Lausanne 32e année      «ne pas subir»       Septembre  2002 No 317







Sommaire :
 

Hommage à Georges-André Chevallaz

Votations du 22 septembre
Commentaires : l'or de la Banque nationale et la Constitution vaudoise

En direct de Sirius
Max a lu des contes merveilleux, et commente impertinemment, comme il se doit, l'actualité de la semaine politique française

Dialogue sur la Banque cantonale vaudoise
Quand le directeur de la communication de la BCV donne raison, après coup, au rédacteur du Pamphlet

Sept aphorismes
Michel de Preux cette semaine : bref, percutant, profond

Bricoles
Les véritables raisons de notre adhésion à l’ONU  : une affaire de rembourrage
Neutralité : les fausses barbes tombent
Susceptibilité : sacré Adolf !
Originaire de Montherod : on le savait !
Services sociaux : de l'eau dans le gaz - le match Etat contre Lausanne
Un forcené à Gimel : propriété privée ? connais pas
Vive émotion : qui est ému ?
Zimbabwe : des émeutes racistes qui laissent les antiracistes professionnels de glace
 

Harcèlement sexuel
Pas de bisou !


Hommage à Georges-André Chevallaz
 

Sans doute l’avez-vous remarqué comme nous, les hommes de petite taille se divisent en deux espèces : ceux qui se grandissent à leurs propres yeux en abaissant et brimant les autres, et ceux qui remplacent la hauteur par l’envergure. Georges-André Chevallaz appartenait  sans conteste à la seconde catégorie.

Sans doute avez-vous remarqué aussi qu’il existe deux sortes de démocrates : ceux qui considèrent la démocratie comme l’unique système politique propre à faire le bonheur des peuples et condamnent sans états d’âme tout ce qui va à l’encontre de leur idéologie, et ceux qui considèrent la démocratie comme le moins mauvais des systèmes politiques et poussent la logique jusqu’au bout en acceptant la pluralité des opinions. Georges-André Chevallaz appartenait sans conteste à la seconde catégorie.

Comment expliquer, sinon, que cet homme, qui n’avait rien d’un «extrémiste de droite», qui, selon toute vraisemblance, ne partageait nos idées que très occasionnellement, que nous avons égratigné à maintes reprises, ait payé fidèlement son abonnement au Pamphlet pendant plus de trente ans ? Il n’était pas masochiste, autant que nous sachions ! La seule explication que nous voyons à ce surprenant phénomène est que, adepte d’un débat politique authentique, il avait à cœur de prendre connaissance aussi des opinions qui n’étaient pas les siennes, ne serait-ce que pour pouvoir les réfuter à l’occasion. Cette attitude, en voie de disparition, mérite d’être saluée.

Autre preuve d’ouverture d’esprit : lors des «affaires Paschoud», nous lui avons écrit à deux reprises pour lui demander des avis à propos de certaine controverse qu’il est inutile d’évoquer plus avant. Ces avis – qui ne nous étaient pas favorables, d’ailleurs - , il nous les a donnés sans se faire prier, dans deux longues lettres manuscrites très courtoises. Vous en connaissez beaucoup, vous, des hommes en vue qui se seraient donné cette peine, alors qu’il était si simple de jeter nos lettres au panier ou de répondre par un simple accusé de réception ou encore de nous asséner un «Je ne discute pas avec les révisionnistes» du plus moderne effet ?

Georges-André Chevallaz ne reculait pas non plus devant une once de provocation. Invité, voici bien des années – il était encore conseiller fédéral - par le collège de l’Elysée – qui avait la réputation solidement établie d’être un «collège de gauchistes» - à un débat consacré à son manuel d’histoire, il fut accueilli à la salle des maîtres par quelques enseignants dont Mariette faisait partie. Au moment de saluer celle-ci, non content de lui dire poliment bonjour, il ajouta un «Je vous lis régulièrement» qui laissa pantois le reste de l’assistance. Vous en connaissez beaucoup, vous, des conseiller fédéraux en fonction qui se seraient risqués à un tel aveu devant une brochette d’intellectuels réputés «gauchistes», pour qui le Pamphlet n’était qu’une «feuille d’extrême-droite» ?

