Sommaire :
Les collections du Pamphlet relié (Nos 1-300) sont
arrivées !
L’éditorialiste s’interroge sur l’avenir de
l’assurance-maladie
Mme Metzler voyage en avion et M. Broulis nous inflige une
TAP
Max étudie la théorie de l’évolution dans une statue de
cristal. Cannibalisme et sentiment de sécurité
Faut-il restituer la cathédrale ?
M. le député Haury a proposé que la cathédrale de Lausanne
soit mise à la disposition de tous les chrétiens. Mariette explique les
difficultés du projet.
Considération sur la menace de guerre en
Irak
Michel de Preux s’en prend, cette semaine, à l’esprit
démocratique et à l’esprit protestant, tous deux responsable du
bellicisme américain.
Droits populaires et participations cantonales aux coûts des
traitements hospitaliers. Claude Paschoud recommande de voter 2 fois NON le 9
février.
Un essai de Constantin de Charrière sur la face cachée du
temps. Pour le critique du Pamphlet, le livre le plus important qu’il
lui a été donné de lire depuis quarante ans.
Il ne faut pas se faire d’illusions : il
est à peu près certain que, d’ici pas longtemps, les primes de
l’assurance-maladie de base seront calculées en fonction du revenu. Il paraît
que c’est le summum de la justice et de la solidarité. A première vue, le raisonnement
se tient : mieux on gagne sa vie, plus on a les moyens d’aider les
défavorisés. S’il ne s’agissait que de l’assurance-maladie, nous n’aurions pas
grand-chose à dire, car nous ne sommes pas opposés à l’aide au prochain.
L’ennui, c’est que ce principe ne s’applique pas qu’à l’assurance-maladie.
Les impôts, calculés en
fonction du revenu, sont en outre progressifs. Nous savons bien que tout Etat a
besoin d’argent pour assumer ses tâches et que cet argent il faut bien qu’il le
prenne où il est, c’est-à-dire dans la poche de ceux qui sont en mesure de
payer à des degrés divers. On peut même admettre que l’intérêt des citoyens au
bon fonctionnement de l’Etat est lui aussi fonction du revenu : les gens
qui ont les moyens d’intenter des procès bénéficient davantage du bon
fonctionnement de la justice que ceux qui ne peuvent se payer un avocat, les
gens qui ont des biens à protéger bénéficient davantage du bon fonctionnement
de la police que ceux qui ne possèdent rien, les gens qui ont les moyens de s’offrir une belle grosse
voiture bénéficient davantage du bon entretien des routes que ceux qui sont
obligés de pratiquer la marche à pied. De toute façon, on voit mal un retour au
suffrage censitaire, d’ailleurs par essence antidémocratique.
Les cotisations AVS sont
calculées en fonction du revenu, alors que les prestations maximales de l’AVS
sont les mêmes pour tous ceux qui ont versé, à des degrés divers, la totalité de leurs
cotisations. Là encore, on peut plaider, avec un peu d’imagination, que ceux
qui ont payé beaucoup y trouvent un avantage : ils n’auront pas le souci,
l’âge venu, de se préoccuper des démunis. Les dames patronnesses d’antan sont
désormais remplacées par les collectivités publiques. Quel soulagement !
En
ce qui concerne les primes d’assurance-maladie calculées en fonction du revenu,
on ne voit pas très bien où, même pour les plus imaginatifs, se situe
l’avantage, si ce n’est dans la
satisfaction morale d’être plumé, au motif qu’ayant, à des degrés divers,
consenti les efforts et les sacrifices permettant d’acquérir les moyens de
gagner correctement ou confortablement sa vie, on est en mesure de payer.
La prime d’assurance-maladie
de base n’est pas un impôt. Elle relève d’ un contrat de type commercial. Nous
avons d’un côté des «fournisseurs» qui proposent, pardon qui imposent, à tous
leurs «clients» une «marchandise» dont le prix varie quelque peu – il faut bien
asseoir le mythe de la concurrence – mais finalement pas beaucoup sur le long
terme. Nous avons de l’autre côté des
«clients», obligés il est vrai, qui n’ont aucune raison de payer deux ou trois fois plus cher que
leurs voisins la «marchandise» qu’on leur propose, pardon qu’on leur impose.
La
manie qu’ont les champions de la solidarité de ponctionner, à des degrés
divers, toujours les mêmes,
toujours au profit des mêmes, appelle deux commentaires.
