Lausanne 29e année «ne pas subir» Avril 1999 No 284

 

Sommaire :

...d'un coeur léger
Un signe de contradiction
Vercingétorix...
 

…d'un cœur léger !

C'est sauf erreur le ministre Emile Ollivier qui assumait, en 1870, la guerre "d'un cœur léger". Je suis effrayé de constater que cent trente ans plus tard, et malgré les épouvantables conséquences des conflits de 14-18 et de 39-45, les nations prétendument civilisées ont pris d'un cœur léger la responsabilité de déclencher dans les Balkans une guerre dont les conséquences économiques, politiques, culturelles et humaines risquent de s'étendre sur tout le prochain siècle.
Et ce n'est pas le moindre paradoxe de cette consternante affaire que de dénombrer parmi les pire traîne-sabre, au milieu des plus bellicistes ganaches, au sein des boutefeux les plus excités, les anciens pacifistes gauchisants de notre jeunesse, les objecteurs "de conscience" adeptes d'un service civil, les pisse-copie de la grande presse qui, lorsque nous partions payer nos galons, nous brocardaient en affirmant qu'ils avaient "autre chose à foutre" qu'à se traîner dans la boue pour tirer sur des cibles B.
Ce sont les mêmes qui, aujourd'hui, se félicitent hautement des frappes aériennes sur la Serbie, et tentent de nous faire avaler que l'exode des populations civiles du Kosovo n'est nullement la conséquence directe de cette agression de l'OTAN contre un pays souverain, au mépris de tout droit international, mais que cette catastrophe est due à la cruauté des troupes de M. Milosevic.
Aucune guerre, au XXe siècle, n'a jamais mis aux prises deux adversaires dont l'un se serait toujours comporté selon les règles de la chevalerie et l'autre selon les préceptes de la pire barbarie. Il y a eu, il y a des deux côtés des chefs, des officiers, des soldats qui se sont efforcés, qui s'efforcent encore de limiter les souffrances humaines infligées à l'adversaire, de préserver les civils, les édifices d'intérêt culturel, les lieux de culte. Il y a eu aussi, de part et d'autre et il y a encore parmi les Serbes comme parmi les Albanais, les Bosniaques, les Croates ou les Monténégrins, chez les Hutus comme chez les Tutsis, des sadiques, des voyous, des tortionnaires, des bandits de droit commun auto-promus commandants ou colonels, des assassins et des violeurs.
C'est après la fin des guerres qu'on découvre normalement (ou qu'on invente, le cas échéant) les atrocités commises par les vaincus. Les vainqueurs sont moralement blanchis de leurs pires saloperies, puisqu'ils étaient dans le camp des Gentils, et que dès lors tout devait nécessairement être mis en œuvre pour écraser les Méchants. Le massacre de populations civiles n'a pas la même odeur s'il est commis par ordre du tyran abhorré ou s'il s'est malencontreusement produit dans une opération de maintien de l'ordre sous commandement du Gendarme universel.
L'originalité de la guerre actuelle réside dans le fait que la presse n'est plus diverse, mais une. Il y a toujours, certes, de multiples titres, mais tous s'abreuvent aux mêmes sources, tous leurs collaborateurs ont fait allégeance à la Pensée unique (condition sine qua non du maintien de leur emploi) et tous, du coup, prennent le parti du même camp avant même la fin du conflit.
