Lausanne 28e année «ne pas subir» Novembre 1998 No 279

 
Sommaire :

Droit d'asile
Charles-Emmanuel Ier, prétendant...
Bricoles

Droit d'asile
 

Sont des réfugiés les étrangers qui, dans leur pays d'origine ou le pays de leur dernière résidence, sont exposés à de sérieux préjudices ou craignent à juste titre de l'être en raison de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un groupe social déterminé ou de leurs opinions politiques.
Sont considérés notamment comme sérieux préjudices la mise en danger de la vie, de l'intégrité corporelle ou de la liberté, de même que les mesures qui entraînent une pression psychique insupportable.
Ces deux paragraphes sont les premiers de notre loi fédérale sur l'asile, entrée en vigueur le 1er janvier 1981. Depuis cette date, la Confédération s'est servie de cette définition, et d'une abondante doctrine sur la question, pour refuser la qualité de réfugiés aux 96 % des requérants d'asile qui étaient venus solliciter cet enviable statut.
On nous a doctement expliqué qu'il ne fallait pas confondre le réfugié et le migrant économique. On disait aussi le "vrai" et le "faux" réfugié, adjectifs brutaux pour tracer la ligne de démarcation entre les rares étrangers qui entraient dans l'étroite définition du persécuté politique qui pourra bénéficier de la loi sur l'asile et l'innombrable cohorte de ceux qui seront rejetés, car ils fuyaient la guerre civile, la misère, les opérations de purification ethnique, la conscription, mais qui n'étaient pas directement, personnellement, individuellement recherchés en raison de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un groupe social déterminé ou de leurs opinions politiques.
Selon la loi, donc, les survivants des familles algériennes égorgées par les militants du Groupe islamique armé ne peuvent bénéficier de l'asile, car les persécutions subies ne sont pas le fait du gouvernement algérien lui-même. En revanche, un militant du "Front islamique du salut", proche des égorgeurs, devrait pouvoir bénéficier du statut de réfugié en Suisse, car il est exposé, dans son pays d'origine et du fait même des autorités algériennes, à de sérieux préjudices en raison de sa religion et de ses opinions politiques.
M. Ahmed Zaoui est arrivé en Suisse le 2 novembre 1997 avec sa famille après avoir été condamné à Bruxelles et inculpé à Paris pour "association de malfaiteurs". En réalité, rien n'a pu être établi de précis à charge de ce professeur de théologie de 38 ans, mais il ne se cache pas d'être une des têtes pensantes du FIS, démocratiquement élu sur les listes de cette formation qui avait obtenu, comme on le sait, la majorité lors des dernières élections en Algérie avant que le pouvoir ne soit confisqué par des démocrates peu satisfaits du résultat des urnes.
M. Ahmed Zaoui est le type parfait de "vrai" réfugié au sens de la loi. On pourrait même soutenir que la loi semble avoir été écrite pour décrire son cas particulier. S'il ne devait y avoir qu'un seul réfugié admis par année, sur la base des étroites définitions admises par l'Office fédéral des réfugiés, ce devait être lui.
Sans doute, M. Zaoui était-il un personnage peu sympathique et un hôte encombrant. Le FIS n'a pas bonne presse et les militants barbus des tendances fondamentalistes de l'Islam ne suscitent, en pays chrétien, aucun enthousiasme.
Mais la loi suisse sur l'asile n'est pas faite pour protéger les gens sympathiques. Ceux-là, d'ailleurs, n'ont pas le mauvais goût de militer dans des organisations politiques mal vues de leur gouvernement. Tous les sympathiques Kosovars qui arrivent actuellement en Suisse et qu'on concentre dans des camps d'accueil (j'ai failli, par mégarde, inverser le verbe et le substantif) seront gentiment renvoyés dans quelques mois, au terme d'une procédure coûteuse, formaliste et inutile, car ils ne répondent pas aux critères de la loi.
Celle-ci est précisément destinée à protéger les minoritaires, les persécutés, a priori les individus détestés par les autorités légales de leur pays d'origine ou de dernière résidence.
Le pays qui accueille un tel personnage et qui lui accorde l'asile politique se met nécessairement à dos le gouvernement légal du pays d'origine qui criera au scandale, accusera l'Etat d'accueil de complicité avec le terrorisme (on ne discute pas avec les terroristes, mais quand un ancien terroriste devient chef d'Etat, comme M. Begin en Israël ou M. Arafat en Palestine, on recommence à discuter). L'Italie en sait aujourd'hui quelque chose.
Il faut donc, pour accorder l'asile politique à un personnage politique en vue, que l'Etat d'accueil ait du cran, qu'il soit prêt à subir d'acerbes critiques, voire un boycottage du pays d'origine, des mesures de rétorsion diplomatiques ou économiques, et qu'il tienne bon néanmoins, convaincu que les questions d'opportunité politiques doivent céder le pas au droit international humanitaire.
En expédiant nuitamment M. Ahmed Zaoui au Burkina Faso, pour se défaire d'un hôte encombrant et ne pas déplaire aux gouvernements algérien, belge et français avec lesquels nous entretenons les meilleures relations, le Conseil fédéral a manifesté qu'il n'avait pas de c… A vrai dire, on s'en doutait déjà depuis quelque temps, mais aujourd'hui, c'est officiel : les millions affectés à l'accueil des requérants d'asile sont dépensés en pure perte : le seul vrai réfugié arrivé en Suisse depuis l'année passée est aussi le premier à avoir été expulsé.
 

