Lausanne 32e année   «ne pas subir»    Juin-Juillet-Août  2002 No 316





Sommaire :

Editorial
Votations du 22 septembre : A quoi servira la «Fondation Suisse solidaire» ?

Joyeusetés scolaires
Face aux nouveautés introduites par EVM, grand-maman est perplexe !

En direct de Sirius
Max est confronté aux dysfonctionnements de l'administration française, il s'interroge sur la pertinence de certaines règles de savoir-vivre et sur l'étendue de la liberté d'expression aux Etats-Unis

Au courrier
La candidature de MM. Tony Blair et George W. Bush au «Prix Nobel de la Paix» rend un lecteur perplexe.

Le sens d'un combat
Ruiné et persécuté, Michel de Preux ne capitule pas !

Bloc-notes
Le mois de juin sous la loupe : l'arrogance du département de la formation mouchée par le Tribunal fédéral; les leçons du «Mundial»; un nouveau marchand de vin à la tête de la police vaudoise; les médecins sont en colère un peu tard; mieux vaut Soleure qu'Avenches pour l'opéra.

Eloge du courage
Le projet de nouvelle Constitution cantonale : de la bouillie pour chats !

Bricole
1er août à l'Expo .02 : une fête «antipatriotique» !


Editorial

Comme vous le savez, des votations importantes auront lieu le 22 septembre. Nous sommes contraints de nous en occuper dès à présent, puisque le Pamphlet no317 ne paraîtra que fin septembre, pause estivale oblige.

Les citoyens suisses devront se prononcer notamment sur l’initiative «Pour le versement au fonds AVS des réserves d’or excédentaires de la Banque nationale suisse» lancée par l’UDC voici deux ans et qui propose de transférer dans le fonds de compensation de l’AVS toutes les réserves d’or excédentaires de la BNS ou tous les revenus tirés de ces réserves. Parallèlement, nous voterons sur le contre-projet de l’Assemblée fédérale «L’or à l’AVS, aux cantons et à la Fondation» qui prévoit de verser le produit de la vente des 1300 tonnes d’or dans un fonds dont les intérêts (500 à 700 millions) seraient répartis durant trente ans entre l’AVS, les cantons et la Fondation Suisse solidaire.

S’il s’agissait uniquement de choisir entre «l’or à l’AVS» et «l’or à l’AVS et aux cantons», cette votation ne présenterait pas grand intérêt. Compte tenu de la situation financière catastrophique de certains cantons, le second projet aurait de bonnes chances de l’emporter, mais personne ne pleurerait très fort en cas de victoire de l’initiative forcément «démagogique» et «populiste» de l’UDC. Le pactole resterait chez nous et tout le monde y trouverait son compte.

Ce qui va «poser problème», c’est la réapparition par la petite porte de la trop fameuse Fondation Suisse solidaire.

Annoncée le 5 mars 1997 devant l’Assemblée fédérale, en pleine guerre des fonds en déshérence, par Arnold Koller, dans des circonstances qui avaient stupéfié ses collègues du Conseil fédéral et  indigné même la presse bien-pensante, la Fondation Suisse solidaire a connu des fortunes diverses. Son dernier avatar fut la décision de l’autorité fédérale de ne pas la soumettre au peuple comme objet séparé, tant était grand le risque de la voir refuser, ce qui aurait nui à l’image de la Suisse. On nous la propose donc par la bande, dans l’espoir que les citoyens, sans doute nombreux, qui souhaitent que les cantons aient leur part du gâteau l’accepteront dans la foulée.

Quel doit être le but de cette Fondation Suisse solidaire ? Nous lisons à l’article 2 de la Loi fédérale sur la Fondation Suisse solidaire du 22 mars 2002 que «La fondation contribue à perpétuer la tradition humanitaire de la Suisse, encourage les actions de solidarité en Suisse et à l’étranger et prépare les jeunes générations à relever de façon responsable les défis du futur». On ne saurait être plus précis ! L’article 3 qui définit les tâches est tout aussi flou. Pour le résumer, la fondation contribue à prévenir tout et n’importe quoi, c’est-à-dire rien. L’article 4 définit, si l’on peut dire, les prestations de la fondation, mais précise sous chiffre 2 que «Nul ne peut se prévaloir d’un droit aux prestations de la fondation». Quant aux membres du Conseil de fondation, l’article 9 chiffre 2 lit. c prévoit qu’ils «sont de nationalité suisse; le Conseil fédéral peut consentir des exceptions».

