Editorial

Le peuple suisse a pourtant été patient: l'article constitutionnel 121, chiffres 3 à 6, qui prescrit le renvoi des étrangers «s'ils ont été condamnés (…) pour meurtre, viol ou tout autre délit sexuel grave, pour un acte de violence d'une autre nature tel que le brigandage, la traite d'êtres humains, le trafic de drogue ou l'effraction ou s'ils ont perçu abusivement des prestations des assurances sociales ou de l'aide sociale», était pourvu d'une disposition transitoire, à l'article 197 chiffre 8, qui donnait au législateur un délai de cinq ans (dès l'acceptation de cette disposition par le peuple et les cantons, le 28 novembre 2010) pour définir les faits constitutifs et les compléter.

En violation flagrante de la modification constitutionnelle approuvée en 2010, aussi bien de sa lettre que de son esprit, le Parlement a approuvé, le 20 mars 2015, une législation d'application qui donnerait aux tribunaux la possibilité de renoncer à l'expulsion, même de criminels dangereux, si ce renvoi de Suisse plaçait le voyou «dans une situation personnelle grave».

L'UDC a donc lancé une nouvelle initiative, dite «de mise en œuvre», entièrement rédigée, qui prendrait place à l'art. 197 chiffre 91 et qui serait donc immédiatement applicable. On y détaille tous les comportements qui devraient entraîner une expulsion du criminel étranger après sa condamnation définitive et l'exécution de sa peine (carton rouge) et les délits moins graves qui seraient sanctionnés par un sérieux avertissement (carton jaune), deux cartons jaunes équivalant à un carton rouge.

Plusieurs professeurs de droit hostiles à l'UDC ont déclaré que ce système, par sa rigidité, était contraire au principe de proportionnalité.

C'est à la fois juste et faux. Il est vrai que la mesure d'expulsion sera applicable à tous les criminels étrangers, même si le criminel est un «secondo» né en Suisse qui ne parle pas un mot de la langue en usage dans son pays d'origine. Sa situation personnelle et ses motivations, ainsi que les circonstances atténuantes qu'il pourrait faire valoir, le juge en tiendra compte dans le prononcé de la peine et dans le prononcé d'un sursis éventuel, mais pas dans l'ordre d'expulsion.

Mais une certaine proportionnalité est néanmoins prescrite pour les étrangers qui ne peuvent être renvoyés parce qu'ils risqueraient, sur le territoire de l'Etat d'accueil, la torture ou tout autre traitement ou peine cruels ou inhumains. Elle existe aussi au niveau de l'interdiction d'entrée, comprise entre cinq et quinze ans, vingt en cas de récidive.

Pour le reste, on est conscient que l'expulsion mettra presque tous les étrangers qui en seront l'objet dans une situation personnelle grave. C'est d'ailleurs un des buts recherchés, l'attache au plafond d'une épée de Damoclès bien visible et impitoyable. Il faut que chaque juge sache que l'intérêt public à l'expulsion des criminels étrangers l'emporte toujours sur l'intérêt privé de l'étranger à demeurer en Suisse, après l'exécution de sa peine, même si cet intérêt est digne de considération (par exemple, le criminel vient de se marier, il est père de famille, il est sur le point d'obtenir un titre académique, il est gravement malade…). Il faut que chaque étranger tenté par la délinquance sache qu'il risque d'être renvoyé dans un pays dont il ne connaît plus rien, où il n'a peut-être plus aucun parent ni aucun ami.

Le renvoi des criminels étrangers ne viole aucune norme impérative de droit international. Comparable à une sorte de mise à mort civile, la mesure est grave, mais le trouble social engendré par la délinquance récidiviste est encore plus grave.  

L'édition spéciale publiée par l'UDC récemment nous apprend qu'en additionnant toutes les condamnations concernées par l'initiative, plus de dix mille étrangers devraient être contraints chaque année de quitter la Suisse. Si cette statistique est vraie, elle révèle une situation effrayante et on se réjouit que l'initiative dite «de mise en œuvre» de l'UDC soit acceptée le 28 février prochain.

Pour le renvoi effectif des criminels étrangers: OUI

Claude Paschoud

 

1 La récolte des signatures pour l'initiative UDC «de mise en œuvre» a débuté avant l'introduction dans la Constitution de l'art. 75b (sur les résidences secondaires), qui a fait l'objet de la disposition transitoire art. 197 chiffre 9, avant l'art. 95 al. 3 (nouvelles règles pour les sociétés anonymes cotées en bourse), qui a donné lieu à la disposition transitoire art. 197 chiffre 10, et avant l'art. 121a (sur la gestion de l'immigration), qui a donné lieu à la disposition transitoire figurant à l'art. 197 chiffre 11.
Il est donc possible que la disposition sur laquelle nous voterons soit l'art. 197 chiffre 12 ou qu'elle soit effectivement l'art. 197 chiffre 9, comme l'écrit le texte de l'initiative, et que les dispositions transitoires portant actuellement les chiffres 9, 10 et 11 soient renumérotées en chiffres 10, 11 et 12.

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