Roger Garaudy s'est toujours trompé. Depuis plus
de cinquante ans, il a successivement
servi tous les plus mauvais maîtres et il a fini
par tous les trahir. Et pourtant, son influence a
été considérable. Il a écrit
plus de cinquante livres, traduits en 27 langues. Son oeuvre a
suscité plus de 25 thèses et études
diverses en France, en Allemagne, en Belgique, en
Espagne, en Hollande, en Italie, au Portugal, en Yougoslavie,
aux Etats-Unis, en Egypte, au
Zaïre et, bien entendu en Union soviétique.
Garaudy, outre ses oeuvres destinées à la
défense et à l'illustration du marxisme, notamment
son "Karl Marx", traduit en onze langues, s'est intéressé
à la morale, à l'esthétique et à la
religion : ses tentatives de réconciliation entre
les chrétiens et les marxistes sont restées
célèbres. Membre influent du Bureau politique
du Comité central du parti communiste
"français", il en a été exclu en
1970 pour déviationnisme et s'est ensuite converti à l'Islam.
En fait, Garaudy est difficilement classable. Probablement
animé par un désir sincère de
recherche de la vérité, il parvient à
se brouiller avec tout le monde, à cause de son souci de
pureté idéologique : pour lui, le parti
communiste et l'Union soviétique avaient trahi la
pensée de Marx, l'Eglise catholique était
infidèle au Christ, l'Islamisme trahissait l'Islam.
Le dernier volet de ce quadriptyque (le sionisme est aux
antipodes du grand prophétisme
juif) suscite aujourd'hui un véritable scandale
médiatique auquel le haineux abbé Pierre est
associé, pour avoir apporté son soutien
à son ami de longue date.
De quoi s'agit-il ?
Sous le titre provocateur "Les Mythes fondateurs de la
politique israélienne", Garaudy
publie, à compte d'auteur et en Samiszdat un pamphlet
violemment antisioniste qui suscite
des réactions d'autant plus passionnées
et embarrassées que l'auteur n'est pas, n'a jamais été,
antisémite : il est l'ami de Bernard Lecache,
fondateur de la LICA (aujourd'hui : LICRA),
son compagnon de déportation en camp de concentration,
il s'est recueilli au Mur des
Lamentations, accompagné par un ministre israélien,
il est l'ami de Nahum Goldman, ancien
président du Congrès juif mondial. Il a
donné des cours sur les Prophètes d'Israël qu'il
connaît mieux qu'un savant rabbi. Personne en outre
ne peut soupçonner le vieux fossile
stalinien d'être indulgent à l'égard
du nazisme ou de l'"extrême-droite" qu'il a combattus
toute sa longue vie.
L'ignoble personnage n'a eu qu'un tort : s'en prendre
à la politique impérialiste, colonisatrice
et agressive de l'Etat d'Israël : en juin 1982,
après les massacres perpétrés au Liban, Garaudy
publie dans Le Monde, avec le père Michel Lelong
et le pasteur Mattiot, une tribune libre
condamnant l'agression israélienne, démontrant
qu'il ne s'agissait pas d'une bavure, mais de
la logique interne du sionisme politique sur lequel était
fondé l'Etat d'Israël. Il n'en fallut
pas plus pour que Garaudy soit l'objet de menaces de
mort et qu'un procès lui soit intenté
par la Ligue contre le racisme et l'antisémitisme
pour "antisémitisme et incitation à la
haine raciale". Démontrant que les exaction au
Liban avaient été dénoncées par de hautes
personnalités juives, comme Mendes France et Nahum
Goldman, prouvant son combat
personnel constant contre l'antisémitisme, Garaudy
gagna son procès en première instance,
en appel et en cassation, la LICRA étant condamnée
aux frais et dépens.
Depuis ce jour, les portes des éditeurs se ferment
devant celui qui avait publié chez PUF,
Bordas, Seghers, Plon, Gallimard, Fayard, Grasset, Seuil,
Skira, Denoël, Laffont, Stock,
Albin Michel, Belfond et quelques autres. Le lobby sioniste
avait décrété sa fatwa.
