Lausanne 31e année           «ne pas subir»          Avril  2001 No 303







Sommaire :

Editorial
Thèse
En direct de Sirius
Culpabilisation
Non, Mgr Tissier de Mallerais !
Les «mots qui tuent»
(sur le procès Tabachnik)
La caméra et le stylo
Coopération militaire
Bricole



Editorial

Nous ne sommes pas, nos lecteurs le savent, des partisans inconditionnels de l’idéologie démocratique. Mais, dans la mesure où, volens nolens, nous vivons en démocratie, nous sommes des partisans inconditionnels de la démocratie directe qui permet de corriger dans une certaine mesure les errements de l’autorité. C’est pourquoi nous soutenons le referendum lancé par Oui à la Vie contre la «solution»- merci à la Nation d’avoir attiré notre attention sur la nécessité de mettre le terme entre guillemets - des délais en matière d’avortement, et recommandons à nos lecteurs de le signer. Faute de mieux, ils peuvent d’ailleurs signer celui du PDC dont l’objectif - la fameuse consultation obligatoire - ne nous convainc pas, mais qui permettra néanmoins d’obtenir de nombreuses signatures, le but étant d’en récolter absolument 50 000 en tout dans un délai de trois mois. Relisant cette dernière phrase, l’auteur de ces lignes s’interroge : recommander de signer, faute de mieux il est vrai, mais recommander tout de même de signer un referendum lancé par des gens dont on ne partage pas les opinions, et cela pour une simple question de nombre, ne relève-t-il pas de la compromission ?

La réponse est oui. Nous plaidons coupables et nous désolons d’être pris au piège du combat démocratique qui veut que, en période de récolte de signatures, on soit obligé de «ratisser large» pour avoir une chance d’obtenir le résultat escompté. Mais devons-nous renoncer à travailler pour la bonne cause sous prétexte de conserver ce qui reste de blancheur persil à notre déjà noire conscience ? Dilemme.

A ce propos, nous sommes tentés de sourire quand le PDC prétend vertueusement ne pas savoir encore s’il fera cavalier seul ou s’il fera cause commune avec Oui à la Vie. En effet, à moins que l’un des deux referendum – ou chacun des deux, mais il ne faut pas rêver -n’obtienne à lui seul cinquante mille signatures, ce qui permettrait aux instances de l’autre de faire la fine bouche puisque le but serait atteint, il faudra bien qu’ils unissent leurs forces, à moins de passer pour des plaisantins, ce qui serait grave en l’occurrence.

Autre cas de conscience : est-il licite, pour un polémiste ou qui se veut tel, de modérer ses propos lorsque la démocratie directe, donc la nécessité démocratique de «ratisser large» entre en jeu ? Est-il licite pour un polémiste de se dire : nous devons réunir sur une même cause des citoyens dont le seul point commun, peut-être, est un refus de la libéralisation de l’avortement – sous réserve des inconditionnels du vote populaire qui signent avec raison tous les referendum et toutes les initiatives -, et tenir par conséquent un langage quiexprime les choses de façon à ne choquer aucun signataire potentiel ? Cela relève-t-il de la compromission, de la tactique ou du bon sens ?

Dans ce cas, la difficulté est plus facile à résoudre : on peut, à condition de connaître le vocabulaire, exprimer les choses de façon plus ou moins choquante, plus ou moins modérée, plus ou moins diplomatique, sans être pour autant contraint de céder d’une seule virgule sur les questions de principe.

Le mélange des genres n’est jamais recommandable. Ou bien, on fait de la polémique, faute d’arme plus efficace, ou bien on dispose d’une arme comme le referendum et on l’utilise selon le «mode d’emploi». En l’occurrence, le «mode d’emploi » prescrit que, les adversaires de l’avortement libre se recrutantaussi bien chez les chrétiens que chez les juifs que chez les musulmans que, dans certains cas et pour des raisons qui n’ont rien à voir avec la religion, chez les agnostiques ou les athées, il convient de ne pas s’aliéner d’entrée de cause les uns ou les autres par l’usage d’un langage inapproprié.

