Lausanne 31e année           «ne pas subir»          Janvier  2001 No 301





Sommaire :

Collections reliées
Editorial
Bricoles
Le cas des électriciens vaudois
Palestine : la paix impossible
Hululement
Une défense de l’idée de souveraineté
Les scrutins du 4 mars : 3 x non
En direct de Sirius



 
Collections reliées
Comme vous le savez, la rédaction se propose de faire relier à l'intention des lecteurs qui le souhaiteraient les numéros 1 à 300 de notre journal. 
Prix de la collection : Fr. 200.-
Commandes par simple carte à l'adresse de la rédaction : 
case 4047, 1002 Lausanne,
ou par fax aux nos 021-311 27 95 ou 021-616 95 06

 

Editorial

Il est encore trop tôt pour tirer un bilan définitif de l’exercice de mobilisation générale que nous avons proposé à nos lecteurs à la fin de l’année dernière, car tous les bulletins de versement ne sont pas encore rentrés. Mais nous tenons d’ores et déjà à remercier les nombreux lecteurs qui ont répondu à notre appel, non seulement en renouvelant leur abonnement, mais, très souvent, en versant des sommes supérieures et même très supérieures au minimum. Les montants à deux zéros ont été fréquents et nous avons même vu passer – merci Jean-François ! – un chiffre à trois zéros. Si les " retardataires " se montrent aussi généreux, nous pourrons selon toute vraisemblance paraître au moins six fois cette année. Ah ! Si le beau-fils de Louise Cougnard pouvait mettre ses menaces à exécution ! Mais il semble avoir choisi fort sagement de préserver la paix de sa famille, ce que nous ne saurions lui reprocher.

En attendant les résultats définitifs de l’opération réabonnements, nous tablons sur cinq livraisons. Le numéro 302 paraîtra début avril, ce qui nous oblige à traiter maintenant déjà des votations du 4 mars (cf. p. 4).

Certes, ces votations sont importantes, mais, à l’exception de l’initiative " Oui à l’Europe " qui est évidemment un " sujet porteur ", elles sont déjà éclipsées par celle du 10 juin sur l’armement à des fins d’autodéfense des soldats suisses à l’étranger. La controverse fait rage, le fait qu’il y ait deux référendums antinomiques – celui de l’" extrême droite " et celui de la gauche antimilitariste – contribue à élargir le débat, ce qui est d’ailleurs une excellente chose ; bref, on ne parle que de ça dans la presse, dans les assemblées et réunions de toutes sortes.

Pour les esprits schématiques de notre sorte, la solution est simple : les soldats suisses, qu’ils soient volontaires ou pas, n’ont rien à faire à l’étranger, car toute intervention d’un pays neutre dans un autre pays, fût-ce au nom du maintien de la paix, est contraire à sa neutralité. Pour le reste, la Suisse a surabondamment démontré qu’elle pouvait rendre d’inappréciables services d’ordre diplomatique ou humanitaire, sans se mêler de jouer les gendarmes dans des régions et au sein de populations qui ne lui ont rien fait et ne la menacent en rien, et cela uniquement, en réalité, pour " être comme les autres ", à la manière du gamin qui rougirait de n’avoir pas de trottinette, alors que tous ses copains en possèdent. Une telle attitude, même si elle peut se comprendre chez un enfant, relève de la bêtise pure.

Mais, me direz-vous avec raison, cette question est désormais dépassée, puisque nous envoyons de toute façon des soldats à l’étranger et que le débat porte uniquement sur l’opportunité de les armer. Très juste, à condition d’admettre que cet engagement est irréversible, ce qui reste à prouver. Quoi qu’il en soit, prétendre armer les " soldats de la paix " sous prétexte qu’il est honteux pour eux d’être protégés, pour prendre l’exemple du Kosovo, par des soldats autrichiens et qu’ils doivent pouvoir tirer eux-mêmes pour se défendre revient à mettre nos militaire engagés à l’étranger, qui n’appartiennent à aucune coalition et ne défendent aucun intérêt suisse autre que de prestige, au bénéfice d’un " permis de tuer ", qui ne devrait exister qu’en cas de défense de notre territoire. Mais ça, aux yeux des champions de l’ouverture et de la solidarité, c’est un raisonnement de vieux gaga.

