Sommaire :
Editorial
Bricoles
Manichéisme
Le
temps des mépris (suite)
En direct
de Sirius
Une
tuerie de plus
Qui
sont les racistes ?
Editorial
Le week-end dernier, les Valaisans
se sont prononcés en faveur de l’augmentation des allocations familiales.
But de l’opération : favoriser l’accroissement de la natalité.
Ce n’est pas nous qui nous opposerons
à ce qu’on prenne des mesures en faveur de la famille et bravo au
Valais d’être premier de classe en matière d’allocations familiales.
Mais une telle mesure est-elle vraiment propre à faire grimper sensiblement
le taux des naissances ? Deux cent soixante francs par mois et par enfant
– 344 francs à partir du troisième enfant – suffiront-ils
à rendre aux Valaisans en âge de procréer le goût
des familles nombreuses ? Une famille nombreuse implique un logement spacieux,
donc coûteux. Une famille nombreuse implique une mère ou un
père à la maison : à quoi bon faire des enfants si
c’est pour les confier à des mamans de jour ou à des crèches,
ce qui, d’ailleurs, ne va pas sans frais non plus ? Or, un père
ou une mère – ou les deux tour à tour, pourquoi pas ?- à
la maison implique un seul salaire, ce qui n’est pas grave pour les hauts
revenus, mais peut créer des situations financières précaires,
en dépit des allocations, chez les gagne-petit.
Nous avons entendu un travailleur
social dire un jour qu’il fallait compter six mille francs par mois pour
faire vivre décemment une famille de quatre personnes et cette évaluation
est confirmée par notre expérience personnelle. Prenons maintenant
le cas d’un chauffeur de taxi qui gagne bon an mal an trois mille francs
par mois en travaillant cinquante-trois heures par semaine. Imaginons que
ce chauffeur ait cinq enfants en bas âge. Il touchera chaque mois
4552 francs pour faire vivre sept personnes. Pourra-t-il s’offrir un grand
appartement et une épouse au foyer ? Evidemment non, même
s’il paie peu d’impôts, jouit d’un logement subventionné et
bénéficie des subsides de l’assurance maladie. Il faudra
soit que sa femme travaille, avec tous les inconvénients que cela
entraîne pour les enfants, soit qu’il recoure aux services sociaux,
ce qui n’est pas non plus une solution satisfaisante. Prenons maintenant
le cas d’un privilégié qui gagne douze mille francs par mois
et qui a lui aussi cinq enfants. Il touchera chaque mois 13 552 francs,
alors qu’il pourrait faire vivre sa famille avec son seul salaire. Est-ce
normal ?
Bien entendu, il s’agit là
de cas extrêmes et la plupart des familles se situent à mi-chemin.
Mais ils illustrent bien le caractère inéquitable d’une mesure
qui se veut égalitaire. Pour promouvoir une authentique politique
de la famille, il faut donner beaucoup à ceux qui sont dans le besoin
et diminuer les prestations au fur et à mesure que le revenu augmente,
quitte à ne rien donner aux gens qui gagnent ou possèdent
beaucoup d’argent. Dans l’état actuel des choses, aucun chauffeur
de taxi n’envisagera d’avoir une famille nombreuse, et aucun couple privilégié
ne se sentira incité à engendrer beaucoup d’enfants par des
allocations qui lui paraîtront, somme toute, dérisoires, surtout
si Madame exerce une profession «épanouissante», contrairement
à la femme du chauffeur contrainte, elle, de s’«épanouir»
comme femme de ménage ou caissière dans une grande surface.
Quand aux couples qui disposent de revenus moyens et qui pourraient avoir
beaucoup d’enfants au prix d’un certain nombre de sacrifices – suppression
des voyages, des sorties, des spectacles,
de la voiture, par exemple -, il n’est nullement certain qu’ils soient
disposés à s’immoler sur l’autel du financement futur de
l’AVS qui semble bien, hélas, constituer la préoccupation
majeure des partisans d’un accroissement de la natalité, lesquels
sont aussi, notons-le en passant, partisans de la «solution des délais»
dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle va à fin contraire.
La gauche valaisanne et l’aile
gauche du PDC valaisan ont obtenu gain de cause. La justice sociale n’y
a pas gagné, la natalité non plus. Mais la démocratie
égalitaire est sauve et les grandes consciences sont en paix. N’est-ce
pas l’essentiel ?
Le Pamphlet
AMABILITÉ
Une controverse met face à
face M. Samuel Debrot, ancien vétérinaire cantonal et président
de la société protectrice des animaux, et les responsables
de la fauconnerie de Sainte-Croix et son responsable, M. Benoît Delbeauve,
qualifié par ses détracteurs d'esclavagiste, de bourreau
d'animaux et de bonimenteur.
