Lausanne 27e année       «ne pas subir»            Avril 1997 No 264

Sommaire :

Un illustre faux témoin
La grenouille et le boeuf


Un illustre faux témoin

C'est le 16 avril dernier que le Conseil fédéral a nommé M. Rolf Bloch, président de la fédération suisse des communautés israélites, à la présidence du fonds spécial en faveur des victimes de l'Holocauste. Le gouvernement aurait bien voulu également nommer les trois représentants de la communauté juive internationale, mais le secrétaire général congrès juif mondial, M. Maram Stern, n'a donné que trois noms, mais oralement et sous réserve : Elie Wiesel, prix Nobel de la paix, Josef Burg, ancien ministre et président de l'association faîtière des partis religieux d'Israël, père de M. Avraham Burg (président de l'Agence juive) et Avraham Hirschom, député à la Knesset. Pourquoi pas de noms définitifs, s'interroge Denis Barrelet dans 24 Heures ? "A cause, semble-t-il, d'Elie Wiesel. Du côté de la communauté juive internationale, on aurait voulu qu'une place particulière lui soit attribuée, de préférence la présidence. Or, l'ordonnance instituant le fonds prévoit expressément que le président doit être Suisse".

Le Conseil fédéral, surpris de cette exigence de dernière minute, s'est néanmoins félicité qu'une personnalité de cette importance accepte de prêter son concours et s'est déclaré prêt à accorder à Elie Wiesel, "à la tête du fonds, un rang adapté à sa personnalité", comme il serait prêt à modifier le règlement stipulant qu'un seul membre de la direction doit provenir d'Israël. Bref, une fois de plus, le Conseil fédéral est prêt à se coucher.

M. Elen Steinberg, directeur exécutif du congrès juif mondial, a expressément accusé M. Thomas Borer, chef de la Task Force, de mensonge alors que M. Flavio Cotti a protesté contre une lettre de M. Edgar Bronfman aux donateurs, qui persiste dans ses accusations à l'égard des banques suisses, coupables de "continuer à garder de l'argent volé aux Juifs". Comme le dit 24 Heures, la tension remonte entre la Suisse et le Congrès juif mondial.

Ne nous faisons pourtant aucun souci : le Conseil fédéral se couchera. M. Avraham Burg, président de l'Agence juive et membre de la "commission Volcker", qui mène l'enquête sur les fonds en déshérence et les autres valeurs en possession des banques provenant de victimes du nazisme, injurie calmement M. Jean-Pascal Delamuraz dans une longue interview publiée par 24 Heures, tout en confirmant que les pressions exercées sur la Suisse par son organisation étaient constitutives de racket et de chantage : A la question : "que pensez-vous du fonds humanitaire qui serait constitué par la Confédération grâce à l'or de la Banque nationale", M. Burg répond : "Le discours du président Arnold Koller du 5 mars était une suite aux déclarations courageuses de Kaspar Villiger en 1995, une réponse très brillante à nos demandes avant que la Suisse subisse trop de dommages…".

Le Conseil fédéral est donc prêt à dérouler le tapis rouge devant les représentants de toutes les organisations juives et même, si on l'exige, à se glisser in corpore sous le tapis. Dans quelques semaines, on pourrait même offrir à M. Elie Wiesel la présidence du directoire de la Banque nationale.

Mais qui est donc M. Elie Wiesel ? Rescapé des camps d'Auschwitz et de Buchenwald, il a publié en 1956 en yiddish et en 1958 en français sous le titre "La Nuit" un témoignage autobiographique dans lequel il explique comment les Allemands exterminaient les Juifs : par le feu, en les jetant vivants dans des fournaises, en plein air, au vu et au su de tous les déportés.

"Non loin de nous, des flammes montaient d'une fosse, des flammes gigantesques. On y brûlait quelque chose. Un camion s'approcha du trou et y déversa sa charge : c'étaient des petits enfants. Des bébés ! Oui, je l'avais vu, des mes yeux vu… Des enfants dans les flammes. (Est-ce donc étonnant si depuis ce temps-là, le sommeil fuit mes yeux ?)"

M. Elie Wiesel a manqué de perspicacité. Parmi tous les bobards de guerre lancés par la propagande alliée, il a choisi, en le présentant comme un témoignage personnel vécu, le moins plausible. Il n'y a aujourd'hui pas un seul historien pour l'accréditer.

