Contre l'immigration de masse: un autre avis

 

 Je serais tenté, comme Claude Paschoud dans le dernier éditorial du Pamphlet, d’approuver l’initiative «contre l'immigration de masse», dont le libellé est fort séduisant. Qui ne souhaiterait éviter à son pays les inconvénients d’une immigration excessive et mal contrôlée? Mais nous sommes tout de même censés nous prononcer sur le fond, sur le texte précis de l'initiative. Et là, hélas, l'UDC se trompe de cible, du moins en partie.

Le problème posé par l'immigration de masse est dû aux populations extra-européennes qui débarquent chez nous sans s'intégrer, modifient progressivement notre société, revendiquent des droits toujours plus étendus, profitent de nos systèmes sociaux et, pour une part trop importante au regard de leur nombre, encombrent nos prisons.

Il en va différemment des travailleurs européens. Certes, la libre circulation des personnes est fausse dans son principe, car tout pays doit pouvoir garder la maîtrise de son immigration. Mais il faut reconnaître que la suppression des contingents que l'on connaissait auparavant a été profitable aux entreprises, qui ne se limitent pas à engager des employés moins coûteux, mais se procurent aussi les services de travailleurs compétents qu'on ne trouve plus forcément chez nous. Les frontaliers français, notamment, sont généralement des gens efficaces et de commerce agréable, qui ne nous posent  pas de problèmes. Quant à la pression sur les salaire, elle doit et peut être contenue par une action efficace des partenaires sociaux.

Le  problème de la surpopulation, bien réel, trouverait déjà un début de solution si on renvoyait tous les étrangers qui vivent chez nous de la charité publique. Ce n'est pas en contingentant les travailleurs européens que l'on fera des miracles dans ce domaine.

Enfin, la dénonciation de l'accord sur la libre circulation, qui à mon avis n'entraînerait pas d'effets positifs extraordinaires, présenterait l’inconvénient de faire tomber d'autres accords parfois bien utiles et qu'il serait difficile de renégocier avec une UE qui nous déteste et ne nous ferait pas de cadeaux. Les accords bilatéraux actuels constituent une solution tout à fait acceptable, pour autant bien sûr que nos politiciens fassent preuve de fermeté, car l'UE ne cesse de s’étendre et les nouveaux  membres requièrent des traitements différents. Il n’y a pas grand-chose à dire contre la Croatie, pays catholique qui vient de refuser le mariage homosexuel; il en ira tout autrement de  l'Albanie et du Kosovo albanophone, tous deux musulmans. Mais l'initiative de l'UDC ne résout pas ces problèmes, puisqu’elle n'opère aucune distinction entre les pays de provenance.

Il est vrai que la Suisse survivrait probablement à la disparition des accords bilatéraux. Il est vrai aussi que la souveraineté ne doit pas céder la place au tout économique. Toutefois, le respect de notre souveraineté ne dépend pas de l’acceptation de l’initiative: tant que le pouvoir politique se soumettra aux maîtres chanteurs qui prétendent nous imposer leurs diktats, nous ne serons pas maîtres chez nous.

 

Michel Aubert

 

Thèmes associés: Economie - Politique fédérale

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