C'est à qui nous relatera les atrocités les plus ignobles, c'est l'escalade de l'horreur et les récits les plus poignants dans l'abomination sont également les moins crédibles. Les mêmes bobards de guerre qui ont déjà servi lors des deux dernières nous sont réchauffés pour l'occasion : il y eu, en 14-18, les enfants belges aux mains coupées; à la suivante, il y a eu les savons de graisse humaine ou les cadavres qui brûlaient dans des fosses sans apport de carburant, invention du célèbre faux témoin Elie Wiesel; il y eut aussi des chambres à gaz homicides sans aucun orifice d'amenée ou d'évacuation des gaz…
Les horreurs réelles ne suffisent déjà plus à nos chroniqueurs, les massacres vérifiés sont insuffisants. Il leur faut du plus macabre et on me signale que déjà, sans le moindre commentaire critique, la presse suisse recueille pieusement le "témoignage" d'un rescapé qui décrit de prétendus "événements" impossibles selon les lois de la physique élémentaire.
Il ne s'agit pas de minimiser les souffrances des habitants du Kosovo, ni de ceux qui sont chassés ni de ceux qui choisissent de partir. Mais on n'a pas le droit moral non plus d'ignorer les souffrances du peuple serbe bombardé sans droit.
Dans un premier temps, les services d'information de l'OTAN prétendaient que leurs objectifs étaient purement tactiques et que la population civile ne serait pas touchée. Aujourd'hui, le ton a déjà changé et on recherche activement "l'espion", au sein du haut commandement de l'Alliance, qui aurait informé Belgrade de l'imminence d'un bombardement sur le ministère yougoslave de l'Intérieur, dans la nuit du 3 avril, et qui aurait permis ainsi que ce ministère soit évacué. "La nuit précédente, nous raconte 24 Heures avec dépit, de nombreux employés travaillaient dans le bâtiment". Les indiscrétions ont aussi permis à la police serbe de barrer un pont quelques minutes avant son bombardement et de faire sortir les soldats d'une caserne peu avant des frappes. On sent bien que pour l'OTAN, comme pour le journaliste du dodu quotidien, il est bien fâcheux que les nombreuses petites dactylos et les apprentis travaillant dans ce ministère, que les touristes et les mères de famille qui allaient s'engager sur le pont, que les recrues cantonnés dans cette caserne n'aient pas été déchiquetés par les bombes de l'Alliance, et ce par la faute de cet espion.
Au début, il n'était pas question d'engager le combat terrestre. Aujourd'hui, le ton a déjà changé. C'est une vraie guerre qui a commencé. Et plus les événements donnent tort aux "experts" en polémologie de l'Occident, plus ils s'acharneront dans l'intensification des frappes, des débarquements, des combats, dans le seul but de n'avoir pas à avouer s'être lourdement trompés.
Il est patent que le drame du Kosovo, l'exode des populations, et même les atrocités bien réelles commises par les troupes de M. Milosevic sont la conséquence directe de l'agression injustifiable commise par l'OTAN.
Aujourd'hui, pour minimiser son crime, cette organisation tient le même raisonnement que le voleur devant son juge, qui explique qu'il a d'abord demandé "gentiment" au passant de lui refiler son portefeuille. Comme cet imbécile s'y refusait, il a dû taper, et de plus en plus fort. Et si le pauvre type est aujourd'hui mort ou invalide, c'est évidemment de sa seule faute. Il n'avait qu'à céder tout de suite !
Parions qu'il y aura des commentateurs pour nous servir cette tartine sur les ruines fumantes de Belgrade.

