Lausanne 32e année      «ne pas subir»       Mars  2002 No 313






Sommaire :

Editorial
Analyse du résultat des votations dans le canton de Vaud :
l'éditorialiste ne s'étonne pas du taux d'abstentionnisme

Bloc-notes
L'ctualité du 21 février au 19 mars

En direct de Sirius
Max l'Impertinent est allé au cinéma... puis il a rêvé des candidats à la Présidentielle

Bricoles
Luttes féministes
Vacances scolaires
Stéphanie et Franco
Bon sens
Non aux traumatismes

Le Tribunal pénal international ou le chaos juridique international !
Michel de Preux analyse le petit livre du général Gallois et de Me Vergès : «L'apartheid judiciaire»

La Suisse à l'O.N.U. ?
Peut-on demander à un peuple de voter sur sa propre survie ?

Faire son droit à Fribourg ?
Claude Paschoud, à l'occasion de quelques affaires récentes, s'interroge sur la qualité de la justice dans le canton de Fribourg



 

Editorial

Les Vaudois, tout au moins le 28 % d'entre eux, se sont offert un nouveau gouvernement. Plusieurs éditorialistes se sont lamentés de ce faible taux de participation, en soulignant qu'ils ne pourront pas se plaindre ces quatre prochaines années, ceux qui n'ont pas pris la peine de glisser un bulletin dans l'urne.

Sans doute, et on le répète à chaque élection, les abstentionnistes ont toujours tort. Mais quel choix leur proposait-on vraiment ? Les magistrats qui se sont représentés, et qui ont été été réélus, étaient connus : non seulement aucun ne pouvait susciter l'enthousiasme, mais chacun d'entre eux aurait mérité d'être renvoyé à sa famille ou à ses études. Quant aux candidats «externes», ils ne brillaient pas non plus par un excès de compétences visibles : A gauche, Mme Lyon n'était connue que pour avoir milité en faveur des idées les plus absurdes et pour avoir opportunément changé de parti, M. Chiffelle pour s'être vanté de fumer des pétards, et M. Zisyadis pour la disparition de sa moustache. A droite, M. Broulis n'est connu que pour sa faculté d'être toujours souriant et d'accord avec tout le monde, alors que Mme Amstein, connue des propriétaires d'immeubles, était ressentie par ses camarades de parti comme celle qui allait faire perdre au parti libéral son deuxième siège (celui que le Dr Haury n'aurait pas perdu) et par son absence totale d'expérience politique.

L'éditorialiste de notre dernier numéro vous le disait déjà : «Vous êtes donc assurés d'élire le 17 mars des gens dont vous n'avez pas voulu le 3».

C'est en dehors des partis qu'on trouvait les candidats les plus intéressants : MM. Troillet et Martin, dont il était hélas évident au départ qu'ils n'avaient aucune chance.

Dans ces conditions, est-il raisonnable de faire des reproches aux abstentionnistes ? Si le taux de participation avait atteint 98 % qu'y aurait-il eu de changé ? Josef et Claudine élus à la place du calamiteux Charles-Louis et de l'insignifiant Jean-Claude ? Et alors ?

Pour 24 heures, le camp bourgeois «a frôlé la catastrophe». Mais un renversement de majorité au Conseil d'Etat aurait-il vraiment modifié la politique molle de ces dernières années ?

Et la composition actuelle pemettra-t-elle de nous épargner les catastrophes ? C'est bien peu probable.

L'éditorialiste de 24 heures rêve tout éveillé lorsqu'il écrit : «Rarement les deux blocs constituant le Conseil d'Etat ont donné autant l'impression de vouloir, et surtout de pouvoir, travailler les uns avec les autres et non les uns contre les autres».

Les premières réunions du futur gouvernement démontrent déjà le contraire : on se dispute le fauteuil de ministre des finances et on ferait des bassesses pour ne pas hériter du portefeuille de la formation et de la jeunesse, département sinistré s'il en est.

Et dans le même temps où nos sept nains commencent à se chamailler, les députés au Grand Conseil s'accordent généreusement 40 % d'augmentation de salaire, histoire de rendre inutile le vote du peuple sur un referendum qui vient d'aboutir sur le même objet et alors même qu'on demande des sacrifices à tout le monde pour sortir l'Etat du marasme financier dans lequel la classe politique l'a plongé.