Premièrement,
la logique de la «redistribution des richesses» conduit tout droit à son
application ultime : il faut que, dans tous les cas, les riches paient, à
des degrés divers, pour les pauvres. Il serait donc normal que, grâce à une carte à puce indiquant
le revenu du client et devant être obligatoirement présentée à la caisse de
n’importe quel commerce, chacun paie sa boîte de haricots, sa tranche de
viande, son produit de nettoyage, sa coupe de cheveux, sa nouvelle voiture ou
sa chambre d’hôtel en fonction de son revenu.
Deuxièmement, à force de
faire payer, à des degrés divers, les riches pour les pauvres, on finira par
appauvrir les premiers, sans pour autant enrichir les seconds, compte tenu du
chaos qui préside à l’utilisation des deniers publics. Le jour où les riches à
des degrés divers seront pauvres à leur tour, qui financera l’Etat, l’AVS,
l’assurance-maladie ?
Récemment un indépendant de
notre connaissance, qui gagne correctement sa vie sans pour autant rouler sur
l’or, déclarait en
substance : «Je me demande si je ne ferais pas mieux de fermer boutique et de me
faire entretenir par les services sociaux.»
On ne fait pas une statistique avec un cas.
Mais il n’est pas exclu que les gens qui font vivre notre pays commencent à se
décourager et surtout à s’énerver : Villiger renonce à favoriser les
familles pour ne pas écorner le budget de la recherche. Broulis consent à
investir 200 000 francs dans un campagne publicitaire destinée à expliquer le
nouveau système fiscal vaudois, alors que, dans ce domaine, la presse a, pour
une fois, fait son boulot.
Les médecins assistants de
notre canton ont réussi à exercer une pression financière telle qu’ils ont obtenu
la satisfaction de leurs principales revendications. Si les primes
d’assurance-maladie venaient à être calculées en fonction du revenu, il
faudrait peut-être envisager une action comparable.
Tous les assurés pressurés
refusant de payer leurs cotisations ! Quel b… !
Le Pamphlet
Il y a des TAP qui se perdent !
Nul
ne peut ignorer, en Pays de Vaud, que les contribuables seront mangés à la
sauce TAP cette année. La TAP, c’est la taxation annuelle postnumerando,
qui est supposée nous simplifier désormais les impôts et la vie.
Des
affiches énormes sont placardées partout, qui proclament en lettres
gigantesques : la TAP ? Tope-là !
Je
suis sûr que tous les contribuables se demandent pourquoi le département des
finances a cru bon de nous convaincre par voie publicitaire des bienfaits d’une
nouveauté qui est déjà adoptée, et qui nous est imposée. Subsidiairement, quel
est le prix dépensé pour :
a. rémunérer
l’agence de publicité ou de relations publiques auteur d’un slogan aussi
imbécile,
b. faire imprimer
les affiches, en format mondial et en format triple,
c. louer les
espaces auprès de la Société générale d’affichage.
N’aurait-on
pas pu consacrer à autre chose le budget englouti dans cette campagne
débile ?
Il
paraît que le nom de famille de notre ministre des finances est un condensé de
«Brouillon» et «hélice».
Le
fait que la Conseillère fédérale Ruth Metzler utilise l’avion du Conseil
fédéral pour se dépacer de Saint-Gall à Berne a quelque peu choqué le
contribuable moyen. Que c’est donc mesquin ! La lourde charge assumée avec
tant de tact et de compétence par la toute charmante ne doit-elle pas donner
droit à quelques privilèges ? Ne convient-il pas aussi de la protéger contre
les attaques toujours possibles de quelque terroriste ou de quelque réfugié
débouté ?
On
s’explique moins bien, en revanche, la présence à bord du mari de l’intéressée,
à moins qu’il n’assume les fonctions de garde du corps. Madame Metzler devrait
se souvenir que mêlés de trop près aux affaires fédérales, les maris de nos
«ministresses» peuvent créer de très gros ennuis. Ce n’est pas Elisabeth Kopp
qui nous contredira.