C’est pourquoi, très exceptionnellement, nous sommes d’accord avec nos adversaires traditionnels en ce qui concerne le communiqué publié récemment par la section Oui à la Vie Vaud, Neuchâtel, Jura, à propos de la «solution» des délais, communiqué qui parle de «solution finale», de « génocide», de «crime contre l’humanité», toutes expressions dont chacun sait qu’elles constituent – à tort ou à raison, c’est sans importance dans le cas qui nous occupe - une sorte de monopole pour certains de nos compatriotes israélites et sont ressenties par ces derniers, dans ce contexte, comme une «banalisation de la Shoah». A quoi bon, alors que « désastre irréparable», « destruction programmée» et « crime inexpiable» auraient tout aussi bien fait l’affaire ?

Sommes-nous atteints par le virus de la compromission ?

A vous de juger.

Le Pamphlet



Thèse

Mme Germaine Hanselmann, connue sous le pseudonyme d'Elizabeth Teissier, a soutenu en Sorbonne, le 7 avril dernier, une thèse de doctorat en sociologie intitulée : «Situation épistémologique de l'astrologie à travers l'ambivalence fascination/rejet dans les sociétés postmodernes» Le grade de docteur lui a été accordé avec la mention «très honorable».

Une «association pour l'information scientifique» formée de personnalités se prétendant elles-mêmes
«compétentes» exige du président de l'Université Paris V qu'il retarde la validation de ce doctorat, au motif que le travail de Mme Teissier ne serait pas une thèse en sociologie mais en réalité un «plaidoyer pour l'astrologie».

Et si cela était ? La sociologie, d'ailleurs, est-elle plus une science que l'astrologie ?

Qu'est-ce, en outre, qu'une thèse si ce n'est une opinion originale et inédite portant sur un objet digne de la recherche universitaire ?

Les Trissotins, les Vadius et les Jocrisses qui s'expriment au nom de cette improbable «association pour
l'information scientifique» ne sont-ils pas ceux-là mêmes qui contestent toute valeur aux médecines dites
«alternatives» qui ont le grand tort de guérir des patients par des traitements dont l'efficacité n'est
pas «scientifiquement prouvée» ?

Lorsqu'on lit les pages entières d'annonces dans nos journaux insérés par des gourous, des grands marabouts africains, des diseuses de bonne aventure et des tireuses de cartes, peut-on douter une seconde que se pose un véritable problème social et que l'attitude du public et celle des «scientifiques» à l'égard de l'astrologie puisse faire l'objet d'une étude épistémologique ?

Un jury universitaire n'est pas supposé adhérer aux opinions défendues par le doctorant. Il juge si le travail entrepris a été conduit selon les méthodes généralement admises comme sérieuses en matière de recherche scientifique. Le jury de l'Université Paris V a jugé ce travail «très honorable». Un parleur de la Radio suisse romande la Première, qui ne l'avait pas lu, a décrété qu'il était «nul».

Ah ! qu'il est difficile à supporter, quand on a peiné à obtenir son bac et qu'on se croit néanmoins le parangon de l'intelligence radiophonique en Suisse romande, qu'une astrologue soit faite docteur en Sorbonne !
 

C.P.



En direct de Sirius

«Stalingrad» («règlement de compte à Octobre Rouge») – Au prix d’une grandiose et réaliste reconstitution du célèbre champ de bataille, M. Jean-Jacques Annau invente le «eastern» et nous livre une belle histoire de douilles. Beaucoup de cadavres et de gravats pour un hypothétique affrontement singulier entre deux tireurs d’élite symboliques de ce qu’aurait pu être la «Grande Guerre Patriotique» revue à Epinal.

A ma gauche, en regardant dans le sens de la Volga, un jeune héros de l’Union soviétique issu des classes
laborieuses méritantes, à ma droite, le major König1, sorte d’aristocrate nazi tout droit sorti de Zossen. Le
premier couche à la dure et fait l’amour dans la poussière, le second sable le champagne quand son pullman, montant vers sa destination finale, croise les trains sanitaires bondés de moribonds. L’un tire en ancien chasseur, avec émotion et par nécessité, l’autre sans états d’âme, en technicien confirmé de la mort.

Tout est dit.