Le Pamphlet


Bricoles

Coureur de fond(s)

"24 Heures" du 5 janvier consacrait une pleine page à l'exploit de Serge Roetheli, qui a entrepris une course à pied à travers l'Afrique pour récolter des fonds en faveur de "Terre des Hommes". Suivi par sa femme Nicole en moto, l'athlète valaisan a déjà parcouru plus de 6000 km dans l'indifférence générale des populations indigènes, ce dont le couple se plaint amèrement.

Dans "le Matin", sauf erreur, le rédacteur se lamentait de cette triste constatation : le coureur s'épuise, et l'Afrique s'en fout.

Une telle sottise a bienheureusement suscité l'ironie de plusieurs lecteurs de l'un et l'autre quotidiens, qui se gaussent à juste titre de cette folle entreprise, et même de son caractère indécent : les enfants africains courent derrière la moto de Madame pour lui réclamer quelque monnaie ? Comment pourrait-il en aller autrement !

De nos jours, celui qui est las de son travail de bureau, répétitif et ennuyeux, ou qui cherche en vain un employeur ou des clients, faute de compétences professionnelles utiles, annonce à grand fracas médiatique qu'il va pratiquer son sport favori "pour récolter des fonds en faveur de telle ou telle œuvre charitable" et qu'il a besoin, pour ce faire, de sponsors.

Le voilà embarqué pour un tour du monde en ballon, à pied sur les piste africaines ou seul dans un petit bateau dans l'immensité de l'Atlantique. Ce qui sera versé à l'œuvre caritative sera le bénéfice de l'opération, soit la différence entre les fonds récoltés, des sponsors et du public, et les coûts de l'opération, qui comprennent évidemment l'entretien du charitable sportif et ses frais effectifs.

On a lu sans surprise que M. et Mme Roetheli bénéficiaient du soutien de "leur ami Bertrand Piccard", autre vedette médiatique d'un exploit financé par Breitling et rendu possible par les métérologues restés au sol. Ce qui n'empêche pas ce psychiatre - apparemment sans patients - de refuser d'accorder une interview à des jeunes pensionnaires d'un home pour moins de Fr. 10'000.-

Comme le dit Mme Ariane Rosina, de Bevaux : "Alors moi, je trouve leur tentative valeureuse, mais je leur conseille tout de même de rentrer chez eux, et vite…"
 

Souveraineté

Interrogé par "24 Heures", notre ministre des affaires étrangères M. Joseph Deiss a déclaré : "Hors de l'Europe, la Suisse perd chaque jour de sa souveraineté".

Il a raison. En cas d'adhésion, l'avantage serait que nous cesserions de perdre cette souveraineté petit à petit, et chaque jour un peu, mais d'un seul coup entièrement.

Rafle

"La police tessinoise a fait irruption lundi 15 janvier à l'aube dans trois établissement publics où travaillaient des prostituées. Elle a interpellé 35 personnes et mis les locaux sous scellés. La rafle a eu lieu dans un bar de Melano ainsi que dans un restaurant et dans un night-club de Maroggia. Cinq gérants et 30 jeunes femmes de différentes nationalités ont été appréhendées". ("24 Heures" du 16 janvier, page
8).

Le Tessin est un pays merveilleux : Cinq gérants pour trois établissements publics ! Trente prostituées qui travaillent déjà (ou encore) à l'aube ! Et la police qui ferme les maisons closes. C'est à vous couper les jambes, comme aurait pu dire le vieillard opéré dans la clinique d'à côté.

Représentativité
 

Le 18 janvier, l’Assemblée nationale française a reconnu publiquement le génocide arménien de 1915. De quoi se mêle-t-elle donc ? La Turquie n’a pas apprécié et on peut supposer qu’elle n’est pas seule dans son cas. Si nous en croyons notre quotidien habituel, " Les députés présents dans l’hémicycle, au nombre d’une cinquantaine (sur un total de 577) ont salué le vote par des applaudissements. " Les Français peuvent dormir sur leurs deux oreilles. Leurs députés sont toujours sur la brèche et savent empoigner les vrais problèmes.

Bon élève

A l’occasion des funérailles de Laurent-Désiré Kabila, président de la République démocratique du Congo assassiné, le ministre belge des affaires étrangères Louis Michel s’est entretenu avec Joseph Kabila, fils du défunt, qui a été immédiatement et démocratiquement nommé nouveau chef de l’Etat. " Il était très attentif et très intéressé par ce que je lui ai dit ", aurait déclaré le ministre belge.
Elève Kabila, vous êtes bien gentil et bien poli. Vous aurez un bon point.

