C'est du beau!

Au cours du deuxième week-end de juin, dans le village genevois d'Hermance, le distributeur de billets de la banque Raiffeisen s'est déréglé et s'est mis à faire des cadeaux: il distribuait deux fois plus d'argent que demandé sans débiter les comptes. Bien entendu, il s'est trouvé quelqu'un pour répandre la nouvelle, laquelle a fait le tour du village en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire.

J'aurais voulu lire dans l'organe de presse qui m'a informée de cette affaire que la personne qui avait découvert le dysfonctionnement, non contente d'en informer ses concitoyens, avait également averti la police, afin que celle-ci puisse empêcher l'accès au distributeur, voire prévenir le directeur de l'agence pour qu'il rétablisse la situation. Il semble que ce ne soit pas le cas, puisqu'«une file d'attente s'est rapidement constituée, et certains ont fait le voyage depuis la France voisine pour profiter de la générosité de la machine».

Je dois être restée coincée à une autre époque, une époque où la plupart des gens qui avaient trouvé un porte-monnaie jugeaient normal de le rendre à son propriétaire ou de l'apporter aux objets trouvés sans que la presse ne chante les louanges de cet acte exceptionnel et même héroïque; où ceux à qui une caissière avait rendu trop d'argent trouvaient en général normal de signaler l'erreur au lieu de profiter de l'aubaine; où des gens réputés honnêtes ne se transformaient pas en pilleurs de banques quand un distributeur de billets faisait des bêtises.

C'est l'âge, sans doute! Je me transforme gentiment en un vieux machin complètement déconnecté de la réalité.

Par la suite, la machine vidée puis rechargée s'est vengée en divisant par deux les sommes réclamées. Mais ça ne change rien au fait que des gens qui se décriraient comme parfaitement respectables – bons maris, bonnes mères, étudiants méritants, honnêtes travailleurs – ont trouvé normal de voler de l'argent.

M. P.