Nous avons donc une Fondation Suisse solidaire dont on ne discerne ni l’utilité réelle, ni les tâches concrètes, et qui, sous prétexte d’exceptions consenties par le Conseil fédéral, peut tomber, au moins en partie, aux mains d’étrangers pas forcément soucieux de faire bon usage des intérêts générés par le fonds.

Par ailleurs, comme le faisait remarquer avec pertinence l’UDC genevoise dans sa réponse du 14 septembre 1998 à la procédure de consultation relative à la Fondation Suisse solidaire, «La Suisse contribue largement aux actions de solidarité en faveur des victimes de la pauvreté, de la violence et de la guerre en Suisse et à l’étranger. Notamment par le biais du Corps d’aide en cas de catastrophe et du Comité international de la Croix-Rouge».

La Fondation Suisse solidaire n’a aucune raison d’être, si ce n’est à titre de énième manifestation de repentance de la Confédération pour des «péchés» qui ne sont même pas établis, sauf par le Rapport Bergier dont l’objectivité reste à démontrer.

Il serait aventuré d’établir un pronostic sur le résultat de la votation. Il ne faut pas oublier cependant que l’affaire des fonds en déshérence, source de la création de la fameuse fondation, avait suscité la mauvaise humeur de très nombreux citoyens suisses. De là à supposer que ceux-ci manifesteront enfin officiellement leur rogne, il n’y a qu’un pas, que nous nous garderons de franchir, notre boule de cristal ayant tendance à se tromper systématiquement depuis quelque temps.

N’empêche que les récentes gesticulations de Me Fagan à propos des victimes de l’apartheid, qui doivent lui permettre de gagner beaucoup d’argent, ont ravivé des plaies mal cicatrisées.

Merci, Me Fagan.

Le Pamphlet



 

Joyeusetés scolaires

L’année scolaire s’achève. C’est donc le moment ou jamais de se pencher sur quelques absurdités imputables au nouveau système scolaire introduit voici deux ans dans les classes primaires. Je me fonde, pour rédiger cet articulet, sur les expériences des diverses institutrices que je compte dans mon entourage et sur le cas des jumeaux Paschoud qui viennent de terminer leur deuxième année primaire ou, pour employer la terminologie officielle, leur premier cycle primaire.

Les institutrices des petites classes sont épuisées, non seulement à cause d’un métier qui a toujours requis beaucoup d’énergie, mais aussi et surtout en raison des innombrables colloques, réunions et conférences qu’exige le travail en collaboration devenu institutionnel, collaboration dont la nécessité n’est pas toujours perçue et qui conduit souvent les institutrices «minimalistes» - on n’ose pas dire paresseuses – à se décharger sur les épaules des institutrices scrupuleuses, et donc déjà très chargées, des tâches inhérentes à la pratique de la fameuse collaboration, ce qui vide évidemment cette dernière de toute substance.

Les institutrices des petites classes sont frustrées parce qu’elles n’ont pas les moyens d’évaluer les prestations de leurs élèves avec précision, du fait que le bulletin ne permet pas de faire la différence, par exemple, entre un enfant qui a «atteint» un objectif d’extrême justesse au prix de mille difficultés et un enfant qui se voit attribuer le même «atteint» alors que, sans être un génie, il possède des capacités sensiblement plus élevées que le précédent. Le malaise est palpable, la nostalgie des notes manifeste.

Les parents sont dubitatifs, car le «atteint» du bulletin ne leur permet pas de déterminer si leur enfant est scolairement moyen ou plutôt bon – la question ne se pose pas pour les «surdoués» qui pullulent de nos jours et qui, eux, obtiennent dans toutes les disciplines un «largement atteint» du plus réconfortant effet. A titre d’exemple, Sophie Paschoud ne sait pas si le «atteint» en français de Vincent correspond au même niveau que celui de Laurent, et cela d’autant moins que les jumeaux ne fréquentent pas la même classe. Certes, les entretiens avec les institutrices permettent de clarifier un peu les choses, mais il n’est pas certain que les critères et les exigences d’une institutrice de moins de trente ans soient les mêmes que ceux d’une institutrice en fin de carrière. Là encore, on voit poindre le regret de l’époque des notes qui, certes, n’empêchaient pas les différences de classe à classe, mais qui permettaient au moins de situer les enfants au sein de leur propre classe, ce qui offrait aux parents la possibilité de prendre, le cas échéant, les mesures d’appui nécessaires.

