Lausanne 29e année «ne pas subir» Janvier
1999 No 281
Sommaire :
Editorial
Justice
fiscale
Les chefs
à l'épreuve de Dieu
Editorial
Votations fédérales
I.
Si l'Assemblée fédérale est parfois
embarrassée dans le choix d'un futur conseiller fédéral,
parce que de "bons candidats sont inéligibles, étant originaires
de cantons déjà représentés au Conseil fédéral",
c'est la démonstration que les partis politiques sont en-dessous
de leur tâche.
Lorsqu'il s'agit de choisir un pape, les conclaves auraient
aussi un choix plus vaste s'il ne fallait pas un catholique (qui d'ailleurs,
à ma connaissance, ne doit pas être ni un cardinal ni même
nécessairement un prêtre).
Dans l'état actuel de l'art. 96 al. 1, deuxième
phrase de la Constitution, introduite en 1931 pour de très bonnes
raisons, un candidat issu d'un canton déjà représenté
au Conseil fédéral ne saurait être qualifié
de "bon candidat", quelle que soit sa valeur personnelle, puisqu'il n'est
pas éligible. De même qu'un homme marié ne saurait
être un supposé "mari idéal" pour une autre femme,
même si elle le déplore.
La proposition du Conseil fédéral de supprimer
la clause cantonale, approuvée par une large majorité du
Parlement, est un aveu de faiblesse politique et de manque d'imagination.
Je ne sais pas bien jouer au tennis, et compte tenu des
règles en vigueur je n'aurai pas une seule chance de gagner. A la
place d'apprendre à jouer, je propose qu'on change les règles…
Les partis sont supposés regorger de bons candidats
dans tous les cantons. Si tel n'est pas le cas et qu'une formation dont
c'est le "tour" d'obtenir un siège, n'a personne d'autre à
proposer qu'un homme (ou une femme) issu d'un canton déjà
représenté au Conseil fédéral, il faut qu'il
avoue qu'il a failli à sa tâche et qu'il laisse ce siège
à un autre parti.
Nous voterons NON à la suppression de la clause
restrictive.
II.
Quand nous lisons, sous la plume du Conseil fédéral,
que les principes soumis à notre appréciation (répartition
équitable des organes, gratuité des dons d'organes, interdiction
du commerce d'organes humains) mettront un terme au commerce et empêcheront
les abus, nous ne pouvons retenir un sourire. Y a-t-il un seul cas connu
où la proclamation solennelle d'un principe, et la promulgation
d'une loi, aurait eu pour vertu d'"empêcher les abus" ?
Ce que nous voyons, c'est que la Confédération
s'arroge une compétence supplémentaire, avec les frais y
relatifs en salaires de fonctionnaires spécialisés, honoraires
d'experts, promulgation de règlements pour préciser ce qu'est
une "répartition équitable", contrôles etc.
Dans la pratique, il n'y aura rien de changé pour
les patients. Nous voterons NON.
III.
L'initiative polulaire "propriété du logement
pour tous" fait l'objet d'un article intitulé Justice fiscale dans
ce numéro. Nous voterons OUI.
IV.
La modification de la loi fédérale sur l'aménagement
du territoire nous paraît conforme à l'esprit de notre époque,
quoi qu'en disent les organisations de protection de l'environnmement et
les sogenannte "petits paysans", qui ont pourtant raison sur un point :
l'application de la nouvelle loi deviendra sensiblement plus compliquée,
engendrera plus de bureaucratie et beaucoup de nouveaux litiges. Laissant
à ceux qui sont directement concernés le soin de déterminer
leur avenir, nous voterons BLANC.
Le PAMPHLET
Justice fiscale
Sur le plan matériel, il n'y a pas de justice
fiscale. Tous les systèmes imaginables peuvent être justifiés,
théoriquement, par des arguments plus ou moins subtils, liés
à la conception même qu'on se fait de l'Etat.