Indécence

Timothy McVeigh, assassin, a été condamné à mort aux Etats-Unis et sera exécuté le 16 mai par injection létale pour avoir commis en 1995 un attentat qui avait fait 168 morts et plus de 500 blessés. Dont acte. Pas gentil, le monsieur. A cette occasion, le gouvernement américain a, paraît-il, envoyé des lettres à 1100 personnes susceptibles de souhaiter assister à cette exécution. Pourquoi pas des cartons d’invitation mentionnant qu’un apéritif sera servi à l’issue de la manifestation ? On veut espérer qu’il ne se trouvera pas 1100 personnes pour se repaître du répugnant spectacle d’une mise à mort, mais à notre époque où tout est matière à spectacle, le doute est permis. En tout cas, le gouvernement américain, lui, juge la chose possible. Après tout, une bonne petite exécution, ça change de " Big Brother ". Le condamné est certes un vilain bonhomme. Mais même un vilain bonhomme devrait avoir le droit de mourir dans la discrétion.
 
 


Le cas des électriciens vaudois

Gros malaise au sein des milieux des électriciens et du service de la formation professionnelle, révélé par "24 Heures" le 16 janvier dernier : craignant que la moitié des apprentis n'échouent, une responsable de la formation professionnelle a remonté leurs notes, puis contraint les experts à plus de bienveillance.

Président de la Commission romande des chefs experts et lui-même patron d'une entreprise d'installations électriques, M. Luigi Mancini est effrayé par les résultats "catastrophiques" des apprentis aux examens de fin d'apprentissage.

Mme D., alors chef du secteur des examens de fin d'apprentissage au service de la formation professionnelle, en a été choquée, elle aussi.

Mais cet effroi partagé n'a pas débouché sur la même analyse. Pour Mme D. un taux d'échec de près de 50 % manifeste une sévérité excessive des experts, ou un programme scolaire inadapté. Pour les professionnels de l'électricité, la délivrance d'un certificat fédéral de capacités doit être
le garant d'une formation suffisante dans un domaine où l'erreur peut avoir des conséquences terribles, pour l'électricien lui-même comme pour le client ou le public en général.

Les lecteurs de "24 Heures" l'ont alimenté de leurs commentaires. Pour M. Georges Martin, de Bussigny, il faut féliciter M. Mancini et son groupe d'experts de leur intransigeance, car un CFC se mérite ou pas. Ce lecteur ajoute que Mme D. est peut-être une virtuose pour reconnecter une fiche d'appareil ménager, mais se demande si elle serait capable de câbler un tableau démarrage "étoile-triangle" pour un moteur industriel triphasé.

De son côté, M. Michel Grandchamp, de Lausanne, approuve hautement le "coup de pouce" de Mme D. aux apprentis "méprisés, traités sans ménagement, comme les parents pauvres de l'Instruction publique".

Le débat n'est pas simple et ces deux correspondants ne semblent pas discerner ni l'un ni l'autre le nœud du problème, qui se situe largement en amont.

Pour ma part, je comprends et j'approuve les milieux professionnels qui ne peuvent s'accommoder d'électriciens diplômés au rabais, au seul motif d'améliorer les statistiques cantonales. Le seuil des exigences en matière de compétence professionnelle, devrait plutôt s'élever, compte tenu de la complexité des techniques modernes, que diminuer. Pour des métiers comme celui d'électricien, il y a également un intérêt public à ce que les titulaires de diplômes jouissent effectivement des compétences attestées.

Je comprends aussi les tourments de Mme D. et j'approuve l'analyse de M. Grandchamp lorsqu'il écrit : "il est inadmissible que la moitié des apprentis en électricité échouent après quatre ans de formation. A qui la faute ? Aux élèves paresseux et ignorants ? Ou au système scolaire incapable d'amener la grande majorité des élèves à la réussite, ce qui est son rôle et son devoir ?".

Le problème, c'est que les écoles professionnelles ne peuvent combler en quatre ans de formation, à la fois générale et spécifique, les lacunes accumulées, en français et en mathématiques notamment, pendant les 10 ans qui précèdent l'entrée en apprentissage.

L'école de base, autrefois "primaire", n'ayant plus la vocation de transmettre des connaissances, mais de susciter l'épanouissement personnel du petit d'homme, il sortira de l'école obligatoire sans avoir subi l'échec traumatisant, sans connaître ni les tables de multiplication (il a sa calculette) ni les règles d'accord du participe passé (il bénéficie du correcteur d'orthographe de Microsoft sur son PC), ni mille autres choses que les instituteurs obsolètes se donnaient un plaisir sadique de nous faire apprendre par cœur, mais il sera heureux, épanoui, intelligent, après avoir largement acquis la maîtrise de l'ordinateur et les bases de la lutte contre le racisme et l'exclusion.