A noter que je n’ai pas constaté chez mes petits-fils un degré d’épanouissement supérieur ou inférieur à celui de mes propres enfants au même âge. Or, c’était un des grands progrès que devait nous apporter EVM : des enfants «décoincés», ouverts et heureux. Mes petits-fils sont tout cela, mes enfants l’étaient aussi, et, si ma mémoire est bonne, je n’étais pas une enfant particulièrement «coincée», fermée et malheureuse. Ô mode ! que de sottises on commet en ton nom !

Mariette Paschoud
 


En direct de Sirius
 

Un service public (Nice-sur-Zambèze)

23.5.2002, 16 heures 151, Max se rend au bureau de poste rue Grimaldi (Nice-centre), et s’apprête comme de coutume à prendre un ticket d’attente, mais de distributeur point ! A l’emplacement du robot figure la note manuscrite : «Pas de tickets (appareil vandalisé en réparation) – Veuillez attendre votre tour et vous présenter au guichet lorsque vous êtes appelé – Merci». Il se rabat donc sur l’appareil dénommé «libre-service affranchissement»… pour y lire du même marqueur administratif : «Fonctionnement interrompu pour cause de manque de monnaie – Pas de livraison Banque de France». L’œil fluorescent du distributeur de carnets de timbres indique un très ésotérique «--01»2 mais nullement le prix d’un carnet en euros. Y figure la mention manuscrite : «Faire l’appoint – Ne rend pas la monnaie»… Pour éviter une queue digne des jours de l’occupation où il y avait encore quelque chose à obtenir contre tickets, reste la solution du télécopieur… qui porte l’avertissement noir-sur-carton : «Attention ! Cet appareil ne donne pas de reçu». Un peu plus loin, sur une table en formica destinée, sans doute, aux usagers qui souhaiteraient s’appuyer les coudes et se mettre la tête dans les mains, un carton qui a dû contenir des plumes «Sergent-major» et doit remonter au Second Empire – époque où l’administration française était citée en exemple au monde entier – porte l’injonction manuscrite : «Les papiers ici ! Merci». Un soulagement, cependant : à côté des robots en dysfonctionnement3 à 80%, les fonctionnaires en chair et en os fonctionnent encore à un taux un peu plus élevé et atténuent les carences d’un système acéphale par une politesse au ton navré de circonstance dont on se demande toutefois s’il n’est pas agrémenté d’une pointe de sadisme.

A Iris qui, devant l’exaspération de Max s’apprête à expliquer le pourquoi du comment :

 «En leur cherchant des explications, ne vois-tu pas que tu leur fournis les excuses qu’ils souhaitent ? Ce qui importe au client du restaurant n’est pas de savoir ce qui se passe en cuisine ou à l’économat, mais que la soupe qu’on lui sert en salle soit bonne et à température convenable.»

Pour ce qui est de votre administration, on ne peut pas dire que la soupe soit bonne, Mon Président !
 

1 Le 29 à 16 heures, la situation n’avait pas changé et les autochtones ont confirmé que cet état de fait durait depuis le 14 !
2 Pour tout cerveau à fonctionnement non binaire s’entend…
3 Euphémisme exquis qui peut se traduire en français littéraire par «panne».
 
 

La gueule de l’emploi

La vox populi soutient que, passé quarante ans, on commence à avoir la tête qu’on mérite… La règle est aussi valable pour les hommes politiques…
 

Il est trop tard, braves gens ! Dormez en paix !
 

 Passés les cris d’orfraie du 21 avril, rassurés par le «miracle démocratique» du 5 mai et le grand désintéressement électoral des 9 et 16 juin, les bien-pensants de France vont pouvoir reprendre leur somme dans l’univers feutré de l’énarchie. Qu’ils dorment en paix, tout va pouvoir continuer comme par le passé, mais au rythme d’une «Petite musique de nuit» composée à Bruxelles, en attendant le réveil qui risque fort de se produire aux cris de

«Tout l’monde descend !»
 

De l’effet pervers de certains usages (étiquette et étiquettes)

Chaque soldat francophone sait – ou devrait savoir – que dire «Mon colonel», loin d’impliquer une quelconque propriété sur la personne du supérieur, n’est que le produit de la contraction de «Monsieur»… Comme les Anglais avec leur «Sir», les Allemands, avec leur «Herr Oberst» ne risquaient pas une telle confusion. Au demeurant, les Waffen SS avaient aboli l’usage du titre devant le grade, comme, une génération plus tard, l’armée suisse «réformée Oswald». De toute manière, dans le monde militaire, une telle bévue se réglait rapidement sans gros effets pervers.

