Lausanne 31e année      «ne pas subir»       Octobre  2001 No 308





Sommaire :
 

Editorial
Psychose
En direct de Sirius
Casino
Entre la «croisade» et la guerre sainte
Swissair : Le Conseil fédéral perd le nord
Votations du 2 décembre : Un impôt sur les gains en capital
Bricoles



Editorial

Le peuple suisse devra se prononcer le 2 décembre sur deux initiatives du Groupe pour une Suisse sans
Armée (GSsA) qui  peut avoir ses défauts, mais à qui  on ne saurait reprocher de manquer de persévérance.

L’initiative «pour une politique de sécurité crédible et une Suisse sans armée» propose de modifier la
constitution fédérale comme suit :

Art. 17

1 La Suisse n’a pas d’armée.

2 Il est interdit à la Confédération, aux cantons, aux communes et aux particuliers d’entretenir des forces
militaires armées. Les dispositions concernant la participation armée à des activités internationales en faveur de la paix à l’étranger sont réservées. Elles seront obligatoirement soumises à une votation populaire. La participation de la Suisse avec des unités non armées n’est pas visée.

3 Les tâches civiles actuellement assurées par l’armée, comme l’aide en cas de catastrophe ou les services de sauvetage, sont prises en charge par les autorités civiles de la Confédération, des cantons et des communes.
 

Art. 18
 

La politique de sécurité de la Confédération vise à réduire les injustices qui causent des conflits, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays. Elle obéit aux principes de la démocratie, des droits de l’homme et de la gestion non violente des conflits. La Confédération encourage en particulier l’égalité des chances et des relations équitables entre les sexes, les groupes sociaux et les peuples, ainsi qu’une distribution des ressources naturelles équitable et respectueuse de l’environnement.
 
 

L’initiative «La solidarité crée la sécurité : pour un service civil volontaire pour la paix (SCP)» propose un art. constitutionnel 8bis (nouveau) qui stipule principalement :
 

1 La Suisse entretient un service civil pour la paix (SCP) comme instrument d’une politique active de paix.

2 Le service civil pour la paix contribue à la réduction et à la prévention des situations de violence à l’intérieur et à l’extérieur du pays. Dans ce but, il prend notamment des mesures en vue de la reconnaissance précoce et de la prévention des potentiels de violence, de la protection des conditions de la vie, de la résolution pacifique des conflits violents et de la reconstruction sociale.

La suite concerne les modalités d’engagement et d’instruction des volontaires du service civil pour la paix.
Nous vous en épargnons la citation.

Il n’y a pas grand-chose à dire de l’article 18 proposé par la première initiative et du texte de la seconde : ils constituent un parfait exemple de correction politique, une illustration sans défaut de ce que peuvent concevoir des cerveaux tout entiers voués à l’utopie et incapables de voir que les objectifs qu’ils proposent sont totalement fumeux et irréalisables. Laissons donc de côté ce salmigondis et voyons d’un peu plus près l’article 17al. 2 de l’initiative «pour une politique de sécurité crédible et une Suisse sans armée».

Faisons remarquer tout d’abord que – hasard ou tactique de l’autorité fédérale ? – les «dispositions
concernant la participation armée à des activités internationales en faveur de la paix à l’étranger» ont été acceptées par la majorité des votants le 10 juin dernier dans le cadre du référendum sur la révision de la loi militaire. Le ménage est fait, la seule question qui reste posée est de savoir si la Suisse doit conserver une défense nationale ou non. Il y a donc de bonnes chances pour que l’initiative soit rejetée, car les Suisses qui l’auraient acceptée uniquement en raison du volet «engagement armé – ou non armé - à l’étranger» sont déjà satisfaits et ne souscrivent pas nécessairement à la suppression de l’armée suisse.

Au-delà des pronostics, toujours hasardeux, et des raisons qui plaident en faveur du maintien d’une
défense nationale crédible – nous n’y revenons pas ici, nos lecteurs les connaissant aussi bien que nous -, il convient de se réjouir ou de se lamenter, c’est selon, de l’incohérence des auteurs de l’initiative : ces pacifistes patentés, adversaires de toute forme de violence, qui, normalement devraient s’évanouir à la seule évocation d’une arme à feu et qui ont toujours soutenu que l’instauration de la paix passe par la suppression des armées, sont prêts à renier tous leurs principes, du moment qu’il s’agit de travailler, les armes à la main, en faveur le la paix à l’étranger. Dès lors, on peut supposer que le GSsA ne se préoccupe pas de paix, mais uniquement d’alignement. Ou alors que le mot «paix» n’a pas le même sens pour lui quand il s’agit de la Suisse que lorsqu’il est question de l’étranger. Dans le premier cas, «paix» est synonyme d’égoïsme, de frilosité, de repli sur soi, voire, horresco referens, de nationalisme. Dans le second, «paix» signifie «solidarité».

