Lausanne 33e année      «ne pas subir»       Janvier  2003 No 321

 

Sommaire :

 

Reliures

Les collections du Pamphlet relié (Nos 1-300) sont arrivées !

 

Editorial

L’éditorialiste s’interroge sur l’avenir de l’assurance-maladie

 

Bricoles

Mme Metzler voyage en avion et M. Broulis nous inflige une TAP

 

En direct de Sirius

Max étudie la théorie de l’évolution dans une statue de cristal. Cannibalisme et sentiment de sécurité

 

Faut-il restituer la cathédrale ?

M. le député Haury a proposé que la cathédrale de Lausanne soit mise à la disposition de tous les chrétiens. Mariette explique les difficultés du projet.

 

Considération sur la menace de guerre en Irak

Michel de Preux s’en prend, cette semaine, à l’esprit démocratique et à l’esprit protestant, tous deux responsable du bellicisme américain.

 

Votations fédérales

Droits populaires et participations cantonales aux coûts des traitements hospitaliers. Claude Paschoud recommande de voter 2 fois NON le 9 février.

 

«Le Futur antérieur»

Un essai de Constantin de Charrière sur la face cachée du temps. Pour le critique du Pamphlet, le livre le plus important qu’il lui a été donné de lire depuis quarante ans.

 

 

Editorial

Il ne faut pas se faire d’illusions : il est à peu près certain que, d’ici pas longtemps, les primes de l’assurance-maladie de base seront calculées en fonction du revenu. Il paraît que c’est le summum de la justice et de la solidarité. A première vue, le raisonnement se tient : mieux on gagne sa vie, plus on a les moyens d’aider les défavorisés. S’il ne s’agissait que de l’assurance-maladie, nous n’aurions pas grand-chose à dire, car nous ne sommes pas opposés à l’aide au prochain. L’ennui, c’est que ce principe ne s’applique pas qu’à l’assurance-maladie.

Les impôts, calculés en fonction du revenu, sont en outre progressifs. Nous savons bien que tout Etat a besoin d’argent pour assumer ses tâches et que cet argent il faut bien qu’il le prenne où il est, c’est-à-dire dans la poche de ceux qui sont en mesure de payer à des degrés divers. On peut même admettre que l’intérêt des citoyens au bon fonctionnement de l’Etat est lui aussi fonction du revenu : les gens qui ont les moyens d’intenter des procès bénéficient davantage du bon fonctionnement de la justice que ceux qui ne peuvent se payer un avocat, les gens qui ont des biens à protéger bénéficient davantage du bon fonctionnement de la police que ceux qui ne possèdent rien,  les gens qui ont les moyens de s’offrir une belle grosse voiture bénéficient davantage du bon entretien des routes que ceux qui sont obligés de pratiquer la marche à pied. De toute façon, on voit mal un retour au suffrage censitaire, d’ailleurs par essence antidémocratique.

 

Les cotisations AVS sont calculées en fonction du revenu, alors que les prestations maximales de l’AVS sont les mêmes pour tous ceux qui ont versé, à des degrés  divers, la totalité de leurs cotisations. Là encore, on peut plaider, avec un peu d’imagination, que ceux qui ont payé beaucoup y trouvent un avantage : ils n’auront pas le souci, l’âge venu, de se préoccuper des démunis. Les dames patronnesses d’antan sont désormais remplacées par les collectivités publiques. Quel soulagement !

 

         En ce qui concerne les primes d’assurance-maladie calculées en fonction du revenu, on ne voit pas très bien où, même pour les plus imaginatifs, se situe l’avantage, si ce n’est dans  la satisfaction morale d’être plumé, au motif qu’ayant, à des degrés divers, consenti les efforts et les sacrifices permettant d’acquérir les moyens de gagner correctement ou confortablement sa vie, on est en mesure de payer.

 

La prime d’assurance-maladie de base n’est pas un impôt. Elle relève d’ un contrat de type commercial. Nous avons d’un côté des «fournisseurs» qui proposent, pardon qui imposent, à tous leurs «clients» une «marchandise» dont le prix varie quelque peu – il faut bien asseoir le mythe de la concurrence – mais finalement pas beaucoup sur le long terme. Nous avons de l’autre côté des  «clients», obligés il est vrai, qui n’ont  aucune raison de payer deux ou trois fois plus cher que leurs voisins la «marchandise» qu’on leur propose, pardon qu’on leur impose.

 

         La manie qu’ont les champions de la solidarité de ponctionner, à des degrés divers,  toujours les mêmes, toujours au profit des mêmes, appelle deux commentaires.