Fidèle à sa vocation
de courtoisie et d'élégance, le quotidien «24 heures»
du 5 septembre titre en première page : «Vrai Debrot contre
faucons».
GÉNOCIDE ARMÉNIEN
Au procès des douze Turcs
accusés d'avoir nié le génocide arménien de
1915, non seulement le procureur bernois a réclamé lui-même
l'acquittement, mais il a vertement critiqué l'article 261 bis du
Code pénal, le qualifiant d'«œuf de coucou» pondu par
Flavio Cotti et d'«avorton législatif». Au lieu de ne
punir que la négation de la Shoah, il oblige les juges à
interpréter l'histoire !
Or, ajouta-t-il, c'est une question
à traiter entre historiens, mais pas dans les parlements, et encore
moins dans les cours de justice.
Sans surprise, les accusés
ont été acquittés.
HARCÈLEMENT
Une assistante de l'Université
de Lausanne, âgée en 1997 de 23 ans, dépose plainte
contre un professeur pour «harcèlement sexuel». Le conseil
de discipline de l'UNIL blanchit le professeur. La dame insiste et dépose
plainte pénale. Non-lieu. Recours de la dame rejeté.
C'est la dame qui doit dès
lors comparaître pour dénonciation calomnieuse, délit
qui se poursuit d'office.
«Si ce procès devait
se terminer par une condamnation, ce serait une gifle envers toutes les
femmes victimes de harcèlement sexuel sur leur lieu de travail»
explique Mme Heidi Renner, de l'association Viol-Secours de Genève.
On comprend mal comment la condamnation
d'une dame qui n'a pas été victime de harcèlement
sexuel sur son lieu de travail, et qui n'a pas craint pourtant d'accuser
faussement un professeur innocent, pourrait être ressentie comme
une «gifle» par les femmes qui ont été, ou
sont encore les victimes de ce genre de traitement.
Les déclarations de Mme
Renner sont, de toute évidence, du harcèlement borné.
GAUCHE VERTUEUSE
La droite est pourrie, la gauche
est vertueuse. C'est le message qu'essaie de faire passer M. le conseiller
national Chifelle, fumeur occasionnel de cannabis et dénonciateur
de son collègue Fattebert, lequel s'était vanté d'avoir
engagé des Polonais sans autorisation de la police des étrangers
dans son exploitation agricole.
Que pense M. Chifelle de l'attitude
de M. Bernard Métraux, muncipal lausannois directeur de la police,
qui incitait personnellement les passants, samedi matin 21 septembre sur
la place de la Gare, à ne pas payer leur billet de bus, en leur
distribuant un «ticket de resquille». L'obtention frauduleuse
d'une prestation est punissable, sur plainte, de l'emprisonnement ou de
l'amende en application de l'article 150 du Code pénal. En vertu
de l'article 24, l'instigateur est punissable comme l'auteur.
BEN LADEN INTROUVABLE ?
A l’heure où nous rédigeons
ces lignes, les taliban affirment qu’Oussama ben Laden est introuvable
et, apparemment, personne ne les croit. C’est peut-être vrai, pourtant.
Après tout, si le personnage est aussi diaboliquement intelligent
qu’on le dit, il a dû se préparer une retraite sûre,
car rien ne lui prouvait que l’Afghanistan ne finirait pas par le livrer.
A notre avis, il se trouve dans
le seul pays où personne ne songerait à le chercher, le seul
pays, de surcroît, qui ne risque pas d’être bombardé
pour l’avoir abrité : aux Etats-Unis.
EXCLUSION
Il faut être très prudent
dans ce qu’on dit à propos des attentats de New York et de Washington,
et surtout ne pas s’exprimer en public. Un politicien d’Olten en a fait
récemment l’expérience. Probablement un peu éméché
– ce qui n’est pas une excuse, bien entendu –, il aurait proféré
à ce sujet dans trois bars des propos iconoclastes et d’ailleurs
absurdes. Il a été exclu de la section du PDC d’Olten pour
propos antisémites. Il est néanmoins resté candidat
à l’élection communale du 16 septembre, car il n’était
pas possible de le retirer des listes. L’histoire ne nous dit pas s’il
a été élu.
SURPRISE
Le Conseil national a refusé,
le 20 septembre, à une large majorité de lever l’immunité
parlementaire de Christoph Blocher, mettant ainsi ce dernier à l’abri
des poursuites judiciaires dont il faisait l’objet dans son canton pour
violation de l’art. 261bis. Le conseiller national UDC s’était permis,
à l’époque de l’affaire des fonds en déshérence,
de critiquer les organisations juives qui s’en étaient prises à
la Suisse.
