Lausanne 28e année «ne pas subir» Mars 1999 No 283

 
Sommaire :

Guerres perpétuelles
Bricoles
 
 

Guerres perpétuelles
 
La guerre dans les Balkans serait terminée depuis des mois sans l'intervention de la "communauté internationale", ultime recours et dernier espoir de ceux qui, sur le terrain, n'ont pas su ou pas pu s'imposer par la force des armes.
Le droit international est, en l'espèce, incapable de décréter avec certitude à qui, des Serbes ou des Albanais, doit revenir le territoire du Kosovo, qui jouit sur cette portion ingrate du territoire de l'ex-Yougoslavie d'une droit préférable. Selon qu'on se place d'un point de vue ou d'un autre, et même lorsqu'on se limite à une analyse historique, selon qu'on remonte à tel siècle ou à tel autre, la légitimité des uns et des autres est également défendable.
J'observe qu'on peut en dire autant, mutatis mutandis, de toutes les guerres à prétentions territoriales, jusqu'au jour où elles sont devenues "idéologiques", où il s'agissait en d'autres termes, non plus de gagner une province convoitée mais d'écraser un ennemi diabolique.
La guerre se termine, normalement, lorsqu'un des deux combattants, techiquement ou numériquement plus faible, se plie à la loi du vainqueur… en attendant des jours plus propices.
Mais lorsque la "communauté internationale" s'en mêle, le parti le plus faible ne saurait se résoudre à solliciter l'armistice ou la paix : il réclame au contraire, à grands cris, l'intervention de l'étranger à l'appui de ses revendications "légitimes", quitte à provoquer la poursuite des combats, l'exode des populations civiles, la souffrance des femmes, des vieillards et des enfants.
Votre discours, me dira-t-on, justifie la force au mépris du droit. Il légitime l'asservissement des peuples, il disculpe la tyrannie exercée sur les minorités brimées.
Cela n'est vrai qu'en apparence, et pour un temps. Il est possible en effet qu'une communauté doive subir, quelques années ou quelques décennies, le joug d'un occupant illégitime, faute d'avoir eu, à temps, la force d'y résister. Mais si l'occupant est un barbare et si le peuple brimé possède les qualités nécessaires, aux plans moral, religieux ou philosophique, du caractère et des mœurs, il survivra malgré l'oppression et la dispersion, peut-être d'ailleurs grâce à l'oppression et la diaspora, comme nous l'a démontré le peuple juif et comme le prouvent les communautés arméniennes, thibétaines, kurdes, etc.
Mais si le peuple conquis est dépourvu de ces qualités, et si son vainqueur est doté non seulement d'une force numérique supérieure, mais aussi de mœurs plus policées, d'une science plus avancée, d'une intelligence plus vive, d'un système judiciaire plus évolué, d'une littérature plus riche, alors le vaincu aura mérité sa défaite et il se dissoudra dans la civilisation imposée par son nouveau maître.
C'est là le secret de la politique, et de la guerre qui en est la continuation selon la formule célèbre de Clausewitz.
La "communauté internationale" est un monstre acéphale et protéiforme, nécessairement plus bête que chacun des deux protagonistes d'une guerre quelconque. Appelée au secours par le plus faible, elle réagira comme un crétin qui, voyant une institutrice gifler un garnement dans un préau d'école, volera au secours du plus petit lâchement agressé par un grand.
Et elle aura l'audace de prétendre qu'elle "maintient la paix" alors même que son intervention, espérée ou effective, aura grandement contribué à la pérennité de la guerre.
Les enjeux de la guerre des Balkans, il m'est difficile d'en juger. Est-ce la lutte de l'Europe libérale contre le bolchévisme ? des chrétiens contre l'Islam ? du possesseur légitime contre l'envahisseur sournois ? de l'envahisseur devenu peu à peu majoritaire contre le maître minorisé ?
Ce que je vois, et ce que tout le monde peut voir, c'est que les Alanais du Kosovo bravent l'autorité de Belgrade parce qu'il se sentent soutenus par "la communauté internationale", que cette dernière et la presse quasi unanime encouragent les Albanais à continuer leur lutte, qu'ainsi la guerre se poursuit avec son cortège de souffrances, qu'on se prépare à des "frappes aériennes" pour obliger l'autorité serbe à accorder l'indépendance (ou une certaine autonomie) à une province sécessionniste, que cette même communauté internationale n'aurait jamais l'idée de menacer Londres, Madrid, Ankara, Pékin ou Paris de frappes aériennes pour régler les problèmes irlandais, basque, kurde, thibétain ou corse.
En réalité, la "communauté internationale" est un puissant facteur de poursuite de la guerre et d'aggravation des conflits. Fidèle à sa politique sage de neutralité, la Suisse se doit de s'abstenir absolument de toute participation à ce conflit, fût-ce aux opérations de cette organisation dite de sécurité et de coopération européenne.

Claude PASCHOUD



Bricoles

NOUVELLE VICTIME DE L'ANTISÉMITISME

On signale une nouvelle victime de l'antisémitisme : M. Arie Deri, fondateur du parti orthodoxe sépharade, troisième parti d'Israël, a été reconnu coupable de corruption, fraude, abus de confiance et entrave à la justice pour avoir détourné 155'000 dollars de fonds publics pour financer l'achat de deux appartements privés luxueux, de voyages et séjours à l'étranger alors qu'il était directeur général du Ministère de l'Intérieur, puis ministre de 1985 à 1990.
La communauté sépharade a réagi vivement, en accusant le Tribunal de district de Jérusalem d'être l'"outil de la justice laïque et discriminatoire de l'establishment ashkénaze". On a même parlé d'un "second procès Dreyfus".

GRÈVE DU ZÈLE

Après sa démission en bloc, la Commission européenne fait la grève du zèle, annonce 24 Heures (du 18 mars, page 9), en expliquant que les Commissaires ne prennent plus d'initiative et travaillent le moins possible en attendant d'être remplacés.
Le correspondant de 24 Heures à Bruxelles ignore visiblement que la grève du zèle, c'est justement l'inverse. Mais peut-être même qu'on ignore ce qu'est le zèle à la rédaction du dodu quotidien.

INCULTURE

Notre nouvelle conseillère fédérale Mme Ruth Metzler confesse qu'elle ne lit "pas de livres". A entendre ses collègues s'exprimer, on soupçonne qu'elle n'est pas la seule. Voilà un aveu plutôt rassurant : si ces M'seurs-Dames avaient eu l'occasion, une fois, de lire un livre, nous serions menacés par la création d'un département fédéral de la culture. Pour l'instant, on y échappe, grâce au Ciel.
Pour se consoler de l'inculture promue au rang de vertu politique, nos lecteurs lausannois sont invités à honorer de leur présence l'exposition "Images de livres dans la bande dessinée" à la Bibliothèque municipale, place Chauderon 11, de midi à 21 heures jusqu'au 30 avril. Fermé le samedi et le dimanche.
 
JOURNÉE DE LA FEMME

Le 8 mars est, paraît-il, journée de la femme. C'est une journaliste allemande qui, en 1919 à Copenhague, proposa que cette date soit l'occasion de manifestations pour les "femmes socialistes de tous les pays". En 1921, Lénine décrète le 8 mars "Journée des femmes" et peu à peu, c'est l'ensemble des pays de l'Est qui adopteront cette date.
Notre bonne presse qui n'en finit pas de balancer entre son culte pour l'idéologie marxiste et l'admiration béate et honteuse qu'elle professe pour les "méthodes américaines" se devait, après nous avoir imposé Halloween, de nous asséner les trouvailles de Lénine.