Lausanne 31e année      «ne pas subir»       Novembre  2001 No 309




Sommaire :

Editorial
Réabonnements
En direct de Sirius
Bricoles
Interdire les sectes ? …
Harry Potter dénaturé
A propos du «tueur fou» de Zoug



 

Editorial

«Les révisionnistes suivront l’exemple de Paul Rassinier, qui fut le premier d’entre eux. Réfractaires à toute propagande guerrière, ils viseront à l’exactitude là où l’émotion nourrit, de part et d’autre, le mensonge. Ils éviteront de colporter les inventions de la propagande antiaméricaine, antijuive ou antiarabe et, par exemple, à propos du 11 septembre, ils devront nous épargner les ragots habituels en pareil cas, du type : «Bush savait», «La CIA ne pouvait ignorer», «Le FBI est dans le coup», «Le Mossad a tout fomenté», «Quatre mille juifs qui auraient dû être à leur travail ce jour-là n’y étaient pas», «Dans les deux tours on avait dissimulé des charges explosives», etc. La propagande arabe, plus que jamais, orchestrera les mythes du juif saigneur d’enfant ou empoisonneur de puits et invoquera le faux, pourtant manifeste, que constituent Les protocoles des sages de Sion. On peut s’attendre à bien d’autres rumeurs, délires, psychoses et phénomènes de croyance collective. Les Américains vont minimiser le nombre des victimes de leurs bombardements et les Afghans l’exagérer. Dieu ou Yaweh, d’un côté, et Allah, de l’autre, seront mis à contribution ainsi que leurs prophètes pour attiser les haines et les peurs. On verra pulluler faux témoins, faux reportages, fausses interviews, faux documents. Peut-être Bush fils surpassera-t-il, en ce domaine, Bush père avec son histoire de couveuses débranchées par les Irakiens au Koweit. On fabriquera d’autres accusations pour fomenter d’autres guerres. La censure, bien entendu, s’aggravera sans même que les gouvernements aient besoin de légiférer en la matière.»

Ce texte est extrait d’un courrier de Robert Faurisson daté du 8 octobre. Il nous a paru opportun de le citer, d’une part parce que cet appel à la vigilance mérite d’être entendu, d’autre part, parce que la dernière phrase vient de trouver en Suisse son illustration.

Un communiqué diffusé le 24 novembre par l’Association Vérité & Justice nous apprend que le Ministère public fribourgeois a requis la dissolution de cette association et la dévolution de sa fortune à l’Etat de Fribourg. Il faudra attendre l’audience publique qui aura lieu le 3 décembre à 14h. devant le Tribunal civil de la Veveyse, au bâtiment communal de Châtel-Saint-Denis pour connaître officiellement les motifs du Ministère public, lequel n’a pas jugé digne de lui d’informer Vérité & Justice des griefs qui lui sont faits. Mais, ces griefs, on peut les deviner : Vérité & Justice est un nid de serpents infesté de négationnistes fascisto-nazistoïdes extrêmement dangereux, et, en ces temps de lutte contre le terrorisme, sa dissolution n’est qu’une élémentaire mesure de sécurité qui justifie même la violation de l’article 23 de la Constitution fédérale, garant de la liberté d’association.

On sait, depuis la condamnation «par correspondance» du Professeur Faurisson à un mois de prison par le juge Favre, que le canton de Fribourg est, en matière de justice sommaire, à la pointe du progrès dans notre pays qu’on ne saurait pourtant accuser de tiédeur quand il s’agit de se livrer à la chasse aux sorcières.

Mais au-delà de ces procédés inqualifiables, deux choses nous stupéfient :

La première, c’est la bêtise du Ministère public fribourgeois qui ne voit pas qu’il est beaucoup plus facile de surveiller et, le cas échéant, de contrer une association officielle parfaitement localisée, que de traquer les membres d’un groupe clandestin, ce que ne manquera pas de devenir Vérité & Justice aussitôt prononcée sa dissolution. On imagine mal, en effet, M. Berclaz et ses amis prendre une retraite paisible uniquement pour faire plaisir à la justice fribourgeoise.

La seconde, c’est le cynisme avec lequel l’Etat de Fribourg  s’approprie l’argent, nécessairement nauséabond, des affreux que condamne sa justice totalitaire. Nous ne doutons pas que la chose soit parfaitement légale, elle n’en reste pas moins indécente.