A ceci près que, si le héros soviétique au cœur pur a bel et bien existé, l’affreux teuton glacial et ironique n’est qu’une création imaginaire pour servir le manichéisme du réalisateur. Mais comme, sur ordre exprès du général Paulus – pas moins ! – le sinistre major se dépouille de sa plaque d’identité avant l’affrontement final, le spectateur moyen restera dans le doute. Oui mais voilà, M. Annau : les tireurs d’élite des deux camps avaient déjà assez de mal à mener à bien leurs véritables missions de guerre – les hommes de l’art qui me lisent comprendront – sans encore jouer aux cow-boys et aux Indiens sur le théâtre des opérations en général, et à Stalingrad, en particulier. En outre, la Wehrmacht de fin 1942, qui, dans le grand laminoir d’une troisième année de guerre, voyait des lieutenants commander des compagnies, n’avait pas le loisir de distraire un major2 pour l’envoyer en prima donna dans une sorte de safari au pays des bolcheviks. Stalingrad fut une affaire de ténacité globale, de ressources et de nombres dans laquelle les actes d’héroïsme individuel ne peuvent être ramenés qu’à leur juste dimension : des péripéties.
 

Devinette – Savez-vous ce qu’est l’«avenue de l’Europe» à Juan-les Pins ?
- Une impasse… en très mauvais état.
 

L’art de la concision – Lu sur un étalage au marché de Vintimille :
«Débarrassez-vous de cet argent qui vous angoisse tant».
 

«15 minutes» - Plus que du grand cinéma. Un réquisitoire implacable qui démontre mieux que de longs discours les limites des démocraties modernes essoufflées, empêtrées dans le nombrilisme de leurs «reality shows», leur juridisme perverti et leur soif de profit à tout prix.

Tout droit venus de l’Est, un fauve et son comparse – un maniaque de l’objectif – débarquent aux USA où tout est bon à prendre au nom du Dieu Dollar. En un clin d’œil et quelques coups de télé, ils accordent leurs pulsions criminelles au diapason du «Land of opportunity». Nos deux prédateurs entreprennent de dépecer la baleine démocratique, vautrée dans ses incohérences et ses compromissions. Dans ce gigantesque cloaque, les défenseurs de l’ordre peinent à le préserver. Les médias du Veau d’or n’en sortent pas grandis, et le dialogue final entre un rédacteur en chef de télévision américaine et le cinéaste amateur débiloïde fait froid dans le dos, tant les deux personnages se ressemblent.

Les deux heures de «15 minutes» passent en un clin d’œil, tout y est remarquable, la qualité de l’intrigue, le rythme, le jeu des acteurs. Le personnage campé par le grand de Niro incite même à penser que, derrière l’acteur, l’homme aurait sensiblement corrigé ses options politiques. On ne peut s’empêcher d’applaudir à la fin, mais l’on n’en sort pas moins écœuré d’avoir touché le fond d’une société cul-de-sac. La seule note optimiste, c’est qu’à la différence de l’Europe, l’Amérique a le courage de regarder ses faiblesses en face et la possibilité de produire des œuvres d’une telle lucidité et d’une telle qualité. Personnes sensibles et émotives : s’abstenir.

Tragique ambiguïté – Il était si bête que quand il m’a dit :  «A l’armée, comme sergent, j’avais un cheval…», je me suis demandé pendant un moment comment il avait fait pour se trouver aux ordres d’un quadrupède.

Max l’Impertinent

______________________________
1 «Führer» était déjà pris.
2 Pour information, l’as des tireurs d’élite allemands était le Tyrolien Matthias Hetzenauer, avec 345 «coups au but» confirmés.



Culpabilisation

Dans un récent courrier des lecteurs de 24 Heures, une Veveysanne s’adresse «à tous les militants
antiavortement» et fait état de manière émouvante de sa propre expérience de femme avortée, de la douleur qu’elle a ressentie et ressent encore suite à la suppression d’un enfant qu’elle chérissait déjà au fond d’elle-même, et du courage qu’il faut pour prendre une telle décision «Pas parce qu’elle le voulait, mais parce que c’était la moins pire des décisions. Peut-être pour éviter qu’un enfant de plus naisse dans une famille monoparentale, peut-être parce qu’elle ne pensait pas être en mesure d’assumer cette vie si précieuse et de lui donner ce que toute mère souhaite pour son enfant, ou peut-être encore préfère-t-elle se priver de cette joie intense d’être mère pour des raisons que vous ne pourriez de toute évidence pas comprendre ou imaginer.»