Il en va autrement dans la vie civile, où certains titres traditionnels ou usages passés en force peuvent aussi prêter à confusion… Ainsi, le «Maître», dont votre avocat se fait en tout lieu précéder, n’implique nullement une soumission de la part du présumé «tapir» qui trop souvent lui tient lieu de client, et qui, non content de l’«honorer» par chèque, se voit trop souvent réduire à l’état de stagiaire payant… Combien de nos semblables n’avons-nous pas rencontrés, qui se plaignaient amèrement de devoir faire le travail de leur avocat ? Et certaines «toges» médiocres aux envolées lyriques et au contenu creux gagneraient à se remémorer qu’elles devraient avant tout maîtriser l’art subtil et délicat de leur profession…

Le «patient» du médecin est bien celui qui «souffre», nullement celui qui doit à tout prix tolérer l’hermétisme moliéresque de certains charlatans aux capacités floues. Il est donc loisible aux patients impatients de ne point souffrir l’ignorance et l’arrogance – deux défauts allant souvent de pair – de «docteurs» qui n’ont de docte que le ton…

Combien de nos semblables parlent encore de «leur banquier» avec la connotation possessive du XVIIIe siècle, mais tremblent de lui demander, presque comme une faveur, de bien vouloir exercer les prestations diverses pour lesquelles il est toujours grassement rémunéré ? «Mettez-vous à l’aise», dit le banquier; «Merci bien», lui répond son client, «mais je suis très confortable à genoux»

Peut-être gagnerait-on en justice et en efficacité à ne point s’en laisser imposer par les formes et à resituer les rapports professionnels dans leur juste contexte. Sans perturber les règles de la bienséance, cela éviterait mille petites confusions, pas toujours innocentes, qui, sans exception aucune, tournent à l’inversion des rôles, toujours au détriment de celui qui paie l’autre.
 

Ne pas confondre décision humanitaire et dignité humaine
 

Le 11 mai 1977, David Boren, gouverneur de l’Oklahoma, signait la loi faisant de son Etat le premier du monde à pratiquer la peine capitale par injection létale. Ayant fait connaître cette nouvelle à mon père, je vis le regard de cet homme qui adhérait encore à des valeurs aujourd’hui disparues se fixer sur l’infini : «Je me demande s’ils désinfecteront avant de piquer», dit-il.
 

Liberté d’expression (respect du 5e Amendement de la constitution US)

 Le photographe parisien d’origine new-yorkaise William Klein rapporte sur France Inter1 que le présentateur de l’émission US «Politically incorrect» a été viré pour avoir osé remarquer sur les ondes que l’on ne pouvait traiter de «lâches» ceux qui s’étaient abattus sur les objectifs du 11 septembre mais que le qualificatif était mieux approprié à ceux qui bombardaient sans risques des objectifs à 30 000 pieds au-dessous d’eux.
 

1 26.6.2002, 11h.00.
 

Pour certaines lectures, adopter la bonne échelle de temps…

Il existe deux peuples persuadés d’avoir été investis d’une «Mission divine» qui serait de dispenser leur «lumière» aux autres peuples. L’un d’eux réside au nord du continent américain. Mon ami M. du Monument les qualifie de «grands mystiques» pour lesquels les expressions «in God we trust» et «in Gold we trust» sont dangereusement interchangeables.

Quand les Européens comprendront-ils que les Américains ne sont pas entrés – à peu de frais – dans deux guerres mondiales exclusivement par esprit de philanthropie mais aussi dans un but hégémonique, dans un cadre stratégique soigneusement mis au point de longue date dont l’actuel élan vers la mondialisation pour le plus grand bien du genre humain n’est qu’un objectif intermédiaire ?
 
 

Max l’Impertinent



Au courrier

Militaristes ou messagers de la paix ? Le difficile choix du Comité du Prix Nobel

Que quelqu’un ait pu songer à la candidature du Premier ministre britannique Tony Blair et du Président américain George W. Bush pour le Prix Nobel de la paix, voilà qui dépasse l’entendement et me révolte.