Dans une contribution à la Revue d'Histoire de la Deuxième Guerre mondiale, Mme Germaine Tillion s'exprime ainsi sur les auteurs maniant le mensonge gratuit : "Ces personnes sont, à vrai dire, beaucoup plus nombreuses qu'on ne le suppose généralement, et un domaine comme celui du monde concentrationnaire – bien fait, hélas, pour stimuler les imaginations sado-masochistes -–leur a offert un champ d'action exceptionnel. Nous avons connu de nombreux tarés mentaux, mi-escrocs, mi-fous, exploitant une déportation imaginaire; nous en avons connu d'autres – déportés authentiques – dont l'esprit malade s'est efforcé de dépasser encore les monstruosités qu'ils avaient vues ou dont on leur avait parlé et qui y sont parvenus. Il y a même eu des éditeurs pour imprimer certaines de ces élucubrations, et des compilations plus ou moins officielles pour les utiliser, mais éditeurs et compilateurs sont absolument inexcusables, car l'enquête la plus élémentaire leur aurait suffi pour éventer l'imposture".
Certes, ce n'est pas à Elie Wiesel que Mme Tillion s'en prenait, puisque son "témoignage" n'avait pas encore paru.

Mais c'est bien de M. Elie Wiesel que parlait le journal Le Monde, lorsque le prix Nobel de la paix lui fut attribué en 1986 : Naturellement, même pour ceux qui approuvent la lutte de l'écrivain juif américain découvert jadis par le catholique François Mauriac, il en est qui lui font grief d'avoir trop tendance à transformer en "dolorisme" la douleur juive ou d'être devenu le grand prêtre d'une "gestion planifiée de l'Holocauste".

Même M. Pierre Vidal-Naquet, grand pourfendeur de révisionnisme, s'inquiète : "Le rabbin Kahane, cet extrémiste juif […] est moins dangereux qu'un homme comme Elie Wiesel qui raconte n'importe quoi… Il suffit de lire certaine description de La Nuit pour savoir que certaines de ces descriptions ne sont pas exactes et qu'il finit par se transformer en marchand de Shoah… Eh bien lui aussi porte un tort, et un tort immense, à la vérité historique"

Voilà l'homme à qui le Conseil fédéral s'apprête à confier "à la tête du fonds, un rang adapté à sa personnalité". Quel rang pourrait être adapté à la personnalité d'un faux témoin avéré et démasqué ?
Quand le gouvernement suisse aura fini le cirer les bottes de l'Agence juive, du Congrès juif mondial, et de tous les lobbies satellites, il nous donnera sans doute une réponse à cette épineuse question, qui n'a en soi pas grande importance.

L'essentiel est que la Suisse, les banques suisses, le peuple suisse, passent à la caisse. Ensuite, ce sera le tour d'autres pays. Avec les maîtres-chanteurs, il n'y a pas trois solutions. Soit on refuse de chanter, soit on y laisse tout son patrimoine.

Claude PASCHOUD



La grenouille et le boeuf
 

La professionnalisation de l’armée française déjà amorcée sous feu François Mitterrand, président socialiste de l’Hexagone, n’impliquait nullement la suppression du service national obligatoire. La raison de cette suppression est essentiellement financière.

Le budget de la défense française ne peut, en effet, financer à la fois une force professionnelle et le grand contingent des appelés. Le gouvernement va donc faire appel uniquement au volontariat pour obtenir les effectifs indispensables. On parle aussi de féminiser l’armée française.

D’autres raisons ont été invoquées, d’ordre technique surtout. A présent, le statut des appelés - quelque cent mille victimes oubliées durant la désastreuse guerre d’Algérie - serait un frein à la création des forces indispensables hors du territoire.

Enfin, on avance le prétexte que le service national serait devenu inégalitaire, du fait qu’on en a multiplié les formes civiles.

Le principe de la conscription serait maintenu sous la forme d’un rendez-vous des citoyens, consistant à rassembler l’espace d’une semaine les jeunes gens et jeunes filles qui pourraient éventuellement se déclarer volontaires pour un service militaire ou civil. On ne voit pas encore comment sera financée cette entreprise.

C’est un signe d’inconscience politique que de vouloir rompre avec une institution presque bicentenaire. Ce n’est qu’une solution tactique provisoire, destinée à faire passer une réforme, et qui n’a même pas d’utilité technique. Mais les élections se profilent à l’horizon. Rien ne dit toutefois que dans deux ou trois ans l’équipe actuellement au pouvoir sera encore en place. Comment ses successeurs useront-ils de cet héritage mal défini ? Sans vouloir peindre le diable sur la muraille ou dénigrer la République des Lettres, on doit rappeler que les initiatives mal engagées engendrent le plus souvent des résultats contraires aux promesses ou aux espoirs qu’elles avaient suscités, comme le montrent la construction européenne et la collaboration militaire de l’Allemagne et de la France.