Il est vrai que l’argent n’a pas d’odeur, qu’il n’y a pas de petits profits et que l’administration de la justice, même caricaturale, coûte cher.

Le Pamphlet



 
Réabonnements

Les années se suivent et ne se ressemblent pas. Voici un an, nous en étions à étudier les solutions qui pourraient permettre au Pamphlet de survivre sous une forme ou sous une autre en dépit d’une situation financière catastrophique. Seul un miracle pouvait nous sauver, pensions-nous. Et le miracle a eu lieu : non seulement nous aurons pu paraître dix fois en 2001 comme par le passé, mais nous sommes d’ores et déjà en mesure de vous dire que nous paraîtront dix fois en 2002 aussi.

Ce miracle, chers lecteurs, c’est vous qui l’avez accompli. Vous vous êtes mobilisés au-delà de tout ce que nous pouvions espérer. Par votre fidélité, votre libéralité, vous avez sauvé le navire en perdition, preuve que vous souhaitiez continuer à naviguer en notre compagnie.

Voici un an, le Temps et 24 Heures nous enterraient joyeusement et constataient avec jubilation que l’extrême droite ne faisait plus recette. Feront-ils état de notre résurrection ? Annonceront-ils, consternés, que l’extrême droite fait toujours recette ? Il faudrait qu’ils aient bien changé et aussi qu’ils soient visités par l’idée de nous lire, ce qui est beaucoup demander. Mais on ne sait jamais…

Quoi qu’il en soit, vous trouverez encarté dans ce numéro du Pamphlet le traditionnel bulletin de versement qui vous permettra de nous verser d’ici à la fin de l’année

fr. 35.-

pour votre réabonnement. Inutile de préciser que l’assainissement de notre situation financière ne nous fait pas mépriser pour autant les abonnements de soutien.

A tous, merci d’avance.

Réd.




 

En direct de Sirius

Le chœur des anges

«Je n’ai rien contre l’abolition de la peine de mort, mais que Messieurs les assassins commencent !» Cette boutade, toute d’actualité, serait d’Alphonse Allais.

Combien faudra-t-il encore de policiers assassinés dans l’exercice quasi impossible de leur mission pour que le peuple français comprenne qu’à force de «béni-oui-ouisme» il est en train de creuser sa tombe ?

Dans ce domaine d’inconscience collective, FR31 présentait, avec une compassion frisant l’angélisme, un petit scoop au cours duquel un trio de détenus aux visages encagoulés et aux voix électroniquement déformées, filmés «clandestinement» à l’intérieur d’une cellule, délivraient un message comminatoire, se plaignant en substance que, condamnés à de grandes peines, souvent incompressibles – pour des crimes qui, avant M. Badinter leur auraient probablement valu la guillotine – ils ne puissent pas être rapidement remis en liberté…2 Max les rassure : au train où vont les réformes judiciaires, ce n’est plus qu’une question de semaines ! Parallèlement, la même chaîne présentait les manifestations d’une police excédée et, au cours de l’une d’elles, le père d’un des policiers tués suggérant que les membres «réformateurs» des divers gouvernements successifs auraient été plus préoccupés par le pouvoir en soi – sous-entendu : que par son exercice pour la défense de l’intérêt public…

Y aurait-il encore des citoyens lucides en France ?

Bien entendu, la fameuse phrase était absente de l’édition suivante du journal télévisé ! Comme dit le dessinateur Geluk : «J’ai deux nouvelles : la bonne : tout va bien; la mauvaise : c’est faux !»

1 «19-20» du 23.10.2001
2 Rappelons qu’il existe toujours la grâce présidentielle, celle que M. Chirac a refusée par trois fois à M. Papon.