Nuance !

Le Pamphlet


Psychose

Le charbon ou anthrax n’est pas une maladie inventée voici quelques semaines à des fins terroristes par un groupe islamiste quelconque. Preuve scientifique : Agatha Christie y fait allusion dans son célèbre roman Cartes sur table, publié en français pour la première fois en 19391. A l’époque, la maladie était mortelle, mais, grâce aux progrès de la recherche scientifique, la pénicilline et la streptomycine permettent de combattre efficacement le bacille du charbon, à condition qu’il soit décelé assez tôt et traité pendant quinze jours au moins, ainsi que nous en informe Rivarol 2  dans sa livraison du 28 octobre. Sous réserve des tout premiers cas, donc, qui ont fait mort d’homme, il est désormais peu probable que quiconque meure de cette maladie dont le moins qu’on puisse dire est que plus personne n’en ignore l’existence, qu’elle est détectée avant même de se manifester, grâce à d’innombrables «alertes», fausses le plus souvent, et qu’elle sera traitée sans délai, les pays prévoyants, Suisse en tête, s’étant dotés d’énormes réserves d’antibiotiques.

Qu’on me comprenne bien : je ne prends pas la menace d’une guerre bactériologique à la légère et je juge
compréhensible qu’on se prémunisse contre le charbon, puisque c’est la seule forme  de «bioterrorisme»
repérée pour l’instant. Ce qui me surprend, c’est le tapage mené autour du phénomène, au risque de créer la panique.

Si j’étais président du monde, comme disait une vieil ami à moi, je ferais savoir aux populations que des gens, dont on ne sait pas s’il sont d’authentiques terroristes, de mauvais plaisants ou des aigris vindicatifs profitant des circonstances pour assouvir de vieilles rancunes, s’«amusent» à propager, à faible échelle, une maladie infectieuse. Je fournirais toutes les informations propres à rassurer les victimes potentielles et à assurer la prévention. Je veillerais à ce que les victimes réelles sachent comment obtenir une prompte guérison. Ensuite, partant de l’idée qu’un homme averti en vaut deux, je me tairais, j’attirerais l’attention de la presse sur les dangers qu’il y a à créer une psychose, et je m’occuperais de protéger les gens contre des dangers plus immédiats : la drogue, la délinquance, des mineurs en particulier, les dysfonctionnements de la justice ou des administrations, sources de rancœurs pouvant conduire à la folie meurtrière, comme on l’a vu à Zoug, sans parler de la chasse aux terroristes authentiques, évidemment. A ce propos, je suis un peu étonnée qu’on n’ait pas envisagé de mettre les attentats du 11 septembre sur le dos des révisionnistes. Faurisson ne ferait-il pas un suspect aussi présentable que Ben Laden ?

Mauvaise blague à part, il y a forcément une raison qui explique pourquoi on laisse s’installer une psychose du charbon. Une fois de plus, c’est mon péché mignon, je vais émettre une hypothèse : passé le premier choc du 11 septembre, les populations, sous réserve des Américains, et encore…, sont retournées à leurs préoccupations quotidiennes qui n’ont rien à voir avec la «croisade» du Bien contre le Mal. A part les Afghans, les politiciens alignés, les militaires américains et anglais engagés dans ce qu’on appelle par antiphrase «Liberté immuable» et les professionnels de la bourse, personne n’a l’impression que la terre vit sa troisième guerre mondiale, chacun vaque à ses occupations comme si de rien n’était. En fait, dans les pays occidentaux en tout cas, le citoyen moyen s’en moquerait complètement si on ne le maintenait sous pression. Il convient donc de lui rappeler chaque jour qu’il vit sous la menace constante de terroristes qui, en attendant mieux, occupent leurs loisirs à infecter au compte-goutte des innocents, pendant que «Liberté immuable», en Afghanistan, défend courageusement notre civilisation à coup de frappes chirurgicales parfaitement ciblées, sous réserve de quelques dégâts collatéraux tout à fait pardonnables et d’ailleurs compensés par une aide humanitaire.

