Lausanne 32e année      «ne pas subir»       Janvier  2002 No 311



Sommaire :

Editorial
Les votations du 3 mars

Au courrier
Une lectrice amie des Etats-Unis proteste
Un lecteur se méfie des pressions exercées sur la justice par les médecins et les caisses

En direct de Sirius
La discipline à Monaco
Les prédiction du «Père François»
La démission du juge Halphen
Tsahal ou les étiquettes à portée subliminaires
Elections US 2000 : et si... ?

Fusées réactionnaires
Michel de Preux poursuit son commentaire de l'oeuvre de Louis de Bonald

A nos lecteurs de l’étranger
Comment s'acquitter de l'abonnement en Euros ?

ONU : Quoi de changé depuis 16 ans ?
l'ONU n'a pas changé, mais c'est le Conseil fédéral qui ne croit plus...

ONU :Finalement, pourquoi pas ?
Une proposition que nous avons faite il y a 16 ans


Editorial

Bonne année à tous ! La campagne en vue des votations du 3 mars bat son plein et vous n’êtes certainement pas sans avoir remarqué que la discussion, si tant est qu’on puisse parler de discussion, vole plutôt bas. Les points de vue sont à ce point inconciliables que l’échange d’arguments s’apparente à une guerre des tranchées. Les partisans de l’adhésion de la Suisse à l’ONU, tout à la crainte de voir triompher une vision évidemment rétrograde de notre neutralité et du rôle de la Suisse sur la scène internationale recourent sans hésiter à la diabolisation. «Les patrons vaudois alignés sur Blocher» titrait récemment un quotidien vaudois. Comme si le fait que les patrons vaudois sont contre l’adhésion impliquait, incapables qu’ils seraient de penser tout seuls, qu’ils sont des suppôts de la bête immonde. Mais voilà, ce sont des patrons, donc des méchants…

L’ineffable Kaspar Villiger – qui ferait mieux de s’occuper de nos finances que de s’«investir» dans la campagne – tombe dans l’absurdité, du haut de sa fonction de président de la Confédération : «En 1986, j’étais contre. Aujourd’hui, je suis pour», nous dit-il. Ben voyons ! Si un esprit aussi indépendant que ce bon Villiger a changé d’avis, c’est donc que tout le monde doit en faire autant. Il n’y a rien à ajouter à cela. Bien sûr, il aurait pu préciser : «En 1986, je n’étais pas conseiller fédéral. Aujourd’hui, je le suis.» Mais pourquoi importuner le bon peuple avec de subtiles nuances !

Les partisans de la réduction du temps de travail à trente-six heures versent, eux, dans la démagogie. Ils nous annoncent une diminution du chômage et une meilleure qualité de vie. Tant mieux ! Mais ne devraient-ils pas nous expliquer pourquoi ces prévisions optimistes ne se vérifient pas en France, laquelle pratique les trente-cinq heures depuis un certain temps déjà ?Est-ce à dire que, dans ce cas, il existe une exception suisse ? Mais alors pourquoi pas pour l’ONU ?

Il n’y a plus de vrais débats dans les campagnes de votations, pour la simple raison qu’il y a désormais un mur infranchissable entre les «fondamentalistes» honnis par la gauche  avec l’appui du monde bien-pensant et les «idéologues» - qui sont d’ailleurs aussi à leur façon des fondamentalistes – dénoncés par la droite, extrême évidemment. On nous permettra de douter que l’intérêt général y trouve son compte.

Le Pamphlet


Au courrier

Cher Monsieur,

Vous connaissez notre fidélité à votre devise et nous partageons en général vos opinions politiques.

Là où nous ne sommes plus du tout du même avis, c’est lorsque vous parlez de l’Amérique qui est un grand et magnifique pays, d’une générosité (individuelle) sans faille, ouvert, tolérant, où j’ai habité et travaillé avec énormément de plaisir. Je regrette de constater que les médias font un mauvais travail de sape en Suisse romande – que serions-nous sans les Etats-Unis ?

 Je vous prie d’excuser ma franchise.

 Recevez quand même, cher Monsieur, pour vous et votre épouse, nos meilleurs vœux pour l’année nouvelle.

O.T.

***

«Les infortunes de Cosette», in Le Pamphlet no 310

Madame la rédactrice en chef.

L’article cité en titre, signé par Monsieur votre époux, est fort pertinent et dénonce à juste titre les pressions exercées par les médias.