Mathématiques élémentaires

Iris repose son journal et, d’un air consterné :

«Tu connais la dernière de Mme Guigou ?»
- L’ancienne «gardienne des seaux » ? Celle qui a rendu la détention provisoire des malfaiteurs virtuellement impossible et leur permet de croître et prospérer en toute impunité ?
- Tout juste. Figure-toi que notre «ministresse» de la solidarité estime qu’accorder aux résidents étrangers le droit de vote aux municipales «est un pas qu’il faut absolument faire maintenant».
- Cela s’inscrit parfaitement dans la logique anti-nationale de la nouvelle internationale socialiste. Leur vote pourra donc s’ajouter à celui des délinquants libres dans les urnes de la gauche plurielle.
- Mais une telle loi ne sera jamais acceptée par le peuple français !
- Lequel ? Puis-je te rappeler que ni ton fils, ni sa femme, ni ta fille, ni son mari ne votent, tous écoeurés par le jeu politique nauséabond – à force de pratiques en vase clos où l’on ne change pas souvent les eaux sales – qui caractérise le pays, et que tu es la seule à remplir encore régulièrement ton devoir de citoyenne ? Une seule voix d’opposition sur cinq se fera donc entendre en cas de consultation sur un tel sujet… A ton avis, qui devrait mathématiquement l’emporter ?

Un grand pas en avant pour les démocraties et la liberté d’expression

M. Jospin, dans sa belle envolée du 12.10.01 à l’Assemblée Nationale, à l’occasion d’une vague péripétie pré-électorale : «Ce livre[…] relève donc , non pas d’une légitimité d’élu, mais simplement du droit absolu de chacun1 en démocratie de penser, d’écrire1 et de publier1.» Verbatim ! Voilà qui est rassurant et va permettre d’abroger, dans les démocraties européennes, quelques textes scélérats du type loi Fabius-Gayssot; et puisse la Suisse, si prompte à sauter dans le dernier métro, en profiter pour abroger l’article 261 bis du code pénal, ce qui aura le mérite d’empêcher les dérapages inquisitoires de «micro-Torquemadas» comme M. le juge accusateur fribourgeois Michel Favre.

1 Souligné par nous.

Les «pudeurs» de l’Euro

M. Pasqua, avec son à-propos coutumier, s’évertue à crier «le roi est nu !» avec le succès que l’on sait dans le conte d’Andersen1. Ainsi relève-t-il, à propos de l’Euro, qu’aucune monnaie européenne n’aurait pu encaisser une telle dévaluation sans que le ministre des finances concerné n’ait à répondre de son incompétence… Quod erat demonstrandum.

1 Les habits neufs de l'empereur

La séduction n’est plus ce qu’elle était

Curieusement, je suis plus réceptif à la phrase :

«Souple comme une liane, elle se laissa couler hors de son fourreau de shantung»

qu’à la lecture de :

«Avec l’agilité d’une monitrice de fitness, elle se débarrassa de son Jean en Gore-Tex TM»

Repentance (phase 2)

L’Europe ayant pratiquement fait le tour des possibilités de repentance, on pourrait, tant qu’à faire, enchaîner sur le thème :

«Pardonnez-nous leurs offenses…»
 

Max l'Impertinent



Bricoles

Harmonisation

Le Conseil fédéral souhaite «harmoniser» les permis de conduire suisses avec ceux de la Communauté européenne. C'est pourquoi il projette d'abaisser de 18 à 16 ans l'âge minimum permettant de piloter une moto de 125 cm3. A cet âge, les jeunes gens sont plus impulsifs et prennent plus de risques. C'est donc des dizaines de morts supplémentaires qu'il faudra déplorer dès l'entrée en vigueur de cette sottise. Mais qu'importe puisque nous serons «harmonisés» !

Syndicature

Les Lausannois ont choisi leur syndic : le choix n'était pas facile. Il fallait trancher entre Daniel Brélaz, énorme bouddha écologiste doctrinaire, d'une intelligence pénétrante et Marcel Cohen-Dumani (représenté à la Municipalité par sa charmante épouse), négociant israélite à l'intelligence tout aussi pénétrante.

A deux contre un, les électeurs qui s'étaient déplacés ont plébiscité le premier nommé. J'avais voté pour Eliane Rey, qui n'était pas candidate.

Danemark

Nos bons journalistes sont inquiets : ce qu'ils nomment «l'extrême-droite», avec des frémissements d'horreur dans la plume, vient de gagner du terrain au Danemark, où le Parti du peuple, allié aux libéraux, a doublé le nombre de ses voix, devenant la troisième formation politique du royaume. Après les succès du parti populaire FPÖ en Autriche, du Vlaams Blok en Belgique, de l'Alliance nationale et de la Ligue du Nord en Italie, du Parti du Progrès en Norvège, avec les sondages français créditant M. Jean-Marie Le Pen de 11% des suffrages et la faveur dont jouit en Suisse l'UDC de M. Blocher, l'Europe est menacée à nouveau de «peste brune».