Jusqu'à la fin du siècle dernier, la conception
de la justice fiscale reposait sur la théorie de l'équivalence,
fondée sur l'idée que chaque contribuable soit amené
à payer un impôt présumé correspondre aux avantages
qu'il retire de l'existence et de l'activité de l'Etat. Une telle
théorie devenait absurde au moment où le rôle de l'impôt
devenait l'instrument d'une "justice" non plus commutative, mais distributive
: lorsque l'Etat devient un Etat-providence, qui ne se contente plus de
maintenir l'ordre à l'intérieur et de garantir ses membres
contre les dangers des pouvoirs extérieurs, mais qu'il a pour ambition
principale d'améliorer la condition matérielle et sociale
de ses citoyens les plus faibles par un système de redistribution
des richesses, la théorie de l'équivalence deenait absurde
et on a alors inventé la théorie de la capacité contributive
et de l'égalité des sacrifices.
C'est, en gros, l'idée qu'il faut dépouiller
les riches pour nantir les pauvres.
Cette conception, qui prévaut dans tous les régimes
inspirés par l'idéologie socialiste, a eu pour conséquence
directe la disparition totale des grandes fortunes foncières en
Europe et les déficits chroniques des budgets sociaux publics. Les
"riches", en effet, ne sont ni assez nombreux ni globalement assez riches
pour que leurs dépouilles suffisent à couvrir toutes les
prestations, subventions et avantages divers promis aux "pauvres" par la
démagogie ambiante. Inutile de préciser que ce système
ne donne aux plus démunis ni la possibilité ni même
l'envie de s'enrichir.
De plus en plus de nos concitoyens, aujourd'hui, et surtout
parmi les plus âgés et les plus modestes, constatent qu'ils
ont eu bien tort, pendant toute leur vie, de s'imposer des sacrifices pour
se constituer des économies. Ils ont payé l'impôt sur
le revenu. S'ils n'ont pas dépensé la totalité de
ce revenu, ils paieront à nouveau l'impôt sur sa part épargnée.
Et si leur épargne a été affectée à
la construction d'une maison, le fisc leur fera en plus payer un impôt
sur le "revenu locatif" fictif qu'ils auraient pu encaisser s'ils avaient
loué leur maison au lieu de l'habiter.
L'Etat socialiste vient en aide aux plus démunis,
aux frais des contribuables plus aisés. Considéré
de manière purement factuelle, le principe a l'apparence d'une certaine
équité sociale redistributive. Mais ni l'aisance ni le dénuement
ne sont des situations purement fortuites. Et d'un point de vue strictement
égoïste, c'est une manifestation de sagesse aujourd'hui que
de ne constituer aucune épargne, de manger au jour le jour la totalité
de son revenu et même au-delà, et de mettre en fin de compte
les services sociaux de l'Etat en position de devoir assumer votre entretien.
Il est démontrable que celui qui n'a ni fortune
ni revenu, quelles qu'en soient les raisons d'ailleurs, et qui est entièrement
pris en charge par les services de l'Etat pour son entretien, a moins de
soucis financiers que celui qui, s'étant privé toute sa vie
pour construire sa maison, et n'ayant pour toute ressource que sa pension
AVS, se voit aujourd'hui contraint de la vendre pour s'acquitter des taxes
et impôts générés par les revenus fictifs de
son immeuble.
L'initiative populaire "propriété du logement
pour tous" souffre dès lors d'une certaines ambiguïté
dans la mesure où elle prétend viser deux objectifs très
différents : permettre au propriétaire de son logement de
le rester et permettre à chacun de devenir propriétaire de
son logement.
Je ne suis pas propriétaire de mon logement parce
que la philosophie politique de cette fin de siècle, qui s'exprime
entre autres dans son système fiscal, considère le propriétaire
foncier comme un "riche", un capitaliste, un nanti, un assoiffeur, un ennemi
des petites gens, même si sa maison est toute petite et qu'elle est
hypothéquée jusqu'aux tuiles. La campagne d'affichage qui
a précédé la votation du 7 février prochain
atteste du piètre niveau du débat.
Il est dès lors surprenant que la Chambre vaudoise
immobilière déclare vouloir "favoriser le rêve de nombreuses
familles" en leur permettant d'entrer dans le club de ceux qui seront inévitablement
tondus par le fisc, et qui le seront, à terme, même si l'initiative
"propriété du logement pour tous" est acceptée. Il
eût été plus franc (bien qu'électoralement moins
payant, sans doute) d'avouer : "Nous sommes une minorité; nous avons
fait l'erreur d'investir dans la pierre au lieu de dépenser, comme
vous, la totalité de notre revenu chaque mois; nous sommes les victimes
d'un système fiscal de nature confiscatoire; allégez notre
peine et cet allégement de nos charges vous sera, à terme,
profitable à vous aussi, car c'est notre capacité d'épargne
qui constituera, plus tard, vos rentes de vieillesse".