 

         Premièrement, la logique de la «redistribution des richesses» conduit tout droit à son application ultime : il faut que, dans tous les cas, les riches paient, à des degrés divers, pour les pauvres. Il serait donc normal  que, grâce à une carte à puce indiquant le revenu du client et devant être obligatoirement présentée à la caisse de n’importe quel commerce, chacun paie sa boîte de haricots, sa tranche de viande, son produit de nettoyage, sa coupe de cheveux, sa nouvelle voiture ou sa chambre d’hôtel en fonction de son revenu.

 

Deuxièmement, à force de faire payer, à des degrés divers, les riches pour les pauvres, on finira par appauvrir les premiers, sans pour autant enrichir les seconds, compte tenu du chaos qui préside à l’utilisation des deniers publics. Le jour où les riches à des degrés divers seront pauvres à leur tour, qui financera l’Etat, l’AVS, l’assurance-maladie ?

 

Récemment un indépendant de notre connaissance, qui gagne correctement sa vie sans pour autant rouler sur l’or, déclarait  en substance : «Je me demande si je ne ferais pas mieux de fermer boutique et de me faire entretenir par les services sociaux.»

 

On ne fait pas une statistique avec un cas. Mais il n’est pas exclu que les gens qui font vivre notre pays commencent à se décourager et surtout à s’énerver : Villiger renonce à favoriser les familles pour ne pas écorner le budget de la recherche. Broulis consent à investir 200 000 francs dans un campagne publicitaire destinée à expliquer le nouveau système fiscal vaudois, alors que, dans ce domaine, la presse a, pour une fois, fait son boulot.

 

Les médecins assistants de notre canton ont réussi à exercer une pression financière telle qu’ils ont obtenu la satisfaction de leurs principales revendications. Si les primes d’assurance-maladie venaient à être calculées en fonction du revenu, il faudrait peut-être envisager une action comparable.

 

Tous les assurés pressurés refusant de payer leurs cotisations ! Quel b… !

 

Le Pamphlet

 

 

Bricoles

 

 

Il y a des TAP qui se perdent !

 

Nul ne peut ignorer, en Pays de Vaud, que les contribuables seront mangés à la sauce TAP cette année. La TAP, c’est la taxation annuelle postnumerando, qui est supposée nous simplifier désormais les impôts et la vie.

 

Des affiches énormes sont placardées partout, qui proclament en lettres gigantesques : la TAP ? Tope-là !

 

Je suis sûr que tous les contribuables se demandent pourquoi le département des finances a cru bon de nous convaincre par voie publicitaire des bienfaits d’une nouveauté qui est déjà adoptée, et qui nous est imposée. Subsidiairement, quel est le prix dépensé pour :

a.       rémunérer l’agence de publicité ou de relations publiques auteur d’un slogan aussi imbécile,

b.      faire imprimer les affiches, en format mondial et en format triple,

c.       louer les espaces auprès de la Société générale d’affichage.

 

N’aurait-on pas pu consacrer à autre chose le budget englouti dans cette campagne débile ?

 

Il paraît que le nom de famille de notre ministre des finances est un condensé de «Brouillon» et «hélice».

 

Madame Metzler monte en avion

 

Le fait que la Conseillère fédérale Ruth Metzler utilise l’avion du Conseil fédéral pour se dépacer de Saint-Gall à Berne a quelque peu choqué le contribuable moyen. Que c’est donc mesquin ! La lourde charge assumée avec tant de tact et de compétence par la toute charmante ne doit-elle pas donner droit à quelques privilèges ? Ne convient-il pas aussi de la protéger contre les attaques toujours possibles de quelque terroriste ou de quelque réfugié débouté ?

 

On s’explique moins bien, en revanche, la présence à bord du mari de l’intéressée, à moins qu’il n’assume les fonctions de garde du corps. Madame Metzler devrait se souvenir que mêlés de trop près aux affaires fédérales, les maris de nos «ministresses» peuvent créer de très gros ennuis. Ce n’est pas Elisabeth Kopp qui nous contredira.

 

 

En direct de Sirius

Evolution ?