Dans une telle perspective, ce qui nous étonne, c'est qu'il se soit trouvé le week-end dernier, sur 360'442 électeurs inscrits, plus de cent mille citoyennes et citoyens qui ont quand même rempli leur devoir civique, conscients de la consternante insuffisance des candidat(e)s, de l'inutilité foncière de leur choix, et du caractère presque inéluctable de la chienlit politique qui va régner ces quatre prochaines années dans le canton le plus mal gouverné de toute la Confédération.

Nous avons presque vergogne d'avouer que nous étions du nombre.

Le Pamphlet



Bloc-notes

21 février
Ouf ! le méchant vautour new-yorkais Asher Edelman a raté sa proie, le gentil mouton vaudois Baumgartner. A lire la presse qui relatait cet échec, on se serait cru revenu aux pires caricatures antisémites de la presse frontiste des années trente. Sauf qu'on a dit partout que le chasseur ne songeait qu'à faire du profit, au détriment de centaines d'emplois, mais qu'on n'a jamais fait allusion à ses origines.

27 février
Quelle image les candidats à l'Exécutif donnent-ils d'eux-mêmes en période électorale ? Sur la base de photographies parues dans 24 heures les semaines précédentes, on a demandé à Pierre Keller, directeur d'une Ecole d'Art et célébrissime critique, d'analyser leur posture et leur manière de s'habiller. Il a refusé tout sec et le crétin qui a eu l'idée de cette enquête fumeuse a dû se rabattre sur une obscure «consultante en image» d'origine française qui n'a pas craint d'attribuer ses notes : «fait de son mieux»… «joviale mais pas crédible»… «coincé» et «gentille» étaient quelques uns des qualificatifs résumant les candidats au Conseil d'Etat, selon la dame.
Nul doute que notre dodu confrère quotidien a signé là une œuvre qui fera date dans l'histoire de la pensée occidentale.

2 mars
Sur ordre d'un juge genevois, la police du bout du Lac, toutes sirènes hurlantes, a contraint M. Marc Fues, ancien directeur général de la Banque cantonale de Genève, qui roulait calmement rue de Lyon, à s'arrêter immédiatement. Il a été conduit chez le juge pour y être entendu, puis incarcéré. Au même moment était arrêté à son bureau M. Carlo Lavizzari, ancien président du FC Servette.

Les faits qui ont justifié ces arrestations se sont déroulés entre 1990 et 2000. Mais ce n'est, semble-t-il, que le 28 février 2002 qu'on s'est avisé d'un risque de collusion entre les deux prévenus. On les a donc arrêtés en même temps «afin qu'ils ne puissent pas être en mesure de se mettre d'accord sur une version commune».

7 mars
Drame en montagne : Mme Franziska Rochat-Moser perd la vie, emportée par une coulée de neige. Le charme de la dame, ses succès sportifs et la notoriété de son mari dans le milieu de la gastronomie suffisent-ils à justifier la débauche de reportages médiatiques consacrés à l'événement, y compris aux obsèques, avec liste et photos des personnes présentes, comme s'il s'était agi d'un rendez-vous mondain ?

Le comble de l'indécence : à la TV suisse romande, qui n'a pas craint de cadrer, pendant la cérémonie et à l'intérieur de la cathédrale, un gros plan sur le désarroi du veuf éploré.

Le même jour, on annonce (en 3 lignes) que les violences interreligieuses dans l'Etat indien du Gujerat ont fait 600 morts.

Le lendemain, on relève (cette fois en 4 lignes) qu'on a retrouvé les 6 skieurs français, 4 hommes et 2 femmes âgés de 25 à 35 ans, disparus dans la région de Val d'Isère le samedi précédent. Tous sont morts dans une avalanche.

9 mars
Violence «inouïe» au Proche-Orient : 37 Palestiniens tués en un seul jour, dont deux enfants, par l'armée israélienne, qui ne craint pas de tirer sur les ambulances. Même M. Bush fronce le sourcil.

Pendant ce temps, le département fédéral de la défense veut étudier la possibilité d'équiper les militaires de sprays au poivre, suite à la série d'agressions dont ont été victimes des recrues.

13 mars
Les deux anciens dirigeants du groupe ABB, MM. Percy Barnevik et Göran Lindhal, s'étaient octroyé des indemnités de départ à hauteur de 233 millions de francs. Ils ont généreusement accepté d'en restituer plus de la moitié et ils ont dès lors obtenu la décharge lors de l'assemblée générale.

