initiales : ce sont aussi celles de mon fils et je n’aimerais pas devoir le faire débaptiser, au mieux, ou fusiller, au pire.

3.     3.     Interdiction des lettres «L», «X», «V» et «I» qui, prises en tant que chiffres romains peuvent constituer le nombre «L – trois X – V et trois bâtons» ce qui évidemment me rendrait coupable d’infraction à l’interdiction mentionnée au point 1. …sans doute aggravée d’incitation à la violence. Au surplus, e..es ser.ent à sat.sfa.re un .rrépress.ble beso.n de ..bre e.press.on.

4.     4.     Interdiction de mots tels que «race», «métissage», «chrétien», «juif», «différence», «goy», «gentil», «bon», «mauvais», «pur», «sale», «blanc», «noir», «jaune», «rouge» …– indépendamment ou associés –, qui servent à satisfaire le même besoin qu’au point 3.

5.     5.     Interdiction du swastika : …pour une foultitude de raisons «dont chaque est suffisante seule»2 : d’abord, cela nuirait grandement à mon hypothétique future collection d’art tibétain. Ensuite, je ne puis me résoudre à castrer le cadeau d’un ami sous prétexte que la dérive de son «Messerschmitt» est rehaussée d’une croix gammée. Enfin, je n’ai pas l’intention d’abandonner mon portefeuille orné d’une «Croix allemande en or» comportant en son centre une «Hakenkreuz» d’une taille si conséquente qu’elle fut surnommée par les gouailleurs du front «insigne du Parti pour myopes»… tout simplement parce que je trouve cette décoration esthétiquement plaisante.

 

A défaut, je me verrai contraint, en vertu du principe fondamental (et probablement démocratique) de l’égalité devant la loi, de demander l’interdiction de tous autres symboles porteurs de signification idéologique, politique, religieuse, voire ésotérique tels que : croix de Saint André, croix de Saint Louis, croix de Dantzig, de Lorraine, de Jérusalem ou d’ailleurs, croix ansée, croix élongée, «croix des vaches», triskèle, étoiles à cinq branches (ou plus), croissant (doré ou au beurre), fleur de lys, gamma, faucille, marteau, compas, équerre, tablier, cagoule (tout court, de pénitents blancs ou du KKK), salut (romain, fasciste, national-socialiste, poing levé, militaire), main sur le cœur (à l’américaine) – j’en passe, et des meilleurs. En vertu de quoi, vous ne disposeriez plus, dans le catalogue des symboles à peu près inoffensifs, que du bonnet d’âne laïc et égalitaire.

Persuadé que vous saurez mieux unir vos énergies pour vous attaquer enfin à des problèmes plus réels et plus essentiels […formule de politesse - signature].

 

«Effroyables jardins» («bravo Papa !»)

 

Tendre, drôle et dérisoire, ce film est un éloge de la compassion dans le cadre de la guerre, cette connerie. C’est joué juste, par des acteurs parfaits qui incarnent de braves types, tous héros par erreur et humains par nature. Dans la grisaille glauque et pluvieuse d’une petite ville de France occupée, un clown las en vert-de-gris sauve la vie de quatre otages français. Un adolescent apprend à estimer son père en découvrant le pouvoir d’un nez rouge lorsque la vie devient par trop absurde. A la fin, la salle applaudit ce chef d’œuvre de Jean Becker.

 

Une guerre trop loin ?

 

Au moment où ces lignes sont écrites (4.4.2003) les troupes US sont aux faubourgs de Bagdad et auraient la maîtrise de l’aéroport International Saddam Hussein. Nombre de journalistes ont imaginé la bataille qui commence comme «un nouveau Stalingrad». En fait, l’attaque de la capitale irakienne s’apparenterait plutôt à la bataille de Berlin : bombardements massifs et pilonnages d’artillerie en toute impunité pour l’attaquant ; absence d’arrières et de possibilités de renforcement pour le défenseur, contraint d’engager aux côtés de sa Garde républicaine des combattants très âgés ou très jeunes… Comme pour la capitale allemande, la maîtrise du ciel et l’énorme capacité matérielle et logistique, sans compter une évidente disproportion technologique en faveur du prédateur devraient finir par l’emporter sur la volonté sacrée de défense de la Patrie de sa proie. Mais il n’est pas du tout certain que les Américains, leurs alliés anglais et australiens et leur autre partenaire («silencieux» mais omniprésent) l’emportent à long terme. La charge de haine et surtout de mépris accumulée sur leurs têtes au niveau mondial, toutes confessions confondues, par les «grands philanthropes exportateurs de démocratie» risque de peser lourd sur le futur du gang : à la différence des businessmen sans scrupules, l’Histoire est patiente, qui présente l’addition à point nommé. En écrasant – à peu de frais – un Irak dont ils avaient préalablement exigé et obtenu (!) le désarmement par le biais d’une instance supra-étatique de maintien de la paix – ce qui est un fait unique dans les annales de la duplicité –, les coalisés sont peut être allés une guerre trop loin…

 

 

Max l’Impertinent

 

 

1 «La Nation» du 21.3.2003, n° 1702, p. 4.