Si j’abonde dans le sens de M. Paschoud en ce qui concerne le chantage exercé par les médias et le racket pratiqué par l’avocat Ed. Fagan dans l’affaire des fonds en déshérence, en l’espèce je crois qu’il y a lieu de faire un distinguo car Mme Cosette Laurent a dû faire appel aux médias pour obtenir réparation d’un préjudice grave subi par la faute, même non exclusive d’un praticien trop sûr de son art et de son impunité.

Lorsque M. Paschoud, en fin juriste qu’il est, analyse pourquoi Mme Laurent a perdu son procès, il part de l’a priori que le juge était intègre et impartial et ceci n’est pas démontré à satisfaction de droit. Quand on sait l’importance des intérêts en jeu, notamment de la part des assurances responsabilité civile couvrant praticiens, hôpitaux ou autres «responsables», on ne s’étonnera pas des interminables manœuvres de diversion mises en œuvre pour prolonger les procédures et les arguties invoquées pour retarder tout règlement judiciaire dans des délais décents.

Certes, les médias, et la TV notamment, se sont emparés de tels cas et nous ont appris entre autres que M. Le Minth lutte depuis plus de cinq ans par-devant les tribunaux pour obtenir réparation pour sa femme Rosa, âgée alors d’une trentaine d’années, devenue tétraplégique par la faute d’une intervention malheureuse d’un anesthésiste à l’hôpital universitaire de Genève. Et l’on se renvoie expertises et contre-expertises en essayant de faire durer la procédure jusqu’à épuisement moral et financier du plaignant.

Dans un autre domaine, la TV alémanique nous a montré le cas d’un patient accidenté sans sa faute sur un passage protégé et devenu paraplégique de ce fait. Il attend depuis douze ans que les tribunaux veuillent bien fixer le montant de la rente à laquelle il prétend avoir droit. Un autre protagoniste, lui aussi accidenté sans faute et devenu paraplégique alors qu’il était encore étudiant, est venu l’encourager à prendre patience… Lui a dû attendre dix-sept ans pour que les assurances fixent enfin le montant de sa rente d’invalidité !

Vous pouvez me rétorquer que de tels cas sont rares, voire même exceptionnels : j’en conviens volontiers. Vous me direz aussi, qu’au plan strictement juridique, ces assureurs sont dans leur bon droit en se défendant bec et ongles et en cherchant à minimiser au maximum leur participation aux frais et ce pour le bien-être de leurs actionnaires : j’en conviens également; mais devant de tels abus commis sous le couvert du droit bien appliqué et d’une justice savamment administrée, il faut comprendre le dégoût que de telles «injustices» provoquent chez les lésés et ne pas s’étonner non plus que les médias fassent tapage pour obtenir par la rue ce qu’il était impossible d’espérer par le prétoire !

On savait de longue date les assureurs plus prompts à encaisser les primes qu’à verser les indemnités dues, surtout si ces dernières relèvent d’une obligation morale de compassion non encore sanctionnée par la kyrielle des instances judiciaires trop coûteuses à actionner pour le pékin devenu invalide par la force d’un destin tragique épaulé en l’occurrence par la désinvolture, la négligence voire l’incompétence d’un gynécologue ou autre anesthésiste couvert par une cohorte d’avocats payés par lesdits assureurs pour faire traîner les choses, si possible jusqu’à la mort du lésé…

Alors, dans de tels cas, c’est tant mieux si les médias se substituent aux caciques du Tribunal fédéral et de la Commission européenne des droits de l’homme pour obtenir presto ce que les assurances rechignaient à assumer.

J’espère que vous voudrez bien m’accorder l’hospitalité du Pamphlet pour y publier mes quelques propos ci-dessus et je profite de cette occasion pour vous présenter, Madame la rédactrice en chef, ainsi qu’à ceux qui vous sont chers, mes vœux les meilleurs pour une heureuse et pétulante Année Nouvelle.