Ejectée du gouvernement après quatre ans d'inexistence totale, Mme Francine Jeanprêtre va toucher une rente annuelle de plus de cent mille francs, à vie. Quelle part va-t-elle en restituer ?

16 mars
Le Lausanne-Sport est «en perdition», faute d'avoir trouvé 3 millions. Je vous l'avoue en confidence, cette nouvelle me laisse totalement indifférent.

18 mars
M. Angelo M. Codevilla, professeur en relations internationales à l'Université de Boston, ancien officier de l'US Navy, ancien conseiller en matière de politique étrangère du Sénat américain, publie en français aux éditions Slatkine : «La Suisse, la guerre, les fonds en déshérence et la politique américaine» où il développe la thèse que le chantage et le rakett dont notre pays fut la victime, ont été orchestrés dans le seul but d'extorquer de l'argent à la Suisse au profit du Congrès juif mondial, à l'initiative de M. Edgar Bronfman, président dudit Congrès et principal bailleur de fonds du président Clinton, qui a mis la machine étatique au service de son ami, lequel lui avait offert 1,26 million de dollars pour sa campagne électorale.

Aux dernières nouvelles, le Ministère public fribourgeois se préparerait à condamner le professeur Codevilla pour incitation à la haine raciale et à exiger la dissolution des éditions Slatkine, avec dévolution de son actif net à l'Etat.

19 mars
Le parlement fédéral comprend les priorités et la nécessité de traiter les problèmes contemporains : d'une part il «reconnaît le génocide des Arméniens, en 1915» et d'autre part, il alloue à chacun de ses membres une enveloppe annuelle de 40'000 francs pour l'engagement d'un collaborateur personnel, dont le rôle sera précisément de lire, à la place de son «patron» les livres d'histoire relatant tous les exemples de génocides à travers les âges.

Pour l'instant, et comme ces conseillers ne sont pas encore entrés en fonction, le Conseil national ne dit rien du massacre des Indiens en Amérique ni des guerres de Vendée. Rien non plus sur la responsabilité éventuelle des Etats-Unis dans les massacres en Irak ou en Serbie.



En direct de Sirius

Message personnel : « les pellicules irritent les têtes – nous répétons – les pellicules irritent les têtes »

Nos contemporains devraient revoir l’excellent «Docteur Folamour» du génial Stanley Kubrick qui illustre magistralement l’enchaînement cataclysmique que sont susceptibles d’engager, dans le contexte politique prévalant depuis le 11.9.2001, une variété d’irresponsables, animés des meilleures intentions du monde, que mon ami le baron de la Bastide appelle «les cons effrénés». La démonstration est simple mais brillante : l’initiative d’un psychopathe paranoïaque intégré dans une chaîne de commandement produit un anéantissement planétaire par une succession d’évènements issus de comportements humains (manipulation, fausse appréciation, enthousiasme, recherche de gloire, obéissance inconditionnelle, goût du travail bien fait etc.) dont chacun ne constituerait pas un risque majeur en soi mais dont la combinaison provoque inévitablement l’irréparable.

*

De la crème exquise au brouet infâme

Il en va du cinéma comme des restaurants, les produits sont variés, les écrans de mars nous proposent ainsi du meilleur comme du médiocre…

Une nouvelle fois, M. Gérard Jugnot démontre la polyvalence de son talent d’acteur mais aussi de réalisateur avec «Monsieur Batignole», une étude de mœurs ciselée avec finesse et humour sur la France du Maréchal. Monsieur tout le monde, le Juif et le collabo, tous y trouvent leur juste compte sans pathos, mais avec une lucidité à la Maupassant. M. Jugnot n’a de complaisance pour personne mais de la compréhension pour tous et nous évite le traditionnel cataplasme de «méaculpisme». Chez lui, même l’officier SS peut avoir de l’humour, qui s’exclame, hilare, en voyant s’éclipser l’effeuilleuse d’un cabaret «Sie ist verschwunden… genauso wie die französische Armee !». Les personnages de M. Jugnot ne sont pas monolithiques ; on y croit et l’on passe avec aisance du rire aux larmes et vice-versa.