Et de conclure : «Si votre action n’a de but que de culpabiliser la femme, vous n’en avez pas besoin. On
souffre plus qu’il n’est possible que vous l’imaginiez et vous ne faites qu’appuyer sur la tête de quelqu’un qui est en train de se noyer, ce qui est en soi assez lâche.»

Vous vous trompez, chère Madame. Notre but n’est pas de culpabiliser les femmes qui se sont fait avorter. D’ailleurs, on en trouve aussi parmi les adversaires inconditionnels de l’avortement. Sauf erreur de ma part, la présidente de l’association anti-avortement « Aide suisse pour la mère et l’enfant» en fait partie. Notre but est au contraire d’éviter que des femmes se trouvent dans une situation comparable à la vôtre, grâce à un système qui permettrait à chaque femme de donner le jour à son enfant même si, pour les raisons que vous évoquez et que nous comprenons fort bien, elle ne peut ensuite en assumer la responsabilité.

Certes, une femme qui se voit ou se croit contrainte de donner son bébé à d’autres n’est pas à l’abri de la douleur ni d’un sentiment de culpabilité. Mais elle aura au moins la consolation d’avoir respecté le droit à la vie de son enfant. Oter la vie à un enfant «pour son bien » ne peut en aucun cas être «la moins pire des décisions». C’est toujours la pire et c’est pourquoi tant de femmes se sentent horriblement coupables une fois que le mal est fait.

Beaucoup de femmes qui ont subi une fausse-couche alors qu’elles attendaient avec joie un enfant à naître éprouvent elles aussi un profond sentiment de culpabilité. Elles se persuadent qu’elles ont commis des imprudences et qu’elles sont responsables de la mort de leur bébé, qu’elles auraient pu éviter le désastre. Elles en rêvent la nuit parfois pendant des années et il faut rien moins que la naissance d’un enfant en bonne santé pour effacer en elles cette «culpabilisation». Je comprends donc toute l’étendue de la vôtre et ne vois aucunement la nécessité de vous appuyer lâchement sur la tête. Mais vous comprendrez aussi que votre cas particulier ne suffise pas à me faire changer d’avis sur le principe.

Vous dites que «La valeur d’une vie ne s’arrête pas quand on pousse la porte d’un planning familial parce qu’on veut interrompre sa grossesse. C’est à ce moment-là qu’on prend conscience (…)». Je vous laisse la responsabilité de ce paradoxe. Je regrette seulement que vous n’ayez pas eu l’occasion de pousser la porte d’une section de SOS Future Mère pour conserver votre grossesse. Mais il est probable que les pressions que vous avez subies – il y en a eu, il y en a toujours – de la part de votre entourage ne venaient pas de gens qui connaissaient cet organisme pourtant vieux de vingt-cinq ans dans le canton de Vaud. Plus grave : apparemment le planning familial qui, lui, est forcément au courant, n’a pas jugé bon de vous en donner l’adresse. Evidemment, je pars du principe, compte tenu de vos propos, que si une possibilité vous avait été offerte de sauver votre enfant, vous l’auriez saisie immédiatement, parce qu’autrement…

Permettez à une militante anti-avortement de la première heure de vous dire qu’elle ne vous juge pas et qu’elle vous plaint.

Mariette Paschoud
 


Non, Mgr Tissier de Mallerais !
 