Je voterai OUI à cette initiative, bien que je
ne sois par directement concerné, parce que les arguments du Conseil
fédéral et des associations de locataires sont si pauvres
qu'ils manifestent leur incapacité d'une vision économique
à long terme.
A chaque fois qu'est présenté un projet
visant à diminuer la charge fiscale sur le revenu, les scribes de
la Confédération vous assènent des visions horrifiques
à base de "recettes fiscales amputées" de milliards de "manque
à gagner" et d'"équilibre fiancier compromis". Or, si un
tel raisonnement à court terme était vérifié,
et dès lors que les impôts et les charges n'ont fait qu'augmenter
ces dernières années, on devrait logiquement bénéficier
de finances publiques florissantes.
Comme chacun sait, c'est le contraire qui est vrai. Plus
la charge fiscale est écrasante, et plus nombreux seront ceux qui,
atteints par le découragement ou la faillite, cessent de produire
(ou vont produire ailleurs) et cessent aussi, par voie de conséquence,
de payer des impôts. Et c'est ainsi qu'en augmentant la charge fiscale,
l'Etat parvient à diminuer ses recettes.
Que ce soit au niveau fédéral (intercantonal),
cantonal (intercommunal) ou individuel, la péréquation financière,
consistant à donner à celui qui a moins en prenant dans la
poche de celui qui a plus, paraît un système équitable
à première vue, mais il finira par irriter le bailleur de
fonds s'il a le sentiment que les bénéficiaires le sont par
choix délibéré. Nos plus anciens lecteurs se souviennent
sans doute de la fable de la "petite poule rouge" que nous avons publiée
dans le Pamphlet No 57 de septembre 1976. Il n'y a rien à en changer.
Claude PASCHOUD
Les chefs
à l'épreuve de Dieu
"Voici que le Seigneur rendra déserte la terre : il le dépouillera,
il en désolera la face, il en dispersera les habitants. Et alors
le prêtre sera comme le peuple; le seigneur comme l'esclave; celui
qui prête comme celui qui emprunte. La terre sera bouleversée
et livrée au pillage."
Esaïe 24:1-3
La guerre ouverte que se font désormais Jean-Marie
Le Pen et Bruno Mégret pour la conduite du Front national est un
événement d'importance. Mais il convient, avant de tenter
une analyse objective, de dissiper un flot de désinformations provenant
des milieux politiques établis. Ces milieux ont évoqué
la fameuse nuit des longs couteaux au cours de laquelle, pour maintenir
la respectabilité du national-socialisme auprès des officiers
de la Wehrmacht, Hitler consentit à sacrifier son vieux compagnon
de route Röhm et ses S.A. (sections d'assaut). L'analogie est facile,
car Bruno Mégret, issu du gaullisme et proche, jadis, de Jacques
Chirac, offrirait pour certains, et sans doute pour lui-même et ses
amis, une alternative de compromis relativement acceptable pour une partie
de la classe politique française qui ne supporte plus l'ostracisme
subi par la doite, pourtant ralliée sans ambiguïté à
la démocratie ! Jean-Marie Le Pen le sait parfaitement, et c'est
la raison pour laquelle il tente de détruire cette image en collant
à la peau de son rival une étiquette de raciste, bien venue
auprès de l'opinion publique, pense-t-il. Mais son discours de Metz,
vendredi 11 décembre 1998, va plus loin, hélas ! Le fondateur
du FN délire, tout simplement.
Ce qui, dans l'ensemble de la classe politique française
établie, et pour la grande presse à sa solde, doit apparaître
comme un duel exemplaire et propre à l'extrême-droite, n'est
en réalité que le résultat explosif d'un jeu de forces
à la fois interne au Front national et commun à tous les
partis démocratiques. Ces derniers ne sont, nul ne le contestera,
que des machines administratives chargées de fabriquer divers candidats
à des postes de responsabilité politique ou bureaucratique.
