Appareil critique

Le livre Mein Kampf, rédigé par Adolf Hitler entre 1924 et 1925, est tombé dans le domaine public le 1er janvier de cette année, après l'extinction des droits détenus depuis septante ans par l'Etat de Bavière. Arguant de motivations pédagogiques – mais peut-être aussi par intérêt commercial? –, des éditeurs ont décidé de rééditer l'ouvrage, en flanquant le texte original d'un solide appareil critique rédigé par des spécialistes et destiné à démasquer, dans chaque paragraphe, les mensonges, les falsifications, les exagérations, les idées inacceptables. Cette mise en perspective est nécessaire, nous dit-on, pour éviter que le lecteur ne se laisse abuser par les propos de l'auteur et ne tombe dans ses pièges.

Disons-le tout net, cette idée nous séduit et il nous semble qu'elle devrait se généraliser, s'imposer un peu partout dans notre société.

Y a-t-il en effet un seul titre de la grande presse qui ne nécessiterait pas, lui aussi, un solide appareil critique? Tenez, par exemple, lorsque le quotidien 24 heures publie un article intitulé Après les agressions de Cologne, les réfugiés trinquent (édition du 6 janvier), où un correspondant en Allemagne ose écrire: «On ne sait encore rien des agresseurs de la Saint-Sylvestre à Cologne.» Il serait opportun, pour éviter d'induire le public en erreur, d'ajouter en marge un gros point rouge indiquant: «Ici, le journaliste ment. Il sait que les agresseurs sont des individus africains et nord-africains.» Lorsque le même article admet à demi-mot, un peu plus loin, que les agressions sont «vraisemblablement le fait de jeunes hommes d'origine étrangère», mais affirme ensuite qu'«aucun indice ne permet pour l'instant de mettre en cause des réfugiés ou des demandeurs d'asile», il ne serait pas superflu d'attirer l'attention du lecteur sur ce grossier contresens. On pourrait aussi faire intervenir un psychologue, afin d'expliquer, en note de bas de page, que le journaliste apparaît ici dépassé par les événements, paniqué face à une réalité qui n'entre pas dans sa grille de lecture idéologique, et qu'il tente pathétiquement, comme la plupart de ses confrères, de nier cette réalité. D'autres experts devraient s'exprimer pour mettre en perspective les propos lénifiants du journaliste, en rappelant notamment que le nombre des femmes qui ont eu le courage de déposer plainte s'est rapidement élevé à plus de six cents, que tous les témoignages sur ces agressions concordent, et que la police a reçu des consignes pour minimiser ou taire certaines informations.

A l'heure où une camarilla de négationnistes collabos lance une opération de désinformation de grande envergure pour minimiser grossièrement ces attaques et faire croire qu'elles ne sont qu'une invention de l'extrême-droite, un solide appareil critique serait bienvenu, afin d'éviter que les consommateurs de la grande presse ne se laissent abuser.

Sans ces indispensables précisions, certains individus naïfs risqueraient en effet de tomber dans le piège et de croire réellement à l'argumentation des médias. Pire: en lisant une telle prose sans précaution, ils pourraient aussi être tentés de détourner ces méthodes de manipulation pour les réutiliser à leur propre avantage. Imaginez un peu que des centres de réfugiés brûlent, que des immigrés se fassent chasser des établissements publics à coups de bâton, que des «hommes à la peau sombre» soient insultés et frappés en pleine rue, et qu'on ne sache rien des agresseurs! Imaginez qu'aucun indice ne permette de mettre en cause les mouvements nationalistes! Imaginez que la maire de Cologne (dont la délicate physionomie laisse envisager qu'elle n'a jamais été harcelée par qui que ce soit) soit finalement obligée de donner des conseils aux migrants pour qu'ils adaptent leur comportement afin de ne pas provoquer ces agresseurs dont on ignore tout!

Pollux

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