Max s’est offert pour Noël un intéressant presse-papiers. Sept figures d’hominidés mâles y sont représentées dans leur plus simple appareil, gravées en trois dimensions dans la masse d’une brique de cristal. Six cheminent, la septième est assise. La composition exprime une progression avec une origine, un apogée et une conclusion. La première figure reproduit ce qu’il est toujours convenu d’appeler le « chaînon manquant » et que nous ne nommerons pas, les découvertes se multipliant en la matière et reculant à mesure la date convenue de nos origines. «X» donc, est plus proche, de par sa taille, sa morphologie, sa posture et, pour finir, son esthétique, du chimpanzé que du Persée de Cellini. La deuxième marque le passage du statut de quadrupède à celui de bipède; l’«homo habilis» n’est pas loin. La troisième, avec la raréfaction du système pileux et une notable récession du prognathisme, confirme l’affectation des membres supérieurs à l’emploi d’armes et d’outils; la posture est presque érigée; l’homme revendique son statut d’«habilis» par la massue qu’il tient à la dextre. La figure centrale de la composition représente enfin l’«homo erectus»; affranchi de millions d’années de tâtonnements technologiques, il a fière allure, avec sa lance dernier modèle de l’âge du fer, portée sur l’épaule gauche, à toutes fins utiles. Il est libre. Le «sapiens» qui suit se voûte à nouveau; le râteau qu’il tient à la main droite en est sans doute la cause. Il redécouvre que la terre est basse et se demande parfois s’il ne ratisse pas, désormais, au profit d’un autre un peu plus «sapiens» que lui. Le sixième personnage est nettement plus courbé sous le poids du marteau-piqueur qu’il emporte, à deux mains, pour gagner la galerie dont il extraira tout à l’heure le carbone…  Il est parvenu au dernier stade de la «sapientia» induite, celui de ne plus tenter de répondre à des questions qui le dépassent pour mieux se consacrer à quatre activités essentielles mais cependant inégales en termes de satisfaction : dodo, boulot, métro, «zapping». La septième figure, à peine plus haute que la première, représente le dernier arrivé sur l’échelle de l’évolution : L’«homo cybernauticus»1. Il est planté sur une chaise de bureau. Telles celles d’ un pianiste virtuose, ses mains en extension s’apprêtent à plaquer des accords sur un clavier qui repose sur un meuble dont le plateau supporte encore un «mulot» et un coffret surmonté d’un écran. La morphologie de base n’a pas beaucoup changé depuis le numéro deux de la chaîne. Concentré, l’homme semble réfléchir. Mais à mieux suivre son regard, on a le sentiment confus qu’il peine à appréhender les mystères d’un encéphale désormais transféré dans la boîte de l’écran cathodique !

Sincères vœux pour une bonne santé…

…au président Saddam Hussein, en lui suggérant de surveiller particulièrement son métabolisme, parce qu’au point où en est la propagande des USA et face à l’indigence de leur argumentation en vue de justifier une quelconque intervention armée contre l’Irak, la moindre flatulence serait assimilable à l’engagement d’armes chimiques de destruction massive. Quant aux quelques ogives creuses (et vides), découvertes dans les pots-aux-roses de tel ou tel scientifique irakien, sauf preuve du contraire, elles pourraient tout aussi bien convenir à la dispersion de tracts invitant l’excité de Washington à cesser ses pitreries.

« Delikatessen » (ou le « cybergourmet »)

En 2001, Armin M., citoyen allemand, 41 ans, informaticien de son état et «branché Web», lance sur le réseau une invitation à souper à tout compatriote postulant à la double qualité de convive et de plat de résistance… Un amateur est sélectionné sur la base de multiples (!) réponses. Ce dernier, un ingénieur de 42 ans, avec une belle logique, prend congé de son employeur, réalise ses avoirs et se rend à Rotenburg pour son ultime voyage gastronomique. Les mondanités d’usage expédiées, nos deux « gays » quadragénaires passent à table et entreprennent de consommer flambé… l’accessoire reproductif de l’invité ! Le met ne se montre pas à la hauteur de leurs espérances gustatives. On tâche cependant d’en tirer un meilleur parti en le rôtissant. Tout cuisinier vous dira que la pièce avait dû sensiblement réduire à la cuisson et tout anthropologue confirmera que, fût-elle accommodée au curry ou en nasi-goreng, elle n’a jamais constitué le plat de choix des cannibales traditionnels. Pour conclure et en guise d’addition, l’amateur passe son compagnon au fil du couteau (à steak ?), le découpe et en termine la majeure partie. 11.12.2002 : alertée par un « cybersurfeur », la police enquête et découvre, avec quelques vestiges de l’ingénieur, l’inimaginable, d’autant mieux que toutes les scènes se sont déroulées sous l’œil impavide d’une caméra-vidéo.

Pour sa défense, au moment de passer à table devant le juge d’instruction, Armin M. pourra utilement arguer avoir fait acte de salubrité publique en supprimant deux andouilles… prenant ainsi place au sein d’une longue lignée de gastronomes allemands un peu particuliers, mais à la différence de MM. Fritz Haarmann ou Peter Kürten, il conservera sur les épaules une tête, qui pourra lui servir – qui sait ?– peut-être, un jour, à rédiger ses mémoires.