Claude PASCHOUD



Charles-Emmanuel Ier le Grand
Prétendant latin à la couronne impériale.
   
Chaque année, en décembre, on commémore l'"Escalade" manquée de Genève par les soldats napolitains et espagnols de Charles-Emmanuel Ier, prince de Piémont et duc de Savoie. Jusqu'au début de la Deuxième Guerre mondiale, cette fête est accompagnée d'une mascarade populaire.
M. d'Albigni, parti de Bonne, à plus d'une dizaine de kilomètres à l'est de Genève, avec 1000 fantassins, 100 arquebusiers à cheval et 200 cuirassiers, voit une très nombreuse noblesse compléter son effectif. Le Duc a décidé de tenter, dans la nuit du 11 au 12 décembre 1602, de pénétrer dans la Rome protestante, par surprise, en escaladant ses murailles. Les Genevois, déjà alertés, des bords de l'Arve, par quelque "ami de la république", repoussent l'armée ducale, abattent leurs échelles !
De mon temps, à l'école primaire des années '30, les instituteurs répètent inlassablement la même narration officielle, la lanterne magique projette les sempiternelles compositions d'Elzingre, alors que les commerçants distribuent aux enfants la même image d'Epinal aux rouges et aux bleus trop intenses (qui ont généralement "foiré") relatant la "merveilleuse délivrance de Genève".
L'un des derniers clichés d'Elzingre représente Brunaulieu, l'un des chefs rescapés de l'expédition qui s'en va annoncer l'échec à Charles-Emmanuel impatient, qui attend au château d'Etrembières, au pied du Salève. Dépité, il dit à Brunaulieu : "Vous avez fait une belle cacade !".
Le mot, un tantinet vulgaire mais pas trop, a été inventé par les pisse-froid de la petite république. En réalité, le Turinois aurait dit : "Avete fatto una bella coglionata". C'est plus latin, plus viril. Il préfigure déjà les expressions crues, toscanes, du jeune Buonaparte !
Une seule fois, devant toutes les classes réunies de l'école de la rue Necker à Saint-Gervais, mon instituteur de quatrième, un Marseillais nommé Marius Noul, futur conseiller administratif, nous parle, sérieusement, de la fin du XVIe siècle et du début du XVIIe dans nos régions, de la Savoie, de Genève et de ses foires, de ses banques florentines. Cet instituteur non conformiste est un ancien Bellettrien.
A Genève enseigne l'universitaire Guglielmo Ferrero, qui apprend à lire l'Histoire entre les lignes et à être le plus objectif possible dans ce domaine, si faire se peut.
En dehors de toute célébration genevoise, humainement justifiable, on peut encore, après quatre siècles, rechercher toutes les raisons qui ont poussé le Duc à cette entreprise. Qui est, en réalité, Charles-Emmanuel Ier ? Pendant quatre longs siècles, il est le méchant, le voisin déloyal, voire le démon.
Fils d'Emmanuel-Philibert dit "Testa di Ferro", il naît en 1562, soit trente-cinq ans après la mort de Nicolo Machiavelli, Florentin, deux ans avant la disparition du Titan Michel-Ange. Il règne de 1580 à 1630, soit pendant un demi-siècle. Au moment de sa tentative de s'emparer nuitamment de Genève, il est âgé de 40 ans.
Durant son long règne, il pense souvent à une Italie unifiée, grande puissance comme la France ou l'Espagne. Il propose à ses pairs de la Péninsule une ligue contre l'hégémonie espagnole. De 1614 à 1618, il soulève l'enthousiasme d'une partie de l'Europe face au duel franco-espagnol; il fait sentir l'existence d'un Etat indépendant autour du Mont-Blanc; il marque le départ d'une nouvelle histoire italienne en exaltant le réveil de la conscience nationale, de son énergie, de sa valeur militaire, le refus de rester ou de tomber sous la coupe de l'étranger.