«On convient que les apostats et les schismatiques conservent leur baptême, puisqu’on ne les rebaptise point quand ils reviennent à l’Eglise; ils conservent aussi leur ordination, puisqu’on ne les réordonne pas. On peut donc aussi     recevoir le baptême hors de l’Eglise, comme on peut le garder. Les  schismatiques ne sont séparés de nous que spirituellement par les sentimens et la volonté : donc ils sont avec nous en tout ce qu’ils croient comme nous; mais les biens qu’ils ont en commun avec nous, c’est-à-dire la foi et les sacremens, leur sont inutiles sans la charité dont le défaut les sépare de nous; et quand ils reviennent, ces biens qu’ils ont déjà ne leur sont pas donnés, mais ils commencent à leur être utiles. Il en est de même des méchans qui sont dans l’Eglise, vivant selon la chair : ils reçoivent les sacremens, mais sans fruit.»
Saint Augustin, cité par Fleuri : Hist. eccl., I, chap. XX, p. 47.
L’homélie prononcée à Ecône par Mgr Tissier de Mallerais lors de la messe chrismale avait pour thème la
nature et la portée des sacrements, agissant par eux-mêmes ( ex opere operato, selon la formule dogmatique du Concile de Trente). Ce prélat voit dans cette formule une auto-suffisance de la vie sacramentelle, dont le sacerdoce est le dispensateur de droit divin. Il refuse d’y adjoindre une référence que le IIème Concile œcuménique du Vatican considère quant à lui comme essentielle et qu’il formule par cette expression : «en Eglise». Pour ce prélat et ses pairs de la Fraternité sacerdotale St.-Pie X, ce n’est là que «jargon conciliaire» ne touchant pas à la substance des sacrements.

Nous avons là un exemple de ce que peuvent devenir les vérités catholiques chez les schismatiques de fait et de cœur : c’est un fait connu pour qui approche un peu les Eglises orthodoxes, elles se plaisent à opposer aux communautés protestantes les dogmes qu’elles partagent avec l’Eglise de Rome, et à l’Eglise de Rome la liberté chrétienne des protestants pour tout ce qui les en sépare. Ecône agit de manière analogue avec les Eglises locales et l’Eglise de Rome : il oppose à celle-ci son propre dogme tridentin pour mieux combattre la réelle protestantisation du catholicisme conciliaire, mais il le fait à la manière des protestants en se posant en défenseur infaillible de l’orthodoxie catholique contre Rome !

C’est oublier un peu vite que si les sacrements agissent par eux-mêmes, la note conciliaire de Vatican II ne
saurait être considérée ni comprise comme purement accessoire, secondaire, accidentelle (qualificatifs utilisés par ce prélat dans son homélie) sans nier le risque ou même la réalité schismatique. Dans les Eglises autocéphales d’Orient, les mêmes sacrements et le même sacerdoce que ceux de l’Eglise catholique subsistent, en apparence du moins, mais pas «en Eglise». Cette note conciliaire de Vatican II, qui pâtit certes de la nouvelle pastorale, est en réalité plus traditionnelle qu’elle n’y paraît. Elle est une indication que les sacrements n’opèrent avec une certitude visible qu’à l’intérieur de l’Eglise par la foi. Le sacrement est radicalement inopérant chez un non baptisé. Il est même sacrilège de l’administrer dans ce cas.

Ainsi, la note que Mgr Tissier de Mallerais juge adventice est en fait absolument fondamentale et nécessaire ! … Cette note porte en elle une dynamique du retour des égarés au bercail, quand bien même elle ne serait pas comprise ainsi par beaucoup de partisans inconditionnels du IIème Concile du Vatican pour d’autres motifs, en particulier en raison d’une falsification de la notion même d’Eglise. Autrement dit, le propos de Mgr Tissier de Mallerais qui, à première vue, se présente comme une défense inconditionnelle du catholicisme face à la pénétration réelle de l’esprit protestant dans l’Eglise avec la complicité de la hiérarchie, plus profondément et sournoisement, mais tout aussi réellement, est aussi une défense implicite du schisme, dès lors que l’unité de l’Eglise et de la hiérarchie ne sont plus de éléments jugés essentiels non seulement à la perpétuation des sacrements et du sacerdoce mais à leur efficacité visible certaine.

Terrible logique du mal qui oppose la vérité à la charité, ce dont témoignent, par ailleurs, divers aspects de la pastorale traditionaliste, notamment en matière de mœurs. Un catholique n’a qu’une certitude lorsque Rome, manifestement, par son évêque, erre en matière de foi : cette épreuve ne peut qu’avoir été voulue par Dieu, et nul autre que Lui n’est habilité à dénouer définitivement ce genre de crise. Le prouve le fait qu’aucune autre résistance ne respecte intégralement toutes les notes de l’Eglise. Et c’est notamment le cas de la résistance se réclamant de Mgr Marcel Lefebvre.
 