La thèse défendue par Garaudy, dans son
dernier opus, s'articule en trois volets : dans une
première partie, traitant des "mythes théologiques",
l'auteur montre que le sionisme, comme
politique actuelle de l'Etat d'Israël, se fonde
sur une interprétation littérale et erronée de la
Thora, soit du Pentateuque, dans ses descriptions de
la "terre promise" et du "peuple élu".
Une deuxième partie reprend toutes les thèses
révisionnistes sur le caractère mythique des
chambres à gaz pendant la IIe Guerre mondiale,
et met même en doute la volonté nazie
d'extermination des juifs. Selon l'auteur, la "solution
finale" n'aurait nullement la
signification qu'on lui prête aujourd'hui, mais
traduirait le projet hitlérien de déportation
territoriale des juifs hors de l'empire germanique. L'Holocauste
serait un mythe. Les "six
millions" une invention à laquelle personne ne
croirait plus aujourd'hui.
Dans une troisième partie, Garaudy expose les mécanismes
de l'"utilisation politique du
mythe" aux Etats-Unis et en France, ainsi que les profit
qu'en retire l'Etat d'Israël pour le
financement de sa survie.
De ma démonstration, conclut l'auteur, dont nul
chaînon ne fut apporté sans en donner la
source, ne découle nullement l'idée de
la destruction de l'Etat d'Israël mais simplement de
sa désacralisation : cette terre, pas plus qu'aucune
autre, ne fut jamais promise mais
conquise, comme celle de France, de l'Allemagne ou des
Etats-Unis, en fonction des
rapports de force historiques en chaque siècle.
Il ne s'agit pas de refaire indéfiniment l'histoire
à coups de canon, mais simplement
d'exiger, pour tous, l'application d'une loi internationale
qui n'éternise pas des rapports
de jungle.
Dans le cas particulier du Proche Orient, il s'agit simplement
d'appliquer les décisions de
partage prises par l'ONU au lendemain de la dernière
guerre et la décision 242 qui
excluait à la fois le grignotage des frontières
des pays voisins et la captation de leurs
eaux, et l'évacuation des territoires occupés.
L'implantation, dans les zones illégalement
occupées, de colonies protégées
par l'armée israélienne et l'armement des colons, c'est la
perpétuation de fait d'une occupation qui rend
impossible une paix véritable et une
cohabitation pacifique et durable de deux peuples égaux
et indépendants, paix qui sera
symbolisée par le respect commun, sans prétention
à une possession exclusive de
Jérusalem, lieu de rencontre des trois religions
abahamiques.
Malgré une conclusion aussi mesurée, Garaudy
ne sera pas épargné par une presse aux
ordres du "lobby", non plus que son compère Henri
Grouès, dit l'abbé Pierre, ni même Jean
Ziegler, qui avait imprudemment apporté son soutien
amical au vieux crocodile marxiste.
Le dernier cité bat piteusement en retraite, alléguant
qu'il "réfute totalement le
révisionnisme" alors que l'abbé réaffirme
que l'ouvrage incriminé est "d'une érudition
exceptionnelle".
Ne nous faisons pas de soucis excessifs : malgré
la liberté d'expression garantie par toutes
les constitutions des Etats civilisés et par les
traités, l'ouvrage sera saisi et détruit. S'il ne
l'est pas immédiatement, il ne sera pas lu, les
journalistes en gilet rayé se contentant d'en
disserter sur la foi des résumés dictés
par la police de la pensée. Et si, d'aventure, il était lu,
il ne serait pas cru, nonobstant l'indication des sources
à chaque affirmation : dame !
Garaudy ne s'est-il pas toujours trompé ?
Claude PASCHOUD
Amendes d'ordre
L'hebdomadaire gratuit "Lausanne Cités" no 768 du 4 avril 1996 consacre un long article à critiquer l'augmentation des amendes d'ordre, au motif que cette augmentation "va nous rendre la vie de plus en plus difficile, au plus mauvais moment".