Marc Charbonney


En direct de Sirius

Un havre de paix dans une Europe houleuse

Monaco, cinéma le Sporting, deuxième jour de la nouvelle année, séance de 21 heures; à l’étonnement d’Iris et Max et des autres spectateurs, une bande de «jeunes» décide de s’exprimer façon «quartiers sensibles» lors de la projection d’un film. Ferme avertissement de l’ouvreur, suivi, en fin de séance, d’un contrôle sélectif d’identités mené en profondeur par la police princière. Les «jeunes», d’ordinaire expansifs, en sont restés muets de surprise et une bonne part d’entre eux, comme d’habitude dépourvue de papiers, a pu bénéficier au poste d’une leçon de géographie accélérée sur les frontières de l’Etat souverain ainsi que d’une initiation pratique au droit pénal comparé à l’usage des hordes maghrébines, traitant des inconvénients qu’il y a à confondre principauté constitutionnelle efficace avec démocratie décadente. Il n’y a pas de secret; à la différence d’une France laxiste où s’enflamment les voitures à chaque Saint-Sylvestre, Monaco pratique avec constance et discrétion la tolérance zéro, une des raisons pour lesquelles il y fait toujours bon vivre.

La France prend l’eau (à la mémoire de Jean-François Imbert, medium, 1952-1999)

Cher « Père François », au nombre de vos nombreuses prédictions avérées, celle concernant une succession de grèves sans précédent en France, au cours du second mandat du Président Chirac, se vérifie quotidiennement… Si la France moyenâgeuse connaissait les jacqueries, celle du tandem de nullités Chirac-Jospin aura même vu la maréchaussée, jadis si docile envers le pouvoir, innover en déclenchant des « gendarmeries ». Il n’est guère que l’association bouliste de Saint-Hilaire-en-Cambrousse qui n’ait pas, à un moment ou à un autre, cessé ses activités.

Selon que vous serez puissants ou misérables…

Toujours en France, écœuré et miné par les pressions de toutes natures qu’il a eu à subir, le juge d’instruction Eric Halphen, spécialistes d’affaires «sensibles» dont la caractéristique commune est, en dépit de ses louables efforts, de ne jamais aboutir, claque la porte de la magistrature. Bon nombre de ses collègues soutiennent son acte de protestation et parlent d’une «justice à deux vitesses». Qualification imparfaite : en réalité, la justice française est «à trois vitesses» : Le citoyen lambda est seul punissable et, aux côtés des puissants qui esquivent les peines, il convient d’ajouter les «jeunes» et autres représentants d’espèces «à protéger».

Pour en finir avec «Tsahal» (et autres étiquettes à portée subliminaire)

«Der Oberkommando der Wehrmacht gibt bekannt»1. Cette phrase introduisant les communiqués du commandement suprême allemand évoquait le staccato d’une MG 342  et valait bien deux «Panzerdivisionen», lorsqu’elle annonçait les victoires de la guerre éclair; et nombre d’unités adverses, qui captaient ce message, décrochaient avant la fin de l’énumération qui s’ensuivait. Les propagandistes du IIIème Reich avaient compris que la substitution dans la langue de l’adversaire de la dénomination «Wehrmacht»3 à la notion plus anodine d’«armée allemande» conférait à cette dernière un caractère d’entité quasi mythique suggestif d’invincibilité. Les Israéliens ont assimilé la leçon avec profit, qui n’ont cessé d’exploiter ce filon psychologique depuis la «guerre des six jours». Les médias gagneraient en objectivité à ne plus donner dans de tels panneaux. A défaut, les consommateurs d’information avertis relèveront d’autres étiquettes à fort pouvoir de mise en condition, en découvriront aisément les raisons profondes et corrigeront d’eux-mêmes.

1 «Le commandement suprême des forces armées allemandes communique».
2 Mitrailleuse tirant à la cadence de 1200 coups par minute.
3 Littéralement «force de défense».

Retour sur les présidentielles US 2000 (l’échappée belle)

Au regard de la très contestée élection du Président Georges W. Bush jr et de la réaction de celui-ci aux attentats du 11 septembre, octroyons-nous la licence d’un retour en arrière pour un court essai de politique-fiction : décembre 2000, la Cour suprême déclare le sénateur démocrate Al Gore 43ème président des Etats-Unis. Onzième jour du neuvième mois du troisième millénaire, quatre avions de ligne provoquent terreur, horreur et indignation, en percutant le Pentagone, et en nivelant les Twin Towers et la Maison Blanche, tuant le président US. Dans l’après-midi, le vice-président Joseph Liebermann, juif orthodoxe aux sentiments pro-sionistes avoués, prête solennellement serment dans le vol qui le ramène à Washington et devient le 44ème président du pays le plus puissant du monde. Le peuple américain manifeste – bien légitimement – sa volonté exacerbée de vengeance. Dans la nuit du 11 au 12, à Tel Aviv, un Palestinien1 suffisamment désespéré se fait sauter dans un night-club bondé au nom de la lutte contre le sionisme. Les lecteurs imagineront la suite…

1 Par souci d’objectivité, nous renonçons ici à le qualifier de «terroriste» ou de  «martyr», ce qui est une affaire de point de vue.

