Guerres perpétuelles
La guerre dans les Balkans serait terminée depuis
des mois sans l'intervention de la "communauté internationale",
ultime recours et dernier espoir de ceux qui, sur le terrain, n'ont pas
su ou pas pu s'imposer par la force des armes.
Le droit international est, en l'espèce, incapable
de décréter avec certitude à qui, des Serbes ou des
Albanais, doit revenir le territoire du Kosovo, qui jouit sur cette portion
ingrate du territoire de l'ex-Yougoslavie d'une droit préférable.
Selon qu'on se place d'un point de vue ou d'un autre, et même lorsqu'on
se limite à une analyse historique, selon qu'on remonte à
tel siècle ou à tel autre, la légitimité des
uns et des autres est également défendable.
J'observe qu'on peut en dire autant, mutatis mutandis,
de toutes les guerres à prétentions territoriales, jusqu'au
jour où elles sont devenues "idéologiques", où il
s'agissait en d'autres termes, non plus de gagner une province convoitée
mais d'écraser un ennemi diabolique.
La guerre se termine, normalement, lorsqu'un des deux
combattants, techiquement ou numériquement plus faible, se plie
à la loi du vainqueur… en attendant des jours plus propices.
Mais lorsque la "communauté internationale" s'en
mêle, le parti le plus faible ne saurait se résoudre à
solliciter l'armistice ou la paix : il réclame au contraire, à
grands cris, l'intervention de l'étranger à l'appui de ses
revendications "légitimes", quitte à provoquer la poursuite
des combats, l'exode des populations civiles, la souffrance des femmes,
des vieillards et des enfants.
Votre discours, me dira-t-on, justifie la force au mépris
du droit. Il légitime l'asservissement des peuples, il disculpe
la tyrannie exercée sur les minorités brimées.
Cela n'est vrai qu'en apparence, et pour un temps. Il
est possible en effet qu'une communauté doive subir, quelques années
ou quelques décennies, le joug d'un occupant illégitime,
faute d'avoir eu, à temps, la force d'y résister. Mais si
l'occupant est un barbare et si le peuple brimé possède les
qualités nécessaires, aux plans moral, religieux ou philosophique,
du caractère et des mœurs, il survivra malgré l'oppression
et la dispersion, peut-être d'ailleurs grâce à l'oppression
et la diaspora, comme nous l'a démontré le peuple juif et
comme le prouvent les communautés arméniennes, thibétaines,
kurdes, etc.
Mais si le peuple conquis est dépourvu de ces
qualités, et si son vainqueur est doté non seulement d'une
force numérique supérieure, mais aussi de mœurs plus policées,
d'une science plus avancée, d'une intelligence plus vive, d'un système
judiciaire plus évolué, d'une littérature plus riche,
alors le vaincu aura mérité sa défaite et il se dissoudra
dans la civilisation imposée par son nouveau maître.
C'est là le secret de la politique, et de la guerre
qui en est la continuation selon la formule célèbre de Clausewitz.
La "communauté internationale" est un monstre
acéphale et protéiforme, nécessairement plus bête
que chacun des deux protagonistes d'une guerre quelconque. Appelée
au secours par le plus faible, elle réagira comme un crétin
qui, voyant une institutrice gifler un garnement dans un préau d'école,
volera au secours du plus petit lâchement agressé par un grand.
Et elle aura l'audace de prétendre qu'elle "maintient
la paix" alors même que son intervention, espérée ou
effective, aura grandement contribué à la pérennité
de la guerre.
Les enjeux de la guerre des Balkans, il m'est difficile
d'en juger. Est-ce la lutte de l'Europe libérale contre le bolchévisme
? des chrétiens contre l'Islam ? du possesseur légitime contre
l'envahisseur sournois ? de l'envahisseur devenu peu à peu majoritaire
contre le maître minorisé ?