Claude PASCHOUD



Un signe de contradiction
   
Se passe actuellement en Europe l'un de ces renversements de situation comme on en voit que fort rarement dans l'histoire, et dont le plus approprié à évoquer ici n'est autre que celui des Juifs et des païens dans l'antiquité romaine. Les premiers, héritiers d'une promesse faite à Abraham, qu'ils ne voulurent pas reconnaître réalisée dans la personne du Christ, furent l'objet, après le sacrifice du Golgotha, de la colère divine et subirent, après une guerre inspirée d'extermination sur place, une dispersion sans disparition durant deux mil ans, totalement justifiée; les seconds, ouverts à la grâce du salut apporté à tous les hommes par le Christ, convertirent leurs propres envahisseurs germaniques et colonisèrent le monde païen hors d'Europe par la phalange d'élite des peuples chrétiens, ceux qui restèrent fidèles à l'Egllise-mère de Rome.
Ces incidences notoires du fait religieux sur le sort des peuples, l'Occident submergé d'américanisme, de scepticisme grossier et de matérialisme intellectualisant, assommé de cynisme politique et de sensualisme économique, n'ayant plus, dans ses masses hébétées, que la réaction du chien de Pavlov, comme dans son personnel politique en place et dans les milieux journalistiques, hormis quelques rares exceptions, timides encore, comme les Juifs de jadis relativement à la promesse divine, ne veut plus voir ces incidences dans la vie réelle des peuples. Il n'y a donc rien de surprenant, d'inattendu, d'illogique, à ce que la longue plainte serbe, toutes tendances politiques internes confondues, au sujet de la mise en danger de sa minorité dans la province du Kosovo soit actuellement ignorée avec une cruauté barbare par l'Occident officiel et médiatique, que le Vatican lui-même et son pape asservi au mondialisme et à ses maîtres secrets et publics, se taise sur la portée spirituelle et culturelle du présent conflit armé, de la présente agression de pays de l'OTAN contre un Etat souverain qui n'a enfreint aucune obligation internationale.
Cette agression n'a aucun titre juridique, puisqu'il n'y a eu, de la part des Serbes, aucune lésion faite à un peuple tiers. Elle n'a aucun titre moral non plus, et c'est bien là où se révèle au grand jour, une fois encore, la monstrueuse hypocrisie des adeptes des Droits de l'Homme, dont la philosophie politique, intrinsèquement fausse, sert naturellement à masquer les appétits de domination sous couvert de défense des droits de la personne humaine, du droit des minorités ou de la loi démocratique, dont l'application est en l'occurrence des plus arbitraires.
Car enfin, bien que minoritaire dans cette province, la population serbe du Kosovo se trouve néanmoins dans la partie de la Serbie qui constitue le berceau spirituel et politique de cette nation tout entière, dont par conséquent l'intégration de la Serbie revêt une importance cruciale pour la défense de sa conscience identitaire.
A début de la présente décennie, les Etats occidentaux adoptèrent à l'égard des Serbes majoritaires en Bosnie et en Croatie, un comportement et un raisonnement diamétralement opposés au comportement et au raisonnement tenus aujourd'hui par les pays agresseurs de l'Otan à propos du Kosovo. Trois cents mille personnes furent ainsi expulsées de la Kraïna afin d'assurer une forme tant décriée par nos intellectuels aussi vains qu'inconséquents d'"épuration ethnique" en Croatie. Quant à la majorité albanaise du Kosovo, un examen historique révèle son caractère à la fois récent et violent, puisque après les exodes serbes du début de ce siècle, lors de la création du royaume de Serbie, ce fut l'Italie fasciste qui rattacha cette province à l'Albanie, y provoquant expulsions et massacres de plus de cent mille personnes, sans compter les soixante-quinze mille colons installés au Kosovo par Mussolini sur les terres mêmes des Serbes.
Le voilà donc bien, le retournement spectaculaire de situation des Occidentaux humanistes, démocrates, antifascistes et défenseurs des droits de l'homme contre les Etats communistes et leurs dictatures. Mais la réalité nous impose de constater que ce sont des Etats anciennement communistes qui sont dorénavant, par la Serbie et la Russie, les défenseurs attitrés du fameux "devoir de mémoire" dans leur souci politique, et ce sont les antifascistes professionnels et verbeux qui donnent leur aval, qui confirment dans les faits les violences passées du fascisme ou du nazisme réels. Où sont donc les fauteurs de guerre, les incendiaires ? Où sont les vrais matérialistes athées et totalitaires, où sont les défenseurs des droits de l'esprit, de la religion, de la tradition et de la culture ? Si les communistes d'Orient combattent désormais dans le camp des saints, et si les démocrates occidentaux ont une vision politique aussi étriquée, sèche et partiale que les plus obtus des hommes d'appareil soviétique, si le Président de la Chine a des colères d'Empereur mongol et nos Conseillers fédéraux des soucis d'instituteurs de village, je suis aux côtés des communistes d'Europe là où ils sont, aux côtés de l'Empereur mongol caché sous le Président chinois, contre les héritiers communs du fascisme et du communisme (ils sont se sont du reste toujours tellement ressemblés !), contre de petits employés de bureau élevés à la place de princes dans un collège gouvernemental par une classe politique suisse totalement déchue et inapte. Je suis du côté des chefs réels de peuples, y compris au Chili, et contre leurs parasites misant sur l'accroissement de leur analphabétisme.

