Lausanne 29e année «ne pas subir» Janvier 2000 No 291

 
 
 

Bavures
 
Pour la presse de boulevard dont le niveau intellectuel et moral frise le zéro absolu, la mort tragique d'un gangster français, abattu par un policier genevois, est évidemment une "bavure" : on accordera, fausse fenêtre pour la symétrie, une petite interview à M. Gérard Ramseyer, patron de la police genevoise, et on laissera principalement la parole aux lamentations hypocrites de la famille du défunt, qui prétend avoir tout ignoré des activités délictueuses des malfrats, pourtant plusieurs fois condamnés : tous bons fils, bons époux, bons pères, de bien braves antiquaires qui se présentaient munis de fausses cartes de police, pour rigoler, chez des vieilles dames qu'ils soulageaient de leurs économies superflues.

Face à ce gentil petit gang même pas armé, un Rambo au front bas, membre des services techniques de la police scientifique, qui aurait pu continuer son chemin en alléguant qu'ils avaient déjà passé lorsque l'avis lui est parvenu, ou qu'il avait renoncé à intervenir pour ne pas mettre en danger la sécurité des tiers, ou quelque autre excuse, et qui se serait contenté d'indiquer par radio la route suivie par les brigands, comme au jeu de la patate chaude.

Le courageux fonctionnaire a pris ses responsabilités. L'enquête établira s'il a excédé son devoir de fonction, mais la rédaction du "Matin" a pris parti : le policier a "brisé toute une famille".

On ne se souvient pas d'une telle mansuétude pour la famille du douanier sauvagement écrasé par d'autres (peut-être sont-ce d'ailleurs les mêmes) représentants de cette si sympathique pègre française; on n'a que peu de considération pour les vieilles toquées assez stupides pour laisser pénétrer chez elles faux plombiers, faux policiers et faux représentants de la régie.

Pour jouir de la sympathie des media, mieux vaut être une victime de la police qu'une victime du voleur.
 

Dans un registre un peu différent, les Margot de l'Helvétie s'apitoyent aujourd'hui, sur ordre d'un torchon alémanique, sur les ennuis financiers de Mme Lise-Marie Morerod, ruinée par sa passion du jeu ! Des collectes sont organisées et on se propose de "taper" des fondations charitables, pour restituer à Boubou ce qu'elle a malheureusement égaré dans les casinos de France et de Navarre.

Elle-même incite vivement ses compatriotes de lui "rendre un peu de la joie qu'elle leur a procurée" du temps de ses exploits sportifs, lesquels, soit dit en passant, lui ont tout de même rapporté plus que le RMR.

Espérons que les petites vendeuses de grands magasins et que les retraités AVS à Fr. 2010.- par mois sauront mettre la main au crapaud et constitueront en faveur de Lise-Marie le jackpot que la Française des jeux lui a obstinément refusé jusqu'à aujourd'hui. Il me paraît en outre qu'un don de la Loterie romande serait le bienvenu. Et puis, une collecte nationale en faveur d'une malade du jeu, ça nous changerait agréablement des campagnes charitables habituelles, dont les bénéficiaires sont toujours des malheureux tombés dans le dénuement injustement, sans faute de leur part. Ce serait un peu la revanche du vice sur la vertu. Et ce serait en outre une formidable opération de publicité pour le futur grand casino de Montreux… ou de Lausanne : après Guizot et son "enrichissez-vous", voici Morerod : "ruinez-vous calmement, Ogi veille sur vous".
 