Michel de Preux


Les «mots qui tuent»
(sur le procès Tabachnik)

A l'heure où paraîtront ces lignes, les juges de Grenoble auront vraisemblablement rendu leur arrêt dans le
procès intenté au chef d'orchestre Michel Tabachnik, accusé du délit typiquement français et presque surréaliste d'«association de malfaiteurs».

On notera qu'après plusieurs années d'instruction, dans au moins trois pays, on ignore encore les circonstances exactes qui ont conduit à la mort de 74 personnes membres de l'Ordre du temple solaire : suicide collectif ? meurtre ? ou meurtres suivis du suicide des meurtriers ?

En droit suisse, on aurait peut-être inculpé M. Tabachnik pour instigation, s'il avait été démontré qu'il avait «intentionnellement décidé autrui à commettre un crime» (art. 24 al. 1 du Code pénal).

Une telle intention n'a pu être établie, malgré les rodomontades habituelles de Me Barillon et les juges devront se contenter de déterminer si les écrits philosophiques de l'accusé ont pu être compris par les auteurs de la tuerie comme un encouragement au suicide. Le musicien a-t-il créé, par son enseignement et ses écrits, une «dynamique homicide» comme l'en a accusé le substitut du Procureur ? Sera-t-il tenu pour responsable, pénalement, d'avoir écrit des «mots qui tuent» ?

Si les victimes de Cheiry et de Salvan n'avaient été que des adultes, tous désireux d'en finir avec leur existence terrestre et d'accéder à une vie glorieuse sur Sirius, personne n'aurait pu raisonnablement les qualifier de «malfaiteurs». Le problème, c'est les enfants, entraînés sans droit dans ce transit par la volonté de leurs parents.

Si l'un de ces derniers avait survécu, je sais ce qu'il aurait plaidé : que les enfants avaient été entraînés dans la mort «pour leur bien», qu'en restant seuls sur terre, orphelins, privés de l'affection de leurs parents décédés, ils auraient été «malheureux».

C'est peut-être dans les conférences ésotériques de M. Tabachnik que les adultes de l'OTS ont trouvé la force de se donner la mort à eux-mêmes. Mais c'est ailleurs que les parents de ces petits ont trouvé la justification de leur égocentrisme meurtrier : dans les livres, les conférences, les articles qui, depuis des décennies, nous martèlent que la femme est juge souverain de la vie qu'elle engendre, qu'il vaut mieux tuer l'enfant qu'elle porte plutôt que de mettre au monde un bébé «non désiré».

Si l'on doit juger tous les auteurs des «mots qui tuent», quand seront jugés les promoteurs de l'avortement libre ? Pourquoi se lamenter du sort d'une dizaine d'enfants entraînés dans un autre monde pour leur éviter de rester ici «malheureux» et laisser en repos celles et ceux qui, en Europe, ont encouragé le meurtre de milliers, probablement de millions de bébés à naître ?

On peut accorder de larges circonstances atténuantes à la future mère qui, dans un état de détresse profonde, se résout à sacrifier la vie de son enfant pour sauver la sienne. Mais j'en trouve peu à celles et ceux qui militent pour le droit de tuer généralisé pendant douze semaines. Ceux-là constituent les véritables associations de malfaiteurs.

Ils se trouvent en bonne compagnie, d'ailleurs, avec les «dépénalisateurs» de stupéfiants, les journalistes
pacificateurs des Balkans et admirateurs de leurs frappes «chirurgicales», les pères fouettards de l'Irak, et tous les intellectuels marxistes qui ont encouragé Staline dans ses œuvres.

Des mots qui tuent ? Une association de malfaiteurs ? Mesdames et Messieurs les penseurs de la presse
politiquement correcte : pas ça, pas vous !
 

Claude Paschoud
 


La caméra et le stylo

Par devoir de fonction, et grâce à leur sens de la discipline, les généraux de notre armée ont tous pris leur plus belle plume pour inonder la presse spécialisée de leur enthousiasme en faveur de la loi militaire sur laquelle nous voterons le 10 juin.