Max l’Impertinent


Fusées réactionnaires

Rappel : les citations commentées ci-dessous sont tirées de l’œuvre de Louis de Bonald (1754 – 1840).

II

9. «Il faut en administration se diriger sur les intérêts et les passions des hommes pour les combattre et les contenir; mais en législation, il faut consulter les principes de la société et la nature des choses. Je crains que dans les systèmes modernes de gouvernement, on ne fasse le contraire. On constitue la société sur des intérêts particuliers, mais on a des principes d’administration; et c’est ce qui rend les constitutions si vacillantes, et l’administration si dure.»

Chaque citoyen ou contribuable, ou justiciable moderne connaît et vit cette inversion du bon sens, mais on en ignore la cause, ici clairement énoncée. Même l’université néglige ce qui, pourtant, devrait être son souci premier de compréhension des malheurs du commun. Pour combattre les méfaits d’une simple erreur médicale originelle, une femme a entrepris une grève de la faim en Suisse, à Lausanne (Cosette Laurent). Elle s’était résolue à le faire parce que le corps médical a des principes de discrétion et de sécurité interne (qui sont bel et bien des principes de nature administrative) que la justice couvre et protège en priorité, au détriment d’un ordre constitutionnel supérieur voulant que la responsabilité personnelle soit d’autant plus grande et exigeante que la fonction ou la profession exercées sont plus élevées. Mais l’ordre politique démocratique ne repose-t-il pas sur le principe contraire de l’irresponsabilité effective des gens de pouvoir et sur la manipulation des petits et des faibles ? C’est pourquoi on y impose avec tant de facilité et d’impunité la rigueur des principes administratifs à qui aurait intérêt à la protection de principes constitutionnels et aménage de faux principes constitutionnels pour qui a un intérêt sordide à l’application rigoureuse des principes administratifs (c’est le secret de la fameuse «langue de bois»).

10. «L’indépendance du pouvoir judiciaire est un mot vide de sens partout où les juges sont payés par le gouvernement et n’ont pour la plupart que les honoraires de leur emploi. Indépendant et salarié sont contradictoires.»

Rien n’est plus vrai. Si, jadis, les juges étaient appelés «officiers de justice», leur rapport de dépendance à l’égard du prince ou du seigneur haut justicier, au nom de qui ils rendaient leurs sentences, ne les aliénaient pas car ils étaient propriétaires de leur charge. Dans les sociétés modernes, on ne portera remède à la dépendance économique des juges (qui est une évidence générale et sans aucune exception) qu’en les rendant inamovibles au sommet de la hiérarchie et uniformément responsables pénalement de leurs abus d’autorité par une application de l’une des rares dispositions de notre code pénal suisse à laquelle ils se soustraient eux-mêmes sans aucun droit, l’article 312… La doctrine juridique rejette pourtant cette exception tacite et maintenue de manière concertée par eux-mêmes… Les magistrats de nos ordres judiciaires font mentir quotidiennement la constitution écrite de nos Etats démocratiques et sont une preuve vivante de sa faiblesse. Mais cette preuve répond pour eux à une nécessité : le principe administratif de la prompte expédition des affaires courantes est un impératif rigoureux… La séparation des pouvoirs est une astuce et un artifice juridique masquant la totale dépendance économique des juges modernes !

11. «Toute la science de la politique se réduit aujourd’hui à la statistique : c’est le triomphe et le chef-d’œuvre du petit esprit. On sait au juste combien dans un pays les poules font d’œufs, et l’on connaît à fond la matière imposable. Ce qu’on connaît le moins sont les hommes, et ce qu’on a tout à fait perdu de vue, sont les principes qui fondent et maintiennent les sociétés.»

L’Europe de Bruxelles pousse cette dérive jusqu’à la caricature (elle est du reste dans un rapport de continuité parfaite avec celle de l’Ordre Nouveau européen voulu par les nationaux-socialistes allemands, et ceci est prouvé !). Mais l’Europe de Bruxelles n’apparaît pas caricaturale parce que tous les hommes politiques, étant issus du sérail des partis politiques, sont eux-mêmes de petits esprits. L’Europe de Bruxelles accélère cependant la dissolution des sociétés d’Europe en maintenant la fiction de leur survie par l’administration et la fiscalité.