Max s’est offert pour Noël
un intéressant presse-papiers. Sept figures d’hominidés mâles y sont
représentées dans leur plus simple appareil, gravées en trois dimensions dans
la masse d’une brique de cristal. Six cheminent, la septième est assise. La
composition exprime une progression avec une origine, un apogée et une
conclusion. La première figure reproduit ce qu’il est toujours convenu
d’appeler le « chaînon manquant » et que nous ne nommerons pas, les
découvertes se multipliant en la matière et reculant à mesure la date convenue
de nos origines. «X» donc, est plus proche, de par sa taille, sa morphologie,
sa posture et, pour finir, son esthétique, du chimpanzé que du Persée de
Cellini. La deuxième marque le passage du statut de quadrupède à celui de
bipède; l’«homo habilis» n’est pas loin. La troisième, avec la raréfaction du
système pileux et une notable récession du prognathisme, confirme l’affectation
des membres supérieurs à l’emploi d’armes et d’outils; la posture est presque
érigée; l’homme revendique son statut d’«habilis» par la massue qu’il tient à
la dextre. La figure centrale de la composition représente enfin l’«homo
erectus»; affranchi de millions d’années de tâtonnements technologiques, il a
fière allure, avec sa lance dernier modèle de l’âge du fer, portée sur l’épaule
gauche, à toutes fins utiles. Il est libre. Le «sapiens» qui suit se voûte à
nouveau; le râteau qu’il tient à la main droite en est sans doute la cause. Il
redécouvre que la terre est basse et se demande parfois s’il ne ratisse pas,
désormais, au profit d’un autre un peu plus «sapiens» que lui. Le sixième
personnage est nettement plus courbé sous le poids du marteau-piqueur qu’il
emporte, à deux mains, pour gagner la galerie dont il extraira tout à l’heure
le carbone… Il est parvenu au
dernier stade de la «sapientia» induite, celui de ne plus tenter de répondre à
des questions qui le dépassent pour mieux se consacrer à quatre activités
essentielles mais cependant inégales en termes de satisfaction : dodo,
boulot, métro, «zapping». La septième figure, à peine plus haute que la première,
représente le dernier arrivé sur l’échelle de l’évolution : L’«homo
cybernauticus»1. Il est planté sur une chaise de bureau. Telles
celles d’ un pianiste virtuose, ses mains en extension s’apprêtent à plaquer
des accords sur un clavier qui repose sur un meuble dont le plateau supporte
encore un «mulot» et un coffret surmonté d’un écran. La morphologie de base n’a
pas beaucoup changé depuis le numéro deux de la chaîne. Concentré, l’homme
semble réfléchir. Mais à mieux suivre son regard, on a le sentiment confus
qu’il peine à appréhender les mystères d’un encéphale désormais transféré dans
la boîte de l’écran cathodique !
…au président Saddam
Hussein, en lui suggérant de surveiller particulièrement son métabolisme, parce
qu’au point où en est la propagande des USA et face à l’indigence de leur
argumentation en vue de justifier une quelconque intervention armée contre
l’Irak, la moindre flatulence serait assimilable à l’engagement d’armes
chimiques de destruction massive. Quant aux quelques ogives creuses (et vides),
découvertes dans les pots-aux-roses de tel ou tel scientifique irakien, sauf
preuve du contraire, elles pourraient tout aussi bien convenir à la dispersion
de tracts invitant l’excité de Washington à cesser ses pitreries.
En 2001, Armin M., citoyen
allemand, 41 ans, informaticien de son état et «branché Web», lance sur le
réseau une invitation à souper à tout compatriote postulant à la double qualité
de convive et de plat de résistance… Un amateur est sélectionné sur la base de
multiples (!) réponses. Ce dernier, un ingénieur de 42 ans, avec une belle
logique, prend congé de son employeur, réalise ses avoirs et se rend à
Rotenburg pour son ultime voyage gastronomique. Les mondanités d’usage
expédiées, nos deux « gays » quadragénaires passent à table et
entreprennent de consommer flambé… l’accessoire reproductif de l’invité !
Le met ne se montre pas à la hauteur de leurs espérances gustatives. On tâche
cependant d’en tirer un meilleur parti en le rôtissant. Tout cuisinier vous
dira que la pièce avait dû sensiblement réduire à la cuisson et tout
anthropologue confirmera que, fût-elle accommodée au curry ou en nasi-goreng,
elle n’a jamais constitué le plat de choix des cannibales traditionnels. Pour
conclure et en guise d’addition, l’amateur passe son compagnon au fil du
couteau (à steak ?), le découpe et en termine la majeure partie.
11.12.2002 : alertée par un « cybersurfeur », la police enquête
et découvre, avec quelques vestiges de l’ingénieur, l’inimaginable, d’autant
mieux que toutes les scènes se sont déroulées sous l’œil impavide d’une
caméra-vidéo.
Pour sa défense, au moment
de passer à table devant le juge d’instruction, Armin M. pourra utilement
arguer avoir fait acte de salubrité publique en supprimant deux andouilles…
prenant ainsi place au sein d’une longue lignée de gastronomes allemands un peu
particuliers, mais à la différence de MM. Fritz Haarmann ou Peter Kürten, il
conservera sur les épaules une tête, qui pourra lui servir – qui sait ?–
peut-être, un jour, à rédiger ses mémoires.