Les partisans de la levée
de l’immunité ont plaidé que Christoph Blocher avait «évoqué
l’image du juif cupide par une habile rhétorique». En somme,
ils ont interprété un texte dans le sens qui leur convenait,
ce qui relève de la pure malhonnêteté intellectuelle.
Divine surprise ! Le bon sens a
prévalu.
LÉGION D’HONNEUR
Bertrand Piccard deviendra chevalier
de la légion d’honneur le 3 octobre. Jacques Chirac a décidé
de lui octroyer cette distinction pour son voyage en ballon et pour «ce
qu’il représente aux yeux des Français».
Nous sommes dans l’ignorance de
ce que représente Bertrand Piccard aux yeux des Français,
car nos amis français ne nous ont jamais parlé de lui, ce
qui tend à montrer qu’ils n’en pensent pas grand-chose. Pour le
reste, on voudrait bien savoir si Bonaparte, qui institua l’Ordre de la
légion d’honneur en 1802 pour récompenser des services militaires
et civils, aurait considéré un voyage en ballon comme un
signalé service.
ASILE PLUS FACILE
C’est sous ce titre que notre quotidien
habituel nous annonçait le 19 septembre que la Suisse envisage d’accorder
l’asile aussi aux victimes de persécutions non étatiques,
c’est-à-dire aux victimes du terrorisme ou des conflits ethniques,
par exemple, qui ne bénéficient pas chez eux de la protection
de l’Etat.
A priori, l’idée paraît
bonne. Les persécutés méritent protection que la persécution
soit étatique ou non.
Nous sommes un peu plus sceptiques
quand Ruth Metzler déclare que cette mesure n’aura pas d’effet majeur
sur le nombre de requérants ni au niveau financier, au motif qu’aujourd’hui
déjà ces réfugiés sont admis à titre
provisoire et qu’il s’agit simplement de leur attribuer un statut juridique
avec un droit de séjour permanent ; quand nous apprenons en outre
qu’il n’est pas questionde définir le persécuteur dans la
loi. Ne risque-t-on pas dès lors de voir arriver de nombreux faux
persécutés attirés par la possibilité de bénéficier
chez nous d’un droit de séjour permanent sans grande difficulté
?
Faut-il voir dans cette mesure
un réponse aux occupations d’églises par les sans-papiers
et leur amis ? Nous sommes tentés de le croire et cela ne nous plaît
pas beaucoup, car cela revient à céder à des pressions.
ONU
A quelque chose malheur est bon
: les tragiques événements du 11 septembre ont apporté
de l’eau au moulin des partisans de l’adhésion de la Suisse à
l’ONU. Il paraît que les sanctions économiques imposées
par l’ONU sont nécessaires et que nous devons y participer si nous
ne voulons pas être les complices passifs du terrorisme.
Compris les réfractaires
? Il ne vous reste plus qu’à décider si vous voulez être
de gentils onusiens ou d’odieux terroristes !
Mariette Paschoud
Michel de Preux
1 «Saint Honoré», dans la
revue «Immédiatement» no 17, rubrique «Le fil
de l’épée», pages 38 & 39. Adresse : 32 bis rue
Pérignon F-75015
Paris.
2 «La modernité et ses contradictions»
: article collectif publié par la revue Catholica no 72 – été
2001 – page 27.
Mais quel est cet étrange
empressement que mettent les Européens à abdiquer la leur
? Le passeport européen est-il en voie accélérée
d’américanisation ? Et qu’a donc la Suisse à crier à
l’unisson des faucons ? Parce que M. Bush a asséné «Vous
êtes avec nous ou contre nous», faut-il qu’un pays neutre et
réputé souverain cède à une mise en demeure
étrangère ?
Il convient d’éviter les
décisions prises sous le coup de l’émotion qui amènent
souvent à faire inconsciemment le jeu de l’adversaire. Au demeurant,
a-t-on seulement identifié celui ou plutôt ceux à qui
profite le crime ? Certes tout semble indiquer, en ce qui concerne l’action
proprement dite, la responsabilité d’un individu hier encore inconnu
du grand public et dont l’impressionnant C.V. n’a désormais de secret
pour personne. Qu’en est-il de l’inaction ? Ou, plus précisément
de l’abstention ? Les meilleurs services d’espionnage du monde, capables
de faire passer en l’espace de dix jours un homme du
statut de prévenu à
celui de coupable, ces as de l’écoute et du recoupement qui vous
situaient un Escobar sur le globe à plus ou moins cinq mètres
sur un simple coup de téléphone, et leurs «petits cousins»,
ces génies de la provocation et de l’infiltration, n’ont donc rien
vu venir ? A défaut d’intelligence humaine, celle dite «artificielle»
d’ordinateurs continuellement occupés aux analyses croisées
et aux hypothèses fulgurantes était-elle hors-service ? Au
siècle de l’information en temps réel, pas un soulèvement
de sourcil aux étranges et récentes opérations en
bourse, dont on nous confie qu’elles seraient le seul fait des
sociétés-écrans
d’un seul et même homme, cet Ennemi mondial numéro un dont
nous parlions tout à l’heure ? Au demeurant, étrange transparence
subite d’«écrans» dont on déplore simultanément
la complexité et l’opacité… Le Criminel est d’une telle invisibilité
que le voici complaisamment illuminé par les feux de la rampe !