Nos peuples n’ont jamais été exploités avec tant de cynisme, d’esprit de système et d’astuce. Mais n’ont-ils pas les maîtres qu’ils veulent ?

12. «La pire des corruptions n’est pas celle qui brave les lois, mais celle qui s’en fait à
elle-même».

Par exemple : les lois anti-racistes1, antirévisionnistes, celles qui dépénalisent l’avortement ou autorisent le divorce sans égards aux contrats religieux, celles qui assimilent les unions homosexuelles à l’état matrimonial et celles qui consacrent l’athéisme de l’Etat. Toutes ces lois sont imposées par la corruption devenue politiquement victorieuse. Que visent-elles ? La justice ? … En quoi la défense des valeurs raciales est injuste en soi ? ou la recherche libre de la vérité historique ? ou la violation d’un serment religieux ? ou l’incroyance déclarée obligation d’Etat ?

 13. «La passion du devoir, la plus rare de toutes les passions, est aussi la plus ardente et la plus active, parce qu’elle n’est pas, comme les autres, refroidie ou ralentie par les dégoûts, les incertitudes ou les remords : aussi la passion du devoir est la seule qui fait de grandes choses, des choses qui durent.»

 Comment satisfaire cette passion au milieu de petits esprits ? En se sacrifiant soi-même…

14. «Les hommes qui constituent les Etats avec leurs opinions personnelles, les administrent avec leurs intérêts.»

Aussi les partis politiques, qui sont des cercles d’opinion sur le plan idéologique, n’ont avec l’électeur que des rapports de puissance et d’argent sur le plan pratique.

15. «Les présomptueux se présentent, les hommes d’un vrai mérite aiment à être requis.»

Moralité : la démocratie de masse exclut le mérite, absolument. Il n’est pour elle qu’une impertinence ou une incongruité.

16. «L’autorité doit punir le crime; elle le doit aux méchants plus encore qu’aux bons, parce qu’elle doit la justice avant la vengeance.»

La première objection qui vient à l’esprit de nos contemporains est tirée de l’épisode de la femme adultère dans l’Evangile. Les démocrates modernes en font un très large usage, croyants ou non d’ailleurs…
 
 Tout est dans la mesure quant à la manière. Mais si la justice des hommes fait défaut, celle de Dieu ne saurait durablement manquer dès ici-bas. Aujourd’hui, les méchants bénéficient d’une protection d’Etat insoupçonnable il y a quelques années encore. Mais la dissolution de l’autorité et ses démissions multiples et obstinées ont un prix : c’est la société elle-même qui s’effondre et se délite.

Alors la justice fait place à la vengeance des bons, parfois, et ces derniers ressemblent de plus en plus aux méchants (voyez donc du côté de la Palestine…). Toutes les sociétés en déroute connaissent ce type de bouleversement. La France, à la Libération, connut des dizaines de milliers de victimes par vengeance.

L’autorité des bons sur les méchants est la garantie la plus sûre pour faire prévaloir la justice sur la vengeance.
 

 17. «Les philosophes ne veulent pas que Dieu ait parlé aux hommes, afin de leur parler eux-mêmes.»

C’est bien pourquoi il faut détruire les universités non catholiques en terre chrétienne, à Genève, Lausanne et Neuchâtel pour la Suisse romande. Ce sont des nids de mécréance et même d’athéisme militant ! Et il faut apporter des correctifs au droit constitutionnel de la liberté d’expression et d’opinion.

Un philosophe sans religion ni souci religieux de fait est le plus dangereux ennemi de la société, de l’Etat, et donc, en fin de compte, de l’homme.

18. Voici une dernière proposition, qui donne en substance la clef de la question sociale; cette clef est religieuse et morale, et c’est précisément elle que tous les politiques refusent de considérer, d’en mesurer l’importance universelle et la nécessité générale; je dis bien tous les politiques, dans lesquels j’inclus ceux qui aujourd’hui se réclament de la démocratie chrétienne ou de la droite dite «extrême», et même les princes chrétiens dans leur immense majorité.