L’aveu

M. Nicolas Sarkozy assure l’Assemblée Nationale, le 15 janvier dernier, qu’il souhaite «instaurer un sentiment2 de sécurité en France». Pour la sécurité tout court, les électeurs français devront sans doute attendre les déclarations d’intentions des candidats aux prochaines présidentielles. Dans l’intérim, le ministre de l’Intérieur continuera à pourchasser gaiement les excès de vitesse et de boisson et autres usages intempestifs de téléphones portables sur les routes de France et de Navarre en omettant soigneusement de s’attaquer aux dérapages correctionnels sur les autoroutes du pouvoir… A l’abri de ce «promène-couillons», les «jeunes» et autres «sauvageons» persistent avec enthousiasme sur la voie des «incivilités» au «cutter», au «Flashball» voire, pour les mieux dotés, au «Kalachnikov» ou à l’aspersion d’essence enflammée. Il est trop tard, bourgeois, dormez en paix…

 

Max l’Impertinent

 

1 « Cybernaute : n. Utilisateur d’un système de réalité virtuelle ou du réseau Internet» (Le Petit Larousse Illustré, édition 2001, p. 291).

2 Souligné par Max.

 

 

 

Faut-il restituer la cathédrale ?

 

La proposition du député libéral vaudois protestant Jacques-André Haury de ne plus réserver l’usage cultuel de la Cathédrale de Lausanne à la seule Eglise Evangélique Réformée du Canton de Vaud, mais de l’ouvrir aux autres chrétiens du canton, c’est-à-dire, principalement aux catholiques romains, a déclenché une émotion considérable et des réactions fort diverses.

 

On a vu passer l’argument mesquin selon lequel les catholiques ne souffrent pas de pénurie de lieux de culte1, comme s’il ne s’agissait que d’une question de mètres carrés. On a vu ressortir le vieux complexe des protestants qui ne se consolent pas de n’être pour l’Eglise catholique romaine que des «communautés ecclésiales», comme si une Eglise qui revendique pour elle seule l’universalité pouvait partager cette dernière avec des «hérétiques». On a vu souffler l’esprit oecuménique. On a même vu l’inévitable thuriféraire du dialogue inter-religieux plaider pour que la cathédrale s’ouvre aussi aux juifs et aux musulmans, en négligeant totalement le fait qu’aucun juif ou musulman digne de ce nom n’accepterait de pratiquer sa religion dans une église chrétienne, sauf à obtenir la disparition complète des symboles du christianisme qui sont partout dans la cathédrale, ce qui ne serait possible, pour autant que les chrétiens y consentent, que par la destruction totale de l’édifice. Bref, on a vu un peu de tout, sauf l’opposition catégorique d’un catholique romain !

 

J’avoue que, dans un premier temps, la proposition de Jacques-André Haury m’a séduite. Pourquoi, me suis-je dit, une cathédrale magnifique, chargée d’histoire et de symboles devrait-elle servir uniquement à quelques dizaines de paroissiens dotés par le hasard et leur numéro postal d’un lieu de culte prestigieux ? Pourquoi notre cathédrale devrait-elle être, en dehors de quelques cultes protestants, de quelques enterrements de personnalités protestantes hors du commun, de quelques célébrations oecuméniques et de quelques concerts de haute qualité, principalement un site touristique ? Pourquoi ne pas essayer de la remplir de fidèles au moins une ou deux fois par jour ?

 

Ensuite, j’ai essayé d’imaginer comment la proposition de Jacques-André Haury pourrait entrer dans les faits. J’ai évoqué les concertations, les négociations, les marchandages, la discussion des horaires, qui devraient permettre à toutes les communautés chrétiennes de ce pays de bénéficier d’un accès équitable à la Cathédrale de Lausanne. Finalement, je suis arrivée à la conclusion que, si l’intention était bonne, la réalisation relevait, elle, de la quadrature du cercle, en raison des rivalités religieuses qu’on découvre avec surprise toujours bien réelles, en dépit de la tolérance affichée pour cause de modernisme. A défaut d’autre chose, Jacques-André Haury aura eu au moins le mérite de démontrer que les guerres de religions ne sont pas si loin qu’on ne le croit en général.

 

Dans un courrier des lecteurs de 24 heures1, Monsieur Emile Buxcel, ancien président du Synode, écrit ceci :

« (…) On l’a bien compris, il ne s’agit pas de ‘ partage œcuménique’ - ce qui serait certes envisageable - mais d’une réappropriation déguisée de l’édifice par l’Eglise romaine. M. Haury allant jusqu’à avancer l’idée  -  pas très respectueuse envers les protestants -  d’y établir un autel pour le service de la messe ! (…)»

 

Un autel dans une cathédrale ! Quelle horreur ! Pourquoi pas un crucifix pendant qu’on y est !