Une petite psychose, ce n’est pas une contribution bien terrible à la cause des justes.
 

Mariette Paschoud
 
 

1 Librairie des Champs-Elysées
21, rue d’Hauteville, F – 75010 Paris
 


En direct de Sirius

Lettre ouverte aux démissionnaires de SWISSAIR (hauts gestionnaires qui volaient bien bas) –

Vous rêviez de vous faire aussi gros que le bœuf… Vous ne parliez que de «marketing» à l’américaine quand vous n’étiez en réalité à l’aise que dans le registre du Jass, du Rücksack et de l’Alpenstock. A la fin des années quatre-vingt, vous aviez même - «Khrolossaleuh Finesseuh, nicht wahr ?» - fait parader un Boeing déguisé en vache, cornes et cloche comprises, sur le tarmac de l’aéroport de Johannesburg. Si l’on vous avait suggéré de servir des fondues en plein vol, vous auriez sauté dans le wagon de queue, de peur de rater celui de tête.

Récemment, un caricaturiste qui avait tout compris, vous représentait autour de la table du conseil
d’administration, casque aux oreilles, les yeux recouverts d’un masque de repos, assoupis dans une sorte de digestion béate… Ventripotents satrapes ! Vos rêves de conquêtes n’étaient qu’une magistrale fuite en avant.

Petite anecdote significative, pour clore ici la petite histoire d’une compagnie jadis considérable : vous aviez reçu, au début de l’an 2000, une lettre recommandée…Je vous y relatais en substance qu’au terme d’un enchaînement impeccable de vols irréprochables sur les lignes US, Swissair avait égaré mes bagages et ceux d’Iris au cours d’étranges et laborieuses correspondances. Notre compagnie à croix blanche nous avait fait manquer nos rendez-vous et perdre le tarif préférentiel de nos billets de retour. Vos génies des relations publiques nous avaient tirés en pleine nuit d’un «jetlag» de huit heures pour nous informer triomphalement de la prochaine réapparition de nos valises. Parachevant le tout, notre très chère Swissair avait eu le front de nous faire payer une surtaxe pondérale sur une correspondance finale ne comptant que quatre passagers pour une capacité totale de cinquante – un taux de 8%. Il est vrai que nous étions à l’aise en cabine et que nos bagages avaient fière allure, rigoureusement seuls en soute. J’attendais votre réaction; nous représentions tout de même 50% de vos passagers ! Une simple note d’excuses aurait alors suffi… Mais de réponse, point ! Nous avons donc porté notre choix sur d’autres compagnies offrant des services plus convenables.

Au vu de votre déroute, je comprends que, déjà à l’époque, il n’y avait pas de petits profits, et vous fais bien volontiers grâce de la somme contestée – modeste contribution pour compenser votre exécrable gestion.

Ce que je ne vous pardonne pas, en revanche, c’est votre arrogant silence. J’ai toutes raisons de croire que vous n’avez pas fait mieux depuis…
 

Les fulgurances de la mise en condition (flash victorieux de «France info» le 5. 10. 2001, 17 heures) - «Les services spéciaux français ont arrêté [un «Ben Machin» quelconque] coupable d’avoir projeté la préparation d’un attentat (sic) contre les intérêts américains en France».

Intéressant. Le prochain sera sans doute alpagué pour avoir envisagé de penser au projet de préparer un attentat. Dieu merci, cela fait bien trente ans que Max ne pense plus.
 

Les menaces (à peine) voilées de M. Sharon – Avertissement aux occidentaux en général : ne pas confondre Israël 2001 avec la Tchécoslovaquie de 1938.
Aucun risque : la Tchécoslovaquie de 1938 était un agressé potentiel. En outre, M. Beneš ne disposait pas
de la bombe atomique comme ultime moyen de pression sur les démocraties occidentales.
 

De la puissance évocatrice des images – Pour M. Giniewski, «dans l’incrimination d’Israël par les médias, l’image joue un rôle de premier plan»1. C’est bien, mais un peu court, et l’on serait tenté de lui servir la réplique célèbre de l’auguste Grock :
 

                                      «Saaans blaaague ?»