Inutile de faire remarquer que le marxisme a causé dans le monde au moins dix fois plus de victimes : c'étaient sans doute des méchants !

Naturalisation facilitée

Selon le droit actuel, a la citoyenneté suisse toute personne qui possède un droit de cité communal et le droit de cité du canton. Dès lors, dans la procédure ordinaire de naturalisation, la nationalité suisse s'acquiert par la naturalisation dans un canton et une commune. C'est un peu comme chez nos voisins où le «passeport européen» est accordé à celle ou celui qui est reçu en qualité de citoyen d'un des pays de l'Union.

Le Conseil fédéral propose au Parlement une modification qui imposerait la nationalité suisse aux étrangers de la troisième génération, sans qu'ils l'aient demandée et sans l'avis du canton ou de la commune de leur domicile.

A l'évidence, c'est une compétence que la Confédération n'a pas, et qu'il n'est pas souhaitable de lui accorder, même si l'on estime opportun de faciliter la naturalisation des jeunes étrangers de la deuxième et de la troisième génération qui le souhaitent.

Encore Swissair

Que de sottises lit-on et entend-on dans l'interminable feuilleton Swissair ! Un peu de bon sens ne nuira pas. Les stewards et les stewardess sont des serveurs et des serveuses. La convention collective nationale de travail pour les hôtels, restaurants et cafés fixe leur salaire minimum à Fr. 3'050.- par mois, à 3'800.- avec dix ans d'expérience. Il devrait être plus facile à ce personnel subalterne, sans grandes compétences spécifiques, de retrouver du travail dans le service (au sol) qu'à un commandant de bord sur les vols transatlantiques ou à un horloger neuchâtelois au temps de la grande dépression. A cette époque, on n'a pas vu le Conseil fédéral voler au secours d'une industrie qui était déjà – et qui est restée – un des fleurons de l'économie helvétique.

On sait déjà que Crossair la Bâloise ne fera pas mieux que Swissair la Zuricoise et que les milliards offerts par le Conseil fédéral aux frais du contribuable ne serviront à rien. Gageons que si ces compagnies avaient eu leur siège social à Bossonnens, à Goumoëns-le-Jux ou à Niouc, la Confédération n'aurait pas trouvé un centime pour les renflouer. Bravo au Grand Conseil vaudois qui a refusé de participer à la «solidarité dans l'erreur».

Aide à la presse

La Confédération verse 100 millions par an pour l'aide à la presse. Selon le conseiller national genevois Patrice Mugny, le 40 % de cette manne est versé à Coop, Migros, Ringier, Edipresse et le TCS, soit les éditeurs les plus riches, ceux qui en ont le moins besoin.

Une sous-commission des finances du Conseil national propose plusieurs mesures pour faire des économies, parmi lesquelles supprimer l'aide aux journaux dont le tirage est de plus de 100'000 exemplaires, et déplacer l'aide aux autres vers les «petits journaux régionaux».

Hélas, le Pamphlet ne sera pas concerné, car il faudra, pour bénéficier d'une aide de 5 centimes, paraître au moins une fois par semaine !

Viande de bœuf

Dans le conflit qui a opposé, au début novembre, les militants agriculteurs d'Uniterre aux grands distributeurs, le public était plutôt favorable aux paysans, malgré le caractère irréaliste de leurs revendications.

La Suisse officielle veut jouer dans la cour des grands et encourage la libre concurrence au niveau mondial. Une telle politique conduit inévitablement l'agriculture suisse à la ruine. Ni Migros ni Coop n'y peuvent rien. Pour compenser leurs revenus qui ne cessent de baisser, les éleveurs produisent plus, ce qui entraîne évidemment la chute des prix sur un marché déjà saturé.  Et un retour au protectionnisme agricole, outre qu'il serait contraire à la pensée unique et politiquement correcte du moment, irriterait le consommateur habitué à se régaler, à moindres frais, de bœuf argentin et d'agneau néo-zélandais.