 

Néanmoins, Monsieur Buxcel a raison, c’est là que se situe l’enjeu : partager la cathédrale, c’est, d’une certaine façon, la restituer à l’Eglise catholique.

 

Consacrée à la Vierge Marie – d’où son nom de Notre Dame de Lausanne - en 1275 par le pape Grégoire X en présence de l’empereur Rodolphe de Habsbourg, la Cathédrale de Lausanne est par la force des choses un édifice conçu et bâti par des catholiques pour des catholiques. Elle a été pendant près de trois siècles un haut lieu du catholicisme.

 

En 1536, LL. EE. de Berne occupent le Pays de Vaud savoyard et imposent à une population vaudoise réticente, à la suite d’un simulacre de débat resté dans les annales sous le nom de «dispute de Lausanne» et d’une campagne d’évangélisation assez peu fructueuse, la religion réformée. La cathédrale – vandalisée par des tenants de la nouvelle foi et privée de son trésor par l’occupant – devient un haut lieu du protestantisme, à la suite de ce qu’il faut bien appeler un vol.

 

La simple justice voudrait donc que la Cathédrale de Lausanne soit restituée à l’Eglise catholique et reprenne son nom de Notre Dame de Lausanne. Mais il n’y faut pas songer : jamais les protestants qui sont encore majoritaires dans ce canton n’y consentiront. Et ils auront beau jeu de faire remarquer que si on rend la cathédrale aux catholiques romains, la logique voudrait qu’on leur restitue aussi les autres lieux de culte bâtis avant la Réforme.

 

D’accord. Mais ne pourrait-on pas leur en redonner au moins un ? L’église Saint-François ou l’abbaye de Romainmôtier, par exemple ? J’entends d’ici les hurlements de mes coreligionnaires antipapistes apôtres du «partage» pour autant que ce dernier reste théorique.

 

Je me demande si je ne devrais pas engager un garde du corps.

 

Mariette Paschoud

 

1 On trouvera dans 24 heures des samedi-dimanche 18-19 janvier, pp. 2, 23 et 40, une assez bonne vue d’ensemble du débat.

 

 

Considération sur la menace de guerre en Irak

 

 

"Le néo-pédantisme des analphabètes"

Jean DUTOURD dans "Dutouriana",

éd. Plon, Paris 2002, p. 85

 

 

Nul n'en sera surpris : je ne suis, sur ce sujet, de l'avis de personne, ou presque… Je ne partage évidemment pas les ambitions d'un clan américain ayant à sa tête le Président des Etats-Unis, mais pas pour les raisons que l'on imagine. Je ne suis pas davantage du côté des pacifistes de tous bords, y compris clérical et catholique-romain, où je sens bien que la réprobation d'une guerre est une manière de condamner la guerre en soi. Ni américanophile ni populiste, je me contente de réfléchir dans un monde où la liberté de penser apparaît de plus en plus comme un archaïsme, un droit tout à fait obsolète.

 

La menace de guerre contre l'Irak, qu'est-ce à dire ? L'ONU sert ici visiblement de couverture morale aux Etats-Unis d'Amérique, mais elle est piégée par les faits, décidément plus têtus que l'on croyait. Contrairement à ce que les plus sérieux polémistes et polémologues laissaient entendre dans la meilleure presse il y a quelques mois, l'Irak ne dispose plus d'armes de dissuasion et de destruction massive. Il ne constitue donc une menace pour personne. On a essayé de nous tromper, sans succès. Et voici que le voile de moralité se déchire par le fait des inspecteurs de l'ONU en personne. Deuxième échec. Mais voici où tout le monde se trompe : ces deux échecs ne portent pas tant sur le risque de guerre que sur la moralité du prétexte de guerre. On le sait, on l'a dit cent fois : l'enjeu est une matière première énergétique d'intérêt primordial pour le complexe industriel de la plus grande puissance mondiale. Cette guerre programmée est en somme des plus classiques :  il s'agit de s'assurer la plus grande sécurité possible dans l'approvisionnement d'une source nécessaire de richesse. Alors pourquoi ne pas le dire, tout simplement ? A défaut d'être juste, cette guerre serait au moins officiellement compréhensible !

 

Il y a deux obstacles majeurs à pareille franchise : l'esprit démocratique et l'esprit protestant. Pour ces deux formes d'esprit, absolument dominantes aux Etats-Unis, la guerre, pour être «morale», doit être officiellement désintéressée; elle doit avoir une cause morale. L'ennemi n'est pas seulement un adversaire de circonstance, il est l'incarnation du Mal, par quoi il faut comprendre qu'on est soi-même l'incarnation du contraire du mal, puisqu'on lui fait la guerre ! L'orgueil démocratique et l'orgueil protestant conjuguent ici leurs forces pour imposer cette imposture au monde. Non, cette menace de guerre en Irak n'est pas dangereuse par sa cause réelle, économique, matérielle, mais bien par son prétexte idéologique. Oui la démocratie est dangereuse et hypocrite, qui exige ce genre de prétexte; oui, le protestantisme n'est pas une religion respectable qui rend nécessaire cette tartufferie à des consciences égarées.