"Il ne manquait plus que ça, après les diverses hausses, comme celle de l'assurance maladie et de la poste" poursuit l'auteur, M. François Bertschi, qui publie la liste des conseillers nationaux vaudois qui ont approuvé cette hausse et incite ses lecteurs à "punir les coupables".
L'amende d'ordre n'est pas comparable à la prime d'assurance-maladie. Celle-ci est obligatoire. Celle-là sanctionne une contravention. Et il me paraît que non seulement la contravention n'est pas nécessaire, mais qu'elle est même déconseillée. Dès lors, loin de nous rendre la vie de plus en plus difficile, le doublement des amendes d'ordre, notamment pour parcage prolongé en zone bleue ou pour recharge d'un parcomètre, va peut-être enfin nous permettre de trouver une place en ville sans tourner et polluer pendant un quart d'heure.
Une amende d'ordre sans délai de réflexion
pour Lausanne Cités.
Swissair au pilori
Dans la polémique qui enflamme les politiciens et media de Suisse romande au sujet de l'abandon, par Swissair, de l'aérodrome de Cointrin comme tête de ligne pour les courriers intercontinentaux, il y a une question qu'un chef d'entreprise doit nécessairement se poser et dont la réponse n'est apparue nulle part : si l'entreprise est contrainte de revenir sur des choix stratégiques faits par ses responsables, et qu'il en résulte un déficit de 50 ou 100 millions par an, qui paiera la note ? Cointrin ? la ville ou le canton de Genève ? Les contribuables de Suisse occidentale ?
Qui disait : "Moins d'Etat" ?
"L'heure arrivera où les classes ignorantes auront seules des représentants au pouvoir. Tout le reste sera systématiquement exclu, tout le reste aura la minorité partout.Qu'adviendra-t-il lorsque le développement logique du suffrage universel, tel qu'il est organisé, aura produit ces résultats
inévitables ? Le monde social sera renversé brusquement et également. Ceux qui ont besoin d'être gouvernés gouverneront seuls...L'impôt sur la propriété sera voté à l'exclusion des propriétaires, par des gens qui n'ont rien. La transmission des héritages et le retour de la richesse seront réglés par des individus sans patrimoine. Les lois sur l'instruction et sur l'éducation seront faites par les hommes sans instruction et sans éducation... Ce qui est illégitime sera légal, ce qui est antisocial sera à la tête de la société. Les ennemis de l'ordre public commanderont la force publique. Les brigands occuperont le Ministère de la justice et nommeront la magistrature. Les voleurs auront à leurs ordres la gendarmerie..."
Henry LASSERRE : .
"De la réforme et de l'organisation du suffrage universel"
Contrairement à ce qu'imagine le droit démocratique
moderne, dont les historiens actuels ont tendance à
faire un modèle que nos ancêtres, par leurs
institutions traditionnelles, n'esquissaient que par approches
approximatives et incertaines, la notion de peuple est
une notion analogique et non pas univoque. A
l'intérieur d'un même Etat, sous une souveraineté
commune, il y en a plusieurs et non un seul, que les
révolutionnaires ont par ailleurs défini
comme indivisible.