 «La religion voudrait nous faire bons, et la politique nous rendre riches. La religion, par un heureux échange, rend les pauvres2 assez riches, par la modération qu’elle prescrit à leurs désirs; et les riches, elle cherche à les rendre pauvres, par l’esprit dans lequel elle veut qu’ils possèdent leurs richesses, et par l’usage qu’ils doivent en faire.»
 

Michel de Preux

1 Voici une autre propositions du vicomte de Bonald, que beaucoup de nos contemporains trouveront odieuse et qui n’est en réalité que fort raisonnable : «Toute introduction d’étrangers qui, par leur constitution morale ou physique, peuvent détériorer les mœurs d’une nation, ou même en altérer la race, doit être resserrée dans d’étroites limites, si elle ne peut être entièrement empêchée.» Toutefois, lorsque les mœurs et les croyances se sont depuis longtemps dégradées dans un peuple, il est naturel que des populations plus primitives mais plus saines moralement et intellectuellement se substituent à lui petit à petit.

2 A distinguer du misérable, qui ne peut assumer sa propre subsistance et celle des siens avec dignité.


A nos lecteurs de l’étranger

On nous interroge sur la meilleure façon de souscrire ou de renouveler un abonnement au Pamphlet depuis l’étranger. Expérience faite et renseignements pris, il y a plusieurs solutions. Nous en proposons trois.

La première et la plus simple consiste à mettre sous enveloppe, soigneusement dissimulée entre deux cartes ou dans une feuille A4 pliée, la somme que l’on souhaite verser, en euros (prix minimum env. 25 euros) ou en francs suisses (prix minimum CHF 35.-) et de l’envoyer à l’adresse qui figure sous le titre de notre journal. La deuxième consiste à agir de même avec un chèque payable par une banque de Lausanne. La troisième consiste à recourir au mandat postal international (même adresse et no de ccp également indiqué sous le titre du journal).

A vous de choisir. Bonne lecture.

Réd.



 

ONU : Quoi de changé
depuis 16 ans ?

On prend (presque) les mêmes et on recommence. Les mêmes controverses sur la signification et la portée de l'article 43 de la Charte, les mêmes professions de foi en l'universalité de l'institution et en sa faculté de préserver la paix dans le monde, la même horreur de la singularité.

Nous avons déjà guerroyé, il y a seize ans, contre notre participation à l'ONU politique et militaire.

Deux ans plus tôt , nous nous étions même interrogés sur l'opportunité de rester dans les différents organes du système onusien dont nous faisons partie, tels l'UNESCO, la CNUCED et autres bureaux d'un entretien fort onéreux et aux performances peu apparentes.

Economiser les 500 millions que coûtent à la Suisse les cotisations payées à ces agences n'est, paraît-il, pas d'actualité, et il serait inopportun d'évoquer cette hypothèse dans une campagne politique où chacun, du plus fervent partisan au plus irréductible adversaire de notre adhésion proclame sa volonté d'être solidaire des œuvres de l'ONU.

Personnellement, je ne chanterai pas dans ce registre car, à mon avis, même notre participation à toutes les organisations spécialisées et à tous les organes subsidiaires de l'ONU, qui font partie du «système des Nations Unies» devrait être remise en cause, y compris notre statut d'«observateur» à l'assemblée générale.

Mais j'admets que la question posée, le 3 mars prochain, n'est pas là.

Ce qui n'a pas changé

Ce qui n'a pas changé, depuis la dernière votation, ce sont les mérites de l'ONU.

Toujours à la botte des grandes puissances, et singulièrement des Etats-Unis, de son satellite Israël et de la Chine. Ces trois Etats pourront se rendre coupable des guerres les plus injustes et les plus atroces, des violations les plus caractérisées du droit humanitaires, des agressions les plus injustifiables contre des Etats étrangers, l'ONU ne les condamnera pas, n'enverra aucun observateur, et encore moins de contingent pour l'imposition de la paix.

Toujours inefficace dans les missions qu'elle entreprend, elle se couvre de ridicule (presque) partout où elle déploie des unités de combattants mal préparés, mal commandés, et ses interventions se terminent généralement par un retrait honteux et, dès son départ, par des massacres encore plus sanglants qu'avant son intervention, mais dans l'indifférence générale.

Toujours aussi bavards à l'assemblée générale, les représentants de 149 Etats dont les deux tiers ne représentent strictement rien, ni politiquement, ni économiquement, ni militairement, ni financièrement, et dont l'existence en qualité d'Etat n'est due qu'à leur adhésion à l'ONU.