 

L'objection vient aussitôt à l'esprit  : que faites-vous de la voix des peuples qui, jusqu'aux Etats-Unis même, s'opposent à cette guerre, ne cessent de contrer la voix du Président et de son Etat-major ? N'est-ce pas là, très exactement, la voix morale de la démocratie bafouée par l'un des siens ? Et cette voix n'est-elle pas, à son tour, appuyée par la plus haute instance spirituelle et religieuse du monde, le pape de Rome ? Que vous faut-il de plus ?

 

Je maintiens mon grief d'hypocrisie, auquel j'ajoute, à l'adresse des "colombes", celui de lâcheté. Les deux camps sont égaux dans l'immoralité. Personne ne songe à faire plier Pyongyang par une juste guerre préventive contre le danger même que l'on impute malhonnêtement à l'Irak. C'est donc bel et bien la guerre en soi que proscrit le camp des pacifistes, contre l'ordre naturel des choses. Aucun pacifisme n'a jamais arrêté aucune guerre. La démocratie, aidée du protestantisme, car tout démocrate est dans la civilisation moderne un protestant qui s'ignore, réussit à cumuler sans l'ombre d'un scrupule toutes les formes d'hypocrisie sans s'embarrasser des plus étonnantes contradictions dans le fait et le discours.

 

Je maintiens donc ma critique première : la démocratie est dangereuse parce que totalement imprévisible. Elle condamne la guerre en soi mais simultanément et dans un même mouvement de haine collective et rampante, elle conduit à des guerres d'extermination, parfois même longtemps après la fin de toute hostilité, comme nous le prouve l'affaire des révisionnistes actuellement. On ne veut pas voir cette évidence : les guerres d'extermination sont des guerres typiquement démocratiques. Le pétrole d'Irak n'est qu'un enjeu très relatif en soi, et si des compagnies pétrolières, souveraines comme des Etats, ce qui serait concevable, veulent vraiment s'assurer la maîtrise de leurs sources de revenus, qu'elles agissent à découvert, avec ou sans l'approbation de quiconque et en particulier des Etats-Unis d'Amérique du Nord. Je ne trouverais personnellement rien à cela que de naturel : que le plus fort gagne ! C'est la loi de la guerre, et elle en vaut une autre. Toute guerre classique apporte d'utiles nuances à la morale, et ce n'est pas un mal.

 

Ce qui, en revanche, m'apparaît comme un mal en soi, c'est bien la position "morale" ou soi-disant telle des deux camps en question, belliciste et pacifiste. Le prétexte moral fallacieux est facteur de guerre totale, donc injuste, inhumaine. Inversement, le pacifisme, qui nie tous les intérêts réels, même matériels, hypocritement bien sûr, fait officiellement de l'angélisme. Or tout vrai chrétien sait où conduit l'angélisme : à son contraire, la bestialité. J'ai senti monter ces choses hideuses ce matin, chez un pacifiste me déclarant sa haine des Américains… Il était intérieurement prêt à les exterminer !

 

Maurras avait raison : la démocratie, c'est le mal; la démocratie, c'est la mort. Elle est manichéenne par nature. Elle rend l'esprit manichéen. La démocratie est une secte protestante sécularisée.

 

Michel de PREUX

 

 

Votations fédérales

 

Droits populaires : NON

 

Comme de coutume, le Conseil fédéral et le Parlement tentent de faire passer pour des compétences étendues en faveur du peuple une réforme qui permettrait au contraire d’accroître les prérogatives de l’Assemblée fédérale, laquelle pourrait, si elle rejette l’initiative, la soumettre au vote du peuple seul, même si tout indique que sa nature est de rang constitutionnel.

 

Si l’Assemblée fédérale accepte l’initiative, et qu’elle estime que le texte proposé a rang législatif, elle prépare une loi qu’elle adopte et qui ne sera soumise qu’au referendum facultatif.

 

En bref, le nouveau système réintroduit par la fenêtre le référendum législatif, que le souverain avait mis à la porte naguère sous son nom de référendum «constructif».

