Le droit et les principes

«La guerre redoutable depuis longtemps entreprise contre la divine autorité de l'Eglise a eu l'issue qu'elle devait avoir: elle a mis en péril la société en général, et tout spécialement le pouvoir civi1, qui est le principal soutien du bien public.»

Léon XIII: encyclique Diuturnum illud sur l'origine du pouvoir civil, 29 juin 1881.

Monsieur Christoph Blocher préside le comité «Non à l'adhésion insidieuse à l'Union européenne» et invite ses concitoyens à le rejoindre pour combattre l'accord que le Conseil fédéral entend conclure avec l'Union européenne (UE), accord qui implique l'obligation pour notre pays de reprendre les lois de l'UE et la reconnaissance de la Cour européenne de justice comme instance judiciaire suprême pour la Suisse, et ceci alors même que notre pays ne fait pas partie de cette union.

Très logiquement, mais d'une manière gravement lacunaire, que nous dénonçons ici,  M. Christoph  Blocher conclut: «Cet accord contraint la Suisse à reprendre automatiquement le droit européen, actuel et futur, dans tous les domaines concernés par des contrats conclus ou à conclure avec Bruxelles et, en cas de litige, la Suisse devra se soumettre au droit et aux juges étrangers (…) La souveraineté de la Suisse et notre démocratie directe sont en jeu.»1

Malgré l'évidente opportunité de cette lutte, je n'adhérerai pas à ce comité interpartis. En voici la raison, elle est essentielle et touche au principe même du droit. Il n'appartient pas, en effet, à un régime politique, quel qu'il soit, de corriger par des moyens politiques les effets d'un crime formellement prévu par sa propre législation pénale. C'est là un principe fondamental de rectitude dans l'action et dans l'exercice responsable, civilement en particulier, de l'esprit critique.

Notre code pénal, en son titre treizième, comporte la mention et la définition du crime – oui, il s'agit bien d'un crime au sens légal!2 – suivant: Atteinte à l'indépendance de la Confédération. En voici la définition: «Celui qui aura commis un acte tendant à porter atteinte à l'indépendance de la Confédération ou à mettre en danger cette indépendance, ou à provoquer de la part d'une puissance étrangère, dans les affaires de la Confédération, une immixtion de nature à mettre en danger l'indépendance de la Confédération, sera puni d'une peine privative de liberté d'un an au moins.»3

Le reproche grave que je fais ici à Monsieur Christoph Blocher consiste a faire acception des personnes pour esquiver un devoir prioritaire: la dénonciation  pénale, dès lors qu'elle est objectivement fondée, de quiconque agit en violation flagrante du code pénal.

En revanche, j'adhérerai aussitôt à un comité d'initiative prévoyant la dénonciation nominale et publique de toute personne dont les actes répondent à la définition de ce crime, et ceci quelles que puissent être ses fonctions officielles ou politiques.

Michel de Preux

 

1 Voir notamment le Temps, éd. du 3 août 2015 en page 16, et le Nouvelliste du même jour en page 24.

2 Selon l'article 10 du Code pénal «sont des crimes les infractions passibles d'une peine privative de liberté de plus de trois ans», ce qui peut être le cas de l'infraction prévue à l'article 266.

3 Art. 266 CPS. Dans son commentaire du code pénal, Paul Logoz donne les précisions suivantes au sujet de ce crime: il s'agit de «tout acte dirigé contre l'indépendance de la Confédération en tant qu'Etat souverain. On a cité comme exemple une propagande publique en faveur du rattachement de la Suisse à un autre Etat (…) L'art. 266 ch.1 alinéa 2 va plus loin. Il parle non seulement d'atteinte à l'indépendance de la Confédération, mais de la mise en danger de cette indépendance (…) La loi a voulu atteindre déjà les actes préparatoires.» (Commentaire du code pénal, Partie spéciale, tome 2, p. 592/3).

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