Les gymnases ont dû baisser leurs exigences dans la même proportion. Les Universités suivent le mouvement, sans trop de peine, car la vraie sélection, inévitable, se fera après, au moment d'entrer dans les professions, ou dans les mois qui suivent. On observe déjà qu'il ne suffit plus, pour être pris au sérieux, d'être titulaire d'une licence universitaire. Un doctorat, une Maîtrise, ou une expérience d'un à deux ans à l'étranger deviennent presque un préalable nécessaire à toute candidature. C'est le signe d'une dépréciation constante de la qualité des études.

Les maîtres de l'enseignement professionnel ne sont pas responsables de cette dégradation, ni les professeurs de gymnase ou de l'Université, ni même les instituteurs et maîtres secondaires, à titre individuel. Inutile de préciser que les apprentis, non seulement ne sont pas responsables non plus de cette descente aux Enfers, mais qu'ils en sont les principales victimes.

C'est à titre collectif, cependant, que le corps enseignant porte une responsabilité dans la baisse des connaissances de base, car il n'a pas voulu ou pas su, à temps, s'opposer corporativement aux calamiteuses réformes de l'enseignement dont le canton de Vaud souffre depuis plus de
trente ans. Ils ont même approuvé et encouragé ces bouleversement successifs, de la "réforme Ogay" à EVM, en marchant benoîtement derrière les flûtistes du département et en assurant les parents d'élèves que tout irait mieux après.

Et si l'Ecole professionnelle n'a pas procédé plus tôt à la sélection nécessaire, et a laissé des apprentis, incapables de rattrapper (ou d'acquérir) le niveau voulu, poursuivre leur vaine tentative jusqu'en 4e année, c'est sans doute, comme la pédagogie actuelle l'exige, pour leur "laisser une chance", pour leur éviter le "traumatisme de l'échec" et pour n'avoir pas à avouer à Mme la Chève du département que sa philosophie - et celle de ses prédécesseurs, inspirée des mêmes penseurs gauchisants - est radicalement fausse.

Avec le cas des apprentis électriciens, on en a aujourd'hui une nouvelle confirmation

Claude PASCHOUD



Palestine : la paix impossible

Israël et les Palestiniens n’en finissent pas de ne pas faire la paix. La presse nous rapporte quotidiennement les hauts et les bas des négociations, les déclarations optimistes suivies de discours vengeurs, les ruptures et les retrouvailles, les sommets stériles et les discussions marathon, les points de discorde et les concessions refusées, sans parler des violences commises de part et d’autre. En dépit de ce tableau décourageant, tout le monde médiatique et officiel semble penser que les protagonistes
souhaitent réellement une paix durable et équitable, que c’est une affaire de temps et de patience. Or, rien n’est moins sûr. Yasser Arafat, quoique quelque peu démonétisé, reste le personnage emblématique de la lutte palestinienne contre l’occupant et ne souhaite pas nécessairement prendre une retraite paisible dans une Etat Palestinien indépendant et pacifié. Quant aux premiers ministres israéliens qui se sont succédé ces dernières années, ils ont tous, indépendamment de leur appartenance politique, proclamé bien haut leur volonté de trouver une solution à la question palestinienne et tous – à l’exception d’Ytzhak
Rabin qui en est mort – agi à fin contraire.

Est-ce à dire qu’Israël ne peut et ne veut survivre que dans une situation de guerre latente ou ouverte ? Il serait aventureux de le prétendre. Il n’en reste pas moins qu’un Etat d’Israël en paix avec ses voisins perdrait beaucoup de son influence sur la scène internationale. Il ne serait plus qu’un pays encore moins important que la Suisse et qui ne soulèverait plus guère d’intérêt, sinon touristique. Il verrait aussi, probablement, s’amenuiser l’aide américaine et celle de la diaspora. Bref, il devrait renoncer à la
puissance.

A mon avis – mais c’est pure conjecture -, c’est là que le bât blesse. Et si, par malheur, j’ai raison, il n’y a aucune espoir que le " processus de paix " trouve jamais son aboutissement.

Mariette Paschoud



 

Hululement

Je m’amuse beaucoup à la lecture dans chaque numéro du Pamphlet, des En direct de Sirius de Max, dont l’humour est toujours pertinemment lucide.

