Mille coups de fouet

Est considérée comme prisonnier d'opinion toute personne détenue ou restreinte dans sa liberté du fait de ses convictions politiques ou religieuses ou pour toute autre raison de conscience […] et qui n'a pas usé de violence ni incité à la violence ou à la haine.

Telle est la définition du prisonnier d'opinion selon Amnesty International.

On comprend immédiatement qu'il existe deux catégories de personnes persécutées en raison de leurs idées, de leurs recherches scientifiques, de leurs opinions: les gentilles, incarcérées en Arabie séoudite, en Azerbaïdjan, au Barhein, en Biélorussie, au Cambodge, en Chine, en Corée du Nord, à Cuba, en Erythrée, en Ethiopie, en Gambie, en Inde, en Iran, en Israël, au Kirghizistan, au Koweït, au Maroc, en Ouzbekistan, en Russie, au Soudan, en Syrie, en Thaïlande, en Tunisie ou au Vietnam, et les méchantes, qui ne méritent aucune indulgence, parce que leurs opinions sont assimilées à des incitations à la haine, et qui sont incarcérées en Allemagne, en Autriche, en France, en Suisse et dans d'autres pays civilisés où règnent la liberté d'expression et la défense des droits de l'homme.

Le sort du malheureux blogueur séoudien Raif Badawi, qui a été condamné à dix ans de prison, à l'équivalent de 270'000 euros d'amende et surtout à mille coups de fouet pour «insulte à l'islam», a justement ému la planète. Il ne fait aucun doute que les pressions exercées maladroitement sur la justice séoudienne par des chancelleries étrangères imprudentes ont contribué à anéantir toutes chances de grâce par le roi et de pardon par tous les musulmans.

Il n'en reste pas moins que l'insulte à l'islam n'est pas assimilée, en Arabie séoudite, à une incitation à la haine. M. Badawi peut donc subir le fouet avec la consolation qu'il est bien considéré comme un prisonnier d'opinion selon les critères d'Amnesty International par les milliers de crétins qui ont défilé sous la bannière Je suis Charlie.

Les nombreux prisonniers révisionnistes, c'est-à-dire les chercheurs qui mettent en doute la réalité historique des chambres à gaz homicides durant la seconde guerre mondiale, n'ont pas ce privilège. Le résultat de leurs recherches, de leurs travaux, de leurs expertises heurte la religion de l'Holocauste, laquelle est, semble-t-il, en Occident la seule dont il est interdit de douter. Les tribunaux ne les condamnent d'ailleurs pas pour avoir émis des opinions contraires à la foi commune, mais – à des peines de prison ferme – pour incitation à la haine.

Il ne suffit pas de proclamer que vous n'éprouvez aucune haine à l'égard de quiconque, que vos recherches et leurs conclusions sont fondées exclusivement sur la réalité des faits; vous ne serez pas entendus, parce que toute remise en cause de l'existence des chambres à gaz homicides est une preuve suffisante d'incitation à la haine. Or, il n'existe pas de liberté d'expression pour celui qui incite à la haine.

Dans un récent article de Plaidoyer1, M. Tarek Naguib, collaborateur scientifique au Centre de droit social de l'Université des sciences appliquées de Zurich, admet que la condamnation d'opinions racistes – auxquelles est assimilé le révisionnisme en vertu de l'art. 261bis du Code pénal – est une attaque contre la liberté d'expression, mais elle est justifiée, selon l'auteur, parce qu'elle «défend aussi l'expression de toutes ces personnes touchées par le racisme et qui se taisent». En d'autres termes, il faut brimer la liberté d'expression de ceux qui s'expriment pour protéger la liberté d'expression de ceux qui ne s'expriment pas.

Les bonnes âmes et les cœurs sensibles qui militent en faveur de la liberté d'expression devraient manifester une certaine cohérence. Se contenter de la formule «le racisme – ou le révisionnisme, ou l'insulte à l'islam… – n'est pas une opinion, c'est un crime» n'enrichit pas le débat puisque n'importe quelle opinion minoritaire pourrait être qualifiée de crime, comme c'est le cas, par exemple, en Arabie séoudite aujourd'hui encore.

Comme la Shoah est une religion, sa mise en cause est un blasphème. Or, comme l'observe Corinne Leveleux-Teixeira dans un article remarquable paru dans la Revue de l'histoire des religions2, «crime du signe, le blasphème est aussi un crime de l'interprétation, pris en charge par une police du discours dont la finalité première est moins pratique qu'idéologique. En activant la répression, cette police opère un choix et pose un sens qui n'est pas donné au départ, mais qui est désormais présenté comme seul valide».

Dans le Dictionnaire de la laïcité3, Jean-Luc Mélanchon signe une contribution intitulée En République, le blasphème n'existe pas. Il est vrai qu'en France non seulement le blasphème contre le christianisme ou contre l'islam n'est pas réprimé mais l'hebdomadaire le plus répugnant du genre a suscité une vague de solidarité lorsque ses dessinateurs ont été tués par  des disciples d'Allah.

La seule religion à laquelle il est interdit de toucher est la religion holocaustique: elle a ses saints, ses miracles, ses martyrs, ses prêtres et son Inquisition. Malheur à celui qui ne croit pas!

Avant d'intervenir en Arabie séoudite pour sauver M. Badawi du fouet, les apôtres de la liberté d'expression pourraient intervenir pour exiger la libération des historiens, des ingénieurs, des avocats révisionnistes en Europe.

Claude Paschoud

1 N° 3/15 page 22.

2 4/2011.

3 Armand Colin.

Thèmes associés: Ethique - Révisionnisme - Société

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