Bien entendu, compte tenu qu’Alfred Nobel a consacré sa vie à fabriquer et à commercialiser des explosifs meurtriers, il serait tout à fait logique que le Prix Nobel de la «Paix» soit accordé à des personnes comme Tony Blair, qui «a ordonné plus d’actions militaires que n’importe quel chef du Royaume-Uni depuis la Deuxième Guerre mondiale», et à George W. Bush, qui «a donné son approbation à des augmentations massives de la taille et des fonds de l’armée américaine». Ces deux hommes politiques «ont montré une complète indifférence pour les négociations diplomatiques et les consultations multilatérales que favorisent les conférences de paix. Ils ont entrepris une guerre non seulement contre l’Afghanistan, mais une ‘Guerre au Terrorisme’ obscure et illimitée que les responsables de l’administration Bush menacent quotidiennement d’étendre à d’autres nations comme l’Iran, la Corée du Nord et l’Iraq». Avec comme conséquence que «la campagne lancée par le président ‘pourrait ne jamais finir. Du moins pas de notre vivant’.»

La confusion mentale qui gouverne notre planète aurait-elle aussi contaminé le prestigieux institut Nobel ?

Allan Tschopp



 

Le sens d'un combat
 
 

«Penser, c'est dire non»
Alain


Pour combattre le plus utilement et de la manière la plus décisive une société totalitaire – et la nôtre en Suisse l'est depuis longtemps sans qu'aucune autorité ou instance spirituelle et intellectuelle semblent s'en émouvoir le moins du monde…, Alexandre Soljenitsyne ne donnait qu'un seul conseil : dire la vérité. En effet, le totalitarisme n'est en son essence pas autre chose que le pouvoir du mensonge à son apogée dans une société. Tous ceux qui transigent avec lui lui apportent leur caution.

Je n'ai jamais cru à la contestation politique, donc à aucun parti, fût-il bien-pensant. Je n'ai jamais cru non plus ni aux manifestes ni aux manifestations d'aucune sorte comme moyen décisif de faire avancer sérieusement une cause, de l'évoquer tout au plus. Mais j'ai cru, je crois et croirai toujours à la puissance indestructible d'une contestation attachée au seul accomplissement du devoir d'état.

Je fus fonctionnaire d'Etat. Pour y avoir accompli mon devoir d'état, je fus mis à pied. Un livre est sorti de cette première expérience professionnelle : "Une Suisse totalitaire". Tout homme libre est un témoin. Je suis un homme libre. J'ai pratiqué le barreau dans deux cantons romands, Vaud et le Valais. De nouveau je me suis heurté au pouvoir judiciaire, mais le mal que j'y trouvai était pire que les abus dans l'administration. Là, je ne m'opposai qu'à l'arbitraire et aux tentatives incessantes de le dissimuler avec la complicité des juristes "de la couronne"… Face aux tribunaux, je me heurtai à l'iniquité même, celle qui non seulement tourne la loi, mais la fait fléchir au nom de la Justice !

Je ne prendrai ici que deux faits non contestés ni contestables. Ils suffisent. Un séquestre pénal maintenu après acquittement (affaire Vingrau à Lausanne), suivi d'une appropriation des fonds séquestrés en faveur de ma partie adverse (acte de brigandage qualifié au sens du code pénal, perpétré par le Tribunal correctionnel du district de Lausanne). A Sierre, un acte de disposition accompli par les administrateurs d'une fondation de famille, acte reconnu valide par violence contre moi-même et atteinte à mon honneur, au mépris de toutes les dispositions topiques du code civil ou de l'Ordonnance sur le registre foncier déclarant un tel acte intrinsèquement nul.

A partir de là, la raison étant bafouée dans ses principes mêmes, ainsi que la justice naturellement, aucun contact professionnel n'est plus concevable de ma part avec des gens ayant agi de la sorte ainsi qu'avec toutes instances juridictionnelles les ayant couverts. Aucun contact, sinon dans le cadre de procès en réhabilitation.

Je déshonorerais ma profession d'avocat si je capitulais dans cette lutte, car il s'agit tout simplement de la liberté personnelle dans l'exercice de toute profession censée "libérale". La garantie de cette liberté est une condition première et essentielle pour le crédit de cette profession et celui de la justice. J'ai pu constater, par la suite, combien cette condition élémentaire d'honnêteté dans l'exercice d'une profession libérale est méprisée chez les médecins pour apprécier d'autant plus la valeur et l'utilité sociale grandissante de mon combat.