M. Nicolas Sarkozy assure
l’Assemblée Nationale, le 15 janvier dernier, qu’il souhaite «instaurer un sentiment2
de sécurité en France». Pour la sécurité tout court, les électeurs français
devront sans doute attendre les déclarations d’intentions des candidats aux
prochaines présidentielles. Dans l’intérim, le ministre de l’Intérieur
continuera à pourchasser gaiement les excès de vitesse et de boisson et autres
usages intempestifs de téléphones portables sur les routes de France et de
Navarre en omettant soigneusement de s’attaquer aux dérapages correctionnels
sur les autoroutes du pouvoir… A l’abri de ce «promène-couillons», les «jeunes»
et autres «sauvageons» persistent avec enthousiasme sur la voie des
«incivilités» au «cutter», au «Flashball» voire, pour les mieux dotés, au
«Kalachnikov» ou à l’aspersion d’essence enflammée. Il est trop tard,
bourgeois, dormez en paix…
Max l’Impertinent
1 « Cybernaute : n. Utilisateur d’un
système de réalité virtuelle ou du réseau Internet» (Le Petit Larousse Illustré, édition 2001, p.
291).
2 Souligné par Max.
Faut-il restituer
la cathédrale ?
La proposition du député
libéral vaudois protestant Jacques-André Haury de ne plus réserver l’usage cultuel
de la Cathédrale de Lausanne à la seule Eglise Evangélique Réformée du Canton
de Vaud, mais de l’ouvrir aux autres chrétiens du canton, c’est-à-dire,
principalement aux catholiques romains, a déclenché une émotion considérable et
des réactions fort diverses.
On a vu passer l’argument
mesquin selon lequel les catholiques ne souffrent pas de pénurie de lieux de
culte1, comme s’il ne s’agissait que d’une question de mètres
carrés. On a vu ressortir le vieux complexe des protestants qui ne se consolent
pas de n’être pour l’Eglise catholique romaine que des «communautés
ecclésiales», comme si une Eglise qui revendique pour elle seule l’universalité
pouvait partager cette dernière avec des «hérétiques». On a vu souffler
l’esprit oecuménique. On a même vu l’inévitable thuriféraire du dialogue
inter-religieux plaider pour que la cathédrale s’ouvre aussi aux juifs et aux
musulmans, en négligeant totalement le fait qu’aucun juif ou musulman digne de
ce nom n’accepterait de pratiquer sa religion dans une église chrétienne, sauf
à obtenir la disparition complète des symboles du christianisme qui sont
partout dans la cathédrale, ce qui ne serait possible, pour autant que les
chrétiens y consentent, que par la destruction totale de l’édifice. Bref, on a
vu un peu de tout, sauf l’opposition catégorique d’un catholique romain !
J’avoue que, dans un premier
temps, la proposition de Jacques-André Haury m’a séduite. Pourquoi, me suis-je
dit, une cathédrale magnifique, chargée d’histoire et de symboles devrait-elle
servir uniquement à quelques dizaines de paroissiens dotés par le hasard et
leur numéro postal d’un lieu de culte prestigieux ? Pourquoi notre
cathédrale devrait-elle être, en dehors de quelques cultes protestants, de
quelques enterrements de personnalités protestantes hors du commun, de quelques
célébrations oecuméniques et de quelques concerts de haute qualité,
principalement un site touristique ? Pourquoi ne pas essayer de la remplir de
fidèles au moins une ou deux fois par jour ?
Ensuite, j’ai essayé d’imaginer
comment la proposition de Jacques-André Haury pourrait entrer dans les faits.
J’ai évoqué les concertations, les négociations, les marchandages, la
discussion des horaires, qui devraient permettre à toutes les communautés
chrétiennes de ce pays de bénéficier d’un accès équitable à la Cathédrale de
Lausanne. Finalement, je suis arrivée à la conclusion que, si l’intention était
bonne, la réalisation relevait, elle, de la quadrature du cercle, en raison des
rivalités religieuses qu’on découvre avec surprise toujours bien réelles, en
dépit de la tolérance affichée pour cause de modernisme. A défaut d’autre
chose, Jacques-André Haury aura eu au moins le mérite de démontrer que les
guerres de religions ne sont pas si loin qu’on ne le croit en général.
Dans un courrier des
lecteurs de 24 heures1, Monsieur Emile Buxcel, ancien
président du Synode, écrit ceci :
« (…) On l’a bien compris, il ne s’agit pas de ‘
partage œcuménique’ - ce qui serait certes envisageable - mais d’une
réappropriation déguisée de l’édifice par l’Eglise romaine. M. Haury allant
jusqu’à avancer l’idée - pas très respectueuse envers les
protestants - d’y établir un autel
pour le service de la messe ! (…)»
Un autel dans une
cathédrale ! Quelle horreur ! Pourquoi pas un crucifix pendant qu’on
y est !