Après le battage publicitaire organisé autour de l’entente militaire franco-allemande - on a même vu les blindés allemands défiler sous l’Arc de Triomphe, comme il en avaient pris l’habitude depuis 1870 - voilà que le ministre de la défense annonce le départ imminent et la suppression des forces françaises stationnées en Allemagne, ce qui aura des conséquences sur la défense allemande qui doit maintenant remplacer les contingents français, avec tous les effets que cela implique forcément sur le budget. Sans préavis, sans concertation, Jacques Chirac a mis ses partenaires allemands devant le fait accompli. Cette violation d’un engagement pourtant largement médiatisé prouve que l’actuel président de la République manque à la fois de diplomatie et d’honnêteté politique. Tout gaulliste qu’il se prétend, il fait plutôt figure de relaps, comme on dirait en langage religieux.

Pour en revenir à la suppression du service national, on a constaté qu’elle avait engendré plus de mécontentement que la réduction des effectifs ou les coupes opérées dans le budget de la défense. En effet, le service militaire obligatoire est une institution républicaine ancienne, ancrée dans la mentalité collective sous forme d’un large consensus. Un nouveau consensus se construira-t-il autour d’une nouvelle conception de l’armée ?

La professionnalisation est concevable au prix d’un investissement important dans le matériel et l’armement. On obtient ainsi une armée moins nombreuse, dotée d’une puissance de feu plus performante, impliquant tous les combattants. Mais on ne peut créer une armée "projetable" avec un armement réduit. Pour la "projeter", il faut des moyens. Où sont-ils donc, ces moyens ?

En l’an 2000, l’armée française disposera de 420 chars au lieu de 500 (la Bundeswehr en possède 3000).
La France, qui voulait mettre sur pied une force d’intervention rapide basée sur l’emploi des hélicoptères ne pourra plus aligner que 168 appareils au lieu de 340, comme c’est le cas actuellement.

La marine nationale verra diminuer fortement le nombre de ses navires et de ses équipages. On renoncera à la construction d’un second porte-avion nucléaire.

Naturellement, l’aviation sera elle aussi réduite au fil des années pour passer de 420 avions à 320.
Nous ne mentionnerons que brièvement les répercussions de cette cure d’amaigrissement sur l’industrie de l’armement que le Général De Gaulle avait développée pour démontrer que la France pouvait rester indépendante des fournisseurs étrangers - ce qui n’empêche pas les Américains de l’inonder de Coca-Cola et de Mac Donalds. La suppression de tonnes de matériel militaire se répercute évidemment sur la vie sociale et économique en aggravant un chômage déjà galopant.

D’ici à l’an 2000, l’industrie de l’armement licenciera soixante mille employés. Et qui nous assure, maintenant que Chirac a placé son armée sous le commandement de l’OTAN, que les forces militaires françaises ne seront pas équipées de matériel étranger - américain, bien sûr, qui en douterait ?
Autre conséquence : le citoyen se sentira de moins en moins concerné par la défense nationale, ce qui équivaut à l’apparition d’une nouvelle mentalité.

Le combattant de l’avenir, happé par la mondialisation, sera-t-il un mercenaire projetable dans n’importe quel lieu où prévaut une situation militaire critique ?

En France, tout particulièrement, ce sont les fondements de la République qui risquent de s’effondrer dans une société globalisée. La disparition du service obligatoire en est un indice. Comme le phénomène est irréversible, on verra bientôt disparaître également l’institution scolaire, la protection sociale.
Ceux qui tiennent les cartes, de nos jours, ce sont les mass media monopolistiques, qui font la politique, tout comme le lobby publicitaire de consommation. Les rodomontades tardives et maladroites du président de la République des Lettres n’y changeront rien.

La France est le seul pays - à l’exception des Etats-Unis - qui se pose en phare de la civilisation, du progrès humaniste, en nation prépondérante. Il y a pourtant belle lurette qu’elle n’est plus qu’une puissance de seconde zone, qui n’a subsisté au cours de ce siècle que grâce à l’intervention d’alliés plus ou moins bien acceptés.

Qu’elle le veuille ou non, elle est touchée par la mondialisation, qui fait disparaître les particularités nationales au profit d’un certain nombre d’incertitudes.

Le marché mondial pourra-t-il à terme remplacer la patrie ?
A vous de juger.
 

Triboulet (fou du roi)