 

L’avantage principal du référendum législatif est de nature esthétique : en réservant à la Constitution fédérale les grands principes, on la purifie des scories de rang législatif qui, petit à petit, avaient envahi l’ancienne[1]

 

Mais le système qu’on nous propose est compliqué et il ne correspond pas à un véritable besoin. Toute modification législative susceptible de recueillir les faveurs du Parlement naîtra spontanément dans le sein du Parlement sans initiative populaire. Toute modification de rang législatif qui nécessite la récolte de cent mille signatures dans le public va se heurter, nécessairement, à l’hostilité du Parlement qui va inévitablement la torpiller :

a.       en la déclarant partiellement ou totalement nulle, faute d’unité de forme, d’unité de matière ou à cause d’une prétendue contradiction avec des règles impératives de droit international[2]

b.      en la rejetant[3]

c.       en préparant une modification[4] mal ficelée

d.      en lançant un contre-projet dans les tibias de l’initiative (et donc de la modification qu’il a rédigée lui-même, suffisamment mal pour que le contre-projet paraisse meilleur).

 

Le danger le plus grave est le risque d’une initiative de rang législatif dans un domaine où la base constitutionnelle fait défaut, comme le relève pertinemment notre confrère La Nation[5] : dans un tel cas, qui n’a rien de théorique ou d’irréaliste, on risque de devoir accepter, comme l’écrit M. Delacrétaz «l’existence de blocs législatifs sans fondements constitutionnels».

 

Et je me demande même si ce n’est pas exactement ce à quoi le Parlement et le Conseil fédéral souhaitent justement parvenir l’un et l’autre.

 

Participations cantonales aux coûts des traitements hospitaliers : NON

 

Dans un arrêt du 16 décembre 1997[6]
, confirmé par une arrêt (en français) du 30 novembre 2001, le Tribunal fédéral des assurances a mis un terme à l’injustice dont étaient victimes les assurés qui avaient conclu une police d’assurance complémentaire  «privé» ou «semi-privé» : l'obligation du canton de résidence de payer la subvention convenue, selon l’art. 49 al. 1 LAMal, existe en principe également lorsque l'assuré séjourne dans la division privée ou semi-privée d'un établissement. En d’autres termes, qu'il dispose ou non d'une assurance complémentaire, l'assuré a toujours droit à un montant équivalent à celui que l'assureur devrait payer à l'hôpital en cas de séjour dans la division commune. Dès lors, dit le Tribunal fédéral, si tout assuré qui séjourne en division privée d'un tel établissement est en droit, comme on l'a vu, de recevoir de son assureur-maladie l'équivalent du forfait que celui-ci aurait dû acquitter s'il avait été hospitalisé en division commune, ce forfait doit être calculé selon la règle prévue à l'art. 49 al. 1 LAMal. Or, le texte légal spécifie que, pour les habitants du canton, un tel forfait couvre au maximum, par patient ou par groupe d'assurés, 50 % des coûts imputables dans la division commune. C'est pourquoi, logiquement, le canton doit supporter dans tous les cas l'autre partie de ces coûts imputables, soit 50 % au minimum, sans égard à la division de l'hôpital public ou subventionné par les pouvoirs publics où séjourne l'assuré.
 
Fâchés de ne plus pouvoir légalement racketter les assurés qui financent leur séjour hospitalier deux fois, les cantons ont suscité une loi fédérale urgente, destinée à différer leurs obligations sur 3 ans !
 
L’avis du Conseil fédéral diffusé par la brochure officielle vaut son pesant de mauvaise foi et de naïveté : «L’application immédiate et intégrale de l’arrêt du tribunal entraînerait de sérieux problèmes financiers pour les cantons. Beaucoup n’ont rien prévu dans leur budget pour faire face aux dépenses supplémentaires...».
 
Quelle que soit la décision que prendra le souverain le 9 février prochain, il faudra ne pas oublier cette argumentation. Tous les contribuables qui, commençant une activité lucrative en janvier, se verront réclamer en fin d’année, alors qu’ils n’auront pas versé un centime d’impôt en douze mois, la totalité de l’impôt annuel, pourront aussi suggérer d’en verser le 60 % la première année, le 80 % la deuxième année et enfin l’impôt total en 3e année, au motif que le paiement immédiat et intégral de l’impôt dû leur causerait de sérieux problèmes financiers et qu’en outre ils n’avaient rien prévu dans leur budget pour faire face à ces dépenses supplémentaires..
 
Le comité référendaire a raison de relever que la pratique des cantons, jusqu’à aujourd’hui, était une «inacceptable violation de l’égalité du citoyen devant la loi» et que le projet de loi urgente qui nous est soumis est un «tour de passe passe» susceptible de générer de fâcheuses conséquences économiques.
 
NON !
 