L’auteur de l’article se limite prudemment à n’égratigner que la caricature en la personne du dessinateur
Plantu2, mais la démonstration pourrait aussi bien porter sur d’autres domaines du visuel, et pas
seulement à l’unique détriment d’Israël. Ceux qui ont étudié en détail certains moyens de preuves
photographiques et cinématographiques présentés lors de célèbres procès d’après-guerre – dont il faut
rappeler ici, qu’à l’occasion, la justice des vainqueurs posait en préambule qu’elle ne statuerait pas sur
leur authenticité – comprendront. A mesure que l’image ou, au demeurant, toute autre forme de
«témoignage» est suffisamment «parlante» à la sensibilité du destinataire, la capacité d’analyse objective
de la cible médiatique décroît et le but est atteint. L’émotion est mauvaise conseillère. Il convient donc de
n’accepter qu’avec une grande réserve toutes les informations si généreusement dispensées par les médias, et de se poser la double question de leur origine réelle et du message qu’elles entendent faire passer. Ainsi, le spectateur attentif d’un récent reportage ne pourra que s’étonner d’étranges incohérences, telle cette herbe «magique» mâchée par des Afghans réputés affamés, qui rend les dents si blanches et leur garde si bonne mine… Certes, l’apparition de la propagande remonte sans doute à la naissance du premier son humain articulé, mais les médias ont fait quelques progrès depuis. On ne peut donc qu’applaudir à la citation de Nietzsche livrée en conclusion : «Les convictions sont des ennemis de la vérité plus dangereux que les mensonges» et constater qu’à la mesure du perfectionnement des techniques d’information, ni les finances, ni les moyens n’ont fait défaut pour fonder toutes convictions utiles et nécessaires.
 

1Information Juive, no 211, septembre-octobre 2001, p. 6.
2Au train où va la pensée «correcte», nous pouvons nous attendre sous peu à l’interdiction de toute forme d’humour…
 

A méditer ? - «Ce que vous gagnerez en sécurité, vous le payerez en liberté…et il n’est pas du tout sûr que l’on vous restitue votre mise de fonds après disparition de la menace.»

                                                                                                                                   K. Sandre
 

Max l’Impertinent
 



 

Casino
 

Sagement, la Constitution de 1874 avait interdit l'ouverture et l'exploitation des maisons de jeux. Mais la règle avait été assouplie et le peuple a admis, le 7 mars 1993 à une forte majorité, l'abrogation de cette interdiction. La loi du 18 décembre 1998 sur les maisons de jeux annonce ainsi ses buts :

   a.    assurer une exploitation des jeux sûre et transparente,
   b.    empêcher la criminalité et le blanchiment d'argent dans les maisons de jeux ou par leur
          intermédiaire,
   c.     prévenir les conséquences socialement dommageables du jeu.

Matoisement, l'alinéa suivant avoue encore, comme s'il s'agissait d'un effet secondaire de la loi, qu'elle
«encourage le tourisme et procure des recettes à la Confédération et aux cantons».

Dès l'entrée en vigueur de l'ordonnance, le 1er avril 2000, tout ce que le pays compte de notables avait pris fait et cause pour l'une ou l'autre des villes candidates à l'obtention d'une concession A (grands casinos) ou d'une concession B (kursaals). Le verdict, pour la Suisse romande, est tombé le 25 octobre : c'est Montreux qui gagne le jackpot et c'est la Romande des jeux qui se retrouve en caleçons.

Nous ne nous réjouirons pas de la victoire de Montreux, pas plus que nous ne déplorerons la défaite de
Lausanne.

Parce que la seule manière raisonnable, pour la Confédération, d'atteindre les buts qu'elle s'est assignés
elle-même, soit d'empêcher le blanchiment d'argent dans les maisons de jeux et de prévenir les
conséquences socialement dommageables du jeu, aurait été d'interdire purement et simplement les casinos sur le territoire helvétique.

Sans doute se serait-elle privée, de la sorte, de ressources fiscales importantes dont les maisons de jeux
frontalières, notamment Evian ou Divonne pour la Suisse romande auraient continué à profiter. Mais l'Etat peut-il légitimement faire du fric avec n'importe quoi ?