Petite réflexion (mais pragmatique) sur sa dernière chronique. Dans ses propos sur " les nains au sommet de Nice ", il écrit, concernant ceux qui veulent à tout prix nous imposer leur Europe, que " l’on peut se demander si c’est bien par naïveté qu’ils donnèrent tête baissée dans le piège d’un Euro asservi au dollar, aux ordres d’une mondialisation à la botte des Etats-Unis ".

Moi, je me demande… Je me demande si les Etats-Unis ne sont pas, eux-mêmes, à la botte des mondialistes. Je crois sincèrement, comme je l’ai écrit le mois dernier dans une chronique, que Clinton, Chirac. Blair et Schröder obéissent au même maître. Ou, si l’on préfère, aux mêmes maîtres. Pluriel, car ils sont au moins deux. Je suis sûr que, comme moi, vous connaissez leurs noms. Hélas, dans nos chers et vieux pays, il est interdit par la loi de les écrire.

Roger Minne(1)

(1) Roger Minne est directeur du «Cri de la Chouette» (Club de la Chouette, BP 444, F-75327 Paris Cedex 07), d'où le titre tout empreint de l'humour glacé et sophistiqué cher à Gotlib que nous avons donné à son commentaire.(Réd)


Une défense de l’idée de souveraineté

                                                          «En Louis XVI, ce que la Révolution veut frapper
                                                            n’est pas le criminel, mais le souverain : son crime est
                                                            celui d’être roi ; ce qui est à la barre n’est pas
                                                            l’homme, mais l’institution monarchique elle-même et,
                                                            derrière l’institution, un principe : la conception
                                                            traditionnelle de la souveraineté».

                                                            Prof. Roberto de Mattei : "La souveraineté
                                                            nécessaire", éd. Fr.-X. de Guibert, Paris 2000, p. 98

                                                          Il est aujourd’hui possible de vivre ce que vécut le
                                                            roi Louis XVI en demeurant simplement ce que l’on
                                                            est. Car la société moderne fait de tout homme libre
                                                            en position légitime et naturelle d’autorité sur ses
                                                            semblables un criminel qu’elle condamne à l’exil
                                                            intérieur, à l’inexistence administrative et, finalement,
                                                            à la mort.

                                                            Michel de Preux
 
 

Le Professeur Roberto de Mattei vient de publier aux éditions Fr.-Xavier de Guibert, à Paris, dans la collection Combat pour la liberté de l’esprit, un essai de 200 pages sur la nécessité de l’idée de souveraineté. Cette réflexion se développe autour de trois chapitres qui constituent autant d’axes ou de points de référence de la connaissance critique de cette idée, de sa genèse et de son évolution. En gros, tout ce que l’on nomme aujourd’hui " l’Ancien Régime " depuis Charlemagne aurait vu émerger cette
idée, qui n’a pas changé substantiellement, dans l’ordre politique, jusqu’à la Révolution française. Cette idée est donnée comme inséparable de la société, c’est-à-dire de la société politique indépendante, de l’Etat. A la fois limitée et absolue, autrement dit indépendante dans son ordre propre, elle est un phénomène universel. Très justement, le Professeur de Mattei qualifie cette idée, désormais sécularisée et illimitée, telle que défendue par les philosophes contractualistes, à partir de Thomas Hobbes, de
" conception révolutionnaire de la souveraineté " : c’est son deuxième chapitre, qui décrit toutes les étapes de son cheminement vers son triomphe à la Révolution française et, depuis, sa destruction lente mais inéluctable, par les différentes théories socialistes, dont l’auteur démontre les parentés profondes même lorsqu’elles se prétendent ennemies (nazisme et communisme, stalinisme et trotskysme , anarchisme et écologisme). C’est son troisième chapitre.