Nous avons perdu un homme honnête et courageux. Nous avons aussi perdu un patriote et un chrétien qui n’a pas craint d’affirmer ses convictions au-delà de la mort. Ne nous a-t-il pas, lors de ses funérailles, offert le plaisir – mais oui ! – de pouvoir chanter en vibrant deux bons vieux cantiques et la Prière patriotique ?

24 Heures du 13 septembre a qualifié d’austères les adieux à Georges-André Chevallaz. Le journaliste de service n’avait rien compris.
 
 

Le Pamphlet



 
 
 

Votations du 22 septembre
 
 

L'or de la Banque nationale
 

Ce n'est pas d'aujourd'hui : l'or rend fou. Sagement, le peuple suisse a rejeté à la fois l'initiative de l'UDC et le contreprojet du Conseil fédéral. Ce dernier avait l'outrecuidance de créer un Fonds dit «de solidarité» aux buts et aux bénéficiaires mal définis aux frais exclusifs des cantons ! Si, si ! Voyons-y de plus près :

Puisque le bénéfice réalisé par la Banque nationale doit être réparti, (après prélèvement en faveur du fonds de réserve, du dividende de 6 % du capital versé dû aux actionnaires et de l'indemnité aux cantons de 80 centimes par tête de population) à raison de un tiers à la Confédération et deux tiers aux cantons, un projet qui répartissait ce bénéfice à raison de 1/3 pour la Confédération (c'est ce qui lui est promis par l'article 27 de la loi sur la Banque nationale), 1/3 aux cantons (c'est la moitié de ce qui doit leur revenir) et 1/3 en faveur d'une Fondation de solidarité, cette fondation aurait été financée aux frais exclusifs des cantons.

On a échappé à ce racket, ouf ! Il s'agit maintenant de se reprendre et de cesser les fantasmes et les élucubrations. C'est peut-être un exercice journalistiques amusant d'aller interroger les gens, dans la rue, pour leur demander ce qu'on devrait faire, demain, avec le produit de la vente de l'or excédentaire (ou avec les intérêts annuels du produit de cette vente). Chacun y va de son petit couplet, et désigne la priorité de son cœur.

C'est un peu comme si on demandait à un citoyen qui doit 50'000 francs à ses créanciers et qui est saisi par l'Oncle Paul de dire ce qu'il ferait avec vingt mille francs gagnés à la loterie.

Si la Banque nationale possède de l'or en excès, c'est que cet or a été acquis par économies de nos parents et il leur appartient, à eux et à leurs descendants. C'est l'aspect «moral». Quant à l'aspect juridique, il est ultra simple. Le produit de la vente de cet or sera un bénéfice. Ce bénéfice, de par la loi, doit revenir pour un tiers à la Confédération, et pour deux tiers aux cantons. La répartition interne est même prévue : les 5/8 de leur part sont répartis à fonction de la population résidante et les 3/8 à raison de leur capacité financière.

Au Parlement fédéral d'affecter cette manne (le tiers fédéral) à un usage conforme aux intérêts de la Confédération et aux cantons de décider, chacun selon sa Constitution et son droit, ses besoins les plus urgents et l'état de ses finances, de l'affectation de leur part.

Pour le canton de Vaud, nul besoin de faire preuve d'un délire imaginatif : il faut alléger la dette.
 
 

Constitution vaudoise
 

C'est donc fait : les Vaudois se sont donné du bout des lèvres une Constitution nouvelle «pleine d'incohérence et de confusions». La formule est due à la plume de M. Etienne Grisel, professeur de droit constitutionnel à l'Université, qui est bien placé pour savoir de quoi il parle. La méthode de travail était «d'emblée vouée à l'échec», le résultat est «hétéroclite», la syntaxe «défectueuse» et le vocabulaire «incertain».

Au final, comme on dit maintenant, le texte est «mal structuré, deux fois trop long, surchargé de détails, de répétitions, de clauses verbeuses et dénuées de sens juridique».

Mais il y a plus grave, et mon ancien camarade d'études l'a bien vu et fort bien dit, malheureusement sans avoir été suffisamment entendu : la nouvelle Constitution vaudoise «comporte des engagements qui ne pourront pas être tenus». Une fois retombé l'enthousiasme populaire pour les nouveautés les plus décoiffantes, celles qui nous permettront d'aller de l'avant, on s'avisera que pour mettre en œuvre ces innovations, il faut des lois, que l'application de chaque loi a un prix et que ce prix doit être payé par quelqu'un.