Racket et chantage : ça continue

L'avocat américain Ed Fagan aurait tort de se gêner. Il annonce qu'il déposera, d'ici à la fin de l'année, une plainte collective contre les banques suisses (principalement l'UBS et le Crédit suisse) actives en Afrique du Sud sous l'apartheid. Ed Fagan représente «des organisations et des personnes» qui ont été victimes de l'apartheid et pourraient réclamer «plusieurs dizaines de milliards de dollars». Selon l'avocat new-yorkais, qui déposera sa plainte devant le Tribunal fédéral de Brooklin, ce dossier est «juridiquement très proche de l'affaire des fonds en déshérence».

Ce n'est pas vraiment une surprise.

Devise vaudoise

Les constituants vaudois avaient créé une certaine émotion dans le pays en proposant de remplacer la devise cantonale «Liberté et Patrie» par «Liberté et Solidarité». En seconde lecture, ils sont sagement revenus de leur bévue.

La société des étudiants de Zofingue a été l'une des 317 institutions officiellement sollicitées de donner leur avis sur l'avant-projet. Au sujet de la devise, le comité des Vieux-Zofingiens a indiqué qu'il donnait sa préférence à «Liberté et Patrie», qu'il tolérerait à la limite «Patriae, Amicitiae, Litteris» après avoir repoussé les propositions «Fondue et Dézaley» ainsi que «Boutefas et Papet».
 

Un bon chef

Dans le courrier des lecteurs du 24 heures du 6 novembre, des élèves de l’Ecole de soins infirmiers de Chantepierre, à Lausanne, s’en prennent à Madame Jeanprêtre. Celle-ci, suite à une lettre lui demandant d’intervenir contre une décision de l’administration cantonale relative aux chambres d’étudiants à loyers modérés de la Tour de Chantepierre, aurait répondu, assez sèchement, que les auteurs de revendications n’étaient pas habilités à s’adresser directement au Conseil d’Etat et étaient donc priés de passer par la voie de service.
Dans le courrier des lecteurs du 8 novembre, Madame Jeanprêtre s’excuse : «Sur les faits, il est vrai que le paragraphe incriminé (…) figurait au bas d’une lettre signée par mes soins dont je regrette sincèrement le contenu. (…) Ces lignes formalistes et pour le moins sèches ne correspondant en rien à mon état d’esprit, figuraient de façon discrète au bas d’un texte et m’ont échappé. (…)»

Ainsi, Madame Jeanprêtre avoue à tous les Vaudois que, d’une part, elle ne lit pas ce qu’elle signe, et, d’autre part, fait porter à ses collaborateurs la responsabilités de ses propres erreurs.

En voilà un bon chef (une bonne cheffe ou, plus correctement, mais moins élégamment, une bonne chève) !



Interdire les sectes ? …
 
«Il faut toujours à l’homme quelque chose de sacré, ou qu’il regarde comme sacré; et quand il n’est pas le libre serviteur de Dieu, qu’on nous permette de le redire, il est l’esclave d’une idole.»

Charles-Louis de Haller : Restauration de la science politique, tome V, chap. LXVIII : «Légitimité et but de l’autorité spirituelle», pages 27/28.

Le concile Vatican II a cru résoudre l’épineux problème religieux dans son rapport avec les sociétés politiques modernes en adoptant leur principe, nouveau pour elle, d’un droit humain à la liberté de conscience et des cultes dans le cadre d’un ordre public juste. Ce principe était, nous dirent à l’époque tous les commentateurs du texte conciliaire, la fameuse Déclaration «Dignitatis humanae», adoptée lors de la dernière session, lui-même fondé sur la conviction que les Etats séculiers sont incompétents en matière religieuse. Or voici que, sous l’empire de la nécessité, mais avec la méfiance et la crainte avouée de nombreux pasteurs, catholiques et protestants, les Etats, malgré leur incompétence «pastoralement» déclarée dans ce concile, veulent légiférer sur les sectes.

L’entreprise est à la vérité fort délicate dans la mesure où l’on veut préserver simultanément le principe constitutionnel de la liberté de conscience et des cultes et reconnaître à l’Etat la faculté de juger le contenu de certaines doctrines religieuses sous l’appellation de sectes. Les représentants des grandes confessions traditionnelles perçoivent fort bien l’ambiguïté pratiquement insurmontable de cette entreprise, qui met en danger, virtuellement, toute minorité confessionnelle, y compris à l’intérieur du catholicisme ou du protestantisme officiel.