Claude Paschoud

 

 

1au sujet d’esthétique, je rappelle aux services de la Chancellerie fédérale qu’on ne commence pas un paragraphe ou un alinéa, en français, par un nombre écrit en chiffres, mais en lettres ! Les art. 138 al. 1 et 139 al. 1 débutent, aujourd’hui déjà, par «100 000», ce qui mériterait d’être corrigé, et non pas aggravé par l’introduction de l’art. 139a qui est enlaidi du même défaut.

2art. 139 al. 2 (nouveau) semblable à l’art. 139 al. 3 actuel et art. 139a al. 2 (nouveau)

3art. 139a al. 5

4art. 139a al. 3

5n° 1697 du 10 janvier 2003

6ATF 123 V 290

 

 

 

«Le Futur Antérieur»

 

La rédaction d’un périodique, tout modeste qu’il est, reçoit plusieurs livres par mois en service de presse, qu’on s’astreint à lire, au moins à feuilleter pour en donner un petit écho s’il le mérite aux yeux, pas toujours très compétents d’ailleurs, du rédacteur de service.

 

Et un jour arrive sur votre bureau un livre que rien, extérieurement, ne distingue de tous les autres qui s’y accumulent déjà, et dont le titre : «Le Futur Antérieur»* est suivi d’un sous-titre modeste : «Essai sur la face cachée du temps».

 

L’auteur, Constantin de Charrière, vous est vaguement connu. L’éditeur, l’Age d’Homme, a la bonne réputation de ne pas éditer n’importe quoi. Vous ouvrez le livre sans vous méfier qu’il cache un piège redoutable.

 

«Le Futur Antérieur» est le livre le plus important qu’il m’a été donné de lire depuis quarante ans.

 

Peut-être que l’essai de M. de Charrière énonce des thèses que d’autres ont déjà émises avant lui. Peut-être que seule mon inculture m’avait tenu ignorant d’audacieuses hypothèses scientifiques que, tel Monsieur Jourdain, je suis le dernier à découvrir. Mais la théorie de la causalité avancée, où le futur explique le passé, est exposée avec tant de compétence, tant de clarté et tant de conviction qu’en posant cette grille de déchiffrement sur tout ce qui vous paraissait obscur, incompréhensible, idiot même dans notre monde actuel, vous ressentez le choc de voir, dans les trous de cette grille, se former des signes, des mots, des phrases qui éclairent le tout. Les événements contemporains qui paraissent aujourd’hui insensés sont causés par des événements futurs. L’auteur est bien conscient que cette découverte «nous oblige à une révision déchirante de nos réflexes les plus profondément enracinés, puisque l’Evolution n’est rien d’autre qu’une Dissolution chronologiquement inverse et que la fin du monde, au sens de « le terme où il s’anéantit » est derrière nous. Le monde présent et le monde passé sont des résidus dégénérés du monde futur. Le futur précède le passé

 

Les conséquences de cette découverte sont innombrables, passionnantes : après avoir lu Constantin de Charrière, vous vous exclamerez sans aucun doute : «Mon père, ma mère, que je vous veux de mal…»

 

C.P.

 

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·        Le Futur Antérieur, essai sur la face cachée du temps, l’Age d’Homme 2002, préface de Jacques Neirynck

 

 

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Collection reliée

 

Les numéros 1 à 300 du Pamphlet (années 1970 à 2000)

ont été reliés en un seul beau volume.

 

Reliure d’une très belle toile bordeaux,

dos lisse avec inscriptions à la feuille d’or :

«le pamphlet» en caractère libra 1,5 cm de haut, 1970-2000 en bas. Volume enrichi d’un index (48 pages) de tous les articles, classés par rubrique, auteur, titre et sujet

 

Il ne reste plus que quelques exemplaires !

 

Prix : CHF 450 ou  € 300

frais d’emballage et de port en plus.

 

Commandes à notre adresse : Le Pamphlet, case-ville 4047

1002 Lausanne

 

ou par e-mail à claudepaschoud@lawyer.com

 

 

 



[1] au sujet d’esthétique, je rappelle aux services de la Chancellerie fédérale qu’on ne commence pas un paragraphe ou un alinéa, en français, par un nombre écrit en chiffres, mais en lettres ! Les art. 138 al. 1 et 139 al. 1 débutent, aujourd’hui déjà, par «100 000», ce qui mériterait d’être corrigé, et non pas aggravé par l’introduction de l’art. 139a qui est enlaidi du même défaut.

[2] art. 139 al. 2 (nouveau) semblable à l’art. 139 al. 3 actuel et art. 139a al. 2 (nouveau)

[3] art. 139a al. 5

[4] art. 139a al. 3

[5] n° 1697 du 10 janvier 2003

[6] ATF 123 V 290