Ce que je vois, et ce que tout le monde peut voir, c'est
que les Alanais du Kosovo bravent l'autorité de Belgrade parce qu'il
se sentent soutenus par "la communauté internationale", que cette
dernière et la presse quasi unanime encouragent les Albanais à
continuer leur lutte, qu'ainsi la guerre se poursuit avec son cortège
de souffrances, qu'on se prépare à des "frappes aériennes"
pour obliger l'autorité serbe à accorder l'indépendance
(ou une certaine autonomie) à une province sécessionniste,
que cette même communauté internationale n'aurait jamais l'idée
de menacer Londres, Madrid, Ankara, Pékin ou Paris de frappes aériennes
pour régler les problèmes irlandais, basque, kurde, thibétain
ou corse.
En réalité, la "communauté internationale"
est un puissant facteur de poursuite de la guerre et d'aggravation des
conflits. Fidèle à sa politique sage de neutralité,
la Suisse se doit de s'abstenir absolument de toute participation à
ce conflit, fût-ce aux opérations de cette organisation dite
de sécurité et de coopération européenne.
Claude PASCHOUD
NOUVELLE VICTIME DE L'ANTISÉMITISME
On signale une nouvelle victime de l'antisémitisme
: M. Arie Deri, fondateur du parti orthodoxe sépharade, troisième
parti d'Israël, a été reconnu coupable de corruption,
fraude, abus de confiance et entrave à la justice pour avoir détourné
155'000 dollars de fonds publics pour financer l'achat de deux appartements
privés luxueux, de voyages et séjours à l'étranger
alors qu'il était directeur général du Ministère
de l'Intérieur, puis ministre de 1985 à 1990.
La communauté sépharade a réagi
vivement, en accusant le Tribunal de district de Jérusalem d'être
l'"outil de la justice laïque et discriminatoire de l'establishment
ashkénaze". On a même parlé d'un "second procès
Dreyfus".
GRÈVE DU ZÈLE
Après sa démission en bloc, la Commission
européenne fait la grève du zèle, annonce 24 Heures
(du 18 mars, page 9), en expliquant que les Commissaires ne prennent plus
d'initiative et travaillent le moins possible en attendant d'être
remplacés.
Le correspondant de 24 Heures à Bruxelles ignore
visiblement que la grève du zèle, c'est justement l'inverse.
Mais peut-être même qu'on ignore ce qu'est le zèle à
la rédaction du dodu quotidien.
INCULTURE
Notre nouvelle conseillère fédérale
Mme Ruth Metzler confesse qu'elle ne lit "pas de livres". A entendre ses
collègues s'exprimer, on soupçonne qu'elle n'est pas la seule.
Voilà un aveu plutôt rassurant : si ces M'seurs-Dames avaient
eu l'occasion, une fois, de lire un livre, nous serions menacés
par la création d'un département fédéral de
la culture. Pour l'instant, on y échappe, grâce au Ciel.
Pour se consoler de l'inculture promue au rang de vertu
politique, nos lecteurs lausannois sont invités à honorer
de leur présence l'exposition "Images de livres dans la bande dessinée"
à la Bibliothèque municipale, place Chauderon 11, de midi
à 21 heures jusqu'au 30 avril. Fermé le samedi et le dimanche.
JOURNÉE DE LA FEMME
Le 8 mars est, paraît-il, journée de la femme.
C'est une journaliste allemande qui, en 1919 à Copenhague, proposa
que cette date soit l'occasion de manifestations pour les "femmes socialistes
de tous les pays". En 1921, Lénine décrète le 8 mars
"Journée des femmes" et peu à peu, c'est l'ensemble des pays
de l'Est qui adopteront cette date.
Notre bonne presse qui n'en finit pas de balancer entre
son culte pour l'idéologie marxiste et l'admiration béate
et honteuse qu'elle professe pour les "méthodes américaines"
se devait, après nous avoir imposé Halloween, de nous asséner
les trouvailles de Lénine.