Le réveil risque d'être pénible.
 
 

Claude Paschoud
 


En direct de Sirius
 

Vous avez aimé «Candide» ?
 

Vous allez aimer «le Merveilleux voyage en France d’Omar Ben Alala»1. Dans les traces de Voltaire, Gérard de Senneville nous confirme que le mode du conte satirique a passé le cap du XXIème siècle en conservant intactes sa drôlerie et son efficacité didactique. Nous projetant dans un futur parfois lointain (entre 2029 et 6421) mais paradoxalement très proche, l’auteur, au gré des découvertes de son héros Omar dans la France du XXIIème siècle, et au cours de treize «autres contes du futur», nous fait toucher du doigt les travers et les ridicules du présent. Des cuistres, des jocrisses, des perroquets de cour, des sommités assises, des prédateurs de circonstance, des petits escrocs du pouvoir et autre tartuffes du politiquement correct, aucun de nos contemporains ne sort indemne. Senneville relève les mœurs étranges de notre curieuse époque en portant le rire comme on porte l’incendie, à vive allure. Un livre savoureux.

Questions ouvertes

Max a choisi de reléguer la question du “sens de la vie” à de très rares quarts d’heures métaphysiques, préférant aborder tout fait nouveau par un “de quoi s’agit-il ?”… auquel vient s’adjoindre, de plus en plus fréquemment un “cela en vaut-il la peine ?”… sauf à se poser subsidiairement la question “où veulent-ils en venir ?”, ou même son corollaire “quel est leur intérêt ?” Questions qui dégénèrent souvent, en géopolitique, en “a qui profite le crime ?”…, réduisant ainsi aussi bien les moments d’ennui que d’inquiétudes métaphysiques.

De fâcheux trouble-fêtes

MM. Eric Diard, Didier Julia et Thierry Mariani ont semé grand émoi en France. Contre l’avis du Président et du gouvernement, en général, et du Quai d’Orsay, en particulier, ces trois députés UMP (parti de M. Chirac) se sont rendus en Irak, à titre privé, pour essayer de voir plus clair dans la question des armes réputées “de destruction massive” – les mêmes que celles de M. Bush jr, mais pour lui c’est OK – de M. Saddam Hussein. Les malheureux ont eu droit à une réception glaciale à leur retour, et l’on peut sans grand effort d’imagination se représenter les foudres “démocratiques” de diverses origines que va leur valoir leur démarche… Il n’empêche que cela fait en France au moins trois représentants du peuple qui ne vont pas mourir idiots.

Devinette

Il est en mesure d’intervenir où bon lui semble sur la planète avec des armes conventionnelles, bactériologiques, chimiques ou nucléaires. Ses bases d’entraînement, logistiques et d’attaque sont susceptibles d’être réparties n’importe où sur le globe. Il dispose d’organisations, d’infrastructures, d’alliances et de complicités lui permettant d’effectuer des opérations illégales en tout point du monde. Il peut s’appuyer sur des réseaux financiers internationaux, dans lesquels l’économie pétrolière tient une place de choix, et des moyens de propagande illimités pour séduire, convaincre, corrompre et même fanatiser les masses. Il se prétend investi d’une mission divine, peut-être même y croit-il. Il décide souverainement de ce qui est juste et de ce qui ne l’est pas, en foi de quoi il entend propager la guerre sainte. Qui est-ce ?

(N.B. : toute ressemblance avec… etc., etc.)

M. Papon est libre…

… par mesure «humanitaire», après trois années de détention, en raison de son grand âge et de sa mauvaise santé. En cette occasion, à la porte de la prison, les chacals de service poussèrent spontanément les glapissements de circonstance. Il s’agissait que leurs hurlements fassent bon poids pour les médias. Me Jakubovicz, un avocat des parties civiles, trouva même judicieux de préciser son espoir  de voir M. Papon «fermer sa gueule» (sic). C’est aller un peu vite en besogne et vouloir faire oublier que, dans cette affaire, la justice française a été condamnée à Strasbourg pour violation de présomption d’innocence. Les avocats de la défense entendent poursuivre leurs efforts pour faire invalider une décision de justice rendue dans les conditions de sérénité que l’on sait, dans la lamentable “ambiance” (agenouillements présidentiels, manifestations diverses, “sittings” sur le parvis du palais de justice, battage médiatique, décoration de “Justes” par S.E. l’ambassadeur d’Israël, etc.) que l’on a pu observer tout au long du procès, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la Cour d’assises bordelaise.