Considérant qu'une des industries les plus lucratives actuellement est celle des produits stupéfiants, pourquoi la Confédération ne se placerait-elle pas, comme importateur – producteur - distributeur concédant, au bénéfice d'une loi disant, par exemple, que son but est d':

   a.    assurer une production de drogues dures de qualité et une distribution hygiénique,
   b.     empêcher la criminalité et le blanchiment d'argent par les trafiquants ou par leur intermédiaire,
   c.      prévenir les conséquences socialement dommageables de la dépendance aux stupéfiants.

On ajouterait, ce qui serait évident, que la loi encourage le tourisme et procure des recettes à la
Confédération et aux cantons

La Confédération octroyerait des concessions A (grands trafiquants) à quelques groupes internationaux ayant déjà une grande expérience en la matière, avec droit de distribution jusqu'à 10 tonnes par an, et des concessions B (petits dealers) pour des ventes jusqu'à 100 kilos.

L'impôt prélevé sur ce trafic serait affecté en priorité au financement de l'AVS et au subventionnement d'œuvres d'utilité publique.

Et pourquoi s'arrêter en si bon chemin ? Moyennant quelques modifications du code pénal, on pourrait instituer des concessions A pour la fabrication, l'importation et la distribution de matériel pornographique «hard» et des concessions B pour la pornographie «soft».

Notre bon M. Stich a ouvert la voie. Marchons !

C.P.
 


Entre la «croisade» et la guerre sainte

                                       «Ce que nous ne comprenons point, croyons-le sans hésitation; ce
                                       que nous comprenons, aimons-le sans ambiguïté.»

                                       Guillaume de Saint-Thiérry : Le miroir de la foi (XIIe siècle, chap.
                                       IX : Au terme de la foi).

Il y a, dans l’Evangile, une parole du Christ qui cadre parfaitement avec les événements que vécut le monde le mardi 11 septembre dernier. Cette parole dit en substance ceci : ne craignez pas ceux qui tuent le corps, mais plutôt ceux qui tuent l’âme. Je crois que la nomenclature occidentale, politico-affairiste et sectaire, n’est tout simplement plus en mesure de comprendre l’Evangile du Christ, mais que bien des musulmans, eux, le seraient…, surtout parmi ceux que l’on qualifie ici d’extrémistes, pour peu qu’on le leur annonce avec magnanimité, douceur, force et patience.

La réaction américaine à ces trois attentats était prévisible et n’a rien que de naturel, mais je doute que les
auteurs de ces attentats, ainsi que ceux qui en font, ouvertement ou dans leur cœur, des «martyrs» de l’Islam, soient ou aient été mus par des mobiles absolument étrangers à la quête de la vraie foi, celle de l’Eglise. Encore une fois, la nomenclature occidentale n’est plus en état de comprendre ce genre d’appel implicite. Son orgueil en écarte même l’hypothèse comme étant tout à fait scandaleuse1.

Soyons scandaleux. Le shérif qui commande aujourd’hui à quelque deux cents millions d’individus a une morale de shérif. C’est désolant, mais c’est ainsi. Les Américains ont des problèmes d’obésité qui nuisent sans doute à la perception de questions plus fines que leur psychisme et que leurs corps. Restons clair : les extrémistes musulmans qui commirent ces attentats méritent-ils aussi ce jugement ? Honnêtement, je pense que ces jeunes gens ont adapté leur langage à l’épaisseur mentale de leur interlocuteur. Comme tous les adeptes du terrorisme, ils manifestent leur présence par un viol. Celui-ci était proportionné à la nation visée, sanctuaire de l’argent et de la puissance, jugée discrétionnaire sur toute la surface de la terre, qu’est la grande république impériale américaine.

Une trop forte inégalité des forces en présence dans un affrontement direct requiert 1) l’effet de surprise, 2) la violence émotive du choc et 3) la dissimulation de l’assaillant. Il n’y a rien à dire contre cette stratégie, sinon qu’elle est parfaitement adaptée au but recherché, quel qu’il soit, donc conforme aux lois de la guerre. Si les Etats-Unis d’Amérique étaient à la hauteur du défi qui leur fut porté, ils auraient eu en eux la force de différer leurs représailles jusqu’à complète élucidation des enquêtes sur l’identité des agresseurs et de leur commanditaire supposé, qui ne reste pour l’heure qu’un suspect de l’aveu même des Américains. Ils renoueraient des contacts valorisants avec le monde arabo-musulman de manière à désamorcer leurs réflexes agressifs et à émousser la volonté de lutte des plus durs d’entr’eux, ceci sans relâcher aucunement la pression militaire parallèlement à l’enquête. Mais c’est sans doute trop demander à une démocratie. Si au contraire les Américains se révèlent à leur réaction ce que pensent d’eux les terroristes musulmans, malgré la disproportion originelle des forces en présence, la partie n’est pas gagnée d’avance pour l’Amérique et l’Europe avec elle.