Toute démocratie - et c'est le seul régime compatible avec la dignité humaine, selon eux - serait composée d'un corps de citoyens égaux en droits et formant un tout. La réalité sociale dément le premier de ces caractères, confirmant une contradiction permanente et générale dans tout régime de ce type entre la valeur juridique proclamée et le fait social. Même à l'intérieur des sociétés pourtant nivelées de cette fin de siècle, l'égalité juridique et politique est un mythe, que l'existence des nomenclatures partisanes atteste de la manière la moins réfutable. Devant l'accès à la fonction publique comme devant celui à la réussite sociale, l'égalité des chances n'y est qu'un mot. Ceci ne veut pas dire que le mythe égalitaire soit devenu caduc; il est au contraire plus puissant que jamais. L'idéal de la société communiste, une fois débarrassée de son messianisme para-religieux lié à un marxisme officiel et doctrinaire, est désormais réalisé tant en Occident qu'en Orient naguère communiste. Il suffisait, pour obtenir ce résultat, de dépersonnaliser la richesse et d'installer celle-ci dans la précarité, c'est-à-dire dans un état de faiblesse sociale et politique congénitale, des carrières strictement individuelles. D'où l'importance extrême de la politique fiscale dans les Etats modernes, alors que dans les sociétés traditionnelles, les hommes libres ne payaient pas d'impôts. Cette politique concertée de tous les Etats révolutionnaires est destinée à empêcher l'accumulation de capitaux corporatifs non étatiques dans les familles (le doit successoral participe à cette politique spoliatrice en décrétant notamment l'égalité de tous les héritiers du de cujus, qui est une atteinte au droit naturel de la liberté de tester, en interdisant même formellement les fidéicommis et les substitutions de ce type) ou les entreprises apparentées.
Aujourd'hui, l'homme influent dispose de mandats mais
ne maîtrise pratiquement aucun patrimoine en
totale indépendance. Sa richesse et son influence
dépendent entièrement de son insertion dans un système
de pouvoirs collectifs sur lesquels il ne peut agir qu'en
faisant la démonstration de sa parfaite solidarité
avec l'ordre (en réalité le désordre)
collectiviste établi. Le trafic d'influence et l'abus de biens sociaux,
dénoncés habituellement lorsqu'ils touchent
aux mandats politiques, sont, dans un tel environnement, des
normes difficilement contournables si l'on veut obéir
à une logique de rentabilité purement matérielle.
L'option sociale ou, pour reprendre le langage des clercs
modernes, l'option préférentielle pour les pauvres
s'inscrit sans problème dans une telle perspective
d'aliénations généralisées des pouvoirs humains
naturels.
Au reste, le nouveau catéchisme de l'Eglise catholique
(la question de savoir s'il s'agit bien d'un
catéchisme pleinement catholique ne sera pas traitée
ici) ne dit-il pas (cf. son numéro 2403) que la
destination universelle des biens prime le respect de
la propriété privée, celle-ci n'étant qu'une
concession
étatique seconde ?
Or, tel n'est pas l'ordre du droit naturel, qui fait au
contraire de la propriété privée un droit prioritaire
et
fondamental, s'imposant à tous, y compris aux
pouvoirs souverains, aux Etats. La sauvegarde du bien
commun dans chaque société n'est pas négligée
pour autant. Alors que la fausse morale politique moderne
dispose de ce doit comme il lui plaît de le faire
(parfois même au mépris de sa propre loi positive !), en
invoquant le prétexte d'une utilité commune,
dont la notion même peut être arbitrairement fixée par
des
instances politiques ou administratives, la morale naturelle
- la seule authentique, la seule universelle - en
refusant de jamais dissocier le droit de la propriété
du devoir d'en assumer les responsabilités sociales,
assure l'unique défense des pauvres qui soit conforme
à la volonté divine et qui ne puisse faire l'objet de
contestation parmi les hommes. Le débat actuel
sur l'emploi est très révélateur de l'impasse dans
lequel
nous plonge le doit révolutionnaire à l'oeuvre
en démocratie moderne. On ne crée pas, on ne développe
pas des entreprises "pour créer ou développer
des emplois", ni même pour les maintenir, sinon dans la
conception des camps de travail de l'Union soviétique
ou du IIIe Reich allemand... On crée ou l'on
développe des entreprises lorsqu'il y a création
de biens ou de services réels et que leurs produits méritent
par eux-mêmes d'être créés
ou développés. La création et le développement
des emplois salariés sont
subordonnés à ce pouvoir de création
et d'organisation, qui est premier, qui est prioritaire et seul maître
de
son oeuvre. L'emploi dans la confection de faux biens
et de services illicites détruit la moralité et contribue
à la ruine finale d'une société,
quelle que puisse être l'ampleur de leur création d'emplois.