Je suis donc un témoin de cette liberté bafouée, et le suis dans l'indifférence générale. Peu importe. On s'en est pris à mes biens ? La cause en vaut la peine. Devrais-je lui sacrifier aussi ma vie ?

Puisqu'il y va de son sens humain, social et moral : oui !

Je n'ai rien d'autre à ajouter.

Michel de Preux



Bloc-notes

Arrogance du DFJ

Il était temps que l'arrogance des fonctionnaires du département de la formation et de la jeunesse soit mouchée. Elle l'a été par le Tribunal fédéral à qui s'étaient adressés les parents d'un élève orienté par la conférence des maîtres en voie générale, alors même que ses résultats scolaires le destinaient à la voie prégymnasiale.

Le département s'était contenté, à son habitude, de dire que «la procédure avait été respectée» et que la décision «était conforme aux règles en vigueur». C'est ce qu'on avait déjà raconté aux parents l'an passé, en ajoutant qu'un recours n'aurait aucune chance de succès et que le recourant serait condamné à des dépens importants. Sur 7200 dossiers, seules 27 décisions d'orientation ont fait l'objet de recours. (7 juin)
 

L'Italie victime des arbitres

Les décisions de l'arbitrage ont été contestables, c'est vrai et l'Italie s'est sentie deux fois la victime innocente d'étranges annulations de buts. Mais si sa qualification ne tenait qu'à un but à chaque fois, c'est qu’elle n'était pas tellement supérieure à ses adversaires.

C'est comme dans le temps, les mamans qui nous expliquaient que leur fille, pourtant surdouée, avait raté le concours d'entrée à l'Ecole normale pour un quart de point, et à cause de la couture. (19 juin)
 

Nouvelle offensive d'Ed Fagan

L'avocat new-yorkais a déposé une nouvelle plainte collective aux Etats-Unis, exigeant plusieurs dizaines de milliards de dollars des grandes banques suisses, coupables d'avoir «soutenu le régime de l'apartheid» en Afrique du Sud.

Rares sont les commentateurs qui ont osé rappeler que la quasi-totalité des détenus dans les prisons sud-africaines au temps de l'apartheid étaient de véritables criminels condamnés par des tribunaux réguliers, voleurs, assassins, ou terroristes.

Il serait aussi politiquement incorrect de rappeler que le gouvernement blanc avait réussi à apporter à l'Afrique australe la paix et la prospérité, que cet Etat était le phare de la réussite économique avant de sombrer, dès la prise du pouvoir par Mandela et sa clique, dans le chaos et la guerre civile généralisée.

Maître Fagan oserait-il s'attaquer aux banques américaines, coupables d'avoir soutenu les pires régimes dictatoriaux en Asie ou en Amérique du Sud ? (18 juin)
 

Gifles

Les journalistes adorent les gifles. Pas celles qu'ils prennent mais les insuccès démocratiques de tel ou tel parti, de tel ou tel politicien.

Au sujet de l'accord aérien avec l'Allemagne, 24 heures titre : «Leuenberger giflé» (20 juin). Plus tard, la Commission des finances du Grand Conseil vaudois «inflige une gifle au Conseil d'Etat». (26 juin)
 

Un képi pour Lehmann

Celui que d'aucuns qualifient de médiocre touche-à- tout et en qui le Conseil d'Etat vaudois voit «un patron d'entreprise chevronné, apte à obtenir des résultats efficaces [sic !], y compris dans des situations de crise» quitte la direction de Provins, au bord de la faillite, pour prendre le commandement de la police cantonale vaudoise.

Le canton semble avoir l'habitude d'aller pêcher ses commandants chez les marchands de vins : on avait eu Aeppli, Saint-Gallois éjecté de chez Schenk, on a un Genevois éjectable de chez Provins, on a échappé de justesse à François Chaudet, naufrageur de la Société vinicole de Perroy.

Comme de juste, il n'était pas candidat, mais «on est venu le chercher». Quand il aura démontré qu'il est encore plus nul que son prédécesseur, (il faudra le faire), il pourra toujours dire qu'on n'avait qu'à le laisser tranquille. (27 juin)
 

Médecins en colère

Les médecins sont en colère. Et pourtant, ce qui leur arrive était largement prévisible depuis plusieurs années, mais ce sont eux-mêmes qui s'étaient insurgés, naguère, contre l'introduction d'un «numerus clausus» pour l'entrée en Faculté.