2 Cyrano, merci !

 

 

L’imposture par le droit

 

 

«Il n'est plus d'ordre à sauver; il faut en refaire un»

 

Pierre Drieu La Rochelle : Genève ou Moscou, 1928.

 

Un mouvement de juristes suisses s'est créé, Trial, que soutient l'ancien Procureur de la République de Genève, Bernard Bertossa, en vue de poursuivre en Suisse les auteurs, puissants et étrangers, de crimes graves commis hors de notre territoire et ne concernant pas des ressortissants suisses. La Belgique s'est déjà ridiculisée en se dotant d'une Cour pénale à compétence universelle pour réprimer les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité. Marcherons-nous dans la même direction ?

 

Ces juristes rêvent, mais ce rêve n'est, au fond, qu'un calcul…Deux objections se lèvent aussitôt contre un tel projet : d'abord, il ne faut jamais se donner une compétence répressive sans avoir la certitude de pouvoir l'appliquer uniformément, quelle que soit la puissance de l'Etat où sévit le criminel, condition que, de toute évidence, la Suisse ne saurait remplir; secondement, pour que cette répression soit crédible moralement, il ne faut pas qu'elle contredise une impunité criminelle à l'intérieur du pays et quand bien même il ne s'agirait pas de crimes aussi graves que ceux qu'elle entend réprimer.

 

Comment croire, en effet, à la sincérité humanitaire d'hommes de loi qui, tentant ce qu'ils tentent et pensant ce qu'ils pensent, persistent néanmoins à assurer le plus fermement du monde l'impunité de magistrats suisses de l'ordre judiciaire qui, jusqu'à l'instance suprême du Tribunal fédéral, sciemment, font fléchir le droit et commettent dans l'exercice de leur fonction des crimes réprimés explicitement par notre code pénal, à l'article 312 (abus d'autorité), systématiquement et par principe soustraits à la poursuite en leur seule faveur.

 

La réalité d'une activité criminelle de juges en Suisse, à tous niveaux de juridiction, la réalité de leur soustraction à toute poursuite pénale, nous oblige à affirmer que l'initiative de l'association Trial, si elle n'est pas un leurre, n'est cependant qu'un dérivatif masquant une réelle démission des hommes de loi en Suisse face au phénomène occulté d'une véritable délinquance judiciaire. Dans «L'intelligence en péril de mort», le professeur Marcel De Corte fait cette observation capitale sur le nouveau clivage social qui s'impose de manière absolue sur nos sociétés après l'effacement des anciennes classes dirigeantes traditionnelles, et du clergé :

 

«Une société à deux compartiments imperméables est en train de naître sous nos yeux de la décomposition de la société d'Ancien Régime, -- dont les ultimes réserves vitales, naguère encore éparses, sont aujourd'hui quasiment épuisées.

 

La société sans classes dont rêvait la démocratie et cette logique vivante de la démocratie qu'est le communisme, sont le rideau de fumée qui masque l'ascension de la caste la plus despotique que l'histoire aura jamais connue, CASTE SANS CŒUR, SANS ÂME, SANS VIE SPIRITUELLE, COMPOSEE D'INDIVIDUS DONT L'INTELLIGENCE RESTREINTTE A SA SEULE DIMENSION TECHNIQUE EST L'ESCLAVE D'UNE VOLONTE DE PUISSANCE DEMESUREE» (Souligné dans le texte)[1][1]

 

Le totalitarisme démocratique n'a plus besoin du mythe communiste pour s'imposer par les masses. Il fait beaucoup mieux : isoler les hommes d'élite, les marginaliser, les ridiculiser, les réduire à l'indigence matérielle en faisant silence sur chacun de ces crimes avec la complicité d'une presse et d'une édition asservies totalement à la puissance de l'argent.