Michel de PREUX



Vercingétorix,
du mythe à la réalité
 
En 59-58 av. J.-C., les Helvètes abandonnent leur pays et tentent, d'abord à Genève, de passer massivement dans la "provincia" romaine, la Narbonnaise. Jules César étouffe dans l'œuf cette tentative d'émigration sauvage. Un simple fait militaire isolé (de police des frontières, dirait-on aujourd'hui) va bientôt se transformer en conquête des terres étendues des Gaulois. Une coalition de ces derniers est organisée au cours de l'hiver 53-52 contre les visées d'un général ambitieux, gouverneur romain de la Narbonnaise.
Elle trouve son chef en Vercingétorix, prince des Arvernes (des Auvergnats). De lui, on sait très peu de choses : il ne nous est connu que par quelques textes latins dont celui de César : "Vercingetorix, Celtilli filius, Arvernus, summae potentiae adulescens cuius pater principatum Galliae totius obtinerat (…)"
Il n'a pas encore vingt ans lorsqu'il parvient à réunir autour de lui une bonne partie des Gaulois, et notamment des Eduens jusqu'alors prétendument alliés de Rome.
D'une tradition encore sans écriture, protohistorique, de l'âge de la Tène, il a déjà servi dans une légion de Rome; il possède quelques notions de langue latine, il a quelque connaissance de l'organisation militaire des Romains, de leur logistique, de leur culture supérieure que l'on envie et que l'on craint.
Il commet l'erreur, en septembre 52, de se laisser enfermer dans Alesia, oppidum et centre religieux aux confins du territoire éduen, aujourd'hui Alise-Sainte-Reine (Côte d'Or). César a construit autour de la position d'Alesia une double ligne de fortifications, l'une contre les assiégés, d'un périmètre de quelque quinze kilomètres, l'autre contre les secours gaulois du dehors aux assiégés. Ce chef d'œuvre de l'art des sièges a occupé, nuits et jours, dix légions pendant cinq semaines.
Deux cent quarante mille fantassins et 8000 cavaliers gaulois répondent à l'appel de Vercingétorix, alors que les assiégés ont déjà épuisé leurs vivres. Aux femmes, enfants et vieillards chassés de l'oppidum par le jeune Auvergnat, César refuse le passage; ils agoniseront lentement entre les murs d'Alésia et les tranchées romaines.
L'armée de secours, mal organisée, est mise en déroute après une journée de combat; poursuivie par les cavaliers romains, elle se disperse vers l'intérieur des Gaules. Nous sommes en 52. En 49, c'est la phocéenne Marseille qui est victorieusement assiégée par César.
L'énorme quantité d'armes retrouvées dans les fossés d'Alésia témoignent du siège et de la terrible bataille qui a opposé les légions romaines aux Arvernes et aux Eduens envoyés au secours des assiégés.
Vercingétorix se rend; les prisonniers sont vendus comme esclaves; la chute d'Alésia entraîne la soumission des Arvernes et des Eduens.
A l'occasion du grand triomphe de César à Rome, en 46, Vercingétorix, fis d'un roi assassiné par les siens, figure aux côtés d'autres vaincus illustres : Arsinoé d'Alexandrie, et Juba de Mauritanie. Après le triomphe, il est étranglé dans le tullianum, l'un des cachots de la prison mamertine, sur le flanc oriental du Capitole. Il a un peu plus de 25 ans.
En France, dans le seconde moitié du XIXe siècle, des écrivains, des peintres, des sculpteurs créent le mythe de Vercingétorix, du résistant; la gallomanie, le panceltisme, la mode des Gaulois sont nés.
Modeste Anquetin, en 1840, dans sa tragédie "Le dévouement de Vercingétorix ou le dernier jour de la Gaule indépendante" et Eugène Sue, dans "Les mystères du peuple", créent des héros aux yeux de leurs contemporains. C'est l'époque où Charles Gleyre (1806-1874) fait passer les Romains sous le joug des Helvètes, en 107 av. J.-C.
Un certain nombre d'œuvres illustrent, souvent avec emphase, l'enfance, les aventures, la défaite finale du chef auvergnat : "La défaite des Gaulois", par Théodore Chassériau (1819-1856), "Vercingétorix jette ses armes aux pieds de César" de Motte, le monument élevé Place de Jaude à Clermont-Ferrant "Vercingétorix terrassant un soldat romain" de Frédéric-Auguste Bartholdi (1834-1904).