Au TPI, ça bouge… un peu
(faute de grives…)

A défaut de pouvoir entamer le système de défense de M. Milosevic, l’ineffable Mme del Ponte sort un atout de sa manche : le témoin “K 41” – un témoin anonyme, dont on ne sait rien si ce n’est qu’il s’agirait d’un soldat monténégrin2 –, renouant ainsi avec une longue tradition de procès en sorcellerie politique.

Vivent les vacances !
(et… bonne rentrée !)

Après deux mois d’entrée en fonction, profitant des vacances estivales et d’une France encore sonnée de découvrir les effets pervers de l’Euro, le gouvernement Raffarin, premier ministre en tête, s’octroie généreusement une augmentation de traitement de 70% ; officiellement pour s’aligner sur leurs divers collègues européens et compenser la disparition des “fonds secrets”. Il est même précisé avec candeur, que ces traitements, dans leur intégralité, n’échapperont plus au fisc… Par analogie, dans le domaine privé, plus rien ne s’oppose désormais à ce que le collaborateur que vous venez d’engager vous réclame, à titre introductif, une immédiate et substantielle augmentation de salaire… et vous n’aurez plus qu’à espérer qu’il consente à vous fournir ultérieurement les preuves d’une quelconque efficacité.
 
 

Max l’Impertinent
 
 
 

1.        Editions de Fallois, 22, rue La Boétie, F 75008 Paris.
2.         “Marianne”, n° 282, 16-22.9.2002, p. 8.
 




 

Dialogue sur la Banque cantonale vaudoise
 

Profitant d'un passage dans les locaux de la BCV, et en attendant son tour au guichet, le 9 septembre, le rédacteur du Pamphlet utilise un ordinateur mis à la disposition du public pour poser par écrit la question impertinente suivante : «Est-il exact que depuis l'éviction de M. Duchoud et son remplacement par un honorable professeur genevois qui ne comprend rien à la banque ni au canton de Vaud, la BCV est comme un bateau ivre, sans pilote dans le brouillard ?»

Deux jours plus tard, réponse par courriel de M. Daniel Herrera, directeur de la communication et porte-parole de la BCV :

«Tout d'abord, permettez-moi de vous remercier de votre message, qui traduit de toute évidence un intérêt de votre part quant à la situation de notre Banque. Pour parler de notre Président du Conseil d'administration, Me Alain Hirsch, son long parcours au sein de la Commission fédérale des Banques et sa connaissance approfondie de la législation bancaire et des implications de celle-ci sur les activités financières en général esquissent un portrait assez éloigné de celui que vous dressez. Pour ce qui est du paysage économique vaudois, nous avons la prétention, à la BCV, de le connaître suffisamment bien pour soutenir efficacement Me Hirsch dans sa fonction. Quant au top management de la BCV, il a certes une période pour le moins délicate à gérer, compte tenu des nombreuses informations que vous avez pu lire sur notre établissement dans les médias et de la situation générale des marchés financiers. Vous aurez toutefois certainement noté que nos résultats bruts au 30 juin présentent des éléments absolument satisfaisants, synonymes de bonne santé opérationnelle. Il s'agira mainenant de confirmer rapidement au niveau du bénéfice net, nonobstant une gestion encore plus efficace de la question de nos provisions et, plus généralement, de nos risques. Comme elle l'a déjà annoncé à plusieurs reprises, notamment en conférence de presse, la Direction Générale de la Banque y travaille avec sérieux et détermination.

En espérant avoir répondu à votre satisfaction, je vous transmets mes cordiales salutations.»

Le 20 septembre, le Conseil d'Etat décide de se passer des services improbables et onéreux de Me Hirsch et de désigner à sa place un vrai banquier en la personne de M. Olivier Steimer. Commentaire de M. Daniel Herrera, toujours porte-parole de la BCV : «Nous nous réjouissons de l'arrivée de quelqu'un dont les compétences sont reconnues dans le monde bancaire».

On comprend, au sujet du professeur Hirsch, que son long parcours au sein de la Commission fédérale des Banques et sa connaissance approfondie de la législation bancaire n'ont pas suffi face aux réalités de la banque, et que même le Conseil d'Etat s'en est rendu compte.