La création de vraies richesses et de services
utiles fait naître l'hypothèque sociale du riche; la production
de fausses richesses et de services crapuleux, ou la
mise en priorité illicite et désordonnée d'une
hypothèque sociale sans égards ni à
la qualité des biens ou des services ni aux légitimes privilèges
attachés
à la détention de vraies richesses, lesquelles,
avant d'être matérielles, sont toujours spirituelles, morales
et
intellectuelles avant tout - ce qui fait que les imbéciles
sont pauvres par raison d'état, et lorsqu'ils
deviennent riches, c'est que quelque chose ne va pas
dans le royaume de Danemark - est un vol collectif,
une usurpation de compétence et de pouvoirs sociaux,
une substitution irrégulière, parfois même
scandaleuse, de fausses élites aux vraies élites,
forgées par la nature et par l'histoire. Nous ne le constatons
que trop aujourd'hui, où tous les pouvoirs, tant
civils que religieux, sont dominées par des êtres
insignifiants, et où les pouvoirs économiques
sont paralysés par le collectivisme, qui s'est installé au
coeur
des processus de décision dans les sociétés
libérales. Il n'y a plus de grandes familles industrielles ou
commerciales, il n'y a que des groupes anonymes à
la puissance financière littéralement monstrueuse. Le
secret de la corruption et de la paralysie sociale est
dans cet anonymat.
Au début de ce processus de dépersonnalisation,
les révolutionnaires avaient inventé cette distinction, qui
heurtait leurs principes théoriques mais qui,
néanmoins, faisait sa part au respect du réel : la démocratie
censitaire. Cette ségrégation, d'ailleurs
foncièrement immorale, entre citoyens actifs et passifs, fut vite
abolie par la logique démocratique qui fait de
chaque individu, homme ou femme, à la limite même
étranger ou national, un citoyen actif par droit
de naissance. Elle n'en reposait pas moins sur un certain
bon sens, déformé certes, en ce sens qu'on
ne pouvait décemment réserver les seules charges (fiscales
notamment) à la citoyenneté passive et
les droits ou les avantages à la citoyenneté active. En doit
naturel,
le sujet d'un pouvoir quelconque est son subordonné
immédiat; dans la structure familiale, la femme, les
enfants et les domestiques sont le peuple du chef de
famille; dans l'entreprise, les salariés du patron sont
son peuple, mais non ceux de l'extérieur avec
qui traitent ou peuvent traiter ses employés, qui n'ont aucun
engagement envers lui. Les sous-traitants sont comme
les sous-locataires, dans la dépendance de leur
employeur ou de leur bailleur direct. Dans la société
politique, les sujets d'un prince souverain ou les
citoyens d'une république sont exclusivement les
vassaux immédiats du premier ou les personnes
indépendantes appartenant à la corporation
dans la seconde. Ni les femmes, dépendant de leurs maris (à
moins qu'elles ne deviennent elles-mêmes chefs
de famille), ni a fortiori les employés ou salariés de toutes
catégories, ne constituent un authentique peuple
républicain, ou le peuple d'un roi si l'on se trouve en
monarchie.
C'est en effet une idée radicalement fausse et
contraire à la nature de considérer toute personne
indistinctement, dépendante ou non, comme appartenant
de droit à une relation politique. La plupart des
êtres humains ne relève pas de cette catégorie
de rapports, et ils n'en relèvent point pour cette seule raison
qu'ils dépendent de personnes elles-mêmes
non souveraines. Aux anciens Etats-généraux de France,
n'étaient présents que les nobles fieffés
dépendant directement du roi, pour le Second Ordre, et les villes,
sujets collectifs, elles aussi immédiates, du
souverain, pour le Tiers-Etat. Les paysans, qui constituaient
l'immense majorité de la population de ce royaume,
n'étaient absolument pas représentés à cette
assemblée, et il n'y avait aucune injustice à
cela puisqu'ils dépendaient ou de leurs seigneurs ou des villes.