 

Une telle «société» n'a plus besoin de dictateurs sanguinaires dont le ridicule est laissé aux pays prolétaires d'Afrique, d'Asie ou d'Amérique latine. Elle n'a besoin que de petits mufles carriéristes, que tous les partis politiques fabriquent naturellement, toutes tendances confondues. Leurs crimes, pourvu qu'ils soient et restent non sanglants, non apparents, échapperont toujours à l'attention  des masses, ne seront l'objet d'aucune investigation de la part d'un clergé dégradé et habitué depuis le dernier Concile œcuménique du Vatican à la pratique d'une pensée molle, infiniment docile aux puissants dès lors qu'ils sont proches… non plus que de la part des intellectuels, tout aussi corrompus et avilis que la classe politique et, par conséquent, complices de ses silences les plus intéressés.

 

Et tel est bien l'état social des Suisses aujourd'hui !

 

Il n'y a vraiment pas de quoi donner des leçons de morale à quiconque, qu'il soit d'Afrique ou d'Asie, musulman ou animiste.

 

Michel de Preux

 

 

 

Perplexité

 

Mon article du Pamphlet no 323 sur Armée XXI a suscité des réactions diverses allant de l’approbation totale à la critique courtoise, en passant par l’apport d’informations. J’ai pu constater à cette occasion que le manichéisme que je déplorais en mars n’a pas cours chez nos lecteurs, ce dont je me réjouis. Merci à tous ceux qui se sont manifestés.

 

  Il ressort notamment de ce que j’ai entendu et lu de la part de gens compétents et bien informés qu’il est excessif  d’exiger des preuves dans des domaines soumis à des changements constants, qu’il est abusif de prétendre que la Confédération dépense des milliards dans des opérations de prestige1, que le Conseil fédéral n’envisage nullement une adhésion de la Suisse à l’OTAN, que la neutralité se porte mieux que naguère du fait du conflit irakien et qu’il est raisonnable de penser qu’il n’y aura pas de guerre européenne dans un proche avenir.

 

  Ces arguments – la liste n’est pas exhaustive – ne sont pas nouveaux. Ce qui est nouveau pour moi, c’est qu’ils émanent de gens qu’on ne peut en aucun cas suspecter de ne pas placer l’intérêt du pays au centre de leurs préoccupations, qui n’ont aucun avantage personnel, politique ou carriériste à défendre – non sans quelques réticences, d’ailleurs – le projet qu’on nous propose, bref de gens qui se placent au-dessus de la mêlée et visent à l’objectivité. On est loin du sectarisme du Colonel Froidevaux.

 

  Dois-je voter oui le 18 mai au motif que des gens que j’estime et en qui j’ai confiance m’incitent à le faire ? Cela me simplifierait la vie. L’ennui, c’est que d’autres gens que j’estime tout autant et en qui j’ai confiance aussi tiennent un autre langage. Que choisir ? Que ne pas choisir ?

 

  Il y a un point sur lequel tout le monde est d’accord : Armée 95 est / a toujours été / est devenue une catastrophe. On pourrait penser, dès lors, qu’Armée XXI constituant de toute façon un progrès, il faut l’accepter, au pire, pour cette seule raison. Ce qui me dérange dans cette manière de voir, c’est qu’on nous met en main un marché qui ressemble fort à une menace : si une majorité de votants rejettent Armée XXI, l’armée suisse continuera à croupir dans Armée 95. Est-ce inéluctable ? Ne peut-on envisager de remettre l’ouvrage sur le métier en tirant les leçons de la votation ? Cela prendrait beaucoup de temps et coûterait beaucoup d’argent ? Ne plaisantons pas : il ne s’agirait pas de repartir à zéro. De nombreux éléments du projet sur lequel nous devons nous prononcer pourraient être conservés, car personne ne prétend qu’il ne comporte que des défauts. Par ailleurs, à moins d’admettre qu’Armée XXI est la forme ultime de la perfection militaire, il faudra bien qu’on consacre du temps et de l’argent à en corriger les inévitables défauts, à l’adapter aux situations nouvelles qui ne manqueront pas de se présenter et peut-être même à la réformer de nouveau complètement d’ici quelques années. Rien ne prouve que la nouvelle armée se révélera à l’usage aussi performante qu’on nous le promet. La presse ne vient-elle pas de nous annoncer que les «coalisés» anglo-américains se voyaient contraints, compte tenu de la résistance inattendue des Irakiens, d’en revenir, au moins partiellement, à une guerre plus traditionnelle ? Non, décidément, la piètre qualité d’Armée 95 n’est pas un bon argument. Et moi, je ne sais toujours pas ce qu’il faut voter.