La notion d’ordre public juste, ou celle de protection des droits inaliénables de la personne humaine suffisent-elles à endiguer l’action de l’Etat dans des limites raisonnables acceptables par tous ? Personnellement, je ne le crois pas, et j’en veux pour preuve les matières d’intervention étatiques actuelles liées de fait à la croyance religieuse : l’euthanasie active, la décriminalisation de l’avortement, l’indétermination croissante de la notion civile de mariage, la notion de repos dominical, où l’équivoque est totale entre le sens religieux et le sens civil.

Pourquoi cette limite devrait-elle en outre se limiter aux seules références chrétiennes dans un Etat confessionnellement neutre sur ce plan ? La pratique de l’excision n’est pas contraire à l’Islam, ni la lapidation des femmes adultères. Qu’est-ce qu’un ordre juste en soi, indépendamment de la religion ? Et la polygamie, et l’inceste, et les contrats de fraternité homosexuelle qui ont existé en Europe balkanique jusqu’au siècle dernier tant dans les milieux orthodoxes que musulmans ? Au nom de quel principe purement laïc, areligieux, devrait-on interdire à des parents la faculté de refuser les transfusions sanguines pour leurs enfants malades quand on reconnaît simultanément aux femmes le «droit» de disposer de la vie de l’enfant qu’elles portent en elles pendant quelques semaines ? Pourquoi quelques semaines et non jusqu’à l’infanticide ?

Les sectes, nous dit-on, aliènent les esprits, séparent les familles récalcitrantes de leurs membres quand elles ne peuvent les intégrer. Où commence le conditionnement des esprits ? Où s’arrête l’information objective ? Si l’on fait abstraction de la vérité objective en morale comme en religion, comment trancher ? Mystère ! On pourrait trouver du reste dans les écrits de Saint Jean des conseils que ne renieraient pas les sectes d’aujourd’hui… Ne nous demande-t-il pas de ne pas saluer les hérétiques et de n’avoir aucun commerce avec eux ? (2ème épître, v. 10/11); et le fameux privilège paulin, qui autorise le divorce lorsqu’un chrétien a contracté mariage hors de l’Eglise avec un non-chrétien ? N’y a-t-il pas là un motif de rupture du lien conjugal que nous qualifions aujourd’hui de sectaire ?

En fait, je crois une chose absolument certaine : la question religieuse est incontournable. La met-on à la porte de l’Etat par le laïcisme qu’elle y rentre par la fenêtre des sectes ! L’illusion conciliaire de Vatican II se révèle peu à peu dans son ampleur. La conscience de cette illusion ira s’élargissant, en dehors même de l’Eglise catholique, et c’est un bien. Car les sectes nouvelles manifestent la crise contemporaine des religions établies, elles ne l’inventent pas. Au contraire, elles y construisent leur nid. Lorsque les Etats déclarent vouloir lutter contre les sectes, avec les meilleures intentions du monde en plus, ils pratiquent en réalité la politique de l’autruche. L’essor des sectes n’est qu’un symptôme, et pas nécessairement ni uniformément en leur défaveur…

Ces questions seront résolues, autant qu’elles peuvent l’être en ce monde et par les Etats, par l’affrontement, la responsabilité morale et intellectuelle, et non par la fuite, l’esquive politicienne et les astuces d’un juridisme décadent et mensonger. Si l’homme est indéfectiblement attaché à la question religieuse, c’est que cette question le touche. Dès lors, une seule issue est digne de respect : considérer cette question avec tout le sérieux qui convient, et d’abord imposer ce respect (les Etats peuvent le faire en toute légitimité morale, religieuse et juridique) à ceux-là même qui prétendent le réclamer pour eux et la religion qu’ils disent représenter avec autorité. Or quand on voit des évêques oser s’affirmer publiquement à la fois supplétifs et, quoique non agréés par Rome, donc en violation d’une loi divine selon l’optique catholique-romaine, catholiques-romains sans que Rome même intervienne pour défendre son droit propre, on peut se dire que nous sommes encore loin d’atteindre cette respectabilité parmi les chefs de religion, que la confusion en ce domaine a encore de beaux jours devant elle, le conditionnement des esprits aussi…

En fin de compte, l’homme a la religion d’Etat qu’il mérite, et si la religion ne donne à l’Etat aucun signe décisif du sérieux de sa propre croyance, notamment en admettant le relativisme de celle-ci, il en tire la conséquence naturelle et logique qu’il peut la traiter à sa convenance et qualifier de sectes selon ses besoins toutes celles qui, à un titre ou à un autre, le dérangent ou l’importunent.