Lorsque l’émotion prime l’intellect, on n’en est plus à un
sophisme près et l’on est prêt à donner tête
baissée dans le panneau.
Et ça, c’est dangereux.
Citation inconvenante –
«Quand nous accomplirons
notre coup d’Etat, nous dirons aux peuples : «Tout allait mal,
tous vous avez souffert. Nous supprimerons les causes de vos souffrances,
c’est-à-dire les nationalités, les frontières et les
monnaies nationales. Bien entendu, vous êtes libres de nous condamner;
mais votre jugement serait-il équitable, si vous le prononciez avant
de nous donner le moyen de vous montrer ce que nous pouvons faire pour
vous ?» Là-dessus, ils nous exalteront avec un sentiment
de joie et d’espoir unanime. Le régime du vote, dont nous nous sommes
servis comme instrument de domination et auquel nous avons accoutumé
même les plus humbles membres de l’humanité en organisant
des réunions et des accords préparés d’avance, nous
rendra un dernier service et fonctionnera une dernière fois pour
exprimer le désir unanime de l’humanité de nous mieux connaître
avant de nous juger.»
Ce texte est extrait d’un document
dont on affirme qu’il serait le produit d’une falsification mais qui a
néanmoins été déposé le 10.8.1906, sous
la cote no 3926.D.17., au British Museum, ce qui nous donne quand même
une date certaine… et démontre, en 2001, une capacité de
prédiction valant largement les nébulosités de Nostradamus.
La fabrique de lavettes – Les
spécialistes anglais n’en sont toujours pas revenus : durant «Desert
Storm» les pilotes de la R. A. F. revenaient de mission en larmes
d’avoir «télé-bombardé» des objectifs
au sol. De tels états d’âme étaient inconnus durant
la réplique au «Blitz» de la même R. A. F., un
demi siècle plus tôt. De nos jours, quand des gendarmes et
des pompiers – dont c’est quand même un peu la fonction – vont récupérer
des restes humains dans les débris d’un supersonique, on leur adjoint
une brigade de «psys».
Le moindre événement un peu désastreux justifie l’engagement
d’une escouade de consolateurs. Qu’une grue tombe accidentellement sur
une école et l’on met les drapeaux en berne en organisant des obsèques
nationales. La chute d’un arbre prend des proportions cataclysmiques. A
force d’assister, on fragilise. Et l’on oublie de plus en plus qu’en général
– comme les pompiers new-yorkais le 11 septembre dernier – les vrais héros
serraient les dents…
Les livres que l’on aimerait
voir un jour publier :
«Vieil homme, vous saviez
de quoi vous parliez»1
par Gérard-Maurice Ben Sahloh.
Dans son second livre sur le thème
des confessions, l’auteur, un jeune journaliste de la cour d’un défunt
président, démontre, au hasard de propos de table, que ce
dernier connaissait les conséquences désastreuses d’options
irréversibles comme :
-
L’abaissement de l’âge de la majorité civique;
-
le Référendum de dupes2 ;
-
l’aliénation du concept d’identité nationale;
-
le grand métissage;
-
l’abandon accéléré de la souveraineté nationale
pour une vassalité supra-étatique;
-
l’ouverture des frontières;
-
l’abolition de la peine capitale;
-
la remise en circuit des criminels de droit commun;
-
l’ouverture de négociations sur l’abandon de la monnaie nationale
pour une monnaie eurocratique;
-
l’art d’accommoder la raison d’Etat à toutes les sauces.
1 Collection «Langue de Vipère»,
Plomb. Ce livre compléterait avantageusement le «Jeune homme,
vous ne savez pas de quoi vous parlez» de Georges-Marc Benamou, paru
chez Plon.
2 «Maastricht» ou l’art de répondre
«oui» à une trentaine de pages quand on ne sait pas
lire.
Le néologisme de l’année
(entendu de la romancière Denise Bombardier à la dernière
«Apostrophe» de Bernard Pivot) :
«A-plat-ventrisme»
C’est d’actualité
et ça parle de soi-même.
Max l’Impertinent
Claude Paschoud
1 «24 heures» des 15-16-17 septembre,
pages 36 et 51
1 «24 heures» des 15-16-17 septembre,
pages 36 et 52