Editorial

En droit privé, une redevance est une prestation en argent qui est versée périodiquement au propriétaire d'un droit de propriété intellectuelle (droit d'auteur, brevet, nom commercial, dessins ou modèles) par la ou les personnes qu'il a autorisées à en poursuivre l'exploitation à leurs risques.

En droit public, la redevance (Abgabe),  l'émolument (Gebühr) ou la charge de préférence (Vorzugslast), qui constituent des contributions causales, sont des contributions publiques perçues en échange d'un avantage ou d'une prestation déterminée de l'Etat ou de la mise en œuvre d'un service de l'Etat.

La quotité doit être en rapport avec le coût de la prestation (principe d'équivalence) et doit être telle qu'elle assure la couverture de ce coût. Si son produit l'excède sensiblement, la contribution causale perd son caractère et devient un impôt.

La situation de la radio et de la télévision en Suisse est assez étrange: il existe une entreprise de radio et télévision officielle, la RTS, qui bénéficiera, si la nouvelle loi est adoptée, d'un droit à l'essentiel des contributions publiques, et quelques diffuseurs privés, auxquels on octroiera des miettes.

La presse écrite, elle aussi et probablement plus que la radio et la télévision, «contribue à la formation et au développement culturel, à la libre formation de l'opinion et au divertissement», comme le prescrit l'art. 93 al. 2 de la Constitution. Mais elle n'a droit à rien, si ce n'est, pour certains titres, à un allègement des coûts postaux.

Un mastodonte officiel tel celui qu'on s'apprête à faire de la Radio Télévision Suisse (RTS) peut-il être considéré comme un service public au même titre que la sécurité assurée par la police, la santé publique par les hôpitaux, l'éducation par les écoles? On peut en débattre.

Mais ce débat n'a pas lieu, car la Confédération a choisi de mettre la charrue avant les bœufs: on discute du coût et de la répartition des charges d'une prestation dont la nécessité n'est pas mise en cause, pas plus que le budget.

Le produit de la redevance, telle qu'elle est conçue dans la nouvelle loi, devient un impôt puisqu'elle sera due même par des personnes qui ne possèdent aucun appareil susceptible de capter les émissions. Un récent arrêt du Tribunal fédéral semble déclarer que l'administration fiscale ne saurait considérer que les factures de Billag sont soumises à la TVA, puisqu'elles ne correspondent pas à une prestation. On serait donc déjà dans le cadre d'un impôt.

Mais ce qui est choquant, c'est que le Conseil fédéral va pouvoir augmenter le montant de la redevance, chaque année, en fonction des requêtes de la RTS, qui enflera comme la grenouille de la fable, au motif que cette redevance n'est pas vraiment un impôt, puisqu'elle ne couvre que les coûts effectifs.

Dans ce schéma, M. Roger de Weck, patron de cette grenouille dont le salaire annuel dépasse le demi-million, n'a aucune raison de se restreindre: son budget est déjà largement supérieur au milliard et il songe à de nouvelles applications sur internet…

Il faut adopter la démarche inverse: déterminer d'abord la nécessité d'un media de service public. En quoi et dans quel domaine la radio et la télévision d'Etat peuvent-elles faire plus ou mieux qu'une radio ou qu'une télévision privées, qu'un journal, qu'un magazine?  Puis il faut envisager les différents moyens de financer la diffusion de l'information et de la culture: abonnements, mécénat, appui étatique?

Enfin, et en dernier lieu, on pourrait fixer le mode de perception d'une redevance et son montant.

Nous  voterons résolument NON à la loi fédérale du 26 septembre 2014 sur la radio et la télévision.

Claude Paschoud

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