Michel de Preux



Harry Potter dénaturé

Tout le monde connaît Harry Potter, le jeune sorcier héros des livres de J.K. Rowling qui ont procuré des moments d’intense plaisir à des millions de lecteurs de tous âges.

La qualité de ces romans est incontestable, surtout dans leur version française, car la traduction, à mon avis, surpasse l’original, pour ce qui est de la qualité de la langue.

Conçues au départ pour des enfants, les aventures d’Harry Potter se caractérisent par un manichéisme de bon aloi, parfaitement adapté à la mentalité du jeune lecteur et extrêmement rafraîchissant pour l’adulte saturé de «tolérance».

L’action se déroule principalement dans une école de sorcellerie en tous points comparable aux écoles privées britanniques traditionnelles, une école qui n’a pas encore été rejointe par EVM, où l’on cultive la discipline et le travail, ce qui, il faut l’avouer, nous change agréablement des théories pédagogiques à la mode, d’autant que «Poudlard» est une école élitaire, où ne sont admis que des sorciers et quelque enfants «moldus», qui n’appartiennent pas au monde des sorciers mais sont néanmoins doués pour la sorcellerie. Pas de racisme, mais un tri fondé sur l’appartenance et le talent.

Ajoutons à cela que le Mal incarné par le terrifiant sorcier Voldemort est plus vrai que Satan, que ses serviteurs sont cruels, fourbes et racistes, que les «gentils» professent, à défaut d’une religion, une morale fondée sur la recherche du bien, la lutte contre le mal, le courage et l’entraide.

D’aucuns ont vu dans ces livres une œuvre anti-chrétienne, voire satanique. Je n’ai rien constaté de tel. Certes, J.K. Rowling n’est pas la Comtesse de Ségur, mais à aucun moment elle ne s’en prend au christianisme. Elle l’ignore, ce qui ne l’empêche pas de présenter un modèle moral qui n’est nullement en contradiction avec les préceptes du Christ. Quant aux scènes qui relèvent d’un rituel satanique, elle sont certes impressionnantes, mais elles démontrent aussi que l’auteur s’est documenté sur les pratiques des adeptes de Satan pour mieux les faire détester par le lecteur.

Madame Isabelle Smadja, professeur à l’université de Nancy et auteur d’un livre sur le phénomène Harry Potter partage mon enthousiasme, et trouve d’autres raisons encore d’encenser l’œuvre. Au cours d’une interview accordée à Construire du 6 novembre 2001, elle déclare ceci : «[Voldemort](…) est l’héritier de Salazar Serpentard. Il y a là une double allusion à la dictature. Celle du dictateur portugais Salazar. Et surtout,  dans le S redoublé de Salazar Serpentard, je reconnais clairement l’emblème des SS. D’autant que Voldemort reproduit plusieurs traits de Hitler : haine raciale par exemple envers les Sang-de-bourbe1…

A l’inverse, la figure du sage Dumbledore possède des traits qui sont ceux des juifs dans la représentation des antisémites : érudit, petites lunettes, nez crochu…»

Passe encore pour Salazar : J.K. Rowling a vécu au Portugal et n’apprécie peut-être pas l’ancien dictateur. Passe aussi pour les SS, encore que rien ne prouve qu’il ne s’agit pas d’un hasard. Mais Voldemort hait tous les Sang-de-bourbe, sans réserver de hargne particulière à une minorité quelconque : le racisme est présent, mais pas l’antisémitisme. Quant au Professeur Dumbledore, directeur de l’école de Poudlard, il est certes érudit, il porte de petites lunettes posées sur un nez crochu, mais il est également doté d’une longue chevelure et d’une longue barbe blanches qui le font ressembler davantage au Merlin l’enchanteur de Disney qu’au juif de l’imagerie antisémite.

Obsession, quand tu nous tiens…

Mariette Paschoud

1 Terme péjoratif désignant les Moldus.


A propos du «tueur fou» de Zoug
 

Le 27 septembre dernier, à dix heures et demie, M. Fritz Leibacher pénétrait dans le palais du Parlement zougois et y tuait trois conseillers d'Etat et onze députés avant de retourner son arme contre lui-même.