 

  Que c’est donc ennuyeux d’être patriote ! Ah ! si je me sentais «citoyenne du monde», si je militais pour la «grande famille humaine» qu’il convient de protéger des guerres en supprimant les armées, je ne serais pas en train de vous enquiquiner avec mes états d’âme ! Hélas ! On ne se refait pas.

 

  Mon problème n’est donc pas résolu. Mais une chose est sûre : au moment de voter, j’aurai une pensée vengeresse pour le sublime Kaspar Villiger, père d’Armée 95, qui nous a mis dans la pétaudière.

 

Mariette Paschoud

 

 

1 Là, je ne suis pas d’accord : Expo.02 et Swiss me sont restés sur l’estomac.

 

 

 

Bavures

 

 

A chaque fois qu’un malfaiteur est blessé par un projectile tiré par la police, ou qu’il perd le contrôle du véhicule qu’il a volé lors de sa fuite, la presse tout émoustillée titre «Bavure policière» à la une.

 

On se penche avec commisération sur le pauvre brigand blessé et sa famille vient répéter comme il est un bon fils, un bon époux, un bon père, comme il travaillait sans relâche à soulager les vieilles de leurs économies superflues pour grossir les siennes, et comme il est injuste qu’un Rambo au petit pied vienne priver toute une famille de son seul soutien financier.

 

Cette fois, à Genève, c’est une vraie bavure.

 

La bavure, ce n’est pas qu’une grosse bedoume se soit pris un coup de projectile à peinture dans la bobine ni que son crétin de fils ait reçu un ou deux coups de matraque : quand on va manifester en ville, on prend déjà quelques risques et quand on lance des bouteilles de bière contre les policiers, on prend des risques nettement plus importants.

 

A voir les photos de la dame, on avait déjà compris qu’elle n’était probablement pas très futée. En l’entendant se plaindre de n’avoir pas encore reçu des excuses, on se convainc qu’elle est en outre assez culottée. Mais compte tenu de la veulerie de nos politiciens, elle les obtiendra sans doute, et avec des fleurs !

 

La bavure, ce n’est pas ça !

 

Ce qui me fait souci, c’est que le commandement de la police de Genève a nié pendant trois jours sa responsabilité dans cette affaire, et qu’il était sans doute de parfaite bonne foi !

 

Cela signifie, à l’évidence, que le commandement de la police de Genève ignore quelles sont les armes et les marqueurs utilisés par les forces de l’ordre lors des manifestations, et qu’il ignore même, peut-être, quelles sont les armes que la police possède !

 

Peut-être aura-t-on découvert, lorsque ce numéro du Pamphlet paraîtra, que le fameux fusil PN 303 était une arme acquise aux Etats-Unis via Internet à titre privé par des policiers perfectionnistes et déçus du manque de moyens mis à leur disposition par la République, avec la complicité de certains officiers…

 

J’ai entendu Mme Micheline Spoerri sur les ondes de la radio suisse romande lundi matin 7 avril. La dame a été consternante de médiocrité : pour elle, le problème principal de cette affaire est un défaut de communication et elle estime pouvoir rétablir la confiance de la population en sa police et de la police en ses chefs par le quasi-limogeage de son chef M. Christian Coquoz.

 

Dans un français approximatif, Mme la Conseillère d’Etat chef du département de justice et police porte sur son ex-subordonné l’appréciation suivante : «Il n’était pas une homme de terrain, il n’était pas un homme proche de ses hommes, et il faut reconnaître que ceci (sic) n’est pas une condition tout à fait idéale (resic) dans la conduite de l’institution policière».

 

S’il occupait cette fonction, c’est bien parce que le Conseil d’Etat l’avait choisi, de préférence à d’autres candidats issus du sérail, hommes de terrain proches de leurs subordonnés. C’était bien la peine de confier la police à un «brillant juriste» pour le lâcher à la première difficulté !

 

La triste réalité, c’est que, depuis le départ de l’excellent Gérard Ramseyer, la police sait que les politiciens ne la soutiendront pas, que le manifestant, pacifique ou violent, aura toujours raison contre elle et qu’elle devra à chaque coup présenter ses excuses si le lanceur de pavés ou de bouteilles de bière a reçu un coup de matraque ou un projectile marqueur dans la confusion créée par ses propres soins.