C’est précisément ce que ne comprennent pas et ne veulent pas comprendre les hommes politiques occidentaux, qui croient faire la guerre au seul terrorisme international en faisant abstraction de l’Islam et en le ménageant, non pour lui-même mais parce que son implication dans ce conflit détruirait aussi le système de droit et de valeurs politiques occidental. En réalité, les puissances occidentales, face à ce défi musulman, sont deux fois sur la défensive : elles doivent rendre visible un ennemi qui se dérobe et qui agit à l’intérieur d’un milieu qui lui est favorable en ménageant ce milieu, et elles doivent le faire non seulement pour un motif externe de stratégie militaire et d’intérêts économiques mais pour un motif interne de cohésion et de crédibilité de leur système de droit.

Or de ce point de vue, la partie, quelles qu’en soient les péripéties, est gagnée d’avance par les musulmans. Napoléon lui-même reconnaissait qu’entre le sabre et l’esprit, c’est toujours en fin de compte l’esprit qui l’emporte. Les musulmans sont mus par un esprit, mauvais sans doute, mais un esprit. Les Américains et leurs alliés sont mus par des intérêts sur lesquels ils greffent une morale de simple convenance, donc une fausse morale.

Aucune puissance au monde, si forte soit-elle, n’a jamais rien pu contre la foi. Si les musulmans ont la foi, ils vaincront. Car les musulmans ne sont pas assimilables aux terroristes révolutionnaires et athées que nous avons connus en Europe à la fin du XIXe siècle en Russie et dans les années soixante en Europe occidentale. L’humanité, dans son ensemble, rejette presque instinctivement et toujours l’athéisme qui, au fond, lui fait horreur et qui ne s’impose que par un despotisme terrifiant, et qui l’a bien démontré. Mais l’humanité ne rejette pas une religion, même cruelle et barbare, pour peu qu’elle mente habilement sur son essence, lorsque cette religion est propagée avec conviction et qu’elle est sans concession dans ses rapports avec les autres religions. L’Islam présente ces deux caractéristiques : il est conquérant et ouvertement intolérant envers le christianisme. L’Europe l’adoptera donc, à défaut d’autre chose, ne serait-ce que pour avoir la paix s’il conserve ces deux caractères. Une telle évolution est dans la nature des choses.

Je sais maintenant ce que signifie réellement l’expression entendue dans ma première enfance scolaire de rois fainéants. Je les imaginais alors comme des élèves fainéants, c’est-à-dire refusant de travailler. Eh bien non, ce n’est pas tout à fait cela. Un roi fainéant est un roi fictif, un soliveau ne valant pas plus que le système institutionnel qu’il soutient, et dont il est chargé de maintenir la cohésion purement externe, apparente. Il est un symbole, comme disent si bien les monarchistes constitutionnels, et n’est que cela. Le pouvoir réel est ailleurs, même en république, que dans la personne des chefs d’Etat et du personnel politique.

Nos princes, en Occident, ne prennent aucune initiative. Le truisme est leur domaine assigné et ils ne se privent jamais d’énoncer des évidences aussi peu compromettantes que possible, car l’instabilité de leur pouvoir ne les incite qu’à y défendre leur propre sécurité, leurs intérêts particuliers et cachés, non ceux de l’Etat qu’ils sont censés représenter. Tels sont les Chirac, Juan-Carlos, Blair, Elisabeth, Margreth et autres Beatrix ou Leuenberger, Schröder etc.,etc.

Quelle différence avec les mollahs d’Afghanistan ! Ici, des chefs qui ne sont rien de ce qu’ils prétendent, qui ont les apparences du pouvoir; là au contraire, des chefs guidant et éclairant leur peuple en interprétant le droit coutumier et traditionnel en terre d’Islam comme des autorités dignes de crédit et de respect, qui protègent leur hôte et leurs peuples par une sage casuistique que comprendraient parfaitement nos théologiens médiévaux.

Apparemment, la barbarie est tout entière dans le camp des agresseurs de ce mardi 11 septembre 2001. Je crois qu’il faut se méfier des apparences.
 