Bonne chance au nouveau président !
 
 

C.P.


Sept aphorismes
 
 

1.         Je préfère me brouiller avec mes amis pour de bonnes raisons que de m’accorder avec eux pour de mauvaises.

2.         Si le tact, comme disait Oscar Wilde, consiste à ne jamais blesser les sentiments d’autrui sans le faire exprès,
            la correction fraternelle est un modèle de tact.

3.         La complaisance réciproque entre amis relève du narcissisme qui est un sentiment vulgaire; la déférence seule
            crée entre amis une véritable unité, par l’exigence que guide et canalise le respect mutuel.

4.         Qui veut s’affiner n’a jamais été grossier, fait dire Thomas Mann à l’un de ses héros de roman (Félix Krull);
            certes, mais qui utilise par jeu ou par défi la grossièreté blesse en lui-même, et non en autrui, le sentiment,
            aussi justifié soit-il, de sa finesse native.

5.         Montaigne disait de son ami La Boétie : «Parce que c’était lui, parce que c’était moi»; il y a deux manières d’interpréter
            cette proposition : la première serait indécente : une autosatisfaction réciproque; la seconde me paraît seule vraie :
            la confession délicieuse d’une mutuelle élection ne cesse jamais et surmonte tout.

6.         Tolérer n’est pas ce que l’on croit généralement aujourd’hui : admettre tout et son contraire. Cela, c’est du mépris.
            Tolérer est un effort constant que l’on fait sur soi avec lucidité afin de préserver l’avenir d’une entente imparfaite,
            d’une relation imparfaite pour les amener par la souffrance à un état de perfection qui n’est pas, mais qui est espéré.
            Qui tolère vraiment, souffre réellement, en permanence. Le grand nombre a horreur de cette tolérance-là.

7.         La forme morale du suicide : je suis bien comme je suis… Si vous n’exigez plus rien de vous, c’est que vous
            ne vous aimez plus… L’éternel conseil de tous les démagogues : «Restez comme vous êtes !»
            Un ami vous dira : «Soyez ce que vous êtes.»
 
 

Michel de Preux



Bricoles
 

Les véritables raisons de notre adhésion à l’ONU
 

« A l’Assemblée générale, on va pouvoir abandonner notre bänkeli, petit banc à l’écard des membres où nous côtoyions les autres observateurs que sont le Saint-Siège et la Palestine. Nous n’avions que deux places et comme nous étions souvent plus, nous nous mettions debout ou squattions les places de nos collègues absents. Désormais, nous allons avoir nos six sièges rembourrés comme ceux de tous les autres membres »
 

Pierre Helg, numéro deux de la mission suisse à l’ONU
in 24 heures du 10 septembre 2002 page 3

Neutralité
 

Une semaine après l’adhésion de la Suisse à l’ONU, notre «ministre de la défense» Samuel Schmid «n’a pas exclu que des avions militaires engagés sur le théâtre irakien, et stationnés en Europe, puissent survoler le territoire suisse en cas d’attaque militaire contre l’Irak»1. Certes, cette décision relève du Conseil fédéral, mais il est peu probable que M. Schmid se soit risqué à de tels propos sans avoir été assuré de l’approbation de ses collègues, lesquels n’ont en tout cas pas réagi.

Si ce n’est pas donner son aval aux projets guerriers de M. Bush à l’encontre du dictateur irakien; si ce n’est pas se déclarer prêt à participer, même modestement, à des opérations militaires contre un pays qui ne nous a rien fait et dont il n’est même pas certain qu’il soit seulement en mesure de nous faire quelque chose, les mots n’ont plus de sens.

Ce qui nous étonne, ce n’est pas que les promesses lénifiantes faites aux défenseurs de la neutralité pendant la campagne sur l’adhésion de la Suisse à l’ONU restent lettre morte : personne n’y a cru. Mais qu’il n’ait fallu qu’une semaine pour qu’un conseiller fédéral ose nous annoncer que ces promesses seraient violées témoigne d’une servilité à l’égard de puissances étrangères que même les plus pessimistes n’avaient jamais envisagée.