A l'origine de ce drame, une affaire ancienne et relativement bénigne : celui qu'on n'appelle plus que «le tueur fou de Zoug» avait eu une altercation avec un chauffeur de bus qui conduisait son véhicule en état d'ébriété. M. Leibacher avait dénoncé ce scandale dans la presse locale, ce qui lui avait valu une plainte en diffamation par l'employeur de ce chauffeur, lequel n'avait pas reconnu les faits.

Selon ce qu'on sait, les différentes plaintes et recours adressés par ce citoyen zougois aux autorités de son canton d'origine auraient été écartées, peut-être un peu trop cavalièrement.

Dans les jours qui suivirent, les journalistes affichaient leur stupeur : comment peut-on ainsi «péter les plombs» alors qu'en Suisse, comme chacun le sait, les magistrats sont si proches du peuple, si volontiers à l'écoute des doléances du simple citoyen, si attentifs à respecter leurs droits fondamentaux.

Le parleur de service, à la Radio suisse romande, tendait son micro à quelques notables, un avocat, un psychiatre, un général commandant de corps. Tous, d'un seul chœur, confirmaient : tout le monde peut s'adresser à un haut fonctionnaire cantonal ou fédéral, voire à un conseiller d'Etat. On sera toujours écouté, entendu même avec intérêt et politesse…

La vérité est tout autre.

Le citoyen Lambda, qui n'est ni avocat, ni psychiatre ni commandant de corps, ne sera ni entendu ni même écouté. Il sera éconduit. S'il estime avoir quelque chose à dire, il n'a qu'à nous écrire. S'il veut se plaindre, il n'a qu'à s'adresser aux tribunaux. Et on prend soin de lui préciser, avec un sourire narquois, que le Tribunal lui réclamera un dépôt de 1000 francs «destiné à garantir le paiement de tout ou partie (sic !) de l'émolument et des frais qui pourront être prélevés en cas de rejet du recours».

La situation n'est sans doute pas aussi noire que le prétend M. Gerhard Ulrich, un agité qui arrose le peuple vaudois de ses «Appels» dans lesquels il dénonce nommément en termes virulents, et pêle-mêle, tous les juges, tous les magistrats et les avocats coupables de «magouilles» de «prévarication» et de «forfaiture».

Ce qui est excessif est insignifiant. Mais M. Ulrich rassemble derrière lui plusieurs centaines de braves gens écorchés et aigris par des décisions iniques d'une administration qui n'a pas su les entendre ou de juges trop pressés.

Il n'y a pas que des furieux pour dénoncer les dysfonctionnements de la justice : M. Franz Riklin, 60 ans, est expert en droit pénal et professeur à l'Université de Fribourg. Il publie sur Internet (www.FRinjuria.com) un pamphlet de 90 pages : «A l'Abri des Lumières», disponible en français, dans lequel il dénonce les pratiques (dossiers d'instruction parallèles, écoutes téléphoniques, arrestations illégales) d'une justice digne de l'Ancien Régime.

On aurait tort de ricaner, en Pays de Vaud, en supposant que les dysfonctionnements dénoncés par le professeur Riklin à Fribourg ne sauraient être constatés dans les terres romandes.

Il existe aussi, dans nos villes et nos villages, des petites mafias locales, des conseillers municipaux félons, des fonctionnaires vénaux et des magistrats paresseux ou idiots. Leurs victimes, les citoyens Lambda broyés par une justice injuste, sont ceux qui sont allés à la dernière adresse du «tueur fou de Zoug», au 35 du chemin Döltschihalde, dans le quartier de l'hôpital du Triemli à Zurich, pour déposer sur sa fenêtre du rez-de-chaussée une flûte de champagne ou une bougie.

Cet hommage au meurtrier indigne le journaliste du «Matin» : des cinglés… une femme qui avait l'air d'une SDF un peu dérangée…

Quinze jours plus tôt, c'étaient des Irakiens, ou des Palestiniens, un peu dérangés sans doute ou franchement cinglés, qui dansaient dans les rues après le massacre des Tours jumelles de New York.

Peut-être pourrait-on éviter ces manifestations indécentes si ceux qui détiennent le pouvoir (militaire, judiciaire, politique, économique) en usaient avec plus de soin, de sagesse et de charité.
 

Claude Paschoud