Ils n'étaient donc pas le peuple du roi. Le terme
même de "Chambre des communes" en Angleterre, pour
désigner la Chambre basse du Parlement britannique,
dit assez qu'avant l'introduction du suffrage
universel dans ce pays, seules les communes, sujettes
immédiates du roi en dehors des Lords,
composèrent cette chambre. Dans l'ancienne République
des Dizains vallaisans, seuls les bourgeois des
communes cosouveraines du pays envoyaient des représentants
à la Diète, c'est-à-dire uniquement les
propriétaires fonciers, puisqu'eux seuls pouvaient
avoir accès aux bourgeoisies, à l'exclusion des
ressortissants du Pays sujet, tant dans le Haut que dans
le Bas-Vallais, des domestiques on propriétaires
ou des simples habitants des dizains. Un défaut
dans la constitution de ce pays privait même du droit
naturel de siéger à la Diète à
titre personnel et familial les seigneurs de juridiction ou titulaires
de
fiefs-liges, voire l'ensemble des nobles, comme cela
existait dans les Pays-Bas pour les membres des
Ordres Equestres.
Certains, ici, voudraient établir une comparaison
entre mon ancêtre, le colonel Angelin de Preux, vidame
de Miège, et Michel Mageran, le plus riche bourgeois
de Loèche de son temps. Mais il y avait entre eux la
même différence qu'entre un prince souverain
héréditaire et le président élu d'une république,
entre le
Prince de Monaco et le Président Jacques Chirac.
Le protocole diplomatique maintient aujourd'hui encore
cette hiérarchie, car le plus riche bourgeois
d'un dizain n'est jamais que le membre d'une collectivité qui
détient en propre une part de souveraineté,
tandis que le seigneur foncier indépendant en détient par
lui-même, à titre patrimonial, tout comme
le prince détient également en son nom propre la pleine
souveraineté de son Etat, alors que le président,
l'avoyer ou le Grand-Baillif, élus, la possèdent en dépôt
d'un autre que lui-même. Or, ce qui est possédé
en vertu d'un droit propre est supérieur à ce qui est
détenu par le fait d'autrui.,
Pourquoi donc nos sociétés vont si mal et
régressent, subissent des agressions mettant en cause la position
de l'Europe toute entière dans le monde, notamment
vis-à-vis des pays nouveaux d'Amérique du Sud ou
d'Asie, pays que les Droits de l'Homme et l'orthodoxie
démocratique embarrassent fort peu. Parce que la
démocratie qui sévit chez nous donne un
pouvoir politique à une immense majorité de personnes qui
n'y
ont aucun doit propre naturel et que ces personnes, détenant
des doits cette nature irrégulièrement, par
seul mobile idéologique, en usent arbitrairement
ou sans compétence, tant il est vrai que l'on n'use
correctement ou avec prudence d'un doit que lorsque ce
doit correspond à un pouvoir ou à une puissance
réelle et non mythique. Déclarer périodiquement
ou occasionnellement cosouverains des hommes et des
femmes qui ne touchent à la souveraineté
ni de près ni de loin est une absurdité.
La souveraineté et toute la vie politique sont
ainsi livrés aux aléas des opinions les plus variées,
les plus
hétérogènes, les plus fantaisistes
ou arbitraires, les moins constantes et les moins sérieuses. Mettre
une
part de souveraineté périodiquement entre
leurs mains, c'est faire de la politique non plus un art du
gouvernement des hommes mais un jeu de hasard tempéré
par l'intoxication et la manipulation des
masses. C'est livrer le bien commun à ce qu'il
y a de plus fragile, de plus éphémère et de plus stupide
dans
le mécanisme des prises de décision politique.