Toujours plus chère à entretenir, la machine donne des résultats soujours plus maigres. N'importe quelle entreprise privée dont la rentabilité serait celle de l'ONU aurait déposé son bilan depuis belle lurette.

Ce qui n'a pas changé non plus, c'est la foi des partisans dans les mérites futurs de l'ONU et dans les possibilités pour la Suisse de conserver son statut de neutralité.

En 1986, l'article 43 de la Charte avait déjà suscité une controverse entre ceux qui savent lire ce qui est écrit et ceux qui interprètent la loi comme ils souhaitent qu'elle soit appliquée ou comme ils l'ont vu appliquer dans le passé.

Sous le titre «Un général d'opérette», nous avions brocardé  un commandant de corps d'armée qui avait pris parti publiquement pour notre entrée à l'ONU, en nous affirmant que notre déclaration unilatérale de neutralité était «attendue des Etats membres», lesquels n'y éléveraient «à coup sûr» aucune objection.

Nos plus récents lecteurs peuvent se référer à cet article sur le site internet du Pamphlet1.

Aujourd'hui, on n'ose plus nous raconter de telles calembredaines, mais il reste des gens, sans doute simcères, qui sont persuadés que les accords spéciaux dont il est question à l'art. 43 al. 3 de la Charte, et qui devront être ratifiés par les Etats signataires, pourraient dispenser la Suisse de fournir des contingents armés au Conseil de sécurité de l'ONU au motif que l'ONU, jusqu'à présent, n'a pas imposé la fourniture de tels contingents à des Etats qui n'y étiaient pas prêts.

Si j'étais consulté par une dame désireuse d'exercer la profession de tireuse de carte, diseuse de bonne aventure ou chiromancienne, je ne pourrais pas lui cacher que ces professions sont interdites dans le canton de Vaud, même s'il faut bien convenir que, pour l'instant, les voyantes et autres grands marabouts plument les pigeons dans l'impunité la plus totale, au vu et au su de l'autorité.

Si nous adhérons à l'ONU, nous ne serons plus neutres, en tout cas pas comme nous l'avons été.

Ce qui a changé

Ce qui a changé, ce n'est pas l'effondrement du mur de Berlin et la fin d'un monde bipolaire.

Ce qui a réellement changé, en Suisse, c'est que le Conseil fédéral et une grande partie du Parlement ne croient plus aux vertus de la neutralité.

L'officialité helvétique ressent la neutralité comme une tare, elle s'en excuse, elle promet de faire mieux. Lorsque la Suisse a été vilipendée dans la presse américaine, il y a peu, pour sa politique durant la Seconde Guerre, le Conseil fédéral a été lamentable.

Alors, même si les partisans de notre entrée à l'ONU ont raison en supposant que la Suisse n'aura jamais à fournir contre son gré au Conseil de sécurité des contingents armés pour aller faire la guerre à l'étranger, cela ne me rassure pas, parce que je suis sûr que, le moment venu, et si on nous le demande, le Conseil fédéral acceptera de fournir ces contingents, que le Parlement applaudira, et que le peuple ne sera plus consulté.

Voilà pourquoi je voterai NON le 3 mars prochain…

Claude Paschoud

1 www.pradoz.com/pamphlet (site en construction !)


ONU
Finalement, pourquoi pas ?


Comme il faut bien rire un peu et que notre lectorat a passablement changé au fil des années, nous ne résistons pas au plaisir de publier une deuxième fois le commentaire malicieux que Claude Paschoud consacrait en décembre 1985 à l’adhésion de la Suisse à l’ONU et qui n’a rien perdu de sa pertinence.

Réd.


 
Le débat sur l'entrée de la Suisse à l'Organisation des nations unies marque une fâcheuse tendance à s'engager dans une impasse : d'un côté, les partisans de notre adhésion tiennent un discours fondé essentiellement sur l'irrationnel et l'angélisme politique. De l'autre, les adversaires fondent leur opposition sur l'hypothèse que la Suisse, si elle posait sa candidature au «Machin», ne pourrait solliciter qu'un siège.

Les uns et les autres sont dans l'erreur.

