Modernes héros

Comme chacun le sait, la lutte contre le racisme, le sexisme, l'islamophobie ou toute autre pensée impure est un noble sport: il faut affronter des hordes d'incultes, de moutons et, bien sûr, des manipulateurs et menteurs en tout genre. Il est indiscutable que tous ces gens sont coupables: les uns de ne pas s'informer auprès des maîtres de la tolérance, les autres de ne pas écouter les prêtres de ces beaux combats ou pire de s'y opposer ignominieusement. Il faut consentir d'immenses efforts dans un combat où l'ennemi bougera à peine. Heureusement, une juste haine est un carburant de premier ordre pour changer la société.

Il faut faire pression sur les individus, mais aussi sur l'Etat, de qui l'on peut exiger des égards particuliers pour tout groupe d'opprimés. En effet, ces derniers souffrent de la société actuelle: elle les rabaisse. On ne peut le tolérer, comme le montre un exemple allemand où il a fallu empêcher une manifestation contre les réfugiés1. La fin justifie les moyens. Pourquoi renoncer à la contre-manifestation, à la désobéissance civile, à la violence alors que l'ennemi est tout-puissant et se cache derrière le colosse étatique? La justice et l'égalité méritent qu'on se salisse les mains. Par exemple, les fachos sont des êtres violents par nature, il est nécessaire de les empêcher de propager leur soif de sang, ce qui autorise à ne pas faire de quartiers!2 Evidemment, le combat est si inégal qu'il serait choquant que l'ennemi se permette d'user des mêmes moyens. La violence est à condamner dans son cas.

Toute plaisanterie mise à part, on ne peut que regretter l'autisme des bons idéologues qui prétendent sauver le monde. Il n'est plus concevable qu'une pensée honnête, intelligente et réfléchie puisse s'opposer à eux. La nuance n'est plus possible: on est avec ou contre eux – et donc un salaud. Par exemple, j'ai pu lire que si Poutine était populaire ce n'était pas en raison de ses compétences ou de ses résultats, mais grâce à la propagande.3 Il paraît que les Russes ne sont plus des hommes mais des outils du pouvoir…

Il est affligeant de voir que le pain et les jeux ont été remplacés de cette façon. Les Romains regardaient des mises à mort; maintenant la mise à mort est pratiquée au sens figuré. La fièvre du combat des gladiateurs anime ceux qui n'ont pas d'autre but dans la vie. La haine les fait se lever le matin, mais ils prétendent la combattre. Ils veulent apporter la lumière au monde mais s'enferment dans leurs ténèbres. La peur de perdre cette occupation les pousse à s'y accrocher bien après que le but est atteint. Au besoin, ils créent le problème – par exemple, en exigeant des quotas de femmes dans les positions dirigeantes sans se soucier de ce qu'elles veulent ni de leurs compétences. Ils ne cherchent plus l'égalité, mais un combat. Le moyen est devenu la fin. Ils se complaisent dans la victimisation.

Veulent-ils vraiment changer le monde, au fond?

Alcibiade

 

1 http://musicologie.org/actu/2015/11/l_opera_de_mayence_ecrase_une_manifestation_d_extreme_droite.html.

2 https://www.solidarites.ch/vaud/?p=2957.

3 http://www.nzz.ch/meinung/kommentare/aufstieg-und-fall-des-homo-putinicus-die-russen-werden-sich-nicht-ewig-ducken-ld.129623

Thèmes associés: Divers - Egalité, discriminations - Politiques diverses

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