Ne condamnons pas trop vite, cependant. Peut-être les propos de Samuel Schmid ont-ils été mal compris ou mal interprétés. Peut-être Samuel Schmid n’a-t-il parlé qu’en son nom personnel. Peut-être aurons-nous droit dans un proche avenir à une mâle – pardon, Mesdames Ruth - décision du Conseil fédéral excluant tout survol de notre territoire par des avions militaires étrangers. On vit d’espoir.
 
 

1 24 heures du 18 septembre
 

Susceptibilité
 

Monsieur Adolf Ogi, conseiller spécial de l’ONU pour le sport, n’a pas participé à la cérémonie officielle d’adhésion de la Suisse à l’ONU. Motif invoqué : l’invitation personnelle qu’il avait réclamée au DFAE et qui lui fut envoyée par exprès n’était pas arrivée assez tôt (six jours seulement avant le grand jour) et il avait déjà d’autres échéances qu’il n’était plus possible de repousser. Pourtant, selon une information de l’Agence télégraphique suisse que nous avons pêchée sur Romandie.news le 9 septembre, «Au début du mois d’août, le DFAE avait pris contact avec le conseiller personnel de M. Ogi pour clarifier les modalités de participation. A la mi-août, il lui avait fait parvenir le programme des festivités». M. Ogi, donc, n’a pas appris le 4 septembre seulement que la cérémonie officielle d’adhésion devait dérouler ses fastes le 10 du même mois, ni qu’il comptait au nombre des invités et qu’il aurait pu recevoir a New York, comme les autres, son carton d’invitation des mains de Kaspar Villiger. N’importe qui, à sa place, aurait agendé l’événement et se serait abstenu de fixer des échéances ce jour-là précisément. Donc, soit M. Ogi est extrêmement mal organisé, soit il est atteint de graves troubles de la mémoire (Alzheimer ?), soit il attache à sa personne et à sa fonction une importance démesurée. La dernière hypothèse nous paraît la plus vraisemblable et explique qu’il se soit vexé d’être traité comme un invité ordinaire. Où la mégalomanie ne va-t-elle pas se nicher !
 
 

Originaire de Montherod

Le décès de M. Georges-André Chevallaz a donné à de multiples corporations et associations l’occasion de manifester, par l’insertion d’une annonce mortuaire, que notre estimé ancien Président de la Confédération était leur membre d’honneur, leur ancien président, leur ancien membre du comité de direction ou leur frère de couleurs.

Avec un jour de retard, la Municipalité (et la population ?) de Montherod nous a aussi fait part du décès, en indiquant, pour justifier l’annonce, que Monsieur Georges-André Chevallaz était «originaire de notre commune».

Tous les bourgeois de Montherod ont-ils droit, à leur décès, à une annonce semblable ? Ou essaie-t-on de se faire pardonner de n’avoir pas conféré à l’éminent magistrat le statut de bourgeois d’honneur de son vivant ?
 
 

Services sociaux : de l’eau dans le gaz
 

Amusante petite guéguerre entre les services de l’Etat de Vaud, plus particulièrement le Contrôle cantonal des finances que dirige M. Pierre Ethenoz, et la Municipalité de Lausanne, en l’espèce le Syndic et ministre des finances Daniel Brélaz et la Conseillère municipale en charge des services sociaux, la charmante Sylvia Zamora.

Un rapport cantonal sur les dysfonctionnements du centre social lausannois avait provoqué une réaction de colère de la Municipalité qui n’avait pas craint, sur son site Internet, de traiter les inspecteurs cantonaux de «comptables bornés».

Lesquels persistent et signent. Une «contre-expertise confidentielle» patronnée par l’Etat de Vaud leur donne – évidemment – raison  pour la plus grande joie de 24 heures.

Ces controverses n’ont aucun sens : si des requérants d’asile sont parvenus à se faire octroyer, à tort, des sommes auxquelles ils n’avaient pas droit, il est juste qu’on leur demande de les rembourser. Sur ce point, les services de l’Etat ont raison. Mais si les bénéficiaires ont déjà dépensé ces sommes et qu’ils ne bénéficient que du minimum physiologique pour subsister, on ne peut – pour l’instant – rien retenir sur les allocations qu’on leur sert. Sur ce point, Mme Zamora a évidemment aussi raison.