Ils ne sont que cela. Tout le reste est chez eux moyen de mettre en œuvre
le conditionnement de l'opinion dans le cadre d'un système de pensée
uniforme, voire unique, et ciblé selon la clientèle privilégiée
pour chacun d'eux, avec une zone d'indétermination suffisante pour
écorner les concurrents aux marges. Les hommes de parti sont les
instruments de cette stratégie et leurs marges de manœuvre personnelle
oscille au gré de la position de leurs rivaux, qui appartiennent
forcément à la même formation politique. En démocratie
de masse, même si les partis politiques sont multiples, la lutte
entre les partis est convenue et programmée, mais la lutte réelle
se situe essentiellement à l'intérieur des partis. Cette
lutte est la plus féroce, car elle n'obéit à aucune
loi. Ce qui donc se passe actuellement au FN s'est déjà produit
au sein du parti gaulliste (souvenez-vous de l'éviction de Mme Michèle
Barzac) ou du parti socialiste (le suicide de Pierre Bérégovoy
n'est pas ancien !); quant aux partis communistes, ils se sont rendus célèbres
partout par leurs purges.
Ce que personne ne nous dit, et qu'il convient de rappeler
ici, c'est que ce genre de conflit tient à la structure et à
la mentalité démocratique des partis eux-mêmes, car
la démocratie de masse, une fois les anciennes hiérarchies
sociales détruites par elle, qui canalisaient leurs luttes internes,
loin d'abolir la lutte pour le pouvoir et la domination sociale, les rend
plus âpres que jamais, plus sauvages aussi, plus dérisoires,
enfin, qu'en aucun autre régime (dictature ou monarchie héréditaire
de forme royale), compte tenu de l'extrême précarité
de tout pouvoir en démocratie. A cet égard, les mœurs soviétiques
ou chinoises ne seront peut-être que la préfiguration des
nôtres en Europe… Ainsi, ce qui se passe actuellement au FN est incontestablement
une preuve d'authenticité démocratique que nous donne ce
parti. L'opinion contraire soutenue par ses concurrents relève de
la pure et simple désinformation et de l'hypocrisie la plus scandaleuse.
Non seulement les partis de l'établissement oublient leurs mœurs
internes, mais aussi, parfois, le sang de leurs victimes !
Quelles forces sont en jeu dans cette rivalité
désormais ouverte au Front national ? Pour les connaître,
il faut et il suffit de prendre au pied de la lettre ce que nous disent
les protagonistes. Du côté de Jean-Marie Le Pen, l'accent
est mis sur la personnalité du président-fondateur et le
devoir de loyauté de tous à son égard. Ce ton paternaliste
à connotation nettement monarchiste évoque naturellement
la France de Vichy, traditionnelle, terrienne, provinciale, la France des
anciens notables, à laquelle Le Pen entend personnellement se rattacher
par une méthode de conduite dictatoriale des affaires en situation
de crise, directement inspirée de l'exemple romain antique. Le chef
du FN a des références classiques et héroïques.
Ill tente de perpétuer, à l'intérieur de son parti,
une tradition républicaine héritée de nos classiques,
sans renier pour autant la modernité et ses questions brûlantes.
Du côté de Bruno Mégret, l'approche est incontestablement
moins lyrique, plus froide même, policée, pondérée,
presque asesptisée, civile au sens très moderne et actuel
du mot et son analyse de la prise du pouvoir par le FN évacue allègrement
toute référence trop personnalisée. Pour lui et ses
alliés, les impératifs techniques de cette conquête
par les voies démocratiques sont absolument prioritaires, dussent
les personnes en souffrir ou s'effacer devant les nécessités
de l'efficacité de l'action partisane. Pendant plusieurs mois, sans
doute, le combat a dû être sourd et feutré entre les
deux hommes. Mais l'un et l'autre se réclament de la démocratie.
Il est donc fatal qu'ils finissent par s'affronter sur son terrain à
elle. Le Pen se découvre plus que jamais providentiel et Mégret,
plus que jamais soucieux de correction réglementaire. Le terrain
est imposé; la lutte y est d'autant plus féroce…
Or, sur ce terrain, et il le sait, l'avantage revient
à Bruno Mégret contre Jean-Marie Le Pen. Les valeurs morales
et quasi féodales auxquelles fait appel ce dernier ne sont des valeurs
solides et durables que si la personne qui les invoque assure dans les
faits une réelle impartialité de jugement, un désintéressement
incontestable et un sens de la mesure dans les appréciations personnelles
qui soit compatible avec un minimum d'équité. En perdant
ces tonalités-là, Jean-Marie Le Pen démontre malheureusement
qu'il ne maîtrise plus l'ensemble de son propre parti. Quant à
Bruno Mégret, il comprend parfaitement ces nostalgiques de la France
rurale traditionnelle mais c'est avant tout un homme d'action moderne.