Mais où est passé le réalisateur de «Z», «l’Aveu», «I comme Icare» ou encore «Etat de Siège» ? Avec «Amen», M. Costa Gavras nous sert une froide resucée du «Vicaire», une pièce controversée qui avait fait son petit effet dans le temps. Le film prétend incriminer le Vatican pour non-assistance à personne en danger sur l’affaire des déportations juives… articulant sa «démonstration» sur les «confessions» de l’officier subalterne SS Gerstein, retrouvé pendu fort à propos dans sa cellule avant l’ouverture de son procès. Se souvenant qu’il n’existe pas moins de cinq versions différentes desdites «confessions», émaillées de cas d’ubiquité, d’incohérences stupéfiantes et d’autres «improbabilités», Max suit en tous points la remarque d’Iris au sortir de la projection : «Ce film sonne faux du début à la fin». C’est un échec, M. Gavras rate tous ses effets, le spectateur normal n’y croit pas un instant et l’on se demande si le réalisateur y a cru lui-même. On regrette «le Cardinal» d’Otto Preminger, beaucoup plus réaliste et plausible, mais tout n’est pas mauvais dans ce film ; il y a tout de même des images magnifiques de Rome et environs.

*

J’ai fait un rêve merveilleux…

… dans lequel les politiciens en mal d’élection (ou de réélection) ne flattaient plus le cul des vaches et ne déclaraient plus, l’œil embué, aux jeunes filles au pair que les enfants qu’elles portent «sont tout leur portrait». Dans lequel, au lieu de s’attacher à ridiculiser leurs adversaires dans des guignols infâmes, ils proposaient des solutions aux maux qui nous affligent. Dans lequel, avant de vouloir résoudre des problèmes tiers-mondistes étrangers, ils indiquaient comment résoudre les problèmes quart-mondistes nationaux. Dans lequel, enfin, ils abandonnaient ce sourire béat, de rigueur depuis le « style JFK », pour reconnaître avec le sérieux de circonstance, que la situation est grave et presque désespérée. En France, je n’en ai trouvé que trois, parmi les prétendants officiels, à correspondre à cette vision : MM. Le Pen, Mégret et Pasqua… et je souhaite bien du plaisir aux électeurs pour ce qui est des autres !

*

ONU youpie !

Et voilà, à l’usure, emboîtant le pas à Monaco, la Suisse n’a pas manqué le wagon de queue. Elle a maintenant un siège dans le «machin» ! Vous me direz que je vois le mal  partout… C’est faux, et je le prouve : Avec l’entrée de la Principauté et de la Confédération au sein de l’« organisation », voilà au moins deux membres qui s’acquitteront fidèlement de leurs cotisations.
 

Max l'Impertinent



Bricoles
 

Luttes féministes

Comme chacun le sait, nous vivons dans une société profondément machiste. Les féministes se battent pour que les choses changent, mais la lutte n’est de loin pas terminée. En matière de travail, la discrimination est encore extrêmement fréquente : à compétences égales, les femmes cadres touchent, en moyenne, moins de 14 000 francs par mois, alors que leurs collègues masculins atteignent la barre des 15 000. D’autre part, on constate qu’en raison de ridicules idées reçues sur les métiers «typiquement masculins», les femmes choisissent rarement la profession de déménageur. Sur le plan politique, les femmes sont sous-représentées, d’où la nécessité d’instaurer des quotas obligeant démocratiquement les citoyens à ne pas voter comme ils l’entendent. En revanche la lutte que mènent les féministes contre le sexisme dans le vocabulaire français nous gène quelques peu. S’il peut paraître choquant que certains termes n’existent qu’au masculin, il ne faut cependant pas oublier que l’inverse est également vrai : le premier mot qui vient à l’esprit est «sentinelle». Mais il en existe d’autres, par exemple : cloche, nouille, andouille…
 

Vacances scolaires

Cette année, Pâques tombe le 31 mars, c’est-à-dire très tôt. Les vacances de Pâques commenceront deux ou trois jours avant jeudi saint, selon les communes, soit quatre semaines à peu près après le relâche de février. Les écoliers reprendront le chemin de l’école le 8 avril et devront tirer, sous réserve du 1er mai – et encore pas toujours - , du jeudi de l’Ascension et du lundi de Pentecôte, treize semaines jusqu’aux vacances d’été. D’accord, on ne fait pas grand-chose dans les écoles la dernière semaine, mais elle est là tout de même.