Michel de Preux
 

1 Le plus lucide des «nouveaux philosophes», Alain Finkielkraut, ne dépasse pas un sage rationalisme mondain
dans l’analyse de ce conflit. Sa défense de l’identité «judéo-chrétienne» occidentale et son rejet dogmatique de
l’analyse des causes lointaines de ces attentats pour justifier une réplique immédiate des Américains contre
l’Afghanistan ignore tragiquement les enjeux surnaturels en cause, que seul un chrétien peut saisir.
 



 

Swissair

Le Conseil fédéral perd le nord
 
 

En acceptant d'injecter, à fonds perdus, des milliards d'argent public dans le naufrage d'une entreprise privée qui ne saurait être qualifiée de «service public», le Conseil fédéral a montré, une fois de plus, son inaptitude à gérer les crises.

La faillite de Swissair est incontestablement un coup dur pour l'économie zuricoise, et une catastrophe pour les 4400 salariés du groupe, dont près de la moitié ont déjà été licenciés avec effet immédiat, sans garantie de percevoir leur salaire pendant le délai de résiliation.

Ces salariés seront donc, lors de la liquidation, des créanciers bénéficiant d'un privilège de première classe : après paiement des créanciers gagistes sur le produit de liquidation des gages, les employés seront payés en premier, pour tous leurs salaires des 6 derniers mois, y compris ceux du délai de résiliation, au même rang que les assurances sociales (art. 219 LP).

Si l'insolvabilité du failli est totale, et que le produit de la vente des actifs ne permet même pas de dégager de quoi payer entièrement les créances de première classe, c'est l'assurance-chômage (dont le titre complet est : loi fédérale sur l'assurance chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité) qui se substitue à l'employeur défaillant, et qui verse le 70 ou le 80 % du salaire (jusqu'à concurrence du salaire maximum assurable de Fr. 8'900.- par mois), et qui est subrogée à l'assuré dans ses prétentions contre l'employeur failli.

Dans un tel cas, l'employé perd le 20 ou le 30 % de son salaire, plus encore si ce salaire était supérieur au
maximum assuré de Fr. 8'900.- par mois.

Dans toutes les faillites d'entreprises, depuis l'entrée en vigueur des articles 51 à 58 de cette loi, le 1er janvier 1983, les employés ont été mangés à cette sauce-là, et jamais les pouvoirs publics, ni la Confédération, ni l'Etat, ni la commune n'ont offert de verser aux malheureux la part de leur salaire non couverte par la loi.

En créant, au bénéfice des employés de Swissair, une exception inexplicable, le Conseil fédéral crée un
précédent dont il n'a sans doute pas mesuré la portée.

Mais ce n'est pas une vraie surprise. Le Conseil fédéral est-il encore apte à mesurer quelque chose ?

Claude Paschoud
 



Votations du 2 décembre

Un impôt sur les gains en capital
 

L'initiative de l'Union syndicale suisse visant à introduire un nouvel impôt dit «sur les gains en capital» est une fausse bonne idée.

Il est séduisant, à première vue, d'imaginer que l'Etat puisse percevoir des recettes fiscales supplémentaires en taxant des gains qui ne doivent rien au travail et qui ne sont pas non plus la juste rémunération d'un capital investi comme l'est l'intérêt ou le dividende versé aux actionnaires, mais un profit aléatoire qui tient plus du gain de loterie que de la rétribution justifiée pour la mise à disposition d'un facteur de la production.

Mais la perception d'un tel impôt se heurterait à de nombreuses difficultés pratiques, nécessiterait un appareil lourd, dont il n'est pas certain qu'il coûterait moins que l'impôt perçu (si l'on admet, ce qui serait équitable, que l'investisseur qui voit ses gains taxés pourrait aussi défalquer ses pertes), pénaliserait le petit épargnant (au moment même où on l'encourage à investir, en abaissant à 1 centime le prix minimum de l'action), directement ou par le biais de sa caisse de pension et freinerait l'autofinancement des entreprises suisses cotées en bourse, pour une raison simple que même les adversaires de l'initiative semblent n'avoir pas vue.