Empêcher la pléthore avant le début des études était pourtant une mesure plus raisonnable que de laisser ces jeunes gens accomplir une dizaine d'années d'Université et de stages hospitaliers pour les empêcher ensuite d'ouvrir leur cabinet au prétexte de la fameuse «clause du besoin», laquelle a longtemps servi, dans l'hôtellerie, à protéger les situations acquises par les plus médiocres, lesquels craignaient l'arrivée sur le marché des plus jeunes et des plus doués.

En outre, si le Conseil fédéral a le pouvoir d'empêcher un médecin d'exercer son art en cabinet privé alors qu'il n'aurait pas la compétence de se mêler de l'ouverture des Etudes d'avocats ou des épiceries, c'est peut-être parce qu'on a imprudemment laissé le pouvoir fédéral s'immiscer dans les actes de capacité valables pour l'exercice des professions libérales (article 33 a Cst) et qu'on le laisse aujourd'hui créer un «espace économique suisse unique» pour l'exercice de toutes les activités lucratives privées (art. 95 Cst).

Si les cantons avaient gardé cette compétence, la haine de Mme Dreifuss à l'endroit des médecins n'aurait aucun effet. (28 juin)
 

Bientôt le «Classic Open Air» à Soleure.

Le 12e Classic Open Air va débuter à Soleure le 3 juillet avec die Fledermaus. Suivront : La Bohême, Turandot, le Barbier de Séville, Carmen, Madame Butterfly, la Traviata et enfin Nabucco, le 14 juillet en matinée.

Comme de coutume, Dino Arici et Silvia Rietz nous ont concocté un programme alléchant, avec les solistes, les chœurs et l'orchestre d'Etat bélarusse du Théâtre Bolchoi de Minsk.

En plein air, aux Bastions, si le temps le permet, sinon dans la salle Rythalle, juste à côté, les opéras se jouent en costume, agrémentés d'une subtile demi-mise en scène.

Et ce n'est pas comme à Avenches, dont les arènes sont faites pour la Traviata comme le stade de France pour une représentation de «Huis-clos», et où l'on oblige les musiciens à jouer trois mesures sous la pluie, pour justifier qu'on ne rembourse pas les billets.

Juste un regret cette saison à Soleure : Noëmi Nadelmann n'y sera pas ! (3-14 juillet)

C.P.
 


Eloge du courage
 

«La honte suit de près les courages timides»
Racine : Alexandre I, 2


A en croire les constituants, l'Etat de Vaud déborde à ce point de courage qu'il veut en faire bénéficier tout le monde. Il n'y a guère d'activité humaine qui risque d'échapper aux mesures d'encouragement que l'Etat rêve de répandre :

L'Etat encourage tellement la collaboration entre les communes que le projet de Constitution mentionne cet objet deux fois1 , il encourage aussi le développement de l'enfant2 , la médiation privée3 , la recherche scientifique4  (à l'exclusion, semble-t-il, de la recherche historique, plutôt mal vue si ses conclusions manquent à l'orthodoxie imposée par l'art. 261 bis du code pénal), ainsi que la collaboration des milieux économiques et des personnes privées avec les Hautes Ecoles5 . Il encourage la formation permanente et la formation continue6 , la vie culturelle, la création artistique l'innovation technologique, la création et la reconversion d'entreprises8 , le congé parental9  ainsi que la mise à disposition de logements à loyer modéré10  et l'accès à la propriété de son propre logement11 . L'Etat encourage et facilite l'exercice des droits politiques12 , la collaboration entre les communes déjà mentionnée13 , au besoin les fusions de communes14 .

L'Etat encourage chacun à prendre soin de sa santé15 .

Ces flots de courage et d'encouragements n'auraient pas tous le même effet. Certains «encouragements» prendraient la forme de crédits, de subventions, voire de création d'offices au sein de l'administration, d'autres sont des vœux pies qui ne conféreraient à l'administré aucun droit subjectif à une prestation positive de l'Etat.

On sent pourtant que cet exercice de gesticulation verbale, à base de bons sentiments, était essentiel aux yeux des constituants. Dans «courage», il y a «cœur» et le cœur des constituants a débordé de charité laïque. On a tenté de faire plaisir à tout le monde, sans heurter personne.