Quatre semaines entre deux périodes de vacances, c’est exceptionnellement court, c’est ridiculement court. Treize semaines, c’est exceptionnellement long, c’est ridiculement long. On peut être assuré que, la fatigue aidant aussi bien chez les élèves que dans le corps enseignant, les deux ou trois dernières semaines de l’année scolaire seront perdues.

D’où vient ce déséquilibre absurde ? Nous n’y voyons qu’une explication possible : depuis des temps immémoriaux, les vacances de Pâques englobent les féries de Pâques, que ce soit au début, au milieu ou à la fin, selon que la fête de Pâques est relativement précoce ou plus ou moins tardive. Et comme aucun responsable n’a jamais été visité par l’idée qu’on pourrait faire autrement que ce qu’on a toujours fait, les vacances englobent cette année les féries de Pâques comme d’habitude, et tant pis pour les usagers de l’école.

Nous voudrions qu’on nous cite l’article de loi ou de règlement qui se serait opposé à ce que les vacances de Pâques aient lieu du mardi 9 avril au lundi 22 ou mieux encore du mardi 16 au lundi 29. Il est vrai que nos écoliers et nos enseignants auraient bénéficié en plus de vendredi saint et du lundi de Pâques. Quelle horreur !

Selon que vous serez…

Stéphanie de Monaco et Franco Knie se sont séparés. Ciel ! Quelle triste fin pour un si bel amour, une si grande passion, une idylle si romantique ! Pleurez, pleurez, bonnes gens !

Les grands de ce monde ne sont pas faits comme nous, la presse à sensation nous l’apprend tous les jours. Leurs sentiments sont plus intenses, leurs maladies plus graves, leurs enfants plus beaux et plus intelligents que les nôtres. Rien n’est médiocre chez eux, pas même leurs mauvaises actions.

Une allumeuse et un mari infidèle décident de se mettre en ménage, au détriment d’une épouse et d’un enfant. S’il s’agit d’une obscure secrétaire et d’un simple employé de commerce, par exemple, chacun s’accordera à juger sévèrement leur conduite. Il en va tout autrement quand l’allumeuse est princesse et le mari infidèle propriétaire d’un cirque prestigieux. Dans ce cas l’amour, la passion, justifie tout, transforme le mal en bien, appelle la sympathie et la complicité des foules. Et le journaliste de service feint d’être tout surpris, tout marri, quand c’est fini, de découvrir qu’il s’agissait d’une simple affaire de cul, et que la princesse, lassée de faire elle-même ses courses et sa lessive, fatiguée de se baguenauder en caravane, a décidé de retrouver sa villa monégasque, sa domesticité et ses gardes du corps.

Bon sens

Puisque la votation sur l’ONU et les élections vaudoises sont derrière nous, regardons vers l’avenir et revenons-en à la «solution» des délais en matière d’avortement, sur laquelle nous devons nous prononcer le 2 juin prochain. Parmi mille arguments tous plus pertinents les uns que les autres, les émules d’Hérode font valoir que la liberté d’avorter au cours des douze premières semaines de la gestation est la «solution du bon sens», c’est-à-dire un système qui doit nécessairement entraîner l’adhésion des gens intelligents.

Il semble que les inventeurs de ce splendide argument aient lu, comme nous tous, Les habits neufs de l’empereur et en aient fait leur profit. Ce n’est pas mal vu : peut-être se trouvera-t-il un certain nombre de sots pour voter oui, histoire de faire semblant d’être intelligents.

Pour le reste, le message des tenants de l’argument du bon sens est limpide : les opposants à la «solution» des délais ne sont pas seulement fondamentalistes, extrémistes et inhumains. Ils sont aussi extrêmement stupides.
 

Non aux traumatismes

Ceux qui, au sujet de la «solution des délais», parlent de «bon sens», ont choisi la voie de la facilité : ils s’évitent l’exercice de réfléchir – d’une manière générale particulièrement douloureux, en ce qui les concerne – à des arguments pouvant convaincre les défenseurs de la vie. D’autres se sont donné cette peine : ainsi, on a entendu à de multiples reprises qu’un enfant non désiré subissait un traumatisme irréversible et qu'il fallait donc laisser sa mère avorter.