Néanmoins, Monsieur Buxcel a
raison, c’est là que se situe l’enjeu : partager la cathédrale, c’est,
d’une certaine façon, la restituer à l’Eglise catholique.
Consacrée à la Vierge Marie
– d’où son nom de Notre Dame de Lausanne - en 1275 par le pape Grégoire X en
présence de l’empereur Rodolphe de Habsbourg, la Cathédrale de Lausanne est par
la force des choses un édifice conçu et bâti par des catholiques pour des
catholiques. Elle a été pendant près de trois siècles un haut lieu du catholicisme.
En 1536, LL. EE. de Berne
occupent le Pays de Vaud savoyard et imposent à une population vaudoise
réticente, à la suite d’un simulacre de débat resté dans les annales sous le
nom de «dispute de Lausanne» et d’une campagne d’évangélisation assez peu
fructueuse, la religion réformée. La cathédrale – vandalisée par des tenants de
la nouvelle foi et privée de son trésor par l’occupant – devient un haut lieu
du protestantisme, à la suite de ce qu’il faut bien appeler un vol.
La simple justice voudrait donc
que la Cathédrale de Lausanne soit restituée à l’Eglise catholique et reprenne
son nom de Notre Dame de Lausanne. Mais il n’y faut pas songer : jamais
les protestants qui sont encore majoritaires dans ce canton n’y consentiront.
Et ils auront beau jeu de faire remarquer que si on rend la cathédrale aux
catholiques romains, la logique voudrait qu’on leur restitue aussi les autres
lieux de culte bâtis avant la Réforme.
D’accord. Mais ne
pourrait-on pas leur en redonner au moins un ? L’église Saint-François ou
l’abbaye de Romainmôtier, par exemple ? J’entends d’ici les hurlements de
mes coreligionnaires antipapistes apôtres du «partage» pour autant que ce
dernier reste théorique.
Je me demande si je ne
devrais pas engager un garde du corps.
1 On trouvera dans 24 heures des samedi-dimanche 18-19 janvier, pp. 2, 23 et 40, une assez bonne vue d’ensemble du débat.
Considération sur la menace de guerre en Irak
Jean DUTOURD dans "Dutouriana",
éd. Plon, Paris 2002, p. 85
Nul n'en sera surpris : je ne
suis, sur ce sujet, de l'avis de personne, ou presque… Je ne partage évidemment
pas les ambitions d'un clan américain ayant à sa tête le Président des
Etats-Unis, mais pas pour les raisons que l'on imagine. Je ne suis pas
davantage du côté des pacifistes de tous bords, y compris clérical et
catholique-romain, où je sens bien que la réprobation d'une guerre est une
manière de condamner la guerre en soi. Ni américanophile ni populiste, je me
contente de réfléchir dans un monde où la liberté de penser apparaît de plus en
plus comme un archaïsme, un droit tout à fait obsolète.
La menace de guerre contre l'Irak, qu'est-ce à dire ? L'ONU sert ici
visiblement de couverture morale aux Etats-Unis d'Amérique, mais elle est
piégée par les faits, décidément plus têtus que l'on croyait. Contrairement à
ce que les plus sérieux polémistes et polémologues laissaient entendre dans la
meilleure presse il y a quelques mois, l'Irak ne dispose plus d'armes de
dissuasion et de destruction massive. Il ne constitue donc une menace pour
personne. On a essayé de nous tromper, sans succès. Et voici que le voile de
moralité se déchire par le fait des inspecteurs de l'ONU en personne. Deuxième
échec. Mais voici où tout le monde se trompe : ces deux échecs ne portent pas
tant sur le risque de guerre que sur la moralité du prétexte de guerre. On le
sait, on l'a dit cent fois : l'enjeu est une matière première énergétique
d'intérêt primordial pour le complexe industriel de la plus grande puissance
mondiale. Cette guerre programmée est en somme des plus classiques : il s'agit de s'assurer la plus grande
sécurité possible dans l'approvisionnement d'une source nécessaire de richesse.
Alors pourquoi ne pas le dire, tout simplement ? A défaut d'être juste, cette
guerre serait au moins officiellement compréhensible !