Dans le Préambule, déjà, cette «Création, berceau des générations à venir» rassure les panthéistes, sans heurter ni les chrétiens ni les athées. Lorsqu'on affirme que le canton est «ouvert à l'Europe et au monde16 », ou qu'on promet «une intégration harmonieuse de chacun au corps social17 », on prononce des phrases vides de sens, mais qui donnent l'impression de receler des trésors de promesses futures, de solidarité interplanétaire, d'amitiés définitives entre les peuples et de bonheur sans entrave entre les hommes.

Au plan individuel, et pour autant qu'il n'ait pas été assassiné dans les douze premières semaines de son existence, «tout être humain a droit à la vie18 » et même, si on l'a laissé en vie jusqu'à sa naissance, «à une protection particulière de son intégrité physique19 ».

Lorsque l'Etat n'encourage pas, il soutient ou il favorise. Il soutient les efforts de prévention des conflits20 , la recherche, la formation et la vulgarisation ainsi que la promotion des produits de l'agriculture et de la sylviculture21 , les institutions publiques et privées actives dans la prévention et les soins22 , ainsi que les associations «reconnues» (!?)23 .

Il favorise l'épanouissement de chacun dans une société harmonieuse24 , le développement personnel et l'intégration sociale25, la pratique du sport26, l'utilisation et le développement des énergies renouvelables27 , les transports collectifs28, le maintien des patients à domicile29, ainsi que l'intégration des étrangers30 .

Quand il veut faire très fort, il encourage et soutient31  ou même il encourage et favorise32 tout à la fois !

Ces torrents d'encouragement, de faveurs et de soutien, on le sent bien, sont destinés essentiellement à rallier le plus grand nombre d'indécis à un texte brouillon, fourre-tout, mal pensé et mal rédigé. On espère que M et Mme. Lambda glisseront en septembre un «oui» dans l'urne, par souci de modernité (l'actuelle a deux cents ans !), par lassitude (ça fait si longtemps qu'ils y travaillent), par souci d'économie (si on dit non, ils vont recommencer…) ou, surtout, parce qu'un seul article leur a plu (ah bon ! ils ont enfin songé à l'encouragement de…..).

Mais M. et Mme Lambda auraient tort de se laisser manipuler. Notre Constitution a deux cents ans, mais elle vaut, globalement, mieux que la bouillie qu'on nous propose; on peut consacrer à sa révision complète encore quelques années et quelques efforts, sans frais excessifs. Et enfin, dans un texte fondamental, mieux vaut l'absence d'une disposition intelligente que la présence d'un article imbécile.

Pour ces raisons, il faut encourager, soutenir et favoriser le rejet du projet de Constitution vaudoise tel qu'il nous est soumis.
 

Claude Paschoud

1  art. 5 al. 2 et art. 155
2  art. 13 al. 1
3  art. 43 al. 2
4  art. 48 al. 2
5  art. 48 al. 3
6  art. 49 al. 1
7  art. 53 al. 1
8  art. 58 al. 2
9  art. 64 al. 2
10  art. 67 al. 2
11  art. 67 al. 3
12  art. 88
13  art. 5 al. 2 et art. 155
14  art. 151 al. 1
15  art. 65
16  art. 5 al. 1
17  art. 6 al. 1 lettre b
18  art. 12 al. 1
19  art. 13 al. 1
20  art. 6 al. 2 lettre c
21  art. 59 al. 2
22  art. 65 al. 2 lettre d
23  art. 70 al. 2
24  Préambule
25  art. 46 al. 2
26  art. 54
27  art. 56 al. 3
28  art. 57
29  art. 65 al. 2 lettre c
30  art. 68 al. 2
31  art. 53 al. 1
32  art. 151 al. 1



Bricole

Le Matin annonçait récemment avec des accents jubilatoires que la célébration du 1er août concoctée par Expo.02 serait antipatriotique. Sous prétexte de provocation et d’ouverture au monde, on met les drapeaux  au rancart et on propose même aux Suisses de détruire leurs papiers d’identité. Dieu que c’est moderne et original !

Le patriotisme est considéré comme ringard par les beaux esprits qui président aux destinées d’Expo.02. Cela n’est pas pour nous étonner, et nous n’en sommes que plus décidés à ne pas honorer ce «machin» de notre visite.

Si notre mémoire est bonne, la Confédération et le canton de Vaud ont injecté dans cette exposition prétendument nationale un assez grand nombre de millions, forcément pêchés dans la poche des contribuables. Les «payeurs» patriotes apprécieront.