Cet argument peut – si l’on cherche bien – donner l’impression que le bien de l’enfant est pris en compte sous la forme d’un droit – inventé par les inventeurs de l’argument – à ne pas être traumatisé. Madame Nahoé Curtet, «sage»-femme et conseillère en planning familial (24 heures du 18 mars 2002) avance également la théorie du traumatisme, mais cette fois-ci celui de la femme : à l’argument selon lequel une femme qui n’est pas en mesure d’assumer son enfant doit le faire adopter, elle répond que « la souffrance des femmes qui mènent une grossesse à terme et qui se séparent de l’enfant définitivement est toujours une expérience traumatisante». Enfin un argument pertinent ! Tellement pertinent qu’il ne doit pas être limité à cette seule hypothèse : la souffrance des enfants qui doivent placer leurs parents en maison de repos est toujours une expérience traumatisante. Nous revendiquons donc le droit de poignarder nos parents dans les cinq ans qui précèdent l’ouverture de leur droit à la rente AVS ; la souffrance des lecteurs qui doivent subir les écrits de Madame Noahé Curtet est une expérience tout particulièrement traumatisante…Une «solution» à proposer ?



 
 

Le Tribunal pénal international ou le chaos juridique international !
 

Pierre-Marie Gallois, général de son état, et Jacques Vergès, avocat que l'on ne présente pas, ont publié aux Editions de l'Age d'homme à Lausanne un essai commun : «L'apartheid judiciaire», dans la collection Objections. Thème du livre, assez court (une petite centaine de pages) : Le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, et quelques considérations critiques sur la guerre totale moderne ou, comme le nomme Me Vergès: «la guerre zéro mort, forme actuelle du génocide».

L'impression suivant immédiatement la lecture de ce livre reste mitigée. Pas un mot sur le précédent procès de Nuremberg, qui était aussi une juridiction de vainqueurs, dont tous, à des degrés divers, de l'Union Soviétique aux Etats-Unis en passant par l'Angleterre, avaient à se reprocher d'identiques crimes de guerre et des génocides comparables à ceux dont ce tribunal faisait grief aux Allemands.  L'Age d'homme est un groupe de pression serbe. Gallois et Vergès sont d'excellents agents publicitaires.

Ceci dit, la défense est bonne, elle est argumentée; la connaissance des faits est approfondie et irréfutable. On ne peut s'empêcher toutefois, hélas! de sentir le plaidoyer pro domo. Tout est juste, sans doute, mais tout ce qui est juste est-il relaté ? Au nom du droit des Serbes à la parole (bienvenue), faut-il pour autant en priver les Croates ?  Qui donc a créé le bourbier yougoslave sinon l'un de ses membres d'une population minoritaire, croate en l'occurrence, Tito, soutenu malgré son communisme par les Anglo-américains contre le roi Pierre de Serbie? Et auparavant, qui donc permit l'avance turque en Europe balkanique (les Ottomans), sinon les "orthodoxes" serbes, par haine de Rome ?

Le combat de ces deux avocats fort bien armés l'un et l'autre me laisse relativement perplexe. Aucune note favorable au christianisme n'apparaît dans leurs propos, sinon comme moyen de lutte idéologique au service de leur propre plaidoyer! C'est inquiétant. Si l'humanité n'a pas de valeurs universelles et si, comme l'écrit le général Gallois, parce qu'ils n'ont pas la même morale (page 40 et 41), au nom de quel principe universel précisément, pouvons-nous condamner les uns et nous apitoyer sur d'autres ? Le ver du relativisme moral, fondement réel de l'opportunisme juridique des politiques, n'est-il pas aussi dans la tête de ces deux juges, de qui l'opinion, quoique fondée, ne parvient toutefois pas à convaincre entièrement et définitivement. Car pour entraîner une adhésion sans réserve, le jugement, qu'il soit moral ou juridique, doit reposer sur une foi. Or, ni l'un ni l'autre n'en ont aucune, à tout le moins n'en invoquent aucune, sauf celle, purement négative et circonstancielle, de l'incohérence des ennemis, en l'occurrence les Etats-Unis d'Amérique, pour l'essentiel.

Je comprends cette lacune dans leur pensée: il ne saurait y avoir d'ordre international véritable en dehors d'une réelle communauté humaine sur le plan spirituel. Le droit ne supplée pas à tout, et c'est tromper sciemment les hommes que de le donner à penser. Le chaos international conserve donc toutes ses chances et supporte même ce genre de dénonciation …
 

Michel de Preux
 


La Suisse à l'O.N.U. ?
 