Ce dernier chapitre présente, pour la connaissance du monde actuel, le plus vif intérêt. J’y relève tout spécialement la fort pertinente analyse du nazisme, que tous les imbéciles situent à l’extrême droite et y amalgament le conservatisme, la défense d’un Etat fort et d’un patriotisme intransigeant. Or le nazisme fut une entreprise de déconstruction de la nation allemande. Il fut viscéralement anarchiste et nihiliste et je souscris entièrement à cette proposition : " Ce qui est certain, c’est que le national-socialisme ne fut un avatar ni du prussianisme ni de l’impérialisme allemand, mais une révolution vouée à instaurer un ordre nouveau qui n’aurait été rien d’autre qu’un macroscopique désordre européen. " (op. cit., p. 134).
Et celle-ci : " Ce n’est pas un hasard si la plus grande résistance à Hitler provint de deux milieux qui s’étaient vigoureusement affrontés au XIXème siècle : les junkers prussiens et les catholiques. Les mêmes, au XXème siècle, se retrouveront ensemble dans la défense des valeurs hiérarchiques de la société contre l’esprit prolétarien et anarchique du nazisme " (Ibid., p. 135). D’autres que le Professeur de Mattei, notamment dans la revue Immédiatement, ont établi une généalogie entre l’Europe nazie et celle de Bruxelles. Ce fait est désormais d’évidence, quoique méconnu. Les fondateurs de l’Europe de Bruxelles, et notamment le premier directeur du Monde, Hubert Beuve-Méry, avaient agi primitivement sous les auspices de Goebbels et d’Hitler ! Leurs successeurs y ajoutent Staline et Robespierre. Ce n’est pas parce que l’anarchie despotique devient bureaucratique qu’elle change de nature. L’Europe politiquement victorieuse gère le désordre en l’entretenant, en le provoquant, et ce désordre nourrit ceux qui en vivent.

C’est pourquoi rien n’est plus important que de comprendre que les gens de bien n’ont plus une seconde à perdre dans un commerce avec ces hommes-là, car ils ne forment avec eux aucune espèce de société. Il faut que les gens de bien se retrouvent entr’eux, existent pour eux-mêmes d’abord, forment eux-mêmes une société ou des sociétés véritables. C’est en effet de leurs sociétés, et d’elles seules, que naîtront celles qui prendront le relais de notre civilisation à l’agonie. Un phénomène analogue se passe à l’intérieur de l’Eglise, qui est certes plus délicat à circonscrire avec exactitude. Le Professeur de Mattei l’élude
malheureusement. Cette omission est une lacune véritable de son essai, dans la mesure où le progressisme chrétien, un œcuménisme et un irénisme déviants donnent une caution cléricale d’apparence catholique-romaine à l’ensemble du processus révolutionnaire et désarticule la résistance chrétienne, qui est entravée dans ses initiatives et dans ses actions par un hiérarchie elle-même gagnée par toutes les errances politiques et sociales contemporaines.

Autre lacune, mineure mais digne de mention : la défense de l’idée de souveraineté est trop exclusivement théorique et abstraite, si bien que le lecteur non averti peut ne pas comprendre pourquoi elle est, dans la réalité du temps et de l’espace, plurielle, comme les Etats. Or la pluralité des souverainetés est au moins un phénomène aussi important que sa notion générale et théorique, et elle l’est d’autant plus en l’occurrence que c’est bien la défense des Etats qui est entreprise dans cette étude à travers la clarification de la notion orthodoxe de souveraineté. La pluralité des souverainetés ne s’explique pas autrement que
par la plénitude de la propriété privée, qui rend son détenteur indépendant de ses pairs en raison de ses propres forces. D’où l’importance de l’histoire – référence inexistante dans cet essai et de ce point de vue – pour expliquer l’origine de cette pluralité et celle des hiérarchies sociales naturelles qui expliquent à leur tour la genèse concrète de telle ou telle souveraineté, de tel ou tel Etat. Cette genèse est d’ailleurs rendue impossible par l’égalitarisme bourgeois et révolutionnaire. Le libéralisme bourgeois lui en a fermé la porte en ouvrant celles du socialisme, qui est son seul dépassement possible dans la société moderne.

Ceci dit, nous invitons nos lecteurs à lire cet essai, qui constitue un ouvrage de référence essentiel et prolonge une autre réflexion du même auteur autour du thème " de l’utopie du progrès au règne du chaos ", publié en 1993 aux éditions de l’Age d’Homme à Lausanne, dans le collection Mobiles.

Michel de Preux


Les scrutins du 4 mars : 3 x non

Les objets soumis à la sagacité du peuple suisse, le 4 mars prochain, sont d'importance très inégale.

Le prix des médicaments

L'intitiative de M. Schweri, patron de Denner, "pour des médicaments à moindre prix" obligerait notamment le médecin à prescrire le médicament le meilleur marché, en recourant aux copies "génériques" s'il en existe. Elle exige aussi que tous les médicaments vendus dans les quatre pays limitrophes puissent l'être aussi en Suisse, sans autorisation.

Ces deux objectifs sont à notre avis une fausse bonne idée.