Si Jules Michelet (1798-1874) préfère César et considère Vercingétorix comme un simple personnage éponyme traduisant son nom par "le général gaulois", c'est par Roger Martin (1810-1883), historien et homme politique, que Vercingétorix acquiert un éclat certain alors que son adversaire latin est singulièrement terni par son "attitude inique" adoptée lors de la reddition gauloise. Martin, cependant, devient l'auteur d'une œuvre rapidement périmée car il a accordé aux Celtes une influence excessive dans la genèse de la civilisation occidentale !
Napoléon III, qui possède bien peu de sang celte dans les veines, zélateur de César (Histoire de Jules César, Paris, 1865-1866) ne se défend pas d'une certaine admiration pour Vercingétorix, c'est de bonne politique ! Il lui prête même ses propres traits à la statue monumentale commandée à Aimé Millet !
Le nouveau culte voué aux Gaulois va faire basculer Rome et César dans le rôle de l'envahisseur et de tyran de la nation gauloise; alors que Vercingétorix est glorifié, César est moralement condamné !
Les relations mouvementées entre la France et l'Italie du Risorgimento qui tend à son unité politique, la "question romaine", l'antipathie affichée par la très catholique impératrice Eugénie de Montijo sont certainement à l'origine de cette évolution.
Et pourtant, avec la longue "paix romaine", quelque dix-neuf siècles auparavant, Alésia, par exemple, sort de l'âge de la Tène, sans documents écrits, pour entrer de plain-pied dans l'Histoire !
Les stratèges romains ont été professionnellement préparés à la guerre; la victoire finale ne peut leur échapper. Cependant, la campagne des Gaules n'est pas une sinécure, une simple promenade militaire : il faut vaincre les grandes distances, se déplacer avec rapidité avec tous les indispensables impedimenta; nombreux sont pour les Romains les problèmes logistiques à résoudre sur des terrains inconnus et sans réseau routier. Les chemins sont difficilement praticables.
Depuis quelques années déjà, les historiens sérieux ont cherché à mettre un peu de crédibilité à l'image de Vercingétorix; sans mortelle rhétorique, en abandonnant tout ce qui a formé le mythe passé. La vérité historique nous apparaît combien plus attachante ! De nos jours, une tradition quelque peu cocardière refait surface avec un ton moqueur et irrespectueux par la bande dessinée et le cinéma (revanche freudienne d'Astérix après plus de deux millénaires !).
Le service d'identité judiciaire de la Préfecture de police de Paris a eu récemment la bonne idée d'établir le portrait-robot de Vercingétorix à partir de divers éléments :
? les rares indications descriptives données par les textes latins,
? les représentations de Vercingétorix sur les monnaies gauloises, sur quinze monnaies d'or s'inspirant de pièces grecques et romaines (l'emploi de l'alphabet latin est à noter !),
? et enfin de l'expérience accumulée par les spécialistes de la photographie anthropométrique face-profil.
Le résultat final est surprenant : il ne correspond en rien à l'image officielle que l'on a donnée de lui, du siècle dernier à nos jours : la cinquantaine expérimentée, héroïque. Encore imberbe, c'est encore l'adolescent, le gosse curieux, revenu à temps de la légion; il n'a pas les légendaires moustaches gauloises, les blondes baccantes tombantes, de phoque.
J'ai montré ce portrait à mes élèves de lycée : "qui pourrait-il bien être ?"
? C'est sûrement un jeune mec, un casseur des quartiers difficiles qui a fait quelque bêtise et qui activement recherché par les poulets !
? Non, c'est le malheureux adversaire de Jules César !…
Au siècle dernier, on a placé Vercingétorix, barbu, chevelu et moustachu, de la Gallia bracata, anachroniquement affublé d'une cuirasse franque, l'épée levée vers le ciel comme s'il voulait transpercer une étoile, sur un trop haut piédestal.
Il est devenu subitement plus humain, plus accessible, plus émouvant aussi, plus proche de ce qu'il a été en vérité et on est d'autant plus sensible à tout le drame d'un jeune qui a osé se mesurer, sans le moindre espoir de victoire, au brillant génie de Rome.

Giuseppe PATANÈ