Il y a deux obstacles majeurs à pareille franchise : l'esprit
démocratique et l'esprit protestant. Pour ces deux formes d'esprit, absolument
dominantes aux Etats-Unis, la guerre, pour être «morale», doit être
officiellement désintéressée; elle doit avoir une cause morale. L'ennemi n'est
pas seulement un adversaire de circonstance, il est l'incarnation du Mal, par
quoi il faut comprendre qu'on est soi-même l'incarnation du contraire du mal,
puisqu'on lui fait la guerre ! L'orgueil démocratique et l'orgueil protestant
conjuguent ici leurs forces pour imposer cette imposture au monde. Non, cette
menace de guerre en Irak n'est pas dangereuse par sa cause réelle, économique,
matérielle, mais bien par son prétexte idéologique. Oui la démocratie est
dangereuse et hypocrite, qui exige ce genre de prétexte; oui, le protestantisme
n'est pas une religion respectable qui rend nécessaire cette tartufferie à des
consciences égarées.
L'objection vient aussitôt à l'esprit : que faites-vous de la voix des peuples qui, jusqu'aux
Etats-Unis même, s'opposent à cette guerre, ne cessent de contrer la voix du
Président et de son Etat-major ? N'est-ce pas là, très exactement, la voix
morale de la démocratie bafouée par l'un des siens ? Et cette voix n'est-elle
pas, à son tour, appuyée par la plus haute instance spirituelle et religieuse
du monde, le pape de Rome ? Que vous faut-il de plus ?
Je maintiens mon grief d'hypocrisie, auquel j'ajoute, à l'adresse des
"colombes", celui de lâcheté. Les deux camps sont égaux dans
l'immoralité. Personne ne songe à faire plier Pyongyang par une juste guerre
préventive contre le danger même que l'on impute malhonnêtement à l'Irak. C'est
donc bel et bien la guerre en soi que proscrit le camp des pacifistes, contre
l'ordre naturel des choses. Aucun pacifisme n'a jamais arrêté aucune guerre. La
démocratie, aidée du protestantisme, car tout démocrate est dans la civilisation
moderne un protestant qui s'ignore, réussit à cumuler sans l'ombre d'un
scrupule toutes les formes d'hypocrisie sans s'embarrasser des plus étonnantes
contradictions dans le fait et le discours.
Je maintiens donc ma critique première : la démocratie est dangereuse
parce que totalement imprévisible. Elle condamne la guerre en soi mais
simultanément et dans un même mouvement de haine collective et rampante, elle
conduit à des guerres d'extermination, parfois même longtemps après la fin de
toute hostilité, comme nous le prouve l'affaire des révisionnistes
actuellement. On ne veut pas voir cette évidence : les guerres d'extermination
sont des guerres typiquement démocratiques. Le pétrole d'Irak n'est qu'un enjeu
très relatif en soi, et si des compagnies pétrolières, souveraines comme des
Etats, ce qui serait concevable, veulent vraiment s'assurer la maîtrise de
leurs sources de revenus, qu'elles agissent à découvert, avec ou sans
l'approbation de quiconque et en particulier des Etats-Unis d'Amérique du Nord.
Je ne trouverais personnellement rien à cela que de naturel : que le plus fort
gagne ! C'est la loi de la guerre, et elle en vaut une autre. Toute guerre
classique apporte d'utiles nuances à la morale, et ce n'est pas un mal.
Ce qui, en revanche, m'apparaît comme un mal en soi, c'est bien la
position "morale" ou soi-disant telle des deux camps en question,
belliciste et pacifiste. Le prétexte moral fallacieux est facteur de guerre
totale, donc injuste, inhumaine. Inversement, le pacifisme, qui nie tous les intérêts
réels, même matériels, hypocritement bien sûr, fait officiellement de
l'angélisme. Or tout vrai chrétien sait où conduit l'angélisme : à son
contraire, la bestialité. J'ai senti monter ces choses hideuses ce matin, chez
un pacifiste me déclarant sa haine des Américains… Il était intérieurement prêt
à les exterminer !
Maurras avait raison : la démocratie, c'est le mal; la démocratie, c'est
la mort. Elle est manichéenne par nature. Elle rend l'esprit manichéen. La
démocratie est une secte protestante sécularisée.
Comme
de coutume, le Conseil fédéral et le Parlement tentent de faire passer pour des
compétences étendues en faveur du peuple une réforme qui permettrait au
contraire d’accroître les prérogatives de l’Assemblée fédérale, laquelle
pourrait, si elle rejette l’initiative, la soumettre au vote du peuple seul,
même si tout indique que sa nature est de rang constitutionnel.
Si
l’Assemblée fédérale accepte l’initiative, et qu’elle estime que le texte
proposé a rang législatif, elle prépare une loi qu’elle adopte et qui ne sera
soumise qu’au referendum facultatif.
En
bref, le nouveau système réintroduit par la fenêtre le référendum législatif,
que le souverain avait mis à la porte naguère sous son nom de référendum
«constructif».