Le système de contrôle effectif en Suisse assure aux médicaments qui y sont vendus une certaine qualité et une certaine sécurité, à défaut d'en pouvoir garantir l'efficacité. Les normes de certification en usage à l'étranger ne sont pas les mêmes, et il serait dangereux que n'importe quel fabricant d'un produit quelconque puisse, en le faisant homologuer dans un pays limitrophe, jouir d'une autorisation automatique de vente libre en Suisse.

En outre, il m'a toujours semblé insolite que les autorités - comme Mme Dreifus, par exemple - nous recommandent de porter notre choix sur des copies, au mépris des intérêts des grands groupes phamaceutiques helvétiques et, à terme, des emplois dans ce secteur exportateur important,
alors même que le marché des copies dans l'industrie horlogère est - à juste titre - l'objet d'une répression féroce.

NON !

Rues pour tous

L'initiative "Rues pour tous" visant à limiter à 30 km/h la vitesse automobile autorisée dans les localités, est également une fausse bonne idée. Visant à la sécurité des piétons, son acceptation aurait pour effets une augmentation de la pollution, des bouchons et finalement des accidents, par le fait que les conducteurs auraient l'œil plus souvent fixé à leur compteur de vitesse qu'à la circulation.

NON !

Europe

Contrairement à ce que semble indiquer son titre, l'initiative "Oui à l'Europe" n'a pas pour objet une décision de principe sur notre candidature à l'Europe de Bruxelles, mais demande que le Conseil fédéral "engage sans délai des négociation avec l'Union européenne en vue d'y adhérer".

Pour des raisons essentiellement tactiques, le Conseil fédéral, pourtant partisan de l'adhésion, et les Chambres fédérales, recommandent le rejet de cette initiative, au motif avoué qu'elle irait trop loin, en exigeant l'ouvertures de négociations immédiates, sans nous laisser le temps de juger des effets des accords bilatéraux qui ne sont point encore entrés en vigueur.

Comme il est probable que cette initiative sera rejetée, l'establishment tient de cette façon à minimiser l'échec annoncé des initiants. On nous fera remarquer que les bulletins négatifs ne devront pas être interprétés comme un NON à l'adhésion, mais seulement comme un NON à l'ouverture de négociations immédiates, ce qui sera exact.

En revanche, le nombre des OUI sera plus clair. Pas un seul bulletin favorable ne pourra être interprété autrement que comme une volonté d'adhésion au Grand Moloch. Il donnera le nombre minimum de citoyens disposé à engager la Suisse dans une politique d'alignement, d'abandon de sa souveraineté, et finalement de sujétion aux puissances politico-économiques dont les membres les plus représentatifs
dissertent ces jours à Davos.

Il est d'ailleurs paradoxal de trouver parmi les plus fervents euromaniaques des personnes à la sensibilité plutôt de gauche, qui s'appuient sur les déclarations optimistes (pour les profits qu'ils attendent d'un élargissement de leurs marchés) d'industriels ultra-libéraux, d'y rencontrer des démocrates sourcilleux sur l'exercice des droits populaires qui accepteraient sans état d'âme d'être gouvernés par des Commissaires
tout-puissants élus par personne, d'y voir des pacifistes impatients que notre pays s'engage dans des guerres proches ou lointaines sous la bannière moralisatrice de l'Europe des marchands de canons, d'y côtoyer enfin des gens aux revenus modestes appelant de leurs vœux une inflation, une TVA et un taux de chômage proche de la moyenne communautaire.

NON !



En direct de Sirius

Nuremberg bis

Sans doute à titre de mise en condition pour les séances à venir du Tribunal Pénal International de La Haye, TF1 a servi récemment une Xème version du " Procès de Nuremberg " assaisonnée du savant mélange de vérités, semi-vérités, contre-vérités, falsifications et omissions habituel qui a dû faire larmoyer dans les chaumières.

Certes, la brillante et courageuse défenses d’un Goering, sevré de morphine, a été assez honnêtement présentée. Et l’on pourrait peut-être rappeler ici que le psychiatre J.M. Gilbert avait admis, dans ses mémoires, avoir été stupéfait du quotient intellectuel bien supérieur à la moyenne (le second par ordre d’importance après celui Hjalmar Schacht) de son " patient ", comme, du reste, ceux de tous ses co-accusés, à l’exception notable du très fruste Julius Streicher. On aurait aimé voir évoquer
certaines de ses boutades célèbres, en cette occasion, notamment à propos de certains témoignages à charge : " Si l’on rassemblait tous les authentiques fragments de la croix du Christ, on pourrait construire un assez joli chalet dans l’Obersalzberg ".