Si un bénéficiaire de l’aide sociale dit qu’il a perdu – ou qu’on lui a volé – son indemnité mensuelle, l’Etat n’est pas tenu de lui verser une deuxième fois l’aide à laquelle il a droit selon la loi. Surtout que la perte ou le vol sont peut-être imaginaires. L’Etat a raison d’être méfiant. Mais si le malheureux a vraiment perdu l’argent qu’on lui a donné ou qu’il s’est réellement fait voler, le laissera-t-on expulser de son logement et mourir de faim, lui et sa famille, pour le punir de sa négligence ? Dans le doute, on lui donne son allocation à nouveau. Mme Zamora a raison.

Peut-être faudrait-il que les services sociaux paient eux-mêmes les factures des indigents, au lieu de leur remettre l’argent liquide destiné au règlement…
 
 

Un forcené à Gimel
 

Une dame et sa mère se rendent en voiture à un spectacle à Gimel, samedi 31 août dernier. Elles se parquent sur une place privée, dûment signalée comme telle, par un marquage jaune et un écriteau de mise à ban signée par le juge de paix. Lorsque le légitime propriétaire (ou locataire, peu importe) de cette place rentre chez lui, et la trouve occupée sans droit, il se place derrière le « squatter » et rentre chez lui. A la fin du spectacle, il constate par sa fenêtre que la dame, essayant d’extraire son véhicule, a endommagé sa voiture à lui. Après « un cauchemar qui durera presque quatre heures pour les deux femmes » nous raconte 24 heures du 3 septembre, et l’intervention de la police, le forcené (qui avait tiré au mousqueton un coup de feu en l’air) a été interné en milieu psychiatrique. Le policier de service, probablement éméché, avait vu deux fusils. En réalité, il n’y en avait qu’un.

L’histoire est exemplaire. La dame s’estime la victime. Elle se demande si elle va porter plainte. Pour elle comme pour bien d’autres, la propriété privée n’est légitime que si le propriétaire fait de son bien un usage permanent. Si une place de parc privée, si une villa est inoccupée, c’est que son propriétaire – ou son locataire – n’en a pas besoin actuellement. Ergo, je m’en empare, je squatte.
 
 

Vive émotion

Maurice Papon, âgé de 92 ans, a été libéré pour raisons de santé de la prison où il avait été incarcéré le 22 octobre 1999. Cette libération a créé, nous dit la presse, une «vive émotion» dans toute la France.

Cette vive émotion a sans doute été mesurée dans les synagogues, parce que la grande majorité des gens se foutent de Maurice Papon comme – si j’ose le dire – de l’an quarante. Certains le croient même inventeur de la machine à vapeur.

A Paris, les journalistes sont dans les salons, rarement dans la rue !
 

Zimbabwe
 

Même la presse anticolonialiste l’avoue1 : en avril 1980, à l’aube de l’indépendance, le Zimbabwe (ex-Rhodésie) «était un pays riche, autosuffisant, exportateur de céréales, de café et de succulente viande de bœuf.» Aujourd’hui, sous la houlette du président Robert Mugabe, les fermiers blancs (qui étaient 270'000 il y a vingt ans) sont chassés sans indemnités et le pays se prépare à subir la plus formidable famine de son histoire. L’inénarrable Jean Ziegler estime pourtant que, sur le fond, Mugabe a raison. Le contraire nous aurait surpris.
 

1    24 heures du 23 août page 3 : analyse de Reto Breiter.


Harcèlement sexuel
 

Un policier zuricois qui devait assumer sous peu le poste de chef de la police municipale de Soleure a été suspendu, puis licencié avant même d’entrer en fonction. Motif : une collègue de la police zuricoise l’accusait de harcèlement sexuel.

On peut à la rigueur comprendre que la ville de Soleure ait renoncé aux services du policier incriminé : en ces matières, il n’est pas nécessaire d’être coupable; il suffit d’être suspect pour perdre sa crédibilité – calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose -, surtout si certains organes de presse font leurs gros titres de l’affaire. Or, il est notoire que les autorités politiques ne brillent pas par le courage, qu’elle soutiennent rarement les «moutons noirs» réels ou supposés. De plus, il est important qu’un chef de la police jouisse de l’estime et de la confiance générales. On me pardonnera cependant d’avoir une pensée compatissante pour un homme condamné et puni avant même d’avoir pu présenter sa défense.

Il n’est évidemment pas question que je prenne position sur ce dossier, puisque, de l’aveu même du Matin, qui a consacré le 18 septembre une pleine page à cette sombre affaire, personne n’en a connaissance.