Cet article de notre excellent collaborateur Michel de Preux a été évidemment rédigé avant la votation. Mais le «oui» du peuple, inéluctable, ne fait pas perdre une once de pertinence à la rflexion qui suit. (La Rédaction)


Toute question posée sous la contrainte a déjà sa réponse morale : c'est un non sans appel ! Mais ce non sera défait, cette année ? plus tard ? peu importe ! Le non du peuple suisse à l'O.N.U., est aussi nécessaire et vital que son oui est inéluctable. Car poser la question de l'adhésion de la Suisse à l'O.N.U. , les honnêtes gens, et même les moins honnêtes, l'ont démontré cent fois, c'est nous contredire sur le thème de la neutralité et c'est noyer notre présence sur la scène internationale dans le chaos et la confusion. Une petite nation n'y compterait pas même le poids historique et moral qu'elle a acquis dans son milieu traditionnel, l'Europe pour ce qui nous concerne. Et nous ne pouvons nous faire entendre dans le monde que libres de nos choix et résolument distants de tout conflit qui nous serait étranger. Renoncer à ces deux formes de notre indépendance, c'est nous tuer.

Pose-t-on à un homme la question de sa mort volontaire ? Pourquoi donc une question interdite, parce que fondamentalement absurde et foncièrement immorale lorsqu'elle est posée à un individu, deviendrait tout à coup licite et parfaitement morale quant elle comporte les mêmes effets pour une société ?

Mais voilà : à travers cette question, c'est bien celle de la mort de la Suisse qui est cachée, dissimulée avec soin. On feint de croire que le débat «démocratique» se noue autour de la question du refus ou de l'acceptation de notre peuple d'adhérer à l'O.N.U., alors que la question véritable est celle-ci : les principes historiques et particuliers de nos démocraties cantonales et fédérale sont-ils, oui ou non, compatibles avec les principes qui président effectivement à la vie de l'Organisation des nations unies ? Il est bien évident que posée de cette façon, la question échappe par définition au vote populaire puisque les magistrats du pays ne peuvent eux-mêmes proposer au peuple l'accomplissement d'un crime de haute trahison…

La réalité est là, qui crève les yeux mais que personne ne veut considérer avec un minimum d'objectivité et de sincérité : défenseurs et meurtriers de notre vie collective sont mis sur un pied de stricte égalité. Ainsi le veut la Démocratie moderne. On y débat dans l'indifférence de la vie et de la mort ! Le rapprochement avec l'avortement s'impose incontestablement.

N'étant point démocrate à la manière des modernes, je reste personnellement au-delà de ces menaces et résolument en-dehors de ces débats. On s'agite beaucoup, à droite, pour masquer un crime en votation régulière. Que l'on ne compte pas sur moi pour donner de quelque manière que ce soit dans ce genre d'imposture. Je laisse au mouvement d'Ecône la parternité d'une agitation de fort mauvais goût sur un thème si facile à récupérer; je laisse au clergé progressiste ses silences non moins lâches et capitulards; je laisse la presse à ses bavardages et les opinions bruyantes à leur incontinence.

Oui, je laisse tout cela, parce qu'un pays vaut toujours mieux qu'un vote et que si un peuple entend lier son sort par un vote, c'est qu'il a déjà cessé d'exister, qu'il s'est déjà tué !

M.de.P.



Faire son droit à Fribourg ?

La Faculté de droit de l'Université de Fribourg jouit, paraît-il, d'une flatteuse réputation… véhiculée principalement par ceux qui ont choisi d'y faire leurs études et par ceux qui ignorent même ce qu'est la science juridique.

S'il est vrai que l'enseignement du droit à Fribourg mérite des éloges, ce qui est, après tout, possible, il semble que le fonctionnement de la justice dans ce canton n'en ait guère profité. Il n'y a pas que moi pour le dire, mais d'autres, bien plus qualifiés. Le professeur Franz Ricklin, éminent pénaliste, braque son projecteur sur les dysfonctionnements de la justice fribourgeoise, dans un pamphlet sans complaisance fondé sur des faits authentiques et vérifiables.