 

Avec l’arrivée du G8 à Evian, la chienlit sera totale : les effectifs policiers, déjà notoirement insuffisants en temps ordinaire, vont se révéler gravement déficitaires. On a fait appel à l’armée. Mais le maintien de l’ordre en zone urbaine est un métier que les miliciens ne maîtrisent pas, même s’ils font partie des troupes territoriales. Et il ne sera moralement pas facile, pour ces soldats, de protéger les locaux de l’ambassade des Etats-Unis ou de la Grande-Bretagne au risque de devoir arroser de gaz lacrymogène ou marquer de pétards rouges les vêtements des gentils manifestants pacifistes, venus «libérer» le personnel diplomatique et consulaire grâce à des frappes chirurgicales à la batte de baseball ou à la cannette de Heineken.

 

Pour maintenir l’ordre, il faudra des hommes entraînés, pondérés, confiants dans la légitimité de leur mission et surtout en leurs chefs, une tactique habile, une psychologie acérée.

 

Pour l’instant qu’avons-nous ? A Genève, une Micheline Spoerri qui bloque l’information et bafouille à la RSR, une police sans chef[2][2] ou avec un chef qui sera en fonction, à ce moment, depuis 6 semaines; dans le canton de Vaud un Eric Lehmann qui a raté presque tout ce qu’il a entrepris, journalisme, commerce de vins et courses de montagne, et qui a tenté de faire porter à d’autres la responsabilité de ses échecs.

 

Décidément, ça promet pour fin mai !

 

Claude Paschoud

 

 

Loyers loyaux

 

Même l’ASLOCA ne croit plus à l’opportunité de son initiative «pour des loyers loyaux» sur laquelle nous voterons le 18 mai, mais concentre son énergie sur la campagne visant à lutter contre le texte adopté par les Chambres fédérales et sur lequel nous nous prononcerons le 30 novembre, puisque le réféfendum a largement abouti.

 

L’initiative «pour des loyers loyaux» a le grand tort de permettre des variations du loyer en raison de l’évolution du taux hypothécaire moyen, lissé sur 5 ans, alors même que ce taux est aujourd’hui si bas en Suisse qu’il n’évoluera ces prochaines années, vraisemblablement, qu’à la hausse. De ce seul point de vue, l’acceptation de l’initiative par les locataires représenterait une sorte d’auto-goal.

 

Comme les taux hypothécaires dits «de référence» ne signifient aujourd’hui plus grand-chose, puisque chaque propriétaire obtient de sa banque un taux personnalisé, fonction de critères très divers, les locataires aussi bien que les propriétaires se sont entendus aujourd’hui pour que les variations du loyer ne dépendent plus de ce taux, mais seulement de l’indice suisse des prix (répercussion totale) et des éventuelles prestations supplémentaires.

 

Le nouveau droit du bail tel qu’il a été adopté par les Chambres le 13 décembre 2002 est nettement meilleur que l’initiative, mais pas aussi bon, néanmoins, que le projet qui avait recueilli l’adhésion en 2002 des partenaires sociaux, dit à tort «solution romande», et qu’on pourrait peut-être voir ressurgir en cas de double rejet, de l’initiative ASLOCA le 18 mai et de la loi fédérale le 30 novembre.

 

Il faut voter NON à l’initiative de l’ASLOCA !

 

C.P.

 

 

 

 

Collection reliée

Encore quelques exemplaires !

 

 

 PUBLICITÉ========================================================================================

 

 

 

 

Collection reliée

 

Les numéros 1 à 300 du Pamphlet (années 1970 à 2000)

ont été reliés en un seul beau volume.

 

Reliure d’une très belle toile bordeaux,

dos lisse avec inscriptions à la feuille d’or :

«le pamphlet» en caractère libra 1,5 cm de haut, 1970-2000 en bas. Volume enrichi d’un index (48 pages) de tous les articles, classés par rubrique, auteur, titre et sujet

 

Il ne reste plus que quelques exemplaires !

 

Prix : CHF 450 ou  € 300

frais d’emballage et de port en plus.

 

Commandes à notre adresse : Le Pamphlet, case-ville 4047

1002 Lausanne

 

ou par e-mail à claudepaschoud@lawyer.com

 

 



[1][1]        Professeur émérite à l'université de Liège, éd. DISMAS B - 1302 Dion-Valmont, chap. 1er : Les intellectuels et l'utopie, page 83. (1987).

 

 

[2][2] pour nous rassurer sur le peu de conséquences de la démission de M. Coquoz sur le dispositif policier pendant le G8, on nous dit qu’il avait, dans ce dispositif, peu de responsabilités.

Cela ne me rassure pas. Si le chef de la police de Genève avait «peu de responsabilités» dans le dispositif de maintien de l’ordre lors du prochain sommet, qui diable en a ? Mme Spoerri ? Brrr !