Pour lui, l'aspect technocratique de la gestion d'un idéal patriotique
en politique revêt une réelle importance dans la vie publique
immédiate, et toute valeur morale d'allégeance personnelle,
de fidélité et de personnification des enjeux doit céder
lorsque les circonstances exige le sacrifice des personnes, où qu'elles
soient et quels qu'aient pu être leur passé et leur mérite.
Que devons-nous en penser ? Jean-Marie Le Pen a beau
dire et répéter que toute politique autre que la sienne serait
un mauvais coup pour la France, il n'est pas la France, même si un
général, avant lui, avait émis une prétention
identique. Ce langage appartient seulement au roi en monarchie. Il est
irrecevable en république ou dans un parti républicain. Quant
à transposer la dictature romaine en principe exceptionnel de salut
à l'intérieur d'un parti, c'est là une entreprise
qui ne peut avoir de crédibilité morale que si le non-patriotisme
des opposants au chef de parti est prouvé, d'une part, et d'autre
part si le chef de parti est cohérent avec soi. On ne peut se dire
démocrate et refuser d'entendre les militants de base… La cohésion
et l'entente à l'intérieur d'un parti doivent naturellement
primer toute revendication de poste dans une élection européenne
! Ainsi le voudrait, nous semble-t-il, le principe de la préférence
nationale dans la vie du parti lui-même, ou alors ce principe n'est
qu'un vulgaire slogan, vide de sens pratique.
Inversément, négliger les devoirs d'allégeance
envers un chef historique et maintenu démocratiquement, sous prétexte
de nécessité tactique imposant une stratégie nouvelle
peut conduire, Chirac l'a démontré hier, Philippe Séguin
le fait aujourd'hui, dans l'opposition, à miner tous les rapports
de confiance en politique. Cette conséquence est désastreuse
et ruineuse, car elle aboutit à l'institutionnalisation de la corruption
et à la démobilisation générale; plus gravement
encore, elle engloutit toute pratique politique, ses promesses comme son
langage, dans l'imposture la plus totale, celle que dénonce justement
Philippe de Villiers quand il parle d'une doite qui, bien que majoritaire
dans le pays, capitule systématiquement devant la gauche, fût-elle
au pouvoir, et qui n'ose même plus se qualifier elle-même de
droite face à la gauche. Il suffit de voir ce qu'est devenu le gaullisme
sous Chirac pour imaginer ce que pourraient devenir les idées maîtresses
du Front national dès lors que celui-ci composerait avec d'autres
coalitions partisanes ou d'autres Etats dans le cadre d'une coalition au
pouvoir. Mais ce sont là les exigences inéluctables de la
démocratie, que Monsieur Mégret néglige peut-être
aussi bien que Monsieur de Villiers…
Alors, nous demandons un peu de réflexion, un
peu de sagesse, un peu de prudence. Que chacun relise les anciennes lois
fondamentales du Royaume et, les ayant méditées, retourne
en lui-même, s'examine dans le secret de la conscience et voie combien
est téméraire et aléatoire toute entreprise de redressement
national qui tente, hors de ces lois naturelles et historiques, propres
à la France, de défendre des droits et des acquis nationaux
en les fondant sur des valeurs politiques fausses. Que chacun, revenant
à une réflexion sereine, se demande si ce ne sont pas précisément
ces valeurs fausses de la république en France, qui, de l'intérieur,
rongent en permanence une unité de sentiment patriotique naturelle,
aujourd'hui combattu par une classe politique établie et devenue
absolument indifférente au sort de la patrie, de la gauche aux partis
du centre.
L'absence des princes à ce débat national
est un fait dont nous ne cherchons pas à établir les responsabilités.
Cependant, nous ne pouvons que déplorer l'aisance dans laquelle
évoluent toutes les gauches en France, qui est ainsi livrée
à ses ennemis de l'intérieur. Le redressement de la droite
passe par celui de la tête.
Michel de Preux.