L’avantage
principal du référendum législatif est de nature esthétique : en réservant
à la Constitution fédérale les grands principes, on la purifie des scories de
rang législatif qui, petit à petit, avaient envahi l’ancienne[1]
Mais
le système qu’on nous propose est compliqué et il ne correspond pas à un
véritable besoin. Toute modification législative susceptible de recueillir les
faveurs du Parlement naîtra spontanément dans le sein du Parlement sans
initiative populaire. Toute modification de rang législatif qui nécessite la
récolte de cent mille signatures dans le public va se heurter, nécessairement,
à l’hostilité du Parlement qui va inévitablement la torpiller :
a. en la
déclarant partiellement ou totalement nulle, faute d’unité de forme, d’unité de
matière ou à cause d’une prétendue contradiction avec des règles impératives de
droit international[2]
b. en la rejetant[3]
c. en
préparant une modification[4]
mal ficelée
d. en lançant un
contre-projet dans les tibias de l’initiative (et donc de la modification qu’il
a rédigée lui-même, suffisamment mal pour que le contre-projet paraisse
meilleur).
Le
danger le plus grave est le risque d’une initiative de rang législatif dans un
domaine où la base constitutionnelle fait défaut, comme le relève pertinemment
notre confrère La Nation[5] :
dans un tel cas, qui n’a rien de théorique ou d’irréaliste, on risque de devoir
accepter, comme l’écrit M. Delacrétaz «l’existence de blocs législatifs sans
fondements constitutionnels».
Et
je me demande même si ce n’est pas exactement ce à quoi le Parlement et le
Conseil fédéral souhaitent justement parvenir l’un et l’autre.
Participations
cantonales aux coûts des traitements hospitaliers : NON
Dans un arrêt du 16 décembre 1997[6]
, confirmé par une arrêt (en français) du 30 novembre 2001, le Tribunal fédéral des assurances a mis un terme à l’injustice dont étaient victimes les assurés qui avaient conclu une police d’assurance complémentaire «privé» ou «semi-privé» : l'obligation du canton de résidence de payer la subvention convenue, selon l’art. 49 al. 1 LAMal, existe en principe également lorsque l'assuré séjourne dans la division privée ou semi-privée d'un établissement. En d’autres termes, qu'il dispose ou non d'une assurance complémentaire, l'assuré a toujours droit à un montant équivalent à celui que l'assureur devrait payer à l'hôpital en cas de séjour dans la division commune. Dès lors, dit le Tribunal fédéral, si tout assuré qui séjourne en division privée d'un tel établissement est en droit, comme on l'a vu, de recevoir de son assureur-maladie l'équivalent du forfait que celui-ci aurait dû acquitter s'il avait été hospitalisé en division commune, ce forfait doit être calculé selon la règle prévue à l'art. 49 al. 1 LAMal. Or, le texte légal spécifie que, pour les habitants du canton, un tel forfait couvre au maximum, par patient ou par groupe d'assurés, 50 % des coûts imputables dans la division commune. C'est pourquoi, logiquement, le canton doit supporter dans tous les cas l'autre partie de ces coûts imputables, soit 50 % au minimum, sans égard à la division de l'hôpital public ou subventionné par les pouvoirs publics où séjourne l'assuré.
Fâchés de ne plus pouvoir légalement racketter les assurés qui financent leur séjour hospitalier deux fois, les cantons ont suscité une loi fédérale urgente, destinée à différer leurs obligations sur 3 ans !
L’avis du Conseil fédéral diffusé par la brochure officielle vaut son pesant de mauvaise foi et de naïveté : «L’application immédiate et intégrale de l’arrêt du tribunal entraînerait de sérieux problèmes financiers pour les cantons. Beaucoup n’ont rien prévu dans leur budget pour faire face aux dépenses supplémentaires...».
Quelle que soit la décision que prendra le souverain le 9 février prochain, il faudra ne pas oublier cette argumentation. Tous les contribuables qui, commençant une activité lucrative en janvier, se verront réclamer en fin d’année, alors qu’ils n’auront pas versé un centime d’impôt en douze mois, la totalité de l’impôt annuel, pourront aussi suggérer d’en verser le 60 % la première année, le 80 % la deuxième année et enfin l’impôt total en 3e année, au motif que le paiement immédiat et intégral de l’impôt dû leur causerait de sérieux problèmes financiers et qu’en outre ils n’avaient rien prévu dans leur budget pour faire face à ces dépenses supplémentaires..