Dans le dernier numéro de la Revue militaire suisse1, le divisionnaire Ulrich Zwygart2 nous catéchise :
«Par notre engagement international dans les opérations de maintien de la paix, sous mandat de l'ONU et de l'OSCE, autorisées par le Conseil fédéral et par le Parlement, nous aidons à maîtriser des foyers de conflits aux confins de l'Europe et à stabiliser la paix».

La plupart de ces scribes se font patelins : il n'est nullement question, affirment-ils bien haut, que la Suisse
adhère à l'Alliance atlantique3. Ce chemin passe d'ailleurs par le Membership Action Plan (MAP) dont la
Suisse n'est pas membre.

Mais l'un d'eux4, pourtant, moins habile (ou plus franc), ôte sa fausse barbe : «La neutralité est un modèle périmé qui ne contribue plus à la solution des problèmes actuels mais, au contraire, les rend plus difficiles». Dans ses conclusions, l'auteur affirme que «la guerre du Kosovo, menée pour la première fois par l'OTAN, nous a permis de comprendre que l'intérêt primordial de la Suisse est d'être du côté de ceux qui décident, de ceux qui veillent à la sécurité de l'Europe, c'est-à-dire de l'OTAN (…) Le Conseil fédéral et ceux qui préparent l'opinion5 devraient s'atteler à un travail de titan pour convaincre le peuple suisse de l'adhésion dans des délais acceptables et sans étapes intermédiaires».

Nous voici fixés.

Contre de telles professions de foi, la raison est impuissante.

Il est probablement inutile de faire observer à ces bons apôtres que ni l'ONU ni l'OTAN ne sont jamais parvenus à assurer la sécurité ou la paix où que ce soit, mais que ces organisations ont été partout responsables d'une aggravation des conflits, et de leur prolongation dans le temps…

…que la distinction juridiquement subtile entre le soutien de la paix, le maintien de la paix et l'imposition de la paix ne correspond à aucune réalité tactique : on passera de l'un à l'autre sans s'en rendre compte…

… que les militaires suisses (dont on nous affirme qu'ils seront des volontaires) qui se battront à l'étranger ne prendront pas seulement le risque d'être blessés ou tués, ce qui est la moindre des choses pour un combattant volontaire, mais aussi de blesser ou de tuer des gens qui ne menacent en rien notre pays, ce qui n'est pas justifiable.

On nous chante que les engagements de soldats hors de nos frontières serviront les intérêts de notre diplomatie, «bien mieux que toutes les enveloppes discrètement glissées, depuis des décennies, sous la table de l'ONU et de ses agences»6 : nous pourrons rechercher du renseignement (…) contrôler les mouvements de réfugiés et en informer nos autorités (…) ouvrir la voie aux investisseurs de la reconstruction.

Un tel cynisme laisse pantois.

Traduisons : les coopérants civils ne se laissent pas aussi facilement manipuler par le Conseil fédéral que des militaires, volontaires de surcroît. Ces derniers seront donc prioritairement des espions et des entrepreneurs en génie civil.

A la place de soldats (armés de fusils, de mortiers et de chars, comme doit l'être tout soldat), n'aurait-on pas avantage à envoyer des civils armés de caméras vidéo (pour la recherche du renseignement et le contrôle des mouvements de réfugiés) et de bons stylos Karan d'Ache (pour la signature des contrats de reconstruction).

Ces Helvètes pourraient être mieux accueillis par la population locale que s'ils avaient commencé par massacrer des indigènes, dans une opération de maintien de la paix !

Nous voterons deux fois NON le 10 juin.
 

Claude Paschoud
 

   (1) RMS No 4, avril 2001
   (2) l'auteur de cet éditorial est présenté comme «docteur en droit, avocat», comme s'il était un officier de milice non
      directement inféodé au département de la défense. Son grade et sa fonction d'«inspecteur des armes de combat»
      indiquent pourtant qu'il est un fonctionnaire fédéral dont la plume est serve !
   (3 )ibid, article du lt-col EMG Sylvain Curtenaz
   (4) le colonel EMG Hans-Peter Brunner, ibid. pp. 9-13
   (5) qui sont-ils, ces titans prépareurs d'opinion ?
   (6) Lt-colonel EMG Curtenaz : ibid page 7-8



Coopération militaire

Tout occupés qu’ils sont à discuter de l’opportunité d’armer les «soldats de la paix» que notre pays envoie à l’étranger, les Suisses ont tendance à oublier le deuxième volet de la loi fédérale sur l’armée et l’administration militaire (LAAM) qui sera soumis au peuple le 10 juin, celui de la coopération avec des pays étrangers en matière d’instruction.