«A l'abri des Lumières», tel est le titre de cette savoureuse enquête, (une histoire fausse et 54 histoires vraies sur les abus dans la justice fribourgeoise au cours de ces dix dernières années et une tentative de représentation des structures totalitaires que l'on trouve dans les bas-fonds du ghetto politique fribourgeois, dit le prospectus) qu'on peut commander à l'auteur (case postale 174, 1707 Fribourg) pour le prix de 30 francs ou qu'on peut aussi télécharger gratuitement, en allemand ou en français, à l'adresse www.FRinjuria.com

Même si la Justice fribourgeoise fonctionne mal, on ne saurait l'accuser de laxisme lorsqu'il s'agit de traquer impitoyablement les derniers défenseurs de la liberté d'opinion, d'expression ou d'association.

On se souvient qu'il y a peu, un juge d'instruction avait condamné, sans le convoquer et sans l'entendre, le professeur français Robert Faurisson, à une peine privative de liberté.

Plus récemment1, le tribunal civil de l'arrondissement de la Veveyse a ordonné la dissolution de l'association «Vérité & Justice», en application de l'article 78 du Code civil et la dévolution de sa fortune sociale à l'Etat.

Une telle procédure est extrêmement rare. Le Tribunal fédéral a rendu un arrêt en 1932 et on trouve dans la jurisprudence quelques cas de sociétés immobilières dissoutes parce qu'elle avaient pour but essentiel la violation de la Lex Furgler.

Au plan de la procédure, et si je suis bien informé, l'association «Vérité & Justice» n'a pas eu la possibilité, quand bien même on se trouvait dans une procédure civile, de déposer par écrit un Mémoire répondant aux arguments du Ministère public. En outre, ce dernier n'alléguait pas que les buts de l'association auraient été illicites ou contraires aux mœurs, mais que les activités du comité étaient contraires à la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale du 21 décembre 1965.

Comme une procédure pénale visant le comité de «Vérité & Justice» était pendante devant le Tribunal correctionnel de la Veveyse, il eût été sans doute opportun, en application de l'art. 138 du Code de procédure fribourgeois, de suspendre le procès civil «pour des raisons d'opportunité, notamment lorsque le jugement d'une autre cause peut influencer l'issue du procès». Le Tribunal en a jugé autrement.

Sur le fond, le jugement fribourgeois, dont je ne connais pas les considérants, est fondé, probablement, sur les arguties utilisées par le Conseil fédéral pour faire passer devant le peuple l'art. 261 bis du Code pénal : «Le Conseil fédéral s'était penché sur la question de la compatibilité de la restriction imposée par l'article 261bis CP avec les deux libertés fondamentales précitées [liberté d'expression et liberté d'association]. Il a conclu que l'art. 261bis CP protégeait un autre droit fondamental, le droit à la dignité humaine (art. 7 Cst). Dans le cas d'opposition entre plusieurs droits de même rang, il a estimé qu'une pesée des intérêts en présence permettait de favoriser le droit à la dignité au détriment de la liberté d'opinion et de la liberté d'association (FF 1992 III 298ss)».

Si tels sont bien les motifs du Tribunal, ils sont lamentables et on a honte pour les juges qui auraient osé s'en contenter.

Que le Conseil fédéral ait pu, dans son Message, énoncer de telles âneries, nul ne s'en étonnera d'une autorité si faible depuis une dizaine d'années et si soucieuse de ne déplaire à aucun lobby, ni des juristes de l'administration fédérale si prompts à justifier n'importe quoi pourvu que leur chef le leur demande.

Mais que le Tribunal civil d'un canton suisse ait pu s'en satisfaire, sans comprendre (ou, pire : en feignant de ne pas comprendre) que n'importe quel groupe de pression pourrait désormais faire taire toute opinion qui lui déplaît, au motif qu'il ressent l'opinion déplaisante comme une «atteinte à sa dignité», ça, c'est proprement ahurissant et ça relègue Fribourg au rang de république bananière.

Il est heureux que l'Université de Fribourg, grâce notamment à ses juristes illustres, les Deschenaux, les Tercier, les Steinauer, les Pichonnaz ou à ses représentants courageux, tel Franz Ricklin et ses collègues, sauve la réputation juridique d'un canton qui, sans eux, passerait pour le Tiers-Monde intellectuel de la Confédération.
 

Claude Paschoud

--------------------------
1    le 6 mars 2002 à Châtel-Saint-Denis (FR)