Escalade dans l'indécence médiatique : un jeune écolier lausannois trouve la mort, accidentellement, sur le chemin qui le ramène de l'école. Une heure après la découverte du corps, la radio livre les premiers détails (avant même que la famille soit informée), les pisse-copie envahissent le tea-room d'une parente, on interroge les voisins, les enfants du quartier et on finit même par sonner à la porte des malheureux parents. Une équipe de la télévision fera de même, caméra sur l'épaule ! Le lendemain, une partie de la presse donne le prénom de la victime, et l'adresse de ses parents, dont l'indignation face à une telle impudeur donne naissance à de nouveaux articles.
  Dernier exemple, relevé par le service de presse No 560 de l'Association romande des téléspectateurs et auditeurs : il y a bien des années, à Zurich, un homme reconnu coupable de plusieurs meurtres est condamné à une longue peine de réclusion. Arrivé récemment aux deux tiers de celle-ci, il vient d'être libéré conditionnellement : c'est la loi. Convenait-il de faire à cette décision les honneurs d'une mention dans l'émission principale du Téléjournal ? Lorsqu'on connaît les difficultés qui attendent un condamné à sa sortie de prison, on ne peut que regretter une telle publicité, qui va attirer l'attention sur une vieille affaire et sur un homme qui aurait, au contraire, besoin de discrétion pour réussir son retour à la vie libre. Au surplus, la nouvelle ne présentait aucun intérêt pour les téléspectateurs romands.
  On se demande finalement s'il y a, dans la presse romande, quelqu'un qui s'intéresse à la déontologie, qui devrait être le souci des responsables de la formation professionnelle et des rédacteurs-en-chef ou si l'éthique est un domaine réservé exclusivement aux vieilles gloires d'un journalisme caduc, les Gross, les Vodoz, promus "médiateurs" pour faire croire qu'il existe aussi, dans les entreprises de presse, un service après-vente ou un bureau des réclamations soucieux des réactions des clients.
 

Claude Paschoud



Courageux combat

 

M. Claude Vorihon, dit "Raël", a été contacté en 1973 par des extraterrestres habitant une planète située à neuf milliards de kilomètres, qui l'ont chargé de répandre une nouvelle religion athée sur terre. Et il s'acquitte de cette mission, depuis 25 ans, avec une belle persévérance.

En France, cette équipe de doux dingues a été estampillée "secte dangereuse" par le rapport "les sectes en France" enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale en 1995. Dangereuse, selon les députés, car remplissant au moins l'un de dix critères suivants définis par les Renseignements généraux (police politique dépendant du Ministère de l'Intérieur)

   -  déstabilisation mentale
   -  exigences financières exorbitantes
   -  rupture avec l'environnement d'origine
   -  atteintes à l'intégrité physique
   -  embrigadement des enfants
   -  discours antisocial
   -  troubles à l'ordre public
   -  démêlés judiciaire
   -  détournements des circuits économiques
   -  infiltration des pouvoirs publics

Peut-on me citer une seule religion, officielle, qu'on n'ait pu accuser de toutes ces calamités, pour autant qu'on n'y adhère pas et qu'on la tienne pour vaine superstition ?

A propos, quel était le prix qu'une honnête congrégation religieuse réclamait à une jeune fille de bonne famille manifestant le désir d'entrer dans ses ordres ?

Une fois entrée au couvent, la jeune sœur Marie Gabrielle n'avait-elle pas rompu avec son environnement d'origine ? N'est-il pas arrivé, dans ces établissements et jusqu'à une époque très récente, que les religieuses infligent aux novices et aux élèves laïques des châtiments corporels très durs ?

Le discours des moines contemplatifs n'est-il pas par essence antisocial ? Le prosélytisme n'implique-t-il pas la conversion du plus grand nombre, y compris des magistrats ?

Le grief le plus ridicule est celui de "démêlés judiciaires", sans autre précision. Car sera immanquablement l'acteur de "démêlés judiciaires" celui qu'on aura traîné devant les tribunaux, même sans aucun motif.

Certains ont besoin de haïr. La haine est la seule justification de leur médiocrité. Comme ils sont trop lâches pour manifester publiquement leur haine à l'endroit des puissants, ils s'en prennent, nuitamment, à des affiches : recouvrir en catimini un portrait de Christophe Blocher de croix gammées ou apposer sur les affiches du mouvement raélien des slogans diffamatoires leur paraît le summum du courage politique et de
l'hygiène sociale.

C.P.