Le Service d’information à la troupe s’est fendu d’un texte explicatif que l’on peut trouver sur Internet.
Remarquons-le en passant : ce n’est pas d’aujourd’hui que l’autorité fédérale se sert du SIT pour imposer sa propagande aux militaires en service qui ne disposent d’aucune arme d’autodéfense contre les «théories SIT».

Les explications du SIT nous apprennent des choses intéressantes.

Le texte commence par présenter les avantages que peut retirer notre pays de cette fameuse coopération qui doit lui permettre d’envoyer des soldats suisses s’entraîner à l’étranger, et les bienfaits que doit valoir aux soldats étrangers la possibilité de s’entraîner chez nous. La formulation donne à penser qu’il s’agit de musique d’avenir.

On nous fait valoir ensuite, sans grand souci de cohérence, que, la coopération en matière d’instruction n’étant pas une nouveauté, il s’agit uniquement de simplifier la procédure: au lieu de passer chaque fois une convention avec un partenaire étranger, on disposera d’accords cadres, seules les modalités restant à définir. En d’autres termes, la Suisse ne sera même plus libre de décider de cas en cas si elle veut ou non accueillir des militaires étrangers sur son territoire. Ce droit sera acquis. Quant à la réciprocité, il n’en est pas fait mention. Sans doute s’agit-il d’un oubli, quoiqu’on puisse en douter, compte tenu de la propension de la Confédération à jouer les premiers de classe ou, si l’on préfère, à compenser son complexe d’infériorité par un zèle intempestif.

Ce qu’on ne nous indique pas, c’est le but final de tous ces entraînements des uns chez les autres.

Si les armées s’entraînent à défendre le territoire de leurs pays respectifs, il n’est nul endroit où elles peuvent le faire mieux que chez elles. En quoi serait-il profitable à des aviateurs belges de voler, ne serait-ce qu’en hélicoptère, au cœur de nos belles mais dangereuses montagnes ? Et pourquoi des pays dotés de montagnes viendraient-ils utiliser les nôtres ? Evidemment, nous, nous avons un gros handicap : l’exiguïté de notre territoire et la densité des constructions nuisent à la qualité de l’entraînement de l’armée suisse. Il faut dès lors trouver de plus vastes horizons. Est-ce à dire qu’en cas de guerre notre territoire serait moins exigu et la densité des constructions plus faibles ?

On voit poindre le but réel de l’opération derrière les notions d’interopérabilité – coopération en matière de conduite, d’équipement et de processus – et d’exercices communs – sans lesquels, c’est évident, notre armée ne saurait mesurer la qualité de son entraînement.

Le but ultime, c’est d’entraîner l’armée suisse à se battre au sein d’une force internationale, l’OTAN à n’en pas douter, dans la perspective de notre adhésion future à ce peu respectable organisme et à tous les autres «bidules» du même tonneau. Quel beau jour que celui où nos aviateurs auront enfin l’honneur de larguer des bombes sur la tête de pauvres gens dont les dirigeants ont violé les normes établies par la sacro-sainte communauté internationale !

A part cela, bien entendu, la modification de la LAAM est parfaitement compatible avec la neutralité et le
referendum de l’ASIN relève de la paranoïa !

Michel Aubert



Bricole

Comme on peut se tromper !

A propos de l’«explosion» du budget militaire récemment annoncée, le Conseiller fédéral Samuel Schmid aurait déclaré : «Une armée qui se veut autonome a besoin d’un armement adéquat. Plus vous avez de lacunes, plus vous devenez dépendant des autres.»

Bravo ! Le Conseil fédéral est donc bien décidé à ne dépendre de personne pour assurer la défense du pays. Voilà qui rassurera les partisans d’une Suisse indépendante et neutre qui s’imaginaient - mais où diable avaient-ils pêché cette idée ?– que la doctrine du «hérisson» était jugée obsolète par nos autorités.

Comme quoi on a toujours tort de prendre ses cauchemars pour la réalité.