Eloge de la décroissance

«La croissance est devenue le veau d'or moderne, la formule magique qui permet de faire l'économie de la discussion et du raisonnement.»
Dominique Méda, Qu'est-ce que la richesse? - 1999


Il est surprenant que le syndic de la commune la plus insignifiante appelle de ses vœux, très régulièrement, la croissance, par quoi il entend généralement la croissance démographique (la seule qu’il soit susceptible de comprendre, à son niveau), et non la croissance économique qui ne lui est pas synonyme.

Il est fier que le nombre des habitants de sa commune ait gagné 12 % depuis le dernier recensement et il le proclame. D’ici à supposer que ce gain de bipèdes va nous conduire inéluctablement vers des lendemains qui chantent, il n’y a qu’un pas que franchissent allègrement les rhéteurs de cantines.

En soi, un accroissement de population ne signifie rien d’autre… qu’une augmentation de la population. Si l’on espère qu’une telle augmentation entraînera une augmentation du produit intérieur brut, global ou par habitant, une meilleure répartition des richesses, une élévation du niveau de vie générale, encore faut-il que ces nouveaux habitants, gagnés par natalité ou par immigration, soient des acteurs économiques susceptibles de produire plus de richesse qu’ils n’en consommeront.

Après la deuxième guerre mondiale, l’accroissement de la population suisse dû à l’immigration italienne, espagnole, portugaise et même balkanique fut fructueuse pour nous: grâce à une législation sur les saisonniers cruelle pour les intéressés mais très avantageuse pour nous, la Suisse a pu bénéficier pendant plus d’un demi-siècle d’une main-d’œuvre travailleuse, sérieuse, régulière et bien portante.

La suppression du statut de saisonnier – statut qui interdisait le regroupement familial – et l’ouverture des frontières à toute l’Union européenne (et non seulement à la racaille d’Annemasse), aux travailleurs et à leur famille, change évidemment la donne.

Il n’est plus du tout certain qu’une augmentation de la population corresponde à une amélioration de la croissance ou du développement, à une progression de la richesse ou à une meilleure qualité de vie, bien au contraire!

L’AI est en faillite. Les caisses de pension sont en difficulté. Les Centres sociaux régionaux croulent sous les dossiers de personnes en état de grande précarité, les maîtresses d’école devraient parler quinze langues pour se faire comprendre de leurs classes, dont le serbo-croate, l’arabe, le bambara, le sarakolé, le foulani, le mandé, le malinké, le swahili, le lingala, le wolof, le dyula, le fang, le sénoufo, le haoussa, le kikongo et le mina.

De façon générale, on peut affirmer sans une once de xénophobie que l’immigration exotique, constituée essentiellement de personnes sans qualifications professionnelles, mais dotées d’une grande famille, augmente la croissance (démographique) et diminue la richesse économique de tous.

Je rêve d’un politicien qui aurait l’intelligence, et le courage, de prôner la nécessité de la décroissance démographique pour assurer une meilleure croissance économique: moins de monde, moins d’écoles, moins d’EMS, moins de stades olympiques, moins de 4x4 dans les villes, moins de centres d’accueil pour requérants d’asile et moins de rentiers AI dépressifs.

Et le syndic pourrait fièrement proclamer, dans son allocution du 1er août: «Le nombre d’habitants a heureusement régressé, ce qui va améliorer de façon significative l’état de nos finances.»

Vive la décroissance!

Claude Paschoud

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