C'est enfin gangrener la vie économique elle-même et lui
inoculer le virus collectiviste en la mettant à
la merci de l'irrationnel et des passions humaines. Oui,
véritablement, Henry Lasserre avait pleinement
raison. Il a pour lui toute la tradition des réussites
politiques et commerciales privées de l'humanité
entière lorsqu'elle n'était pas assujettie à l'oppression
présente.
Michel de PREUX
En 1984, l'historien soviétique Andrei Amalrik
se posait déjà la question de la survie de l'ex-URSS. En
partant du problème ou de la problématique
concernant l'armement et le surarmement, il émettait de
sérieux doutes quant aux futurs modes de survie
de la Russie. Les industries de l'armement tournaient à
plein rendement en URSS, où presque 60% de la
population travaillait dans ce secteur, au détriment de la
production des biens de consommation qui auraient pu,
par une production qualitative et quantitative,
rehausser le niveau de vie du citoyen soviétique.
En occupant pleinement une partie majeure de la
population, il est évident que cette industrie
spécialisée dans l'armement résorbait le chômage,
actuellement à l'ordre du jour en ex-URSS. Car
en faisant subitement volte-face sans aucun plan de
réorganisation, sans aucune étude d'impact
sur les conséquences sociales et économiques, sans mesure
de
reconversion ou d'accompagnement concernant la réinsertion
des "travailleurs" (comme se plaisait jadis à
les appeler George Marchais !), une véritable
catastrophe socialo-économique s'est abattue sur le pays.
Amalrik avait bien entrevu que la continuelle montée
qui menait au surarmement soviétique atteindrait un
jour des sommets désastreux. Il aurait fallu ou
bien fabriquer des armes en vue d'un futur conflit à
l'échelle mondiale, ou alors s'arrêter et
amorcer une reconversion au profit de la population nationale qui
connaissait alors des pénuries multiples allant
d'un ravitaillement insuffisant aux problèmes de santé et
de
logement, etc. Mais on a d'un jour à l'autre décidé
que tout cela allait cesser et licencié des milliers, sinon
des millions de personnes occupées dans l'industrie
d'armement avec les complexes industriels et
entreprises annexes qui formaient un ensemble de secteurs,
naturellement étatisés, en régime marxiste.
Aujourd'hui, des milliers d'ouvriers, de spécialistes,
de l'ingénieur à l'officier des arsenaux, de marins mis à
terre, de grutiers et de chauffeurs, errent sur les quais
où rouillent les bâtiments de l'orgueilleuse flotte
russe.
Revenant à notre point de départ, la surfabrication
quantitative a eu des conséquences négatives sur la
qualité de la production. On pourrait prendre
comme exemple les sous-marins, produits de haute
technicité, considérés comme modernes
par les occidentaux mais manquant totalement dans leurs
équipements sophistiqués de confort pour
les équipages et nuisant ainsi à leur santé. En outre,
le secret
demeure toujours et nous ne saurons jamais combien d'accidents
se sont produits dans cette armée; il n'y
eut que quelques événements spectaculaires
en mer qui alertèrent l'OTAN et encore, les sous-marins
russes refusèrent toute assistance étrangère
et il est fort probable que certains accidents ont donné lieu à
des suicides collectifs, sur ordre de l'amirauté
soviétique.
La guerre en Afghanistan a révélé
la vulnérabilité de l'armement terrestre et les carences
déjà logistiques;
les véhicules blindés russes n'ont jamais
impressionné les moudjahidin, pas plus que les hélicoptères
abattus par centaines. Pour le crédule et le naïf,
seule l'apparition de la fameuse Kalachnikof prend une
forme quasi publicitaire pour la qualité de l'armement
russe. L'URSS n'exportait que peu de matériel de
guerre, souvent suranné vers Cuba, l'Afrique,
les pays en ébullition révolutionnaire ou guerrière,
le Moyen
et Proche-Orient, certains pays asiatiques et les organisations
révolutionnaires au sein de l'Amérique latine.