Le petit épargnant qui possédait une action Nestlé, achetée Fr. 3'500.- avant le «splitting» acceptait volontiers, sur proposition du conseil d'administration, l'attribution d'un dividende de 6 % seulement (calculé sur la valeur nominale de l'action, soit 6 % de Fr. 10.-), quand bien même ce dividende ne représentait pour lui qu'une rétribution ridicule de son capital, parce qu'il savait bien que tout le bénéfice réalisé qui n'était pas distribué sous forme de dividendes allait logiquement, grâce à la constitution de réserves diverses, provoquer l'augmentation de la fortune nette de l'entreprise, et donc l'augmentation de la valeur de sa part.  Il acceptait donc de se priver d'un gain immédiat (sous forme de dividendes soumis à l'impôt sur le revenu) pour retrouver ce gain plus tard sous forme de plus-value (franche d'impôts).

Cette dispense de l'impôt sur les gains en capital frappant les valeurs mobilières a permis, dans les cantons qui
l'ont toujours connue, une formidable expansion des entreprises cotées en bourse par un taux exceptionnel
d'autofinancement.

Les actionnaires accepteront-ils, à l'avenir, de se contenter de recevoir sous forme de dividendes le tiers
seulement du bénéfice réalisé s'il savent que les deux tiers auxquels ils renoncent lors de l'assemblée générale, et qui vont vraisemblablement grossir la valeur de leur titre, seront taxés à 20 % lors de la revente ?  Ne seront-ils pas tentés de réclamer chaque année un dividende leur assurant un rendement au moins égal à l'intérêt servi sur les carnets d'épargne, au risque de priver l'entreprise des marges d'autofinancement habituelles et de l'obliger, pour assurer sa croissance, à faire appel à l'emprunt ?

Même notre grand argentier, M. le conseiller fédéral Kaspar Villiger, qui ne brille pourtant pas par un excès de subtilité, a découvert que l'introduction de ce nouvel impôt ne ferait qu'accroître le cumul des taxes déjà existantes ! C'est tout dire !
 

C.P.


Bricoles
 

Surprise ?

Evolution de l'endettement net de SairGroup, en milliards de francs :
1993 :   2,602
1994 :   3,013
1995 :   4,627
1996 :   6,046
1997 :   6,602
1998 :   7,434
1999 :   9,171
2000 : 13,299

La faillite de Swissair n'aura surpris que ceux qui n'ont pas voulu lire les chiffres publiés officiellement ces
dernières années, ou qui n'avaient pas compris que les «actifs immobilisés» étaient immobilisés au sol !

Bonne nouvelle

Le nouveau mensuel de l’Eglise protestante vaudoise s’appelle Bonne Nouvelle. Aussi n’est-on pas surpris de découvrir dans son no 10 que les protestants suisses font face à leur passé :

«(…) la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS) s’engage en faveur d’un travail de mémoire sur l’attitude politique et économique de la Suisse face à l’apartheid. L’année dernière, on apprenait que les protestants suisses avaient entretenu des relations troubles avec le régime blanc de Prétoria.

(…) Tentant de concilier les revendications du peuple autochtone et celles des Afrikaner et de l’Eglise
hollandaise blanche, se refusant à faire pression sur les banques et les entreprises qui investissaient
massivement en Afrique du sud, elle a cultivé un attentisme qui revenait à apporter sa caution morale aux dirigeants politiques et religieux de Pretoria.»

Le reste est à l’avenant. Quelle joie d’apprendre que la FEPS se penche sur les vrais problèmes au lieu de se préoccuper bêtement de remplir les églises.

La dernière de l’euro…cailleux1

Le 17 février, c’est le jour de la mort des billets de banque en francs. Ils montent au ciel. Le billet de 500 F se présente devant Dieu, qui lui ordonne : «Mets-toi derrière moi au cinquième rang». Arrive le billet de 200 F. Dieu : «Mets-toi derrière moi au quatrième rang». Puis le billet de 100 F. Dieu : «Troisième rang !». Le billet de 50 F au deuxième rang. Puis arrive, timide et humble, le billet de 20 F. Dieu :«Mets-toi ici au premier rang, à ma droite !». Le billet de 500 F se permet alors de protester : «Mais Seigneur, j’ai été le plus beau et le plus fort ! Pourquoi me mets-tu au dernier rang s’il Te plaît ?. Dieu répond : «Je ne t’ai pas souvent vu à la synagogue…»

1 «Piqué» Au Cri de la Chouette, B.P. 444, F – 75327 Paris Cedex 07, no 46