Et si le jeu subtil des vainqueurs, mettant en opposition l’ex-Reichsmarschall et Speer, aux fins d’empêcher toute stratégie de défense concertée, fut assez bien représenté, le personnage complexe et quelque peu falot de l’ex-ministre de l’armement du Reich a été – à dessein ? – survolé, et il n’a été à aucun moment précisé que ce dernier fut, de l’avis du juge russe, " miraculeusement épargné ", n’écopant que de vingt ans, lors même que l’accusation soviétique exigeait sa tête pour avoir permis, par son efficacité organisatrice et décisionnelle, la prolongation d’une guerre terrible bien au-delà de 1943. Peut-être conviendrait-il de rappeler également que l’intégralité des droits d’auteur provenant de la publication des mémoires du grand architecte d’Hitler fut versée à des organisations juives… très certainement au titre de dédommagement (1)

Cependant, quelques " détails " de taille ont été omis : rétroactivité du droit, déclaration initiale sur la recevabilité inconditionnelle des témoignages à charge de toutes natures et sur tous supports, maintien du crime de Katyn – très récemment reconnu crime de guerre soviétique par la Fédération de Russie(2) - sur le seul acte d’accusation soviétique, soudaine admission de responsabilité de Hess, pour n’en citer que quelques-uns.

A leur tour, les téléspectateurs ont pu juger…

Buy ! Buy ! says the sign in the shop window… Why ? Why ? says the junk in the yard(3)

Je suis un incorrigible optimiste qui se réveille chaque matin le sourire aux lèvres, en se demandant quel nouveau besoin les disciples d’Hermès(4) auront encore inventé pour l’amener à acquérir, à prix d’or, l’un de ces multiples objets " indispensables " pour lesquels il n’a, en fin de compte, aucun emploi, et qui rendent finalement, par le jeu de la compression des volumes, son espace vital… invivable ! Ainsi, au siècle dernier, ai-je été, sans doute, l’un des premiers utilisateurs d’un téléphone portable, et
certainement le premier à l’envoyer, d’une trajectoire aussi élégante que définitive, dans une benne à ordures. Ne désirant pas figurer au nombre de ceux que l’on " bippe " et craignant de finir dans la peau de ceux qui font " tilt ", j’avais jugé que la préservation d’une partie essentielle de mon indépendance était à ce prix.

Un pasteur très " œcuménique "

"Je suis un fidèle de vos émissions télévisées (…). A propos des événements au Proche-Orient et (…) dans notre très cher Israël, je vous envoie mon soutien le meilleur. Je suis pour Israël et je demeure le grand ami des juifs de France.

Je ne suis pas d’accord avec le président Chirac pour le soutien qu’il apporte aux Palestiniens. Je suis profondément déçu. Je ne suis pas juif de naissance mais je le suis du cœur. Je ne suis pas israélien mais je soutiens fermement Israël. Dieu me permettra peut-être, un jour, de visiter ce pays, le plus beau de tous les pays et de voir Jérusalem…

Les Palestiniens voudraient gagner politiquement ce qu’ils ont perdu par les armes.

Je me suis rendu, deux samedis de suite, à la prière dans deux synagogues – l’une séfarade et l’autre ashkénaze – pour exprimer ma solidarité avec les communautés juives meurtries. "(5)

Voilà un pasteur qui fait montre d’un bel enthousiasme, au point qu’on peut se demander s’il ne conviendrait pas qu’ayant décidé d’abandonner toute circonspection, il pense à la circoncision et embrasse, en toute loyauté, une religion plus appropriée aux valeurs auxquelles il croit bon d’adhérer si explicitement.

Max l’Impertinent
 

(1) L’auteur de ces lignes possède une lettre manuscrite de Speer, que ce dernier lui adressa en 1971, et qui est assez significative du retournement d’un des plus grands protégés du Führer.
(2)… mais dont les auteurs ne faisaient aucun doute, dès 1943, pour la délégation internationale conviée par les Allemands, en particulier pour le Professeur Naville, chirurgien et médecin légiste genevois et seul neutre à avoir accepté de se rendre à ladite invitation (ce qui est bien regrettable pour l’image d’impartialité des autres pays neutres…).
(3) "Achète ! dit l’affichette dans la vitrine… Pourquoi ? dit la ferraille dans la cour" d’une chanson de Paul Mac Cartney
(4) Dieu grec du commerce, mais aussi, curieusement, des voleurs…
(5) Pasteur Philippe Muzart, dans " Information Juive " (no 204, janvier 2001, page 6).