Ce qui m’indigne, en revanche, c’est que, avant même que les faits ne soient établis, un organe de presse jette en pâture à ses lecteurs une «affaire» qui, pour l’instant, si l’on en croit le témoignage des intéressés pieusement recueilli par le Matin, met en lumière les crimes suivants : des bises données à la victime, notamment lors d’un retour de vacances d’icelle, et l’appellation «Schätzli» utilisée à plusieurs reprises par le coupable à l’égard de la harcelée.

En somme, faute de mieux, le Matin admet implicitement que quelques bises et quelques «Schätzli» peuvent constituer un délit de harcèlement sexuel. Et d’en faire toute une histoire, alors que 24 heures du 19 septembre – honneur à lui – n’y consacrait qu’une brève de neuf lignes !

J’étais voici quelques jours à Métropole 2000 en quête d’un renseignement. Une jeune vendeuse à cheveux rouges m’a fort aimablement guidée jusqu’à un collègue qu’elle a interpellé par son prénom. Réponse du collègue en question : «Oui, ma chérie ?». Sans s’offusquer le moins du monde, la demoiselle a demandé et obtenu l’information dont j’avais besoin, après quoi elle est retournée à son poste le plus benoîtement du monde.

Au cours de ma «carrière» militaire, j’ai été à plusieurs reprises seule femme au sein d’un état-major de bataillon. Mes camarades se montraient amicaux et même galants. J’ai reçu des bises à l’occasion. Le fait  que je ne croyais pas nécessaire de jouer les féministes n’était peut-être pas étranger à ces manifestations d’amitié. Mais elles étaient réelles et je ne les ai jamais ressenties que pour ce qu’elles étaient : la preuve que j’avais pu m’intégrer sans heurts et sans équivoque dans un milieu exclusivement masculin. A aucun moment, je n’ai été visitée par l’idée que la gentillesse de mes camarades dissimulait des pensées inavouables.

Allons plus loin : si les manifestations de sympathie ou d’affection risquent de nous attirer des ennuis, nous devons dorénavant nous abstenir :

1.         de faire preuve de tendresse envers nos conjoints : délit de harcèlement sexuel conjugal;

2.         d’embrasser nos enfants et /ou petits-enfants sur la joue quand il rentrent à la maison ou viennent nous rendre visite :
            délit de harcèlement sexuel incestueux;

3.         de faire la bise à nos amis de même sexe quand nous les rencontrons : délit de harcèlement sexuel homosexuel;

4.         de faire la bise à nos amis de sexe opposé quand nous les rencontrons : délit de harcèlement sexuel hétérosexuel;

5.         et, naturellement, de nous montrer aimables et amicaux avec nos collègues : délit de harcèlement sexuel tout court.

Gardons-nous aussi d’appeler quiconque «Trésor», «Chéri», «Coco», «Biquette», «Loulou» ou «Mon lapin» : le harcèlement sexuel n’est pas loin. Même «mon petit» et «cher ami» sont suspects.

Une chose me frappe dans cette affaire de harcèlement sexuel : ce sont toujours des femmes qui se plaignent. Je n’ai jamais vu passer dans les journaux – mais peut-être cela m’a-t-il échappé – de plainte déposée par un homme contre une femme pour harcèlement sexuel.

Pourtant, il y aurait de quoi ! Combien d’hommes n’ont-ils  pas vu une femme s’accrocher à leurs basques parce qu’ils avaient eu l’imprudence de se montrer aimables et polis avec elle. Quel patron n’a-t-il pas rencontré une fois ou l’autre les regards énamourés d’une secrétaire ou d’une dactylo ? Quel avocat, quel médecin n’a-t-il pas subi de la part d’une cliente ou d’une patiente le fameux «transfert» cher aux psychologues ? Pourquoi donc ces hommes ne portent-ils pas plainte pour harcèlement sexuel ?

Allons plus loin encore : si la presse de boulevard se contente de quelques bises et de quelques petits noms pour participer à la démolition d’un individu, plus aucun homme n’est à l’abri de la mort sociale : il suffira à n’importe quelle femme jalouse ou déçue de faire part de ses états d’âme à un quelconque journal en mal de scandale pour anéantir un homme respectable.

Hé ! les bonshommes ! Qu’attendez-vous pour vous défendre ?

M.P.