Cela entretenait certes les troubles souhaités
par les doctrinaires de la Révolution Mondiale mais ne
gonflait certainement pas la masse des devises étrangères
indispensables au commerce extérieur.
Amalrik avait donc raison en prédisant la fin désastreuse
de cette politique économique étatisée
fonctionnant hors normes des principes d'un marché
et du sens des affaires (offre et demande) et privée
de la liberté d'entreprise et des marges de bénéfices.
Et Chez nous en Occident ?
Actuellement, et malgré les apparences trompeuses,
une mutation à l'échelle mondiale, profonde et
radicale se fait jour.
Ainsi, l'industrie hexagonale française connaît
une baisse de 22% depuis cinq ans. Les causes en sont la
réduction des achats concernant l'équipement
national et une baisse sensible des exportations. Jadis, la
France assurait dans le monde 60% de certains approvisionnements
militaires. Les véhicules blindés de
fabrication Panhard se vendaient facilement aux Indes,
en Amérique centrale et du sud; on en trouvait
jusqu'en République sud-africaine ainsi que dans
d'autres Etats africains; on en vendait même à
l'Indonésie et aux Etats malais. Les hélicoptères
dits légers connurent un grand succès de vente, de même
que certains avions de brousse spécialement équipés;
ils furent détrônés par les fameux appareils de
fabrication suisse, les Pilatus, transformables en un
tournemain d'avions civils en appareils militaires.
L'industrie de l'armement connaît une baisse drastique
de 28% aux Etats-Unis, de 26% en Allemagne et
de 15 % au Royaume Uni.
Si nous redonnons en exemple l'industrie de l'armement
de notre voisine la France, il nous faut insister sur
le fait qu'elle fut celle qui fournit au monde 60% des
besoins ; elle fut donc une industrie fort bénéfique
sur le plan de l'exportation et donc de l'économie
nationale. Si aujourd'hui la baisse sensible de 22% va se
répercuter péniblement sur la balance commerciale,
deux facteurs principaux en resteront la cause
essentielle.
Les changements intervenant dans la politique de défense
nationale coupent durement les crédits alloués
pour les commandes relevant du marché intérieur.
Une brutale concurrence américaine s'est fait jour
sur le marché international de l'armement et ceci en
raison de la diminution du marché des affaires
intérieures dans l'armement des USA. De 1990 à 1995, les
dépenses ont été réduites
de 38 à 14 milliards et l'hégémonie américaine
qui ne veut céder à aucun
concurrent sa place sur notre planète s'est lancée
dans une offensive mercantile mondiale pour occuper les
marchés et évincer les concurrents. La
baisse des commandes fédérales a donc, aux USA, renversé
le
rapport marché intérieur et exportations.
Entre 1996 et l'an 2000, les industries américaines
ne construiront plus que 98 avions de combat pour le
Pentagone, mais ils en construiront en revanche 418 pour
l'exportation !
La pugnacité américaine est légendaire;
tous les moyens sont bons actuellement pour être présent sur
tous
les marchés mondiaux d'armement. Et il faut reconnaître
que la maîtrise fédérale US de la haute
technologie militaire l'emporte à tous les coups.
Les livraisons américaines au marché mondial de
l'armement ont grimpé de 34,5 à 55%, ce
qui est notable.
Les armements conventionnels reviendront-ils à la mode ?
Nous assistons sur notre planète à un nombre
incalculable de conflits de plus ou moins grande envergure
qui démontrent tous les jours l'incapacité
et le rôle inutile joué par l'ONU dans une soi-disant "marche
vers la paix".
Mais malgré certaines apparences (réforme
du système militaire, diminution de la quantité des armes
produites, réduction des effectifs), les grandes
puissances gardent en réserve des moyens techniques et
destructeurs d'une envergure inouïe. Le prochain
conflit planétaire (auquel nous ne souhaitons plus
assister) avec nucléaire, laser, ultrason, nouvelles
données balistiques et cinétiques, défiera toute
description de littérature fantastique ou de science-fiction.
TRIBOULET
(fou du roi)