Le comité référendaire a raison de relever que la pratique des cantons, jusqu’à aujourd’hui, était une «inacceptable violation de l’égalité du citoyen devant la loi» et que le projet de loi urgente qui nous est soumis est un «tour de passe passe» susceptible de générer de fâcheuses conséquences économiques.
NON !
Claude Paschoud
1au
sujet d’esthétique, je rappelle aux services de la Chancellerie fédérale qu’on
ne commence pas un paragraphe ou un alinéa, en français, par un nombre écrit en
chiffres, mais en lettres ! Les art. 138 al. 1 et 139 al. 1 débutent,
aujourd’hui déjà, par «100 000», ce qui mériterait d’être corrigé, et
non pas aggravé par l’introduction de l’art. 139a qui est enlaidi du même
défaut.
2art.
139 al. 2 (nouveau) semblable à l’art. 139 al. 3 actuel et art. 139a al. 2
(nouveau)
3art.
139a al. 5
4art.
139a al. 3
5n°
1697 du 10 janvier 2003
6ATF 123 V 290
La rédaction d’un périodique, tout modeste qu’il est, reçoit plusieurs
livres par mois en service de presse, qu’on s’astreint à lire, au moins à
feuilleter pour en donner un petit écho s’il le mérite aux yeux, pas toujours
très compétents d’ailleurs, du rédacteur de service.
Et un jour arrive sur votre bureau un livre que rien, extérieurement, ne
distingue de tous les autres qui s’y accumulent déjà, et dont le titre : «Le
Futur Antérieur»* est suivi d’un sous-titre modeste : «Essai sur la
face cachée du temps».
L’auteur, Constantin de Charrière, vous est vaguement connu. L’éditeur, l’Age
d’Homme, a la bonne réputation de ne pas éditer n’importe quoi. Vous ouvrez
le livre sans vous méfier qu’il cache un piège redoutable.
«Le Futur Antérieur» est le livre le plus important
qu’il m’a été donné de lire depuis quarante ans.
Peut-être que l’essai de M. de Charrière énonce des thèses que d’autres
ont déjà émises avant lui. Peut-être que seule mon inculture m’avait tenu
ignorant d’audacieuses hypothèses scientifiques que, tel Monsieur Jourdain, je
suis le dernier à découvrir. Mais la théorie de la causalité avancée, où
le futur explique le passé, est exposée avec tant de compétence, tant de clarté
et tant de conviction qu’en posant cette grille de déchiffrement sur tout ce
qui vous paraissait obscur, incompréhensible, idiot même dans notre monde
actuel, vous ressentez le choc de voir, dans les trous de cette grille, se
former des signes, des mots, des phrases qui éclairent le tout. Les événements
contemporains qui paraissent aujourd’hui insensés sont causés par
des événements futurs. L’auteur est bien conscient que cette découverte «nous
oblige à une révision déchirante de nos réflexes les plus profondément
enracinés, puisque l’Evolution n’est rien d’autre qu’une Dissolution
chronologiquement inverse et que la fin du monde, au sens de « le
terme où il s’anéantit » est derrière nous. Le monde présent et le monde
passé sont des résidus dégénérés du monde futur. Le futur précède le passé.»
Les conséquences de cette découverte sont innombrables,
passionnantes : après avoir lu Constantin de Charrière, vous vous
exclamerez sans aucun doute : «Mon père, ma mère, que je vous veux de
mal…»
C.P.
_________
·
Le
Futur Antérieur,
essai sur la face cachée du temps, l’Age d’Homme 2002, préface de
Jacques Neirynck
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Les numéros 1 à 300 du Pamphlet (années 1970 à 2000)
ont été reliés en un seul beau volume.
Reliure d’une très belle
toile bordeaux,
dos lisse avec
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«le pamphlet» en
caractère libra 1,5 cm de haut, 1970-2000 en bas. Volume enrichi d’un index (48
pages) de tous les articles, classés par rubrique, auteur, titre et sujet
Il ne reste plus que quelques exemplaires !
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case-ville 4047
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[1] au sujet d’esthétique, je rappelle aux services de la Chancellerie fédérale qu’on ne commence pas un paragraphe ou un alinéa, en français, par un nombre écrit en chiffres, mais en lettres ! Les art. 138 al. 1 et 139 al. 1 débutent, aujourd’hui déjà, par «100 000», ce qui mériterait d’être corrigé, et non pas aggravé par l’introduction de l’art. 139a qui est enlaidi du même défaut.
[2] art. 139 al. 2 (nouveau) semblable à l’art. 139 al. 3 actuel et art. 139a al. 2 (nouveau)
[3] art. 139a al. 5
[4] art. 139a al. 3
[5] n° 1697 du 10 janvier 2003
[6] ATF 123 V 290