Ce qu'on a coutume d'appeler «la Suisse», chacun le sait, est une association de vingt-six Etats souverains (c'est l'article premier de notre constitution qui le dit), comme le sont les Etats souverains formant le Marché commun ou comme sont souverains, au sein de l'Union des Républiques socialistes soviétiques, la Russie et la République socialiste soviétique d'Ukraine.

Les pays de la CEE sont chacun représentés à l'ONU par un siège et ne doivent pas se contenter d'une voix pour l'ensemble qu'ils forment. Si je suis bien informé, la France et la Grande-Bretagne disposent même chacune d'un siège de membre permanent au Conseil de sécurité. L'URSS et l'Ukraine ont également chacune un siège à l'Assemblée générale et même au Conseil de sécurité.

Il me semble dès lors équitable que la Suisse, si elle croit devoir poser sa candidature à l'Organisation, sollicite d'un coup vingt-cinq sièges.

Il faudrait préalablement, certes, aménager quelque peu l'article 8 de la Constitution qui place aujourd'hui dans la compétence exclusive de la Confédération les alliances et les traités avec les Etats étrangers.

Mais, ce point mineur étant résolu par une modification constitutionnelle, que d'avantages en pourraient retirer l'ensemble des partenaires !

L'Organisation, tout d'abord, qui depuis 1942, si l'on en croit dame Perle Bugnion-Secrétan et ses semblables, enrage de ne pouvoir bénéficier d'un avis aussi autorisé que le nôtre dans les grands débats internationaux. L'avis de la Suisse, de toute manière, n'est jamais qu'un compromis entre les avis souvent divergents des Etats qui la forment. Il n'y a pas plus d'avis de la Suisse que d'opinion de l'Asie ou de l'Europe. C'est de la pluralité que naît la lumière. Quelle joie, dès lors, pour l'ONU, alors que les yeux du monde entier sont braqués sur nous et que chacun se demande avec fébrilité, de Bâton-Rouge à Vladivostock, si l'an 1986 sera ou non l'année de l'universalité des nations, d'être saisie de vingt-cinq demandes d'adhésion à la place d'une seule !

Et pour nos vingt-cinq communautés, quelle gloire de pouvoir traiter d'égal à égal avec les plus grands Etats de la planète, comme Trinité et Tobago ou Saint-Christophe et Nevis.

Un récent ouvrage paru aux Cahiers de la Renaissance vaudoise, «La Suisse et l'ONU», observe avec pertinence qu'une candidature unique de la Suisse ne nous permettrait de faire partie d'aucune commission, car la «répartition s'opère en tenant compte de l'appartenance des Etats à divers groupes, [...que] pour entrer dans une commission, il faut faire partie d'un groupe».

Cette objection, avec notre solution, n'aurait plus de sens : les 25 nouveaux membres de l'ONU se constitueraient immédiatement en un groupe, le «Groupe des 25» comme existe déjà le «Groupe des 77», ou la «Ligue suisse» comme il y a la «Ligue arabe».

Les difficultés que la Ligue vaudoise discerne au sujet de l'incompatibilité entre la qualité de membre de l'ONU et la neutralité permanente et intégrale de la Suisse, difficultés en effet insurmontables si la Suisse ne revendique qu'un siège, seraient en partie résolues. Seule la République et canton de Genève, siège du CICR et siège européen de l'ONU, resterait en dehors du grand forum des Nations et préserverait ainsi son image de marque immaculée.

Imaginons que le Conseil de sécurité impose au canton de Zoug de participer à des sanctions militaires contre l'Afrique du Sud ou au canton d'Appenzell Rhodes extérieures de se joindre à des sanctions économiques contre le Chili. Avec quelle facilité ces deux nouveaux membres pourraient-ils faire valoir leur immense désir de se joindre, avec l'esprit de fraternité internationale qu'on leur a toujours connu, au grand mouvement de solidarité répressive, mais que les moyens matériels de ces actions humanitaires leur font malheureusement défaut...

Imaginons aussi le bénéfice que pourrait retirer de son appartenance à l'ONU la République et canton du Jura, qui aurait l'occasion de saisir le Conseil de sécurité du douloureux problème de Vellerat.

Voyons enfin les innombrables postes créés à Manhattan pour nos représentants permanents, conseillers d'Etat déçus, conseillers nationaux insuffisants, suffragettes excitées, traducteurs spécialisés russe-patois valaisan ou baslertütsch-chinois.

Vingt-cinq sièges à l'ONU? Après tout, pourquoi pas?

Claude Paschoud