Liberté d'expression

Claude PaschoudLe Pamphlet n° 440 Décembre 2014Article bonus du 8 janvier 2015

L'attentat meurtrier contre les rédacteurs de «Charlie Hebdo» a suscité, comme il fallait s'y attendre, une émotion légitime et considérable, compte tenu de la notoriété des victimes, mais également des milliers de réactions boursouflées et imbéciles tentant de nous faire croire que la démocratie, la liberté d'expression et les valeurs morales étaient toutes éminemment représentées par cet hebdomadaire satirique iconoclaste.

Terrorisme

Ce sont souvent les mêmes qui n'ont pas cessé d'approuver les mouvements terroristes en Libye, en Irak ou en Syrie, qui n'ont jamais manqué d'encourager la lutte contre l'autorité de MM. Kadhafi, Hussein ou Assad, par tous les moyens violents, ce sont ceux-là qui aujourd'hui crient au fascisme et à l'obscurantisme, parce que des musulmans exaltés ont suivi au pied de la lettre les prescriptions de leur Livre sacré en éliminant les blasphémateurs.

Les mêmes défenseurs des libertés qui n'ont pas sourcillé lorsque les bombes et les obus s'abattaient sur la Serbie, sur l'Irak ou dans la bande de Gaza sur des populations civiles réellement innocentes exhibent ce matin leur bruyant désarroi après l'assassinat des dessinateurs provocateurs les plus talentueux de la presse française.

Est-on légitimé à condamner les actions terroristes ici, lorsqu'on les a encouragées constamment ailleurs?

Liberté d'expression

Il est bien sûr que le meurtre d'un adversaire politique, d'un contradicteur, d'un dessinateur de presse, est une atteinte à la liberté d'expression. On observera néanmoins que l'indignation de la classe politique et des journalistes ne se déchaîne que lorsque les victimes sont de gauche ou d'extrême gauche. La violente cabale contre les spectacles de M. Dieudonné Nbala n'était pas une atteinte à la liberté d'expression. Les torrents de haine diffusés par la presse sioniste contre M. Alain Soral n'ont rien à voir avec une entrave à la liberté d'expression. Les condamnations de MM. Faurisson ou Raynouard pour une prétendue «incitation à la haine raciale» ne limitent aucunement la liberté d'expression de ces chercheurs.

Lorsque le professeur Faurisson s'est fait massacrer par des nervis identifiés d'une organisation extrémiste sioniste, et qu'il a été laissé pour mort dans un parc public, on n'a pas déclenché un plan vigipirate, ses agresseurs n'ont jamais été interpellés et la presse a laissé entendre qu'«il l'avait bien cherché» en mettant en doute les dogmes de la Shoah.

La liberté d'expression ne protège que la diffusion des opinions tolérables, que les caricatures, même les plus grossières, destinées à ridiculiser le christianisme, le pape, ou l'islam et son prophète, mais évidemment pas les mythes fondateurs de l'Etat d'Israël. A ce sujet, Mme Brunschwig-Graf tient le même discours que celui des autorités soviétiques, aux plus belles heures du terrorisme d'Etat, lorsqu'on envoyait les dissidents au Goulag ou en asile psychiatrique: «Ce n'est pas une opinion, c'est un délit.» C'est lorsqu'une législation spécifique qualifie une opinion hétérodoxe de délit qu'on reconnaît le totalitarisme d'Etat.

Pas d'amalgame?

C'est le mot d'ordre essentiel, répété sur tous les tons par les musulmans de toutes obédiences officielles: ne confondez pas l'islam et l'islamisme radical. L'islam est une religion de paix, de fraternité et d'amour. Si les tueurs de Charlie Hebdo ont crié «le prophète a été vengé», c'est le signe de leur trouble psychologique, car c'est en réalité, par leur acte insensé, la religion musulmane, ses valeurs et les principes islamiques qui ont été souillés, comme le proclame Tariq Ramadan ou encore Dalil Boubakeur, lequel a l'audace de déclarer: «C'est un pan entier de notre démocratie [sic!] qui est gravement atteint.»

On nous avait déjà servi le même brouet après les attentats de New York et après les meurtres perpétrés par Mohamed Merah: «Pas d'amalgame!» Sans doute le Dr Jekhill a-t-il tout avantage à se distancier des abominations commises par Mr Hyde, mais il n'en reste pas moins vrai qu'il s'agit du même personnage. L'amalgame est non seulement inévitable, il est aussi légitime. Les préceptes de l'islam, dont l'islamisme dit radical est l'un des aspects, sont le fondement d'une religion, d'une philosophie, d'un système politique, d'une attitude à l'égard des femmes résolument incompatibles avec les valeurs occidentales et contre lesquels il est nécessaire de lutter. L'article 15 de la Constitution ne saurait être interprété comme une liberté d'œuvrer au remplacement de notre Etat de droit par un califat et par la charia. L'islamophobie, définie comme la peur de l'islam (et non pas comme la haine des musulmans) et la lutte résolue contre sa «Weltanchauung» est nécessaire.

Claude Paschoud

Source: www.claude-paschoud.ch/blog/

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