Comme au temps de Jules César, Genève possède une position stratégique importante dans la défense de son Etat. En 1600, le roi de France Henri IV vient de s'emparer de la Bresse et du Bugey, au nord-ouest de Genève, au détriment de la Maison de Savoie, qui a déjà perdu le Pays de Vaud, occupé par les Bernois.
Avant la défaite de Charles le Téméraire, soutenu par les Genevois et les Milanais, Genève se trouve sur l'axe lotharingien ou bourguignon, de la mer du Nord, des Flandres à Rome. Ses foires sont italiennes; les Français, craignant la naturelle rivale de Lyon, ne peuvent que l'ignorer. La Zecca sabauda, l'atelier des monnaies se trouve à Cornavin jusqu'en 1552; l'atelier offre aux opérations des foires qui ont lieu quatre fois l'an le concours d'un écu d'or fort recherché. Toutes les pièces portent les titres et les devises de la Maison de Savoie "Princeps et marchio in Italia".
La Réforme finit par couper Genève de son débouché naturel, du Sud, des "papistes", lui fait perdre sa fonction naturelle, ses échanges commerciaux et culturels, pour se tourner artificiellement vers les pays protestants du nord (d'où le malaise du Romand, assis entre deux chaises, à la recherche de sa véritable identité !).
Charles-Emanuel Ier est conscient des séculaires visées territoriales françaises sur le sud-est alpin méditerranéen, Nice, Savoie, le Piémont, Gênes, Turin, la Corse.
Genève, c'est la Genua des Ligures, c'est la sœur de Genova-Gênes, c'est la Janua, la porte du Rhône vers la mer Antique. Le montant droit de la porte, c'est la colline Saint-Gervais (Genava Minor). L'Helvète Divico le sait déjà 1662 ans avant l'Escalade ! Le contrôle de Genève prend naturellement une signification de protection anticelte ou antifrançaise.
Si Henri IV, dans sa lettre du lendemain de l'Escalade, prend le parti de Genève, c'est avant tout dans son propre intérêt plus que par amitié pour la ville de Calvin. Les Genevois ne sont pas dupes : le Traité de paix de Saint-Julien en Genevois entre la Savoie et Genève est rapidement signé l'année suivante. (A ce propos, pourquoi, après la Deuxième Guerre mondiale, a-t-on permis, sur le lieu même de sa signature, de desceller la plaque qui a longtemps rappelé ce traité ?)
Cent quatre ans après l'Escalade, c'est Victor-Amédée II, arrière-petit-fils de Charles-Emmanuel Ier, qui bloque les ambitions françaises à Turin, assiégé par les troupes de Louis XIV le très chrétien, celui qui a fait bombarder Nice avec le concours des Turcs "infidèles" !
Mais revenons à Charles-Emmanuel Ier. Un siècle après la diffusion du "Prince" par le fameux secrétaire florentin, douze ans après l'Escalade, le poète Fulvio Testi (1593-1646) croit avec Alessandro Tassoni (1565-1635), autre poète, que Charles-Emmanuel Ier va entreprendre la glorieuse tâche d'unifier et de refaire l'Italie. Voici quelques vers de son "Exhortation à Charles-Emmanuel" : (Pour être enfin libres et délivrés de toute servitude,
à toi nous élevons nos bronzes et dédions nos marbres).
La vraie figure de Prince du Piémont et Duc de Savoie, Charles-Emmanuel Ier, est celle d'un prince italien, pouvant s'identifier en une certaine mesure au Prince de Machiavel, encore proche des condottieri de la Renaissance, énergique, ambitieux, héroïque, idéaliste, bien au-dessus des autres princes ses contemporains, qui règnent sur le reste de la Péninsule.
 
Giuseppe PATANÈ



Bricoles

Autogoal

Les ayatollahs de la Ligue suisse contre la vivisection viennent de marquer un bel autogoal avec leur dernière campagne d'affichage, où l'on voit un jeune renardeau se plaindre à un enfant de n'avoir plus de mère, celle-ci ayant été victime des chasseurs "qui l'ont tuée pour satisfaire au commerce de la fourrure".
Le renardeau de la photo est un bébé du printemps, ou de l'été. Or, il n'y a pas de chasse de fin février à fin septembre dans nos contrées, et de plus, aucun fourreur ne saurait que faire d'un pelage d'été.
S'il faut absolument embrigader les enfants dans les querelles idéologiques des grands, voici une occasion de leur expliquer que la Ligue suisse contre la vivisection est constituée d'ânes gris, qui n'ont pourtant rien à craindre ni des chasseurs, ni des fourreurs.
Invention de l'eau tiède
"Un professeur de Leysin réinvente l'apprentissage de la conjugaison" nous apprend 24 Heures dans un article dithyrambique. "Un livre novateur, voire révolutionnaire" proclame son auteur, Monsieur Bertrand Hourcade, enseignant dans deux gymnases de Lausanne, en présentant sa méthode de la dérivation radicale.
On jette un coup d'œil au tableau noir et on constate que la méthode révolutionnaire que le professeur de Bayonne vient de réinventer est exactement celle qu'on enseigne dans le Pays de Vaud depuis plus de 40 ans. Ah ! Ces Français, ils sont impayables !
Christo
J'admire Christo, cet artiste bulgare qui a emballé le Pont-Neuf de Paris et le Reichstag de Berlin avant d'emballer d'une toile fine les arbres de la Fondation Beyeler à Riehen. D'abord, parce qu'il ne réclame aucune subvention aux pouvoirs publics, malgré les coûts faramineux de chacune de ses opérations.
Ensuite, parce qu'il ne nous assomme d'aucun message philosophico-politique. Ce qu'il fait est de nature purement esthétique, et volontairement ephémère.
Voilà qui nous change agréablement de la cohorte des médiocres qui rêvent de laisser à la postérité, et aux frais du contribuable, des "œuvres" absconses et laides dont les seules vertus seraient de nous "déranger".
 
Boycottage

M. Rudolf Keller, président des "Démocrates suisses", pourrait être la victime de l'article 261bis du code pénal (dit : "loi contre le racisme") que sa formation politique n'avait pas combattu. Au plus fort des attaques venimeuses lancées contre la Suisse par les organisations juives et américaines, le conseiller national Keller appelait au boycottage de "toutes les marchandises américaines et juives" jusqu'à ce que les plaintes collectives contre la Suisse cessent.
La Commission des affaires juridiques du conseil national, présidée par le socialiste extrémiste genevois Nils de Dardel, propose la levée de l'immunité parlementaire du député, pour permettre son inculpation pour "